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WSWS : Nouvelles et analyses : Canada

Canada : les libéraux se rallient à la prolongation de la mission de l’armée canadienne en Afghanistan

Par Keith Jones
20 février 2008

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Les libéraux, l’opposition officielle au Parlement canadien, appuient le gouvernement conservateur minoritaire dans ses efforts pour prolonger la mission de contre-insurrection des Forces armées canadiennes en Afghanistan et pour faire pression sur l’OTAN en vue d'intensifier la guerre en Afghanistan.

Mardi dernier, les libéraux ont présenté un long amendement à une motion conservatrice qui tentait d’obtenir l’approbation du Parlement afin de prolonger le déploiement des Forces armées canadiennes (FAC) dans la région afghane de Kandahar jusqu’au moins à la fin de 2011.

L’amendement des libéraux, comme le fit rapidement remarquer le premier ministre Stephen Harper, s’accorde essentiellement avec le plan du gouvernement conservateur. « J’accueille favorablement la plus grande clarté de la position de l’opposition libérale », a déclaré Harper. « Je crois que c’est un progrès indéniable... »

Harper fut tellement impressionné par l’amendement libéral qu’il laissa entendre que les conservateurs pourraient retirer leur propre motion afin d’en rédiger une conjointement avec les libéraux.

Par la suite, en réponse à un discours du chef du Nouveau Parti démocratique, Jack Layton, qui attaquait la position libérale, Harper affirma devant le Parlement : « Je n’ai pas l’habitude de défendre le Parti libéral... mais les partis qui dirigent ce pays comprennent que dans un monde dangereux, il faut parfois utiliser la force pour défendre la paix. »

Par le passé, Harper est allé jusqu’à traiter les libéraux de pro-talibans.

L’amendement des libéraux vient complètement discréditer l’assertion souvent répétée du chef libéral Stéphane Dion selon laquelle son parti s’opposerait à toute prolongation de la « mission de combat » des FAC, c’est-à-dire son rôle dirigeant dans la guerre de contre-insurrection, au-delà de février 2009.

 (Cette affirmation, comme Dion lui-même a toujours insisté, n’a jamais signifié autre chose que le soutien total pour l’occupation de l’Afghanistan par les Etats-Unis et l’OTAN et le gouvernement fantoche d’Hamid Karzaï. Ce furent les gouvernements libéraux de Jean Chrétien et Paul Martin, comme l’a souvent répété Dion, qui déployèrent les forces canadiennes en Afghanistan en automne 2001 et qui, plus tard, chargèrent les FAC du rôle central dans la guerre au sud de l’Afghanistan. De plus, Dion et les libéraux ont à maintes reprises dénoncé le NPD pour ses appels, depuis août 2006, au retrait des troupes canadiennes de Kandahar, qualifiant leur position d’« irresponsable » et de trahison des obligations internationales du Canada.)

Les appels du Parti libéral, qui ont maintenant été abandonnés, pour que le Canada se retire de la mission de combat en Afghanistan après février 2009 étaient une tentative hypocrite de profiter des sentiments populaires anti-guerre et d’exploiter l’hostilité à l’administration Bush, qui est détestée par la majorité des Canadiens pour sa belligérance et son mépris pour le droit international. Ces appels des libéraux exprimaient aussi les craintes d’une section minoritaire de l’élite dirigeante canadienne que l’intervention des FAC en Afghanistan n’ait assumé un rôle trop important dans la politique étrangère canadienne. 

Mais l’élite patronale du Canada dans son ensemble soutient fortement l’intervention des FAC en Afghanistan et l’engagement du gouvernement Harper d’utiliser des FAC mieux développées et réarmées pour avancer « les intérêts et les valeurs du Canada », c’est-à-dire les ambitions et objectifs prédateurs de la grande entreprise canadienne, sur la scène mondiale.

John Manley, ancien vice-premier ministre et ministre des Finances libéral, qui a présidé la commission d’« experts », nommée par le gouvernement conservateur, sur l’avenir de l’implication du Canada en Afghanistan a vanté l’intervention des FAC dans ce pays. « Pour la première fois depuis nombre d’années, nous avons pris, en vue de concourir au règlement d’un problème d’envergure internationale, un engagement d’une portée telle qu’il nous confère une influence et une crédibilité notables », a-t-il dit.

