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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

La deuxième plus grande banque de France impute la perte de 7,2 milliards de dollars à un courtier « dissident »

Par Bill Van Auken
1er février 2008

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Mardi dernier, la Société générale, la deuxième plus grande banque de France, a imputé à un courtier d’indices de contrats à terme âgé de 31 ans des pertes de 7,2 milliards de dollars.

Les énormes pertes auraient été causées par la plus grande fraude bancaire de l’histoire. En plus des 3 milliards de dollars supplémentaires que la banque fut forcée de radier en raison de son exposition aux marchés en crise des prêts hypothécaires américains et des assureurs obligataires, les pertes ont pratiquement éliminé tous les profits annuels de la Société générale.

Des représentants de la banque ont annoncé qu’ils tenteraient d’accumuler plus de 7 milliards de dollars en émettant de nouvelles actions. Les actions de la Société générale avaient perdu près de 50 pour cent de leur valeur au cours de six derniers mois en raison surtout des inquiétudes concernant son exposition à la crise des subprimes américains.

Pas plus tard qu’en novembre, la banque avait été forcée de réduire de 300 millions de dollars la valeur de ses actifs à cause de l’exposition de ses produits de crédit structuré au secteur hypothécaire américain.

Lors d’un communiqué de presse émis jeudi, la Société générale a affirmé que le courtier, identifié par la suite comme Jerôme Kerviel, participait à un « montage élaboré de transactions fictives » entre 2007 et 2008. Kerviel était en charge des contrats à terme tout ce qu’il y a d’ordinaire sur les marchés boursiers européens. Selon la compagnie, il « a pris des positions directionnelles frauduleuses courant 2007 et début 2008 allant bien au-delà des limites faibles qui lui avaient été attribuées ».

Les cadres de la Société générale ont insisté qu’il a agi seul — bien que plusieurs superviseurs aient dû démissionner — et ont soutenu qu’ils n’avaient découvert les transactions que le week-end précédent. La banque a aussi affirmé que le courtier, qui gagnait 142 000 dollars par année incluant son bonus, n’a pas profité personnellement des transactions frauduleuses.

 « Il n’a pas fait d’argent avec tout cela, rien du tout, pas un centime », a déclaré Philippe Collas, de la division en charge de la gestion d’actifs. « En décembre, les choses allaient bien pour lui, et alors il a paniqué, il a parié contre le marché, il a tenté de perdre volontairement afin de camoufler, de réduire les chances de se faire prendre. Il n’a pas fait un centime, il n’a pas fait ça pour devenir riche. Quelle était sa motivation ? Je ne sais pas, peut-être qu’il avait quelque chose à se prouver. »

 « Il était poli et aimable, mais n’a jamais pu faire son entrée dans les ligues majeures de la finance », a déclaré l’un de ses collègues à la presse. « Il n’est pas un membre de l’élite parisienne qui a droit aux meilleurs emplois dans les banques et en finance. »

Des bureaucrates syndicaux à la banque française ont dit que le courtier avait « souffert de problèmes familiaux » et qu’il « a pu perdre la tête un petit peu ».

Le scandale financier rappelle un cas similaire survenu en 1995, alors qu’un autre « courtier dissident », Nick Leeson, cumula 1,38 milliard de pertes sur les marchés boursiers asiatiques, précipitant l’effondrement de la British Barings Bank.

Comme Leeson, Kerviel avait un emploi d’« arrière-guichet » avant d’être promu sur le parquet de la bourse. Conséquemment, il était familier avec le système d’ordinateur de la banque et il était en mesure de camoufler ses manoeuvres frauduleuses, selon la banque.

« Aidé par sa connaissance approfondie des systèmes de contrôle en raison de son ancien emploi dans l’arrière-guichet, il est arrivé à dissimuler des prises de positions aventureuses en mettant en place un montage élaboré de transactions fictives » a déclaré la banque.

Le fait que les pertes résultant des activités de Kerviel soient six fois plus grandes que celles qui avaient provoqué l’effondrement de la Barings montre les montants faramineux de capitaux spéculatifs investis par les banques dans un processus qui est de plus en plus séparé de la véritable production des biens et des services.

