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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

La réforme de la représentativité syndicale met en évidence l’alliance Sarkozy-CGT

Par Alex Lantier
29 avril 2008

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La semaine dernière un remarquable échange a eu lieu entre le président Nicolas Sarkozy et la CGT (Confédération générale du travail). Le 18 avril, Sarkozy et un des principaux dirigeants de la CGT, Jean-Christophe Le Duigou, se sont fait, via des articles dans Le Monde et le Financial Times, des compliments pour avoir fait passer ce qu’ils affirment être des coupes sociales nécessaires. Cet échange, qui a eu lieu peu de temps après que Sarkozy et la CGT se soient mis d’accord sur une réforme sur la représentativité syndicale, donne une idée de la façon dont ils collaborent pour discipliner la classe ouvrière et lui faire accepter la politique de régression sociale du gouvernement conservateur.

Le long article de Sarkozy dans Le Monde, intitulé « Pour des syndicats forts » loue la réforme en question et définit la logique de sa collaboration avec les syndicats : « … j'ai l'intime conviction que, pour expliquer et mener à bien les réformes dont notre pays a besoin, nous devons le faire en partenariat étroit avec ceux qui représentent les intérêts des salariés et des entreprises... »

Pour bien comprendre ce commentaire, il faut revenir sur la réforme la plus significative effectuée par Sarkozy, la suppression l’automne dernier des « régimes spéciaux » de retraites des travailleurs de l’énergie et des transports publics et ce, malgré une grève des cheminots largement suivie. En octobre, la CGT qui est le principal syndicat dans les chemins de fer, appelait à des grèves d’un jour, empêchant, malgré l’hostilité de la masse des cheminots à leur égard, qu’elles ne se développent en une grève illimitée. Après une grève de dix jours en novembre, les syndicats se servirent de l’argument que des grèves n’entameraient pas la détermination du gouvernement, pour assommer les travailleurs politiquement et entraîner une reprise du travail.

A l’évidence, Sarkozy est pleinement conscient du fait que les syndicats sont les seuls à offrir le personnel et la crédibilité politique nécessaires pour forcer les ouvriers à accepter les coupes sociales. Dans une allusion indirecte à des coupes à grande échelle partiellement repoussées par des grèves massives en 1995, 2003 et 2006, il écrit : « Notre histoire sociale est suffisamment jalonnée de projets menés à la hussarde, sans concertation, et qui se sont soldés par de retentissants échecs, pour qu'on en finisse une bonne fois pour toutes avec l'idée d'un Etat qui serait seul à même de savoir ce qui est bon pour notre pays. »

Il a opposé cette méthode à sa propre collaboration étroite avec les syndicats : « Juste après l'élection présidentielle et avant même de rejoindre l'Élysée, j'ai tenu à recevoir les organisations syndicales et patronales pour les écouter et recueillir leurs positions sur les premières actions que je comptais entreprendre. Depuis, je continue à recevoir très régulièrement chacun de leurs représentants. Je les connais bien, nous avons parfois des divergences, mais notre dialogue est toujours franc. »

Il a ajouté : « Je pense par exemple à la réforme des régimes spéciaux de retraite, qui a pu être menée à bien à l'automne grâce à une intense période de concertation au niveau national et des négociations dans chacune des entreprises concernées. »

Bref, l’ensemble de la couche supérieure de la bureaucratie syndicale rencontrait tranquillement Sarkozy et collaborait avec ses plans de démolition des régimes spéciaux pendant que, devant les travailleurs des entreprises touchées et le public en général, elle se présentait comme l’organisatrice résolue de grèves contre les réformes de Sarkozy. Il faut ajouter que le silence des syndicats durant la semaine qui a suivi la publication d’un article de tête de cette importance dans un journal ayant l’influence du Monde est une admission tacite que ce que Sarkozy dit est vrai.

En fait, la CGT exprimait le même jour son approbation avec Sarkozy dans une interview donnée par Le Digou au journal britannique Financial Times et titré « Éloge du syndicat pour les prises de position du président ». Le Digou, numéro deux de la CGT et son responsable retraites, dit de Sarkozy : « Il comprend que nous devons donner une place au dialogue. Nous nous trouvons à un tournant dans la situation sociale de notre pays. Tout le monde pense que les choses doivent changer. »   

Pour réfuter le commentaire cynique de Le Digou, il faut se poser cette question : si la CGT est satisfaite du « dialogue social » de Sarkozy et pense que « tout le monde » est d’accord avec ses réformes, pourquoi a-t-elle organisé l’année dernière des grèves et des manifestations de protestation auxquelles ont participé des millions de personnes contre la politique de Sarkozy ?

