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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Allemagne : le SPD ouvre la porte à la privatisation des chemins de fer

Par Hendrik Paul
24 avril 2008

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La direction du Parti social-démocrate de l’Allemagne a ouvert la voie pour l’entrée en bourse des chemins de fer allemands. La compagnie des chemins de fer allemands (Deutsche Bahn, DB) est le plus grand service public restant en Allemagne.
La mesure qui a été prise, dimanche 13 avril, par le SPD aura de sérieuses conséquences à la fois pour les employés des chemins de fer et pour la population en général. Une fois que la bourse sera autorisée à déterminer le sort des chemins de fer, il en résultera inévitablement une réduction des emplois, un déclin des services et un accroissement des risques en matière de sécurité.

La direction du SPD a accepté un « compromis » signifiant que 24,9 pour cent du transport ferroviaire, à savoir le transport ferroviaire de marchandises et de passagers, seront cédés à des investisseurs privés. La question de la privatisation est une source de conflit au sein du SPD dans une situation où une majorité  écrasante de l’opinion publique est contre une telle démarche. Selon un récent sondage réalisé par l’Institut Emnid, 70 pour cent de la population rejette toute privatisation des chemins de fer et parmi les partisans du SPD ce chiffre passe à 73 pour cent.

Un accord a été conclu au sein du SPD après que le président du parti, Kurt Beck, ait abandonné sa propre proposition en acceptant à la place une version  édulcorée d’un modèle de holding avancé par le ministre allemand des Transports, Wolfgang Tiefensee, (SPD). Le « compromis » de Beck  représente en fait une capitulation devant l’aile droite de son parti.

Le virage de Beck a été  acclamé non seulement par ses critiques au sein du SPD, mais aussi par le gouvernement de grande coalition (unissant démocrates-chrétiens de la CDU-CSU et sociaux-démocrates du SPD) et le Parti libéral démocrate, FDP. La décision de Beck de suivre la voie de l’aile droite de son parti a été   également vue comme un moyen de consolider son emprise chancelante sur la direction du SPD et d’éviter une crise qui aurait ébranlé la coalition dirigeante.

L’automne dernier, le congrès du SPD avait déclaré : « Les investisseurs privés ne devraient exercer aucune influence sur la politique de gestion (des chemins de fer). La forme la plus appropriée  à cet  égard est l’option de titres préférentielle non soumise au vote. [... ] Nous rejetons toute autre forme de participation de la part des investisseurs privés. »

A présent, cette dernière décision permet aux investisseurs de déterminer la politique ferroviaire, le SPD a infligé un camouflet non seulement à ses adhérents, mais aussi à la population en général.

Le rejet de la privatisation, largement répandu au sein de la population, n’est pas seulement lié à la méfiance tout à fait justifiée envers la politique pratiquée par le gouvernement de grande coalition, mais aussi aux conséquences de la réforme des chemins de fer appliquée en 1994.

Depuis cette année-là, qui a marqué le début des préparatifs de la privatisation, la DB s’est débarrassée de plus de la moitié de son effectif initial (de 500 000 en 1994) et a considérablement augmenté le prix des billets. Dans le même temps, un quart du réseau ferroviaire (10 000 kilomètres) a été fermé, touchant tout particulièrement les régions rurales éloignées et qui manquent à présent d’un service ferroviaire adéquat. La sécurité ferroviaire a visiblement été affectée et, depuis 1994, des accidents de train se sont produits comme les déraillements d’Eschede et de Brühl qui ont coûté  la vie à 110 passagers.

L’opposition populaire à la privatisation s’est reflétée de façon déformée au sein du SPD et a provoqué  des mois de conflits, au risque de déchirer le parti. La question en jeu au SPD n’a, cependant, jamais été un rejet de principe de la privatisation, mais bien plutôt de savoir comment on pouvait donner l’impression de sauvegarder un quelconque contrôle centralisé du plus grand système de transport en Europe. Ou pour le dire plus simplement : le conflit tournait autour de la question de savoir comment tromper le public tout en s’inclinant devant les forces du marché.

Le « compromis » qui s’en est suivi et que Beck a décrit comme étant « impeccable sur le plan rationnel et un modèle économiquement responsable » est, du point de vue de l’opinion publique et des cheminots allemands, irresponsable et irrationnel.

D’abord, le projet de Tiefensee, qui a été accepté sépare, le réseau ferroviaire du service de transport, le réseau ferroviaire (le réseau ferré, les gares, l’électricité) restant dans le domaine public et étant financé par les deniers publics. Au vu de l’expérience désastreuse de la privatisation des chemins de fer en Grande-Bretagne où le démantèlement des structures ferroviaires a provoqué une série de grandes catastrophes, une telle décision est criminelle. Le gouvernement britannique était allé  plus loin encore et avait, à l’origine, privatisé aussi le réseau ferré, mais projette à présent la renationalisation partielle au vu des conséquences désastreuses.

La décision du SPD signifie que les chemins de fer allemands font le premier pas vers une répétition de l’expérience britannique, avec des intérêts contraires et concurrentiels en charge de l’infrastructure ferroviaire et de l’exploitation.

