wsws.org/francais

Visitez le site anglais du WSWS

SUR LE SITE :

Contribuez au WSWS

Nouvelles et Analyses
Luttes Ouvrières
Histoire et Culture
Correspondance
L'héritage que nous défendons

A propos du CIQI
A propos du WSWS

AUTRES LANGUES

Allemand

Français
Anglais
Espagnol
Italien

Indonésien
Russe
Turque
Tamoul

Singalais
Serbo-Croate

  WSWS : Nouvelles et analyses : Asie

Vingt ans depuis la mort de Keerthi Balasuriya

Par David North
5 janvier 2008

Première partie | Deuxième partie

Imprimez cet article | Ecrivez à l'auteur

C’est avec un profond respect et un sentiment persistant de perte que le Comité International de la Quatrième Internationale souligne aujourd’hui le 20e anniversaire de la mort subite et terriblement prématurée de Keerthi Balasuriya. Même après le passage de tant d’années, pour tous ceux et celles qui ont connu et travaillé avec le camarade Keerthi, le sentiment d’une perte politique et personnelle reste très présent.

Sa mort, survenue le matin du 18 décembre 1987 alors qu’il travaillait dans les bureaux de la Ligue Communiste Révolutionnaire du Sri Lanka (prédécesseur du Parti de l’Égalité Socialiste), est arrivée sans avertissement. Moins d’un mois avait passé depuis qu’il était revenu d’Europe, où il avait assisté à une réunion du Comité International. Keerthi était à son bureau en train d’écrire une déclaration sur les leçons politiques de la scission de 1985-1986 dans le CIQI lorsqu’il fut emporté par une crise cardiaque. Il était âgé de seulement 39 ans. S’il avait continué à vivre, le camarade Keerthi approcherait seulement son 60e anniversaire.

Mais, même avec tout ce qu’on perdu suite à sa mort prématurée, Comrade Keerthi a laissé derrière lui un héritage substantiel et durable de travail politique qui constitue un fondement essentiel du mouvement trotskyste.

Même malgré les immenses changements politiques et économiques des deux dernières décennies, les questions et les problèmes auxquels Keerthi s’était attaqué demeurent aussi urgents et pertinents aujourd’hui qu’ils l’étaient au moment de sa mort.

Keerthi est né le 4 novembre 1948, un peu plus d’un an après que l’Inde et le Ceylan (comme le Sri Lanka était appelé jusqu’en 1972) aient acquis leur indépendance sur la base de sordides accords conclus entre l’impérialisme britannique et la bourgeoisie nationale du sous-continent. De différentes façons, les accords conclus entre la bourgeoisie nationale ceylanaise et indienne d’une part et l’impérialisme d’autre part ont préparé le terrain pour les tragédies politiques qui se sont déroulées pendant les six décennies qui ont suivi.

Ces accords ont démontré que la bourgeoisie nationale de Ceylan et de l’Inde craignaient la révolution sociale beaucoup plus qu’elles ne souhaitaient une véritable indépendance. Gandhi et Nehru acceptèrent la partition de l’Inde sur des bases religieuses, trahissant ainsi les aspirations sociales et démocratiques des masses qui coûtèrent la vie à des millions de personnes, condamnant le sous-continent à des guerres récurrentes et consolidant le pouvoir de l’impérialisme sur la région. Au Ceylan, l’ « indépendance » réalisée par la bourgeoisie nationale institutionnalisa la discrimination systématique contre la minorité tamoule et sema les germes d’une future guerre civile.

La trahison, par la bourgeoisie nationale, de la lutte pour l’indépendance validait les points centraux de la théorie de la révolution permanente de Trotsky, qui insistait pour dire que les tâches historiquement progressistes de la lutte anti-impérialiste et démocratique pouvaient être réalisées seulement par la conquête du pouvoir par la classe ouvrière, menée par un parti marxiste basé sur un programme socialiste et internationaliste.

En fait, après le transfert formel du pouvoir à la bourgeoisie indienne et ceylanaise, les principes de la révolution permanente de Trotsky furent invoqués par les leaders du mouvement ceylanais trotskiste qui condamnèrent les termes sur lesquelles l’indépendance avait été réalisée. Cependant, dans la décennie qui suivit, le parti Lanka Sama Samaja (LSSP)—le parti trotskyste—a pris un tournant marqué vers la droite.

Même si ce processus s’est développé en réponse à des pressions venant de l’environnement national, qui encourageait toutes les formes d’opportunisme dans le but de réaliser des gains parlementaires, un facteur clé dans la dégénérescence du LSSP fut la montée généralisée d’une tendance révisionniste à l’intérieur de la Quatrième Internationale. Menées par Michel Pablo et Ernest Mandel, ces forces cachaient l’orientation opportuniste du LSSP et allaient même jusqu’à l’encourager.

La longue dégénérescence politique a atteint son apogée en 1964, lorsque le LSSP, qui bénéficiait encore de l’appui de la majeure partie de la classe ouvrière, a accepté de joindre le gouvernement bourgeois en crise de Mme Bandaranaike. Ce fut un point tournant dans l’histoire de Ceylan et de la Quatrième Internationale. Pour cette dernière, l’entrée du LSSP dans une coalition politique réactionnaire avec la bourgeoisie a mis à nu la nature contre-révolutionnaire du révisionnisme pabliste. Pour le Ceylan, la formation d’une coalition a mis en branle un processus qui mena inéluctablement, en moins de 20 ans, à l’émergence d’une guerre civile.

L’éducation de Keerthi Balasuriya a consisté, avant tout, à assimiler les leçons politiques de ces expériences. Le Comité International a joué un rôle central dans ce processus. Ayant été formé à la suite d’une lutte politique contre Pablo et Mandel qui commença dans la Quatrième Internationale en 1953, le Comité International a suivi les développements au Ceylan et a porté attention à la trajectoire de plus en plus opportuniste du LSSP.

Après l’entrée du LSSP dans la coalition, les Trotskystes britanniques, sous le leadership de Gerry Healy, menèrent une offensive politique contre le LSSP qui trouva écho dans les meilleures sections de la jeunesse étudiante trotskyste de Ceylan. Le travail de clarification politique, qui dura plusieurs années, mena à la formation de la Ligue Communiste Révolutionnaire en 1968. Keerthi fut élu au poste de secrétaire général.

Il ne s’est pas écoulé beaucoup de temps avant que la LCR et le camarade Keerthi soit confronté à un test politique majeur. La trahison du LSSP affaiblit le mouvement ouvrier, aida à diviser les paysans des ouvriers, créa une immense confusion politique et créa un climat favorable à la croissance de l’influence maoïste parmi des sections considérables de la paysannerie et de la jeunesse étudiante. Cela mena à la création et au développement rapide du JVP (Janatha Vimukthi Peramuna—le Front de Libération du Peuple).

Cette organisation projetait une image agressive de militantisme anti-impérialiste. Ça prenait du courage politique et de la perspicacité marxiste pour détecter et démasquer la perspective politique essentiellement bourgeoise et réactionnaire dissimulée dans la rhétorique révolutionnaire du JVP.

En 1970, Keerthi a écrit La nature de classe et la politique du JVP, qui montre clairement le caractère petit-bourgeois et anti-marxiste de cette organisation. Son chef, Wijeweera, menaça Keerthi qu’il serait pendu lorsque le JVP prendrait le pouvoir. Mais, en 1971, le gouvernement de coalition lança une campagne de répression agressive contre le JVP et ses partisans parmi la jeunesse rurale. Malgré ses divergences irréconciliables avec le JVP, la LCR entreprