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WSWS : Nouvelles et analyses : Canada

Le « grand joueur » canadien exige des changements au sein du gouvernement afghan

Par Keith Jones
23 avril 2008

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Lundi dernier, le ministre des Affaires étrangères du Canada, Maxime Bernier, a publiquement exigé du gouvernement afghan qu’il congédie le gouverneur de Kandahar, la province où 2500 soldats des Forces armées canadiennes (FAC) sont déployés. Plusieurs heures plus tard, Bernier s’est rétracté en affirmant qu’il n’avait jamais eu l’intention d’empiéter sur le droit de l’Afghanistan, en tant que nation souveraine, de choisir son propre personnel gouvernemental.

Bernier fit sa demande vers la fin d’une visite de trois jours en Afghanistan au cours de laquelle il a rencontré des officiels afghans et le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner. La France a récemment accepté d’augmenter sa contribution à la force d’occupation des Etats-Unis et de l’OTAN en Afghanistan.

Lors d’une conférence de presse à Kandahar, Bernier déclara que le président afghan Hamid Karzaï devait « travailler avec nous pour s’assurer que le gouverneur [de Kandahar] ait plus de pouvoir, qu’il fasse ce qu’il a à faire pour nous aider. Il pourrait même être question d’un nouveau gouverneur.

 « Le président, poursuivit Bernier, doit décider de l’avenir du gouverneur actuel. Est-ce qu'il est la bonne personne, à la bonne place, au bon moment ? Le président Karzaï devra répondre à ces questions aussi tôt que possible. »

Quelques minutes plus tard, Bernier reprit ces commentaires en français, sa langue maternelle.

Selon le Globe and Mail, des représentants du Canada y compris Bernier ont fait pression, en privé, sur le gouvernement afghan afin qu’il remplace Asadullah Khalid en tant que gouverneur de Kandahar et, plus tôt durant la visite de Bernier, ils auraient fait promettre à Karzaï que Khalid serait évincé d’ici « quelques semaines ». Les représentants canadiens craignent maintenant qu’il soit difficile sinon impossible pour Karzaï de congédier Khalid, étant donné que cela serait clairement en réaction aux pressions du Canada, dont les troupes jouent un rôle majeur pour soutenir son gouvernement. « C’est un peu la ruée présentement », a déclaré un officiel canadien au Globe.

Plusieurs heures après la conférence de presse de lundi, Bernier se rétracta dans une tentative maladroite pour camoufler la relation néocoloniale existant entre la force d’occupation de l’OTAN et le gouvernement Karzaï. Dans un communiqué, le ministre des Affaires étrangères du Canada déclara, « L'Afghanistan est un Etat souverain qui prend ses propres décisions en matière de nominations gouvernementales. Je peux vous assurer que le Canada respecte pleinement ce fait et qu'il ne demande nullement au gouvernement afghan de faire des changements dans ce domaine. »

Le Toronto Star a rapporté, toutefois, que Bernier ne s’est corrigé qu’après que les diplomates afghans se soient objectés avec énergie à ses remarques. Une personne que le Toronto Star a décrite comme « une source haut placée à Kandahar » a dit à Bernier qu’il avait mis Karzaï dans une impasse. « S’il garde son gouverneur, Karzaï aura l’air d’ignorer les Canadiens. Mais s’il le change, il sera évident pour les Afghans où le véritable pouvoir se trouve ».

L’ambassadeur de l’Afghanistan au Canada a répondu aux remarques de Bernier en affirmant publiquement qu’il y avait des « limites » à la « relation particulière » entre le Canada et Kaboul. « Nous ne devons pas oublier cela ».

En plus du grand nombre de soldats déployés à Kandahar, le centre historique des talibans et une base de l’insurrection anti-Karzaï, les FAC ont une équipe d’une quinzaine d’officiers de diverses sections de l’armée agissant comme conseillers pour le gouvernement afghan, y compris au bureau de Karzaï.

Dans un éditorial publié mardi le 15 avril et intitulé « Bernier ne fait aucune faveur à Karzaï », le Globe and Mail a critiqué le ministre canadien des Affaires étrangères. Il n’a pas été critiqué pour avoir fait pression sur le gouvernement afghan, mais bien pour l’avoir fait publiquement. « Pour M. Karzaï… un problème plus sérieux que la présence de M. Khalid est la perception auprès de certains Afghans qu’il est à la tête d’un régime fantoche… Aussi, il est peu probable qu’il réponde favorablement à l’intervention de M. Bernier, qui pourrait plutôt le pousser à ne pas remplacer M. Khalid… Il est approprié de soulever les inquiétudes que l’on a avec M. Karzaï et d’autres dirigeants afghans, mais en privé. Plus [Bernier] cherchera à exercer son influence publiquement, moins le Canada aura d’influence en fin de compte. »

Le gouvernement canadien et les Forces armées canadiennes avaient jusqu’à tout récemment défendu avec énergie le gouverneur de Kandahar face aux allégations que son gouvernement provincial était corrompu et qu’il pratiquait la torture des prisonniers, des allégations que le gouvernement canadien a cherché, mais sans succès, à cacher à la population.

La raison pour laquelle le gouvernement canadien a changé son fusil d’épaule envers Khalid n’est pas claire, même s’il représente sans l’ombre d’un doute le caractère vénal et antidémocratique du régime que les FAC contribuent à maintenir en Afghanistan.

Une autre indication de l’étendue de l’influence et du pouvoir que le Canada détient en Afghanistan vient du fait qu’il a été suggéré que le remplaçant de Khalid pourrait être un jeune Afghan de 28 ans dont la seule qualification pour l’emploi réside dans le fait qu’il a développé des liens étroits avec le Canada et les militaires canadiens. Selon les comptes rendus de la presse, cet individu, qui est présenté sous le pseudonyme de « Pasha », a reçu une éducation universitaire au Canada et a servi d’interprète pour les FAC. Avec une population de près de 1 million de personnes, Kandahar est l’une des 34 provinces les plus populeuses de l’Afghanistan.

Le mois dernier, les deux principaux partis politiques au Canada, les libéraux et les conservateurs, ont uni leurs forces pour faire adopter une résolution au Parlement autorisant la prolongation de l’intervention des FAC dans le sud de l’Afghanistan de février 2009 jusqu’à la fin de 2011.

Le premier ministre conservateur, Stephen Harper a vanté le rôle dirigeant du Canada dans la guerre contre insurrectionnelle afghane. Avec un solide appui des grands médias canadiens, il a argué que le Canada ne pourrait faire valoir ses « intérêts et ses valeurs » — c’est-à-dire les intérêts de la grande entreprise canadienne – sur la scène mondiale s’il n’était pas prêt à déployer les FAC aux côtés des forces alliés dans la poursuite de la guerre.

En réfutant les critiques de l’opposition au sujet des commentaires de Bernier lors de sa conférence de presse à Kandahar, Harper a clairement indiqué que son gouvernement entendait utiliser les FAC pour faire pression sur le gouvernement de Karzaï. Il a dit : « Nous avons parlé au gouvernement afghan fois après fois concernant nos préoccupations sur la performance de ce gouvernement et nous allons continuer à lui parler de temps en temps. »

Louanges pour le chef des FAC

Cette semaine, le général Rick Hillier a annoncé qu’il démissionnait en tant que chef des FAC en juillet 2008. L’annonce de Hillier a été accueillie par un déluge d’éditoriaux dans les quotidiens canadiens, éditoriaux qui ont attesté de l’ampleur du virage vers le militarisme des élites canadiennes.

Ce fut Hillier qui a fait pression sur le gouvernement libéral de Paul Martin pour que les FAC soient déployées à Kandahar. Hiller considérait ce déploiement comme une occasion pour mettre un terme à la notion que l’armée canadienne était une « force de maintien de la paix », pour habituer la population au sang qui coule et pour faire pression pour l’élargissement et le réarmement des FAC.