La démarche accélérera sans nul doute également le processus de réduction des services de transport. Des lignes moins rentables seront fermées en faveur de liaisons ferroviaires reliant les grandes villes par des trains à grande vitesse (et très chers). Selon la firme conseil KCW sise à Berlin, les services de transport ferroviaire longue distance dans l’Est de l’Allemagne se limiteront à l’avenir aux villes de Berlin, Leipzig et Jena. Toutes les autres grandes villes, y compris un certain nombre de capitales de Länder dans l’Est du pays seront largement isolées des liaisons ferroviaires, voire tout à fait privées de liaison.

La part relativement restreinte de 24,9 pour cent du système de transport mis à la disposition des investisseurs privés vise à donner l’impression que le système restera sous le contrôle majoritaire du gouvernement. Le projet initial avancé par le ministre des Transports prévoyait la vente de 49,9 pour cent du service de transport ferroviaire. La démarche ouvre toutefois la voie à davantage de privatisation, mais il est improbable que l’option de 49,9 pour cent ait été tenue pour réaliste à première vue, compte tenu de la situation boursière actuelle.

A l’avenir, le gouvernement n’aura qu’à évoquer des difficultés budgétaires chroniques pour justifier une économie de subvention au secteur ferroviaire, pour exiger une injection de liquidités et pour ouvrir la voie à une deuxième ou troisième série de privatisation.

Dans le même temps, il est faux de penser que le contrôle d’une entreprise en partie privatisée peut être garanti par un nombre suffisant de sièges occupés au conseil de direction par des personnes venant de la fonction publique. Le sort d’une compagnie n’est pas décidé par le comité directeur, mais plutôt par la bourse. La DB subit ce genre de pressions depuis sa réforme il y a 14 ans, bien qu’elle soit restée aux mains du service public durant tout ce temps. En 2000, déjà, le président de Deutsche Bahn, Hartmut Mehdorn, avait déclaré que la tâche principale était d’« améliorer de cinq pour cent par an l’efficacité de l’entreprise comme c’est le cas partout ailleurs ».

Le produit de la vente ne représente qu’une fraction de la valeur réelle de l’entreprise qui, selon les statistiques officielles du ministère du Transport, a une valeur totale de 55,4 milliards d’euros, soit 14 milliards d’euros pour des parts de 25 pour cent. Selon des articles de presse, l’offre la plus avantageuse serait de l’ordre de cinq milliards d’euros, ce qui signifie que deux tiers de la valeur d’une entreprise subventionnée par les contribuables durant des décennies se sont  évaporés.

Ensuite, seul un tiers du montant de cette vente servira d’investissement dans les opérations de l’entreprise et ce, bien que la nécessité d’une somme bien plus importante ait toujours été avancée pour justifier le besoin de privatisation. Le reste de la somme sera soit absorbé par le budget fédéral soit utilisé par la Deutsche Bahn pour augmenter son capital. Il ne fait aucun doute qu’une partie de cette somme servira aussi à octroyer une augmentation de salaire exorbitante aux membres du conseil d’administration de la DB.

Les syndicats allemands des cheminots sont avant tout préoccupés par leur propre rôle après la privatisation du rail. Les deux syndicats qui entretiennent les liens les plus étroits avec la direction de la DB, le syndicat Transnet et le syndicat des cheminots-fonctionnaires, le GDBA (Gewerkschaft Deutscher Bundesbahnbeamten, Arbeiter und Anwärter), soutiennent depuis quelque temps déjà  le projet avancé par le ministre des Transports, Tiefensee. Ils insistent simplement sur le fait que les intérêts de la bureaucratie syndicale « soient proprement assurés au moyen de contrats ou autres documents du genre. »

Le président du GDBA, Klaus-Dieter Hommel, s’est même révélé être un ardent défenseur de la privatisation. Dans un communiqué commun publié au début du mois par les deux syndicats, Hommel est cité comme suit : « De notre point de vue, la pire des solutions serait que la situation actuelle persiste. Cela porterait préjudice à la Deutsche Bahn face à la concurrence, sans être un mieux pour les chemins de fer en général. » Il réclame une « décision politique rapide ».

Le syndicat des conducteurs de train GDL rejette certes la privatisation et déclare son opposition à la suppression d’emplois et de lignes ferroviaires, mais dans le même temps, il soutient l’assujettissement de la DB à la concurrence internationale ce qui, affirme-t-il, est possible sans l’intervention d’investisseurs privés. Sur le site internet du syndicat, on peut lire : « Le GDL est d’avis que la DB est capable de développer sa position face à la concurrence nationale et internationale sans une entrée en bourse. Ceci est tout à fait possible compte tenu de l’efficacité prouvée par les cheminots et de l’utilisation optimale de son propre potentiel. »

Par « efficacité prouvée par les cheminots », le GDL entend sa propre volonté de subordonner les intérêts des cheminots à la compétitivité de l’entreprise. Après une grève de près d’un an avec la direction de la DB et au cours de laquelle le GDL avait limité sa campagne à une revendication salariale en refusant de soulever la question de la privatisation des chemins de fer, le GDL a tout fait pour prouver sa volonté de discipliner ses membres dans le but de mieux servir la direction.

(Article original paru le 19 avril 2008)


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