wsws.org/francais

Visitez le site anglais du WSWS

SUR LE SITE :

Contribuez au WSWS

Nouvelles et Analyses
Luttes Ouvrières
Histoire et Culture
Correspondance
L'héritage que nous défendons

A propos du CIQI
A propos du WSWS

AUTRES LANGUES

Allemand

Français
Anglais
Espagnol
Italien

Indonésien
Russe
Turque
Tamoul

Singalais
Serbo-Croate

 

WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Allemagne : Joschka Fischer exige que des troupes allemandes soient envoyées dans le sud de l’Afghanistan

Par Stefan Steinberg
11 février 2008

Imprimez cet article | Ecrivez à l'auteur

L’ancien ministre des Affaires étrangères et membre dirigeant du Parti des Verts, Joschka Fischer, s’est servi de sa rubrique hebdomadaire dans le journal Die Zeit pour mettre en avant avec véhémence le déploiement de troupes allemandes (Bundeswehr) dans le sud de l’Afghanistan.

Le gouvernement allemand fournit actuellement le troisième plus important contingent de troupes en Afghanistan, soit quelque 3.200 hommes, réunis au sein de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) à laquelle participent 37 nations sous la direction de l’OTAN. Les soldats allemands ont principalement été engagés dans des opérations de sécurité et de soutien à des projets civils dans le nord de l’Afghanistan qui est relativement pacifique et où la Bundeswehr coordonne également les forces régionales de la FIAS. Le mandat parlementaire actuel ne permet à la Bundeswehr que d’intervenir dans le sud de l’Afghanistan pour fournir à ses alliés une aide d’urgence dans des cas exceptionnels.

En tant que ministre des Affaires étrangères dans la coalition social-démocrate/Parti Verts (1998-2005), Fischer avait joué un rôle décisif lors de la toute première intervention armée de l’Allemagne depuis la Seconde Guerre mondiale contre l’ex-Yougoslavie dans le cadre de l’OTAN. Aujourd’hui, Fischer va encore plus loin en appelant à l’envoi d’unités de la Bundeswehr pour appuyer les combats sanglants des troupes américaines contre les forces talibanes insurgées dans le sud de l’Afghanistan.

Parfaitement consciente que les deux tiers de la population allemande sont opposés à la mission militaire allemande en Afghanistan, la grande coalition de Berlin (Parti social-démocrate, Union chrétienne-démocrate, Union chrétienne-sociale) a jusque-là résisté aux appels répétés émanant des gouvernements américain et canadien de déployer des troupes dans le sud ravagé par la guerre.

Le dernier appel de Fischer dans Die Zeit vise directement à influencer la coalition pour qu’elle change sa position et se range ouvertement du côté des Etats-Unis dans sa « guerre contre le terrorisme » dans le sud de l’Afghanistan. La position adoptée par Fischer le place au tout premier rang à côté de deux anciens généraux de la Bundeswehr, Klaus Naumann et Harold Kujat, qui ont également récemment avancé l’argument selon lequel le gouvernement allemand n’avait pas d’autre alternative que d’envoyer des troupes de combat en Afghanistan. Ce faisant, l’appel de Fischer le positionne à la droite de la grande majorité des groupes parlementaires SPD-CDU-CSU et du libéral Parti libéral-démocrate qui tous lancent des avertissements contre les dangers que représente un déploiement de troupes allemandes dans le sud.

La semaine passée, le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, n’a pas mâché ses mots lorsqu’il s’est exprimé pour critiquer les alliés européens des Etats-Unis, et leur refus d’envoyer des troupes dans le sud. La lettre de Gates adressée directement au ministre de la Défense allemand, Franz Josef Jung, pour réclamer 3.200 hommes supplémentaires a été interprétée comme un signe d’insatisfaction à l’égard de l’Allemagne.

Lors d’une conférence de presse hâtivement organisée vendredi dernier, le ministre allemand de la Défense a rejeté l’exigence de Gates tout en justifiant la présence des troupes allemandes en Afghanistan : « Nous devons continuer à nous concentrer sur le nord de l’Afghanistan, » a-t-il. Le même jour, le refus de Jung de satisfaire la requête de Gates fut appuyé par le ministre social-démocrate et vice-chancelier, Frank-Walter Steinmeier (SPD).

