Après un bombardement soutenu qui tué au moins 300
personnes et blessé plus de 1000, Israël semble prêt à procéder à une invasion
terrestre de Gaza.
Selon des officiels israéliens à la Défense, les ministres
du cabinet auraient donné leur approbation à une invasion terrestre massive de
Gaza. Des centaines de soldats des Forces de défense d’Israël (FDI), y compris
les opérateurs de tanks et de véhicules blindés, sont déjà positionnés à la
frontière. Les FDI ont aussi fait appel à 6500 réservistes.
Les avions des Forces aériennes israéliennes (FAI) ont
poursuivi leurs attaques lundi, frappant au moins 30 cibles dans la bande de
Gaza tôt en matinée dont une mosquée et la station de télévision Al-Aqsa. Les
FAI ont ensuite bombardé plus de 40 tunnels servant au ravitaillement au sud de
la bande de Gaza, dont un important tunnel servant au transport de carburant en
provenance d’Egypte.
Des centaines de Palestiniens ont pris d’assaut la barrière
se trouvant à la frontière de Gaza et de l’Egypte mais les forces de sécurité
égyptiennes ont ouvert le feu et les ont fait fuir. Le Hamas a accusé l’Egypte
d’être complice d’Israël en refusant d’ouvrir le terminal de Rafah sur la
frontière avec Gaza.
Le correspondant du Haaretz à l’armée, Amos Harel, a
décrit l’opération comme la version israélienne du « shock and awe »
(choc et stupeur), affirmant que cela « était pratiquement une guerre
entre Israël et le Hamas ». Israël a attaqué plus de 200 sites depuis le
début de l’opération samedi.
L’opération « Plomb durci » de samedi était un
exemple particulièrement violent de la punition collective infligée aux 1,5
million d’habitants de Gaza. 100 tonnes d’explosifs ont été larguées par 64
avions, soit la plus importante opération israélienne contre Gaza depuis 1967.
Des femmes et des enfants sont parmi les victimes.
Trois hauts officiers du Hamas ont aussi été victimes des
attaques. Des installations connues du Hamas ont été ciblées, mais aussi des
zones résidentielles à proximité d’écoles et d’hôpitaux. Le Hamas affirme que
toutes les enceintes des services de sécurité ont été détruites. Selon un
officiel des services médicaux de Gaza, environ deux tiers des victimes sont
des policiers ou des membres des diverses forces de sécurité du Hamas.
Le Los Angeles Times a rapporté que les hôpitaux
sont « débordés de morts et de blessés ». Rapportant comment les
Israéliens avaient attaqué la principale station de police de Gaza City lors de
la journée de graduation, le quotidien a décrit « les corps ensanglantés de
jeunes hommes palestiniens, morts ou encore en vie, dans des uniformes noirs,
alors que les survivants accourent pour venir en aide aux blessés…
« A l’hôpital Shifa de Gaza City, des corps ont dû
être disposés dans le stationnement. Une femme déambulait, criant, “Mon fils,
mon fils!” Elle trouva finalement le corps du garçon et recouvrit d’un drap son
corps presque nu.
« Après les attaques aériennes d’Israël de samedi,
215 victimes se sont présentées à l’hôpital Shifa en 15 minutes »,
poursuit l’article. « Ahmad Sinwar, 4 ans, jouait dans la cour de sa
maison à Gaza City lorsque les quartiers généraux de la défense civile furent
bombardés tout près. Il fut tué par un débris de ciment qui blessa aussi deux
de ses frères et sœurs. “Je n’aurais jamais pensé que les quartiers généraux de
la défense civile pouvaient être considérés comme une cible militaire”, a
déclaré en pleurs le père de Ahmad, Reyad Sinwar. »
La ministre israélienne des Affaires étrangères, Tzipi
Livni, a averti que d’autres dirigeants du Hamas pourraient être assassinés,
soulignant que « personne n’avait l’immunité ». « Nous avons
fait preuve de retenue jusqu’à maintenant », a-t-elle déclaré. « Mais
aujourd’hui l’opération militaire est la seule option possible. »
Le ministre de la Défense Ehoud Barak a lancé samedi la
menace d’une invasion terrestre et a rejeté toute possibilité d’un
cessez-le-feu. « Nous demander d’observer un cessez-le-feu avec le Hamas, c’est
comme vous demander d’observer un cessez-le-feu avec Al-Qaïda », a-t-il
affirmé à Fox News. « Si des soldats sont nécessaires, ils y
seront. »
En insistant sur l’ampleur de l’attaque qui est envisagée,
il a menacé, « Nous avons l’intention de changer totalement les règles du
jeu. »
Le premier ministre Ehoud Olmert a repris ce message,
affirmant que l’objectif était d’apporter une « amélioration
fondamentale » au contexte de sécurité.
