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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Allemagne : après les élections en Hesse

Le Parti de la gauche fait la cour au SPD

Par Ulrich Rippert
18 février 2008

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Trois semaines après l´élection des Land qui a eu lieu en Hesse à la fin du mois de janvier la question d´un nouveau gouvernement n´est toujours pas réglée. On assiste au contraire à un vigoureux bras de fer sur la formation du nouvel exécutif dans ce Land.

Le soir de l´élection, tant le SPD (Parti social-démocrate allemand) que la CDU (Parti chrétien-démocrate allemand) excluaient une « grande coalition » des deux partis, faisant ainsi dépendre une majorité gouvernementale de la collaboration d´au moins trois partis plus petits. Un de ces partis, les Verts, a cependant jusqu´ici rejeté toute coopération avec la CDU ; un autre, le Parti libéral-démocrate (FDP) a, quant à lui, rejeté toute alliance avec le SPD et les Verts. Le FDP a refusé, après plusieurs discussions, une proposition de la tête de liste du SPD, Andrea Ypsilanti, de former une coalition avec les Verts.

Cette situation fait que le Parti de la gauche (Die Linke) qui est entré au parlement régional de Hesse pour la première fois à l´occasion de ces élections, joue à présent un rôle central. Une coalition du SPD et des Verts en effet serait aussi viable, à condition qu´elle ait le soutien du Parti de la gauche. Celui-ci a entamé à cette fin une campagne résolue afin de séduire le SPD et d´offrir ses services à Ypsilanti qui pourrait diriger le Land soit avec un gouvernement minoritaire SPD-Verts toléré par le Parti de la gauche, soit dans une coalition avec les Verts qui inclurait directement le Parti de la gauche.

Le rôle de Cupidon est joué ici par Dieter Hooge. En tant qu´ancien chef du DGB (Fédération des syndicats allemands) en Hesse, Hooge (64 ans) connaît intimement les rouages du SPD. Il a été membre de ce parti pendant 40 ans et n’a donné sa démission qu´en 2004 pour participer à la formation de l´Alternative travail et justice sociale (WASG), une des organisations qui devaient finalement constituer le Parti de la Gauche.   

Hooge avait initialement été nommé tête de liste de Die Linke pour l´élection en Hesse par le dirigeant du parti, Oskar Lafontaine. Hooge avait cependant été rejeté par les délégués lors d´une conférence tenue l´été dernier à Francfort à cause de son arrogance de bureaucrate et de sa défense véhémente d´une participation gouvernementale avec le SPD. Après son rejet comme tête de liste, il avait refusé de se présenter comme candidat et ne fait donc pas partie du groupe parlementaire de Die Linke. Il continue néanmoins de jouer un rôle important, en particulier pour ce qui est d´organiser une coopération avec le SPD.  

La semaine dernière, il a envoyé une lettre ouverte mielleuse à son ancienne collègue sociale- démocrate, Andrea Ypsilanti. Il s´y efforce tant de la flatter et de lui plaire que c´en est gênant pour celui qui lit.

La lettre débute par ces mots : « Chère Andrea, par cette élection tu as une grande chance de remplir tes promesses électorales ». La Hesse peut à nouveau devenir « un projet exemplaire de réforme sociale… si tu le veux ». « Tu t´es battue pour les éléments d´un tel projet de réforme et tu as obtenu un mandat en Hesse. »

Puis il susurre à la façon d´un amant déçu, «  Je te le demande : pourquoi est-ce que tu te refuses... ? »

Hooge dit ensuite à Ypsilanti qu´elle sait parfaitement que, malgré la présence dans le Parti de la gauche de vieux membres du DKP (Parti communiste allemand – Allemagne de l´Ouest) ou des organisations staliniennes de l´ancienne Allemagne de l´Est, et malgré la rhétorique anticapitaliste d´un certain nombre de jeunes adhérents, son parti n´a rien à voir avec le communisme. « Nous ne sommes pas un parti où la ligne est dictée par de soi-disant vieux cadres communistes, je pourrais aisément te le démontrer, mais vous le savez bien vous-mêmes de toute façon. »

Dans le paragraphe suivant, Hooge souligne les affinités politiques entre le Parti de la gauche et le SPD: « Nous ne sommes pas apparus sur la base d´une malice quelconque à l´égard du SPD. Tu le sais aussi bien que moi. Le WASG a été constitué en 2004 sur la base de la protestation contre Schröder [l´ancien chancelier fédéral], Steinmeier [l´ancien chef de la chancellerie] et les éléments pro-Agenda [réforme de l´assurance-chômage] du SPD contre lesquels tu as protesté aux congrès du parti. Beaucoup d´entre vous — mais pas toi — ont dû réapprendre laborieusement à redire le mot justice sociale. La Gauche réunifiée est une inévitabilité historique que tu le veuilles ou non. »

Deux jours après la lettre d´amour de Hooge, une convention du Parti de la gauche de Hesse, tenue à Wiesbaden, a adopté cette même ligne. Le principal orateur à cette convention était le dirigeant du parti, Gregor Gysi.

Le quotidien Frankfurter Rundschau a résumé cette convention de la manière suivante: « Lors de congrès précédents, le Parti de la gauche s´était déclaré très sceptique pour ce qui était d´une coopération avec le SPD et les Verts. Après son entrée au parlement du Land, les dirigeants du parti suggèrent précisément une telle collaboration, bien que dissimulée par un ton critique ».

Une telle politique de coopération entre le Parti de la gauche et le SPD est soutenue par plusieurs journaux importants: l´hebdomadaire Die Zeit, les quotidiens Frankfurter Rundschau et  Süddeutsche Zeitung. Toutes ces publications appellent le SPD à jeter aux orties son attitude négative et à accepter que le Parti de la gauche assume des responsabilités gouvernementales.

Après l´élection et sous le titre de « Oser aller à gauche ! »,  Die Zeit demandait que le SPD « arrête enfin de diaboliser le Parti de la gauche à l´Ouest » tandis que Süddeutsche Zeitung demandait : « Qui a peur de l´homme en rouge ? » et citait l´expert politique Josef Esser : « Ce sont tous là des gens respectables et engagés. Ils pourraient tout aussi bien être dans le SPD. »

Plus tard, Süddeutsche Zeitung a soumis le Parti de la gauche à un « test pratique » afin de faire taire quelques voix critiques en provenance des milieux d´affaires. L´article faisait l´éloge de la politique réalisée par le Parti de la gauche à Berlin, la capitale allemande, en tant que partenaire d´une coalition avec le SPD et ce, pendant maintenant près de sept ans. Ce journal écrit que le Parti de la gauche a occupé le poste de sénateur [ici ministre] de l´économie du Land de Berlin et qu´il a introduit une politique admirable pour cette ville.  

L´article continue en notant que le PDS (Parti du socialisme démocratique, l´autre parti ayant constitué le Parti de la gauche) avait délibérément voulu occuper le poste de sénateur de l´économie lors de la formation de la coalition avec le SPD en 2001, afin de prouver sa « capacité politique » une tâche réalisée avec brio par le sénateur de l’économie, Gregor Gysi. Süddeutsche Zeitung fait cet éloge : « Avec un mélange d´éloquence, d´engagement et aussi avec humour, Gysi arriva à surmonter les réserves du monde des affaires vis-à-vis du PDS. »

En fait, ce n´est pas l´amabilité de Gysi qui a gagné les cœurs dans le patronat, mais bien plutôt les réductions jamais vues des dépenses sociales imposées par le Sénat berlinois à ses propres électeurs. Une telle politique, si elle avait été réalisée par un Sénat dirigé par la CDU, aurait immédiatement rencontré une résistance massive. Le résultat de la politique du Sénat fut une augmentation spectaculaire du chômage et de la pauvreté à Berlin, les travailleurs des services publics subissant une réduction de 12 pour cent de leur revenu et en même temps un allongement de leur temps de travail.

Die Zeit parlait à la fin du mois de janvier d´un « dilemme social-démocrate » disant que le SPD se trouvait pris dans un « piège stratégique » et ne pouvait s´en libérer qu’« en s´ouvrant au Parti de la gauche ». Un « gouvernement rouge-rouge [une coalition du SPD et du Parti de la gauche] pourrait bien s´avérer être la seule possibilité pour Ypsilanti de devenir premier ministre » écrivait ce journal.

A la fin d´un long article au cours duquel l´auteur soupèse tous les doutes, l´auteur en vient au point central : « Sur quelle base cependant voudrait-on empêcher que le Parti de la gauche soit placé devant un réel test pratique à l´Ouest ? Soit, il devient une force politique réellement  fiable, comme les Verts, et le PDS à l´Est. Alors, il pourrait devenir un partenaire durable pour le SPD. Soit le problème d´un "parti protestataire de gauche" se règlera de lui-même en l´espace de quelques années. »

Cette campagne pour intégrer le Parti de la gauche dans le gouvernement du Land de Hesse n´a rien à voir avec de la sympathie pour une politique de gauche. Ce qu´on propose au contraire, c´est de se servir du Parti de la gauche afin de contenir et de contrôler une opposition populaire de plus en plus grande. De ce point de vue, il est utile de se tourner brièvement vers l´expérience de l´ancien gouvernement SPD-Verts qui dirigea le pays entre 1998 et 2005.

Quand le SPD (dirigé alors par Oskar Lafontaine) et les Verts avaient gagné les élections en 1998 et qu´ils avaient remplacé le gouvernement de Helmut Kohl après seize ans de pouvoir, beaucoup avaient parlé d´un nouveau départ et espéré une politique de gauche. En fait, le gouvernement du SPD et des Verts fit une politique qui mena à une aggravation dramatique de la pauvreté et des attaques contre les conditions de travail, une politique que le gouvernement Kohl n´avait pas été en mesure d´imposer.

Il y a 10 ans, on avait délibérément fait entrer les Verts au gouvernement parce que les partis existants étaient trop déconsidérés pour pouvoir imposer de telles attaques. Les anciens pacifistes jouèrent un rôle de premier plan tant dans l´imposition des attaques sur les dépenses sociales qu´en ouvrant la voie à une participation allemande à la guerre contre la Yougoslavie. Cette participation fut le prélude au déploiement de l´armée allemande dans le monde entier, ce qui faisait partie d´une nouvelle politique étrangère impérialiste.  

Aujourd´hui, les Verts sont eux aussi discrédités alors que l´opposition populaire grandit. Dans ces conditions, on prépare le Parti de la gauche pour décapiter une telle opposition et pour qu´il joue un rôle dirigeant en tant que soutien important de l´ordre bourgeois. Dans le Land de Hesse, où le dirigeant Vert Joschka Fischer a fait ses débuts, les députés du Parti de la gauche doivent être intégrés dans le gouvernement, soit directement soit indirectement.

La classe ouvrière doit être sur ses gardes. Une coalition du SPD et du Parti de la gauche en Hesse ne représenterait pas un pas en avant. Dans une alliance avec le Parti de la gauche et les Verts, Ypsilanti ferait dépendre, tout comme la coalition « rouge-rouge » en place à Berlin, sa politique des exigences élevées par les banques et les organisations du grand patronat. On poursuivrait l´offensive sociale et politique contre la classe ouvrière, créant les conditions d´une désillusion de plus en plus grande de l´électorat, qui pourrait facilement être exploitée par des démagogues de droite.

(Article original allemand paru le 15 février 2008)


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