Un porte-parole de la chancelière Angela Merkel (CDU), Ulrich Wilhelm, a déclaré qu’il n’y avait présentement « pas de projet » de changer l’actuel mandat pour le déploiement de la Bundeswehr et que la chancelière rejetait la demande de Gates. Dans toutes ses consultations, a poursuivi Wilhelm, la chancelière n’a cessé de répéter clairement que la portée du présent mandat « n’était pas à débattre » et que telle était et restait la « position ferme » du gouvernement.

Joschka Fischer a à présent répondu à ce refus concerté de la requête américaine par le gouvernement allemand en lançant son appel personnel à la chancelière Merkel.

Dans un contexte où les combats s’intensifient et où le bilan des victimes parmi les troupes américaines et canadiennes croît dans le sud, Fischer affirme dans Die Zeit que ce qui est en jeu en Afghanistan, c’est « une victoire ou une défaite sur le terrain » et donc « l’avenir même de l’OTAN ». Il a ajouté, « l’Allemagne risque d’être considérée comme le principal responsable d’un éventuel échec en Afghanistan dans un conflit qui couve depuis bien longtemps sous la surface ».

Au cas où la mission des alliés échouerait en Afghanistan, poursuit Fischer, les conséquences seraient pour la politique étrangère allemande un dommage maximum, Maximalschaden. Fischer reconnaît que la mission allemande en Afghanistan y est profondément impopulaire et que l’intervention de troupes de combat dans le sud nécessiterait un nouveau mandat parlementaire.

Fischer affirme qu’il revient à la chancelière d’obtenir une telle majorité parlementaire. Des hésitations à ce sujet ne peuvent plus être tolérées. La chancelière devant de par un engagement direct et crédible surmonter l’opposition publique et dissiper les réticences de ses collègues au parlement afin que les soldats allemands puissent participer aux combats sanglants qui ont lieu dans le sud de l’Afghanistan.

Ceci n’est rien moins que la voix claire et nette du militarisme allemand. Elle fait écho à la campagne concertée montée par d’influents experts militaires et d’anciens généraux qui poussent la direction politique centrale à surmonter l’hostilité publique envers le rôle joué par l’armée allemande, à savoir celui de troupes de combat. Les troupes allemandes doivent être endurcies et l’opinion publique allemande doit être préparée à accepter le rapatriement de sacs mortuaires.

Le gouvernement allemand est confronté à une opposition massive en Allemagne contre la présence de ses troupes en Afghanistan. Ces craintes ont été résumées dans un article paru récemment dans le Financial Times Deutschland :

« D’autre part, le soutien populaire pour le rôle de l’Allemagne en Afghanistan diminue de plus en plus. Selon des sondages d’opinion près des deux tiers des citoyens rejettent l’idée de troupes allemandes en Afghanistan. Un ancien membre influent du Parti social-démocrate, Klaus Bölling, autrefois conseiller du chancelier Helmut Schmidt, a récemment qualifié les combats en Afghanistan de carnage sans espoir et a fortement encouragé le retrait. Plus il devient évident que la Bundeswehr ne peut pas simplement faire fonction d’une sorte d’assistance technique en uniforme kaki, et plus les critiques deviennent acerbes. »

En plus de la vaste opposition de l’opinion publique, la réticence des dirigeants du gouvernement allemand de céder à la pression américaine et canadienne reflète les tensions grandissantes qui règnent parmi les membres européens de l’OTAN et des Etats-Unis au sujet de la conduite de la guerre en Afghanistan tout comme du vaste mécontentement face à la politique américaine pratiquée de par le Moyen-Orient.

Dans le même temps, l’opposition du gouvernement allemand à l’envoi de troupes allemandes dans le sud de l’Afghanistan ne signifie nullement qu’il hésiterait à recourir à la force militaire dans le cadre de sa propre politique impérialiste. La grande coalition étend ses opérations en Afghanistan, mais n’est pas prête à suivre aveuglément les dictats de ses alliés dans le haut commandement aux Etats-Unis et à l’OTAN.