Les puissances occidentales ont demandé comme à l’habitude,
de manière hypocrite, qu’Israël fasse preuve de plus de retenue, tout en
blâmant le Hamas pour la violence. Elles acceptent la justification d’Israël
selon laquelle son attaque meurtrière est une réaction à la reprise des tirs
ineffectifs de roquettes et de mortiers contre les villes israéliennes de
l’ouest du Negev tout de suite après la fin de l’accord de cessez-le-feu
négocié par l’Egypte entre le Hamas et Israël en juin dernier. Les roquettes
palestiniennes ont causé la mort d’une personne dimanche, après le
bombardement de Gaza par Israël.
Les Etats-Unis ont été particulièrement belliqueux, un
porte-parole de la Maison-Blanche affirmant à propos du Hamas : « Ces
individus ne sont rien d’autre que des voyous, et Israël doit défendre sa
population contre des terroristes comme le Hamas qui tuent sans distinction
leur propre population. »
La secrétaire d’Etat Condoleezza Rice a déclaré que les
Etats-Unis tenaient le Hamas responsable pour le bris du cessez-le-feu et la
reprise des violences à Gaza. La Maison-Blanche n’a pas demandé que cessent les
frappes des Forces aériennes israéliennes.
Le Conseil de sécurité des Nations Unies a appelé dimanche
à l’arrêt immédiat des violences dans la bande de Gaza. Il a toutefois rejeté
les demandes de la Lybie pour une réunion publique du conseil et l’adoption
d’une déclaration présidentielle, pour plutôt accepter une proposition de la
Russie suggérant la publication d’un communiqué de presse.
L’Union européenne a exhorté « toutes les parties à
faire preuve d’un maximum de retenue ». Un porte-parole du président
français Nicolas Sarkozy a appelé à « l’arrêt immédiat des tirs de roquettes sur Israël
ainsi que des bombardements israéliens sur Gaza », alors que le ministère
britannique des Affaires étrangères a affirmé comprendre « l’obligation du
gouvernement israélien de protéger sa population » et a déclaré que
« tous les tirs de roquettes contre Israël » devaient cesser. La
Russie a aussi compris « l’obligation du gouvernement israélien de
protéger sa population » et a demandé aux « militants de la bande de
Gaza de cesser immédiatement toute attaque de roquettes contre Israël ».
L’Egypte a
condamné Israël pour les morts et les blessés qui ont résulté de ses attaques,
mais a promis de continuer à collaborer avec les supposés efforts de Washington
pour « créer une atmosphère favorable au renouvellement de la trêve et à
la réconciliation entre Palestiniens », parlant du Hamas et du président
Mahmoud Abbas du Fatah. Auparavant, le président Hosni Moubarak avait invité
Livni au Caire pour discuter de la possibilité de prolonger la trêve, mais elle
a répondu : « Assez, c’est assez. Celui qui tire doit s’attendre à
des représailles. »
Pour une
deuxième journée dimanche, des manifestations ont eu lieu dans tout le
Moyen-Orient pour protester contre l’assaut d’Israël envers la Bande de Gaza.
Dans la Cisjordanie sous occupation, un manifestant a été tué et au moins deux
autres sérieusement blessés par des tirs israéliens dans une manifestation à
Ramallah.
Au Yémen, des
dizaines de milliers de personnes se sont réunies dans un stade de la capitale,
scandant des slogans anti-Israël et dénonçant les dirigeants arabes pour leur
inaction. « Combien longtemps le silence durera-t-il ? Réveillez-vous
Arabes ! » pouvait-on lire sur une bannière.
Plusieurs
membres du parlement de Jordanie ont brûlé le drapeau israélien sous le dôme du
parlement qui siégeait dimanche, après avoir demandé l’expulsion de
l’ambassadeur israélien. Au Liban, des centaines de Libanais et de réfugiés
palestiniens ont organisé un sit-in près des bureaux des Nations unies au
centre de Beyrouth. Des manifestations ont eu lieu dans tout l’Irak. Des
douzaines de réfugiés palestiniens se sont rassemblés dans le quartier de
Baldiyad, dans l’est de Bagdad, pour scander des slogans anti-israéliens et
pour brandir des messages de soutien à Gaza.
Il y a aussi
eu des manifestations à Damas, en Egypte et au Soudan. Dans l’Ouest, les
manifestations dénonçant l’assaut israélien ont eu lieu à Londres, à Chicago et
à Atlanta entre autres endroits.
Israël a
lancé une campagne systématique contre Gaza depuis que le Hamas a gagné les
élections de l’Autorité palestinienne en janvier 2006, battant le Fatah qui
jouissait de l’appui d’Israël ainsi que des Etats-Unis. Israël a fomenté la
guerre civile entre le Fatah, dont le pouvoir est basé à Ramallah en
Cisjordanie, et le Hamas.
Depuis juin
2007, lorsque le Hamas a déjoué un coup planifié par le Fatah pour prendre le
contrôle de Gaza, Israël a instauré un blocus de ce dernier qui a privé ses
habitants de tout sauf des provisions les plus fondamentales. Les services
essentiels comme l’eau, les égouts et l’électricité sont coupés pour des
périodes atteignant 16 heures par jour. On trouve des égouts à ciel ouvert dans
les rues des villes. Au moins 50 pour cent de la population adulte est au
chômage et 80 pour cent de la population vit sous le seuil de pauvreté.
Au début de
ce mois, les banques de Gaza ont toutes manqué de liquidités à cause des
restrictions imposées par Israël, ce qui a entraîné leur fermeture ainsi que
celle des guichets automatiques. L’Office de
secours et de travaux des Nations Unies
pour les réfugiésde Palestinea été forcé de cesser la distribution d’argent pour
94 000 Palestiniens.
En novembre,
après que des roquettes eurent touché Sederot, une ville du sud de l’Israël, ce
dernier a imposé un blocus total de la frontière avec Gaza. Avec la fin
officielle du cessez-le-feu entre le Hamas et Israël le 19 décembre, les
affrontements militaires ont recommencé.
L’augmentation
de l’offensive contre Gaza a plus à voir avec les élections générales en
Israël, prévues pour le 10 février, qu’avec la reprise des tirs de roquettes
par le Hamas et les militants du Jihad islamique.
Barak et
Livni se présentent tous les deux au poste de premier ministre dans une course où
le leader est présentement Benjamin Netanyahu du parti de l’opposition, le
Likoud. Netanyahu a axé sa campagne sur des appels pour une « politique
active d’attaque » encore plus agressive contre le Hamas, accusant
l’actuelle coalition gouvernementale du Kadima et des travaillistes d’être trop
« passive ». Il a déclaré : « A long terme, le renversement
du régime du Hamas est inévitable. A court terme… il y a un vaste éventail de
possibilités, allant de ne rien faire à tout faire, c’est-à-dire à reconquérir
Gaza. »
Livni a
répondu en déclarant devant une assemblée de Kadima qu’elle renversera le Hamas
si elle devenait premier ministre. « L’Etat d’Israël et le gouvernement
que je dirigerai, auront comme objectif stratégique de renverser le régime Hamas
à Gaza, a-t-elle dit. Les moyens pour y arriver seront militaires, économiques
et diplomatiques. »
Livni a aussi
indiqué que tout accord auquel elle arrivera avec le Fatah de Abbas pour former
un Etat palestinien dans une partie de la Cisjordanie offrira une
« solution nationale » aux Arabes israéliens, a-t-elle déclaré à la
radio. Son programme pour le maintien d’un Etat israélien juif et
« démocratique » est « qu’il y ait deux entités nationales distinctes »,
a-t-elle déclaré. « Entre autres, a-t-elle ajouté, je pourrais aussi dire
aux Palestiniens établis en Israël "vos aspirations nationales se trouvent
ailleurs." »
L’expulsion
des Arabes israéliens est depuis longtemps demandée par l’extrême droite
israélienne. Il y a maintenant plus d’un million d’Arabes israéliens, ce qui
représente environ 15 pour cent de la population de ce pays. Il est attendu
qu’au cours des 20 prochaines années, la population arabe, en raison de son
plus haut taux de natalité, pourrait dépasser la population juive en nombre et
ainsi défier le caractère officiellement juif de l’Etat.
Barak, qui
est à la tête du Parti travailliste, est menacé de subir un revers cuisant dans
les élections et est désespéré de prouver qu’il est lui aussi anti-palestinien.
Le principal point au programme du Parti travailliste, une entente avec les
Palestiniens sur la base d’un Etat palestinien diminué et dominé par Israël,
est indiscernable de ce que propose Kadima, le parti fondé par Ariel Sharon pour
ses propres fins politiques, en dehors du Likoud. Plusieurs dirigeants du Parti
travailliste ont rejoint Kadima, y compris Shimon Peres, Dalia Itzik et Ami
Ayalon.
Alors que
l’on s’attend à ce que Kadima perde les élections, les travaillistes se
préparent à former une coalition avec le Likoud et virent en conséquence vers
la droite.
Un autre
facteur intervenant dans les calculs d’Israël est le remplacement de
l’administration Bush par une Maison-Blanche dirigée par le démocrate Barack
Obama le 20 janvier prochain. Plusieurs hauts dirigeants israéliens n’ont que
de la méfiance pour le nouveau président américain.
Quant à lui,
Obama a fait tout ce qui était en son pouvoir pour rassurer tant les Israéliens
que l’élite dirigeante américaine. Il a déclaré au Comité des affaires publics
Israël-Etats-Unis en juin qu’il ne « ferait jamais de compromis sur la question
de la sécurité d’Israël » et a ajouté qu’il soutenait la politique de
l’administration Bush de refuser de négocier avec le Hamas.
(Article
original anglais paru le 29 décembre 2008)