En 2005, peu après avoir été promu au poste de chef de l’état-major, court-circuitant plusieurs officiers plus haut gradés que lui, Hillier a déclaré : « Nous ne sommes pas la fonction publique du Canada. Nous ne sommes pas seulement un autre ministère. Nous sommes les Forces canadiennes et notre travail est de tuer. »

Pendant des dizaines d’années, depuis les années 1960 en fait, la conception que le Canada était, au contraire des Etats-Unis, une nation de « gardiens de la paix », a été promue par les élites canadiennes comme un des fondements du nationalisme canadien. Mais, au moins depuis la guerre du Golfe en 1991, la bourgeoisie canadienne a de plus en plus considéré que cette notion était un empêchement à l’adoption d’une politique étrangère plus agressive.

Durant les années 1990, les FAC ont été à plusieurs reprises impliquées dans des actions militaires d’agression, déployant des troupes en Haïti et en Somalie et prenant un rôle de premier plan dans les campagnes de bombardements de la Yougoslavie entrepris par l’OTAN. Mais avec l’intervention afghane, les tentatives de l’élite pour faire des FAC l’instrument central de la politique étrangère canadienne et de fouetter le patriotisme militariste ont atteint une intensité qualitativement différente.

Une expression importante et lourde de sens de cet état de fait a été le large soutien dont a bénéficié Hillier lorsqu’il a pris une visibilité publique sans précédent. Le chef des FAC a cherché à mobiliser l’enthousiasme populaire pour l’intervention afghane, a critiqué les gouvernements précédents pour le niveau de financement de l’armée et, au nom de la franchise, a fréquemment contredit des ministres et des politiques gouvernementales.

En octobre dernier, Hillier a prononcé un discours important dans lequel il a ouvertement défié la notion démocratique essentielle de la subordination de l’armée au gouvernement civil élu. Il a dit lors d’une réunion de l’Association canadienne des diffuseurs qu’il était le « représentant » de ceux qui servaient dans les FAC et que, « d’une certaine façon, je suis autant à leur service [des soldats] qu’à celui du gouvernement du Canada et au service des Canadiens et du Canada lui-même ». Et pourtant, personne au gouvernement ou dans l’opposition, pas plus que dans la presse, n’a même critiqué Hillier.

Dans une entrevue qu’il a accordée au National Post le jour de sa démission, Hiller s’est vanté que sous sa direction, les FAC avaient réussi à « avoir une impulsion irrésistible ».

Il a continué « Je ne peux que répéter ce qu’un de mes commandants m’avait dit : "Nous n’essayons pas d’être parmi les grands joueurs, nous faisons partie des grands joueurs et nous devons commencer à agir comme si nous en étions." C’était un très bon commentaire parce qu’il reflétait notre place dans le monde. Le Canada s’est repositionné de façon significative dans le monde. Nous faisons maintenant partie des grands joueurs. »

Dans un éditorial plein de louanges pour Hillier, le National Post répétait les vantardises d’Hillier envers les FAC et, grâce à elles, au Canada faisant partie des « grands joueurs ».

Le Globe and Mail n’a pas été en reste. Hillier, pouvait-on y lire, « a parlé franchement et correctement du besoin pour les Canadiens de considérer leur armée comme une force de combat, en changeant l’image faite à Ottawa selon laquelle l’armée canadienne était une ONG. Il a redonné son mordant aux Forces canadiennes… »

« Le général Hillier a représenté quelque chose de noble au Canada, un pays qui a été historiquement, et qui est de nouveau, décidé à lutter pour ce qui est juste. »

Le quotidien libéral Toronto Star s’est aussi joint à la célébration des FAC et de la guerre. « L’intelligence et l’énergie » de Hillier, a écrit le Star, « ont revitalisé les Forces canadiennes, laissant à la nation une armée modernisée, plus mobile et avec une plus grande force de frappe. »

(Article original anglais paru le 18 avril 2008)


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