Cela n’est pas qu’une référence aux 2500 soldats canadiens qui sont déployés à Kandahar, le centre historique du mouvement taliban pachtoune, mais aussi au rôle significatif que joue le gouvernement canadien dans l’élaboration des politiques du gouvernement afghan par l’entremise de l’Équipe consultative stratégique dirigée par les FAC : des conseillers « intégrés » à des ministères afghans clés y compris le bureau du Président Karzaï.

Les médias ont fortement défendu le rapport du comité Manley. Déposé le mois dernier, il recommande une présence continue et illimitée des FAC à Kandahar ainsi qu’un rôle de premier plan pour celles-ci dans la guerre en Afghanistan, à condition qu’Ottawa fournisse de l’équipement additionnel et qu’il convainque un allié de déployer 1000 troupes additionnelles pour combattre avec les soldats canadiens dans le sud de l’Afghanistan.

Les comités de rédaction des principaux quotidiens du pays, incluant le Toronto Star et le quotidien montréalais La Presse, deux journaux alignés sur le Parti libéral, étaient unanimes pour dire que les libéraux et les conservateurs doivent s’élever au-dessus de la « partisanerie » et qu’au nom de « l’intérêt national », ils se mettent ensemble pour implanter les recommandations du rapport Manley.

Mais, au grand désarroi de plusieurs membres du cabinet minitériel fantôme, Dion a refusé d’endosser le rapport Manley, même s’il avait été rédigé de manière à donner aux libéraux un moyen de se rallier à une prolongation de la mission des FAC sans avoir l’air de se plier devant leurs adversaires conservateurs.

La semaine dernière, Harper a augmenté la mise en annonçant que les conservateurs mettraient en jeu l’existence même de leur gouvernement sur le vote de la motion qui prolongerait, jusqu’en 2011, le rôle central que joue le Canada dans la guerre en Afghanistan.

Pendant que le néoconservateur National Post a qualifié la menace de Harper de tenir une élection sur la guerre afghane de « coup stratégique », plusieurs autres voix médiatiques ont exprimé de l’inquiétude à l’idée qu’une guerre très impopulaire parmi la population canadienne, mais soutenue de façon enthousiaste par l’élite pourrait devenir le pivot d’un débat électoral.

Par conséquent, les médias de la grande entreprise ont redoublé leurs demandes pour un consensus « bilatéral » entre les libéraux et les conservateurs sur la guerre en Afghanistan. Même si Dion et Harper ont été critiqués par les éditorialistes, ces derniers ont clairement fait savoir qu’ils souhaitent que les libéraux donnent aux conservateurs les votes nécessaires pour l’adoption de la motion parlementaire qui prolongerait la mission de combat des FAC.

Pour sa part, l’armée est intervenue ouvertement dans le débat, couvrant de mépris les affirmations des libéraux selon lesquelles les FAC pourraient être redéployées ailleurs ou demeurer dans le sud sans faire la guerre.

Dion s’est retrouvé très vite menacé d’une révolte de ses députés les plus importants.

En mai 2006, Michael Ignatieff, qui est présentement le chef-adjoint du Parti libéral et qui a fini deuxième dans la course qui l’opposait à Dion pour succéder à Paul Martin comme chef du parti, a amené, avec l’ancien chef du parti par intérim Bill Graham, plus du quart des députés libéraux à soutenir une motion d’urgence des conservateurs pour une prolongation de deux ans de la mission des FAC, c’est-à-dire jusqu’en février 2009. (Il est à noter que la majorité des libéraux s’étaient opposés à la motion sur des bases techniques.)

Dans les deux dernières semaines, Bob Rae, l’ancien premier ministre néodémocrate de l’Ontario qui a fini en troisième place dans la plus récente course à la chefferie du Parti libéral, s’est joint à Ignatieff.

Les différences entre la motion originale des conservateurs et l’amendement des libéraux sont, comme le Globe and Mail l’a observé : « une question de sémantique plus que de contenu ».

Plus tôt, Dion a dit que si les troupes canadiennes doivent demeurer à Kandahar après février 2009, elles ne doivent pas s’engager dans des combats sauf si elles sont attaquées par l’ennemi et elles doivent éviter les opérations de type « chercher pour détruire ».