La réponse est que, comme l’opposition et la colère massives montaient dans la classe ouvrière contre la démolition des retraites, la CGT a décidé de tendre un piège politique aux ouvriers, consistant à appeler à des grèves destinées à faire baisser la pression, mais ne représentant pas un défi politique pour le gouvernement. Comme il n’y a pas de parti révolutionnaire en France pour donner aux grèves une orientation politique, la CGT a finalement réussi à venir à bout des grévistes, les convainquant que leur opposition était sans espoir et qu’ils devaient retourner au travail.  

Malgré la défaite des travailleurs sur la question des régimes spéciaux, la grève a eu plusieurs conséquences importantes. Elle a inauguré une chute rapide de Sarkozy dans les sondages, celui-ci se trouvant à présent à 40 pour cent ou moins d’avis favorables et a conduit à des départs en masse de la CGT de la part d’ouvriers de certaines sections de ce syndicat dans les transports publics. Elle a aussi convaincu les factions qui dominent actuellement dans la bourgeoisie française que la CGT est un garant fiable de leurs intérêts de classe.

Le dernier événement qui met en évidence cette « position commune » a été la réforme de la représentativité syndicale sur laquelle se sont mis d’accord récemment le MEDEF (la principale organisation patronale française), la CGT et la CFDT (Confédération française démocratique du travail). Cette réforme de la représentativité (les critères légaux déterminant quels syndicats peuvent négocier des accords valables au niveau des branches et des entreprises) accroîtra dans le paysage syndical français le poids des syndicats plus importants comme la CGT et la CFDT, donnant à l´Etat une bureaucratie plus centralisée et plus efficace pour faire la police dans la classe ouvrière.  

La représentativité est actuellement régie par une loi de 1950 qui requiert cinq critères pour qu’un syndicat soit reconnu: indépendance vis-à-vis du patronat et des partis politiques, taille, financement par les cotisations des adhérents, expérience et attitude patriotique pendant l’occupation nazie. Les syndicats français étant en crise (seuls 8 pour cent des actifs sont syndiqués, ce qui inclut 5 pour cent de travailleurs du secteur privé et ils font face à d’immenses difficultés financières) et la plupart des syndiqués étant nés après l’occupation, ces critères sont considérés par beaucoup comme dépassés.

En 1948 on a désigné quatre syndicats comme « représentatifs » : la CGT, FO (Force ouvrière, née d’une scission d’avec la CGT et créé en 1947 avec des fonds américains), la CFTC (Confédération française des travailleurs chrétiens) et la CGC (Confédération générale des cadres). La CFDT fut ajoutée à la liste en 1966 peu après sa scission d’avec la CFTC. On accorda à ces syndicats un statut représentatif sans se soucier de ce qu’ils avaient effectivement des adhérents dans les entreprises.  

Commentant cette loi, Michel Noblecourt a écrit le 19 avril dans Le Monde : « Le but était de contourner la domination de la CGT, alors inféodée au Parti communiste » (PCF, le parti stalinien en France). Malgré la soumission du PCF au capitalisme à la libération (il dissout les comités ouvriers dans les usines, ordonne à ses milices issues de la résistance de se dissoudre ou de rejoindre l’armée française et adopte avec le mot d’ordre « les grèves sont l’arme des trusts » une politique d’opposition aux grèves) la bourgeoisie française restera très méfiante vis-à-vis de la CGT pendant toute la période d’après-guerre. 

Avec l’effondrement politique et électoral du PCF dans les années 1980 et 1990 et la collaboration empressée de la CGT avec Sarkozy, cette attitude a changé.

L’accord actuel passé entre le MEDEF, la CGT et la CFDT favorise délibérément les plus grands syndicats. Pour être représentatif, un syndicat devrait obtenir au moins 10 pour cent des voix aux élections professionnelles et pour représenter au moins 30 pour cent des salariés d’une entreprise, il faudrait qu’une coalition de syndicats négocie un accord avec le patronat. On s’attend à ce que le gouvernement reprenne la « position commune » et œuvre à la transformer en une loi qui sera proposée à l’Assemblée nationale.

Le Monde a commenté qu’il s’agissait là d’« un système qui consolide les forts et met les faibles à l'épreuve, qui n'élimine personne dans l'immédiat, mais empêche à terme l'émiettement syndical… » Cette estimation s’est vue confirmée par l’ouverture, à l’annonce des nouvelles mesures, de négociations en vue d’une fusion par des syndicats moins importants comme la CGC et l’UNSA (Union nationale des syndicats autonomes). Le dirigeant de la CFTC, Jacques Voisin, a dénoncé l’accord comme étant « syndicaticide ».

(Article original anglais paru le 25 avril 2008)


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