Le montant perdu par le négociant français est à peu près équivalent au produit intérieur brut du Honduras, un pays de plus de 7 millions d’habitants.

Le gouvernement français s’est dépêché d’émettre des déclarations afin de minimiser l’importance de cette fraude financière massive et en montrant que la base du système économique et financier reste solide.

En marge du Forum économique mondial à Davos, le Premier ministre français à chercher à rassurer les marchés. « La Société générale a dû à faire face à une fraude très importante, » a-t-il dit. « C’est une affaire sérieuse et, en même temps, c’est une affaire qui n’a rien à voir avec la situation des marchés financiers. »

Cela est complètement absurde. Ce scandale financier majeur — si tel est bien le cas — est intimement lié à la spéculation rampante, au parasitisme et à la fraude manifeste qui prédominent dans tous les secteurs des marchés financiers et qui sont sortis au grand jour avec la crise des prêts hypothécaires à risque aux Etats-Unis.

De plus, la banque a décidé de fermer les positions du courtier le lundi, alors que les prix des actions plongeaient de l’Inde jusqu’à Londres, durant la pire journée pour les marchés mondiaux depuis le 11 septembre 2001.  Il n’est toujours pas clair jusqu’à quel point les transactions de la Société générale ont contribué à la chute des valeurs en Europe.

Finalement, les nouvelles de la fraude ont accentué la déstabilisation du système bancaire européen et international, mettant encore plus en question la crédibilité des institutions financières secouées par une crise globale de crédit.

À la veille des annonces par la Société générale de ses pertes, la banque d’investissement américaine Merrill Lynch, soulignait le caractère international de la crise du crédit et de l’inefficacité relative des banques centrales de la stopper. « Beaucoup d’investisseurs croient que la crise du crédit est purement un problème américain lié aux prêts hypothécaires à risque, » disait le stratégiste en chef pour les investissements de Merrill Lynch, Richard Bernstein. « Rien ne peut être plus loin de la vérité. Il semble apparaître une pandémie globale du crédit. »

Les prétentions, autant de la banque que du gouvernement français, à l’effet que cette fraude massive n’avait aucune signification plus large, ont été accueillies ouvertement avec scepticisme dans les cercles financiers. Les doutes se sont accrus en raison du fait que la banque ait attendu cinq jours pour faire l’annonce de l’existence de cette fraude monumentale et par l’absence de toute accusation criminelle contre Kerviel après les interrogatoires qu’il a subit concernant ses transactions.

Elie Cohen, un professeur en économie de droite ayant joué un rôle majeur au sein du Conseil d’analyse économique du gouvernement, a dit au quotidien Le Figaro, qu’il est « plutôt difficile d’avaler qu’une seule personne a pu cacher de telles pertes une année entière. » Il suggère que la Société générale a décidé de « de jeter tout le blâme sur une pauvre tête de turc » pour passer des pertes qui se sont « accumulées » durant la crise des prêts à risque. Il ajoute, « l’impression sur les parquets des bourses est qu’une seule personne ne peut pas avoir fait tout ça. La Société générale aurait prétendument utilisé une histoire de fraude pour faire passer plusieurs mauvaises transactions boursières. » Le journal citait également un analyste parisien qui disait trouver « particulier qu’une personne sans responsabilités majeurs apparentes » ait pu à elle seule provoquer des pertes aussi énormes.

De la même manière, Arnaud Riverain, à la tête de recherche conjointe d’Arkeon Finance à Paris, exprimait des doutes que Kerviel puisse avoir provoqué une telle « catastrophe » de lui-même. « Lorsqu’un courtier agit pour un client, il y au moins trois autres personnes qui ont été impliquées — pour donner l’ordre, le transmettre et l’exécuter.  Il n’est qu’un maillon dans la chaîne. Et cette chaîne a des règles précises. »

Pendant ce temps, un analyste basé à Paris cité par l’agence de nouvelles Dow Jones avertissait, « qu’il est fort possible que la Société générale ne soit pas un cas isolé et que d’autres pertes soient cachées et risquent de faire surface. » 

(Article original anglais paru le 25 janvier 2008)


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