L’amendement libéral, tout comme la motion originale des conservateurs, stipule que les FAC doivent accorder plus d’importance à l’entraînement des forces afghanes — ce qui a d’ailleurs toujours été un but important et explicite de la mission des FAC.

Mais Dion a clairement indiqué que les libéraux concédaient maintenant le fait que les FAC allaient mener la guerre. Quoiqu’ils disent, à savoir si oui ou non les FAC sont en mission de combat, les libéraux ont indiqué qu’ils n’allaient pas imposer de limite sur la capacité militaire canadienne d’employer la force, comme l’ont fait l’Italie et l’Allemagne à l’égard de leurs troupes en service dans les zones moins turbulentes d’Afghanistan.

« Nous ne donnons pas d’avertissement, » a dit Dion. « Nous n’allons pas faire de la mini gestion des militaires. C’est à eux (les militaires) de décider » de leurs tactiques.

S’il subsistait des doutes sur les intentions des libéraux, ils ont été écartés dans une série de discussions non officielles entre leurs dirigeants et les journalistes. Selon le Toronto Star, des libéraux impliqués dans la rédaction de la motion du parti « ont dit qu’ils ne s’objecteraient pas à ce que des soldats canadiens entraînent des soldats afghans à des fins d’opérations offensives dans lesquelles ils participeraient pour autant que ces opérations soient dirigées par les Afghans. »

La différence principale entre la motion des conservateurs et celle amendée des libéraux réside dans le fait que l’amendement libéral stipule qu’Ottawa doit informer l’OTAN que le déploiement des FAC à Kandahar va commencer à être réduite en février 2001 et que toutes les troupes canadiennes se retireront de là au début de juillet 2011. La motion conservatrice appelle à la poursuite du déploiement au moins jusqu’à la fin de 2011.

Les libéraux ont également mentionné que le futur partenaire à Kandahar, qui reste encore à trouver, devrait assumer le rôle dirigeant dans la guerre contre-insurrectionnelle. Harper a dit qu’il pourrait bien se ranger à cette position. « Nous voulons avoir ces troupes supplémentaires et je pense que si nous le disons correctement ce sera clair pour nos alliés que le Canada se cherche un partenaire. Un partenariat, dans ce genre de situation, implique typiquement une rotation au sommet. »

La guerre en Afghanistan n’est que la dernière des occasions dans laquelle les libéraux ont donné aux conservateurs l’appui dont ils avaient besoin de façon urgente.

À l’automne dernier, les libéraux se sont abstenus de voter sur le discours du trône, permettant aux conservateurs d’éviter la défaite. La semaine dernière ils se sont joints aux conservateurs pour adopter une loi visant à donner une couverture constitutionnelle aux « certificats de sécurité » — un programme qui donne au gouvernement le pouvoir de détenir indéfiniment des non-citoyens sur la base d’allégations de liens terroristes, sans procès et sans même le droit de connaître la preuve détenue par le gouvernement contre eux.

Dans une large mesure, la presse capitaliste explique l’unité bipartisane croissante entre les libéraux et leurs rivaux conservateurs du point de vue de la crise de direction au parti libéral. Il est mentionné que Dion, un ancien professeur d’université, manque de charisme et d’instinct politique.

Les libéraux, qui ont été durant le 20e siècle le principal parti gouvernant de la bourgeoisie canadienne, sont certainement dans une crise politique. Mais la source de cette crise réside dans l’aliénation croissante de la population à l’égard des partis traditionnels, qui ont, durant le dernier quart de siècle, poursuivi une offensive sans répit contre les gains sociaux de la classe ouvrière gagnés durant les décennies qui ont suivi la seconde guerre mondiale. La crise réside également dans le fait que l’élite des affaires appuie fermement les conservateurs et leur programme de droite.

La direction libérale appuie plusieurs des politiques et des initiatives du gouvernement Harper, les considérant avec justesse comme la poursuite de la voie tracée sous le gouvernement libéral de Chrétien et de Martin de 1993 à 2006 qui, en termes de politique fiscale et sociale, a été le gouvernement fédéral le plus à droite depuis la grande dépression.

(Article original anglais paru le 15 février 2008)


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