Tout en montrant clairement qu’il rejetait la dernière requête de Gates qui aurait pratiquement placé les troupes allemandes dans le sud sous commandement américain, le ministre de la Défense a indiqué que l’Allemagne donnerait suite à un appel de l’OTAN pour le renforcement de la force de réaction rapide (QFR) en Afghanistan. Cette démarche signifie que l’Allemagne mettra à disposition un contingent de 250 hommes pour la force de réaction rapide qui sera stationnée à Mazar-e-Sharif en remplacement du groupe norvégien qui sera retiré cet été.

Jusque-là, le gouvernement allemand a toujours souligné que la Bundeswehr n’était engagée que dans la formation militaire et la reconstruction civile, mais il est d’ores et déjà clair que le simple fait de prendre des responsabilités dans la QRF représente pour l’intervention allemande une nouvelle dimension. Le mandat pour la QRF comprend par exemple l’assistance d’urgence aux troupes dans le nord pour la chasse aux « terroristes » et l’intervention en cas d’enlèvement dans le pays.

Malgré les affirmations contraires émises par les porte-parole du gouvernement et du ministre de la Défense Jung, il est clair que l’envoi dans le nord de troupes d’élite hautement formées et rejoignant la force de réaction rapide équivaut à envoyer des hommes au combat, violant de ce fait les restrictions imposées par les mandats parlementaires.

Néanmoins, pour l’ancien ministre des Affaires étrangères Fischer, les avances prudentes entreprises par la grande coalition pour étendre la présence militaire en Afghanistan sont loin d’être suffisantes. Dans son article paru dans Die Zeit Fischer critique « la réticence européenne » à s’engager en Afghanistan et met en garde devant le danger d’une division entre les principales puissances européennes en matière de politique de sécurité.

Selon Fischer, les trois principales puissances européennes, l’Allemagne, la France et la Grande-Bretagne, doivent agir de concert afin d’assurer le développement des forces militaires propres à l’Europe. Depuis un certain temps déjà Fischer insiste sur la nécessité de coordonner la politique européenne militaire et de sécurité, avec l’Allemagne jouant le rôle directeur, à la fois en complément et comme éventuelle alternative future à la puissance militaire américaine.

Les appels répétés lancé par Fischer pour une politique étrangère européenne coordonnée et le développement d’une puissante force militaire européenne proviennent de ses expériences en tant que ministre des Affaires étrangères allemand.

Non seulement Fischer avait orchestré l’intervention de l’Allemagne en Yougoslavie en 1998, mais il a également joué un rôle primordial dans l’envoi de troupes allemandes en Afghanistan. En 2001, il avait présidé la conférence de Petersbourg qui avait placé Hamid Karzaï à la tête du gouvernement intérimaire comme un laquais complètement lié aux Etats-Unis.

La mutation de Fischer, de politicien pacifiste et membre de longue date des Verts en un porte-voix du militarisme allemand et de sections les plus agressives de la bourgeoisie allemande, est symptomatique pour l’évolution politique de toute une couche d’anciens radicaux petits-bourgeois et d’anciens activistes Verts.

En 1999, Fischer avait justifié l’intervention allemande en Yougoslavie par la nécessité d’éviter un nouvel Holocauste. L’intervention allemande en Afghanistan et au Congo fut alors justifiée par la vulgarisation de « la paix et de la démocratie ». A présent, Fischer parle ouvertement au nom des intérêts stratégiques de l’élite dirigeante allemande et est tout à fait disposé à mettre en danger la vie de jeunes Allemands dans de nouvelles aventures militaires impérialistes.

C’est parce qu’il est conscient de l’ampleur de la résistance à l’encontre d’une telle démarche que Fischer en appelle expressément à la chancelière conservatrice allemande pour qu’elle fasse preuve de « volontarisme dans sa direction » et s’oppose non seulement au consensus populaire, mais aussi à tous ceux qui défendent l’actuel mandat parlementaire pour les opérations de la Bundeswehr. Les derniers commentaires faits par Fischer sur la guerre en Afghanistan ont des relents de mépris à l’égard du processus démocratique et de la volonté populaire. Il parle à présent au nom d’une couche de radicaux petits-bourgeois qui sont prêts à soutenir un « Etat fort » dans le but de sauvegarder les intérêts impérialistes de l’Allemagne.

(Article original paru le 6 février 2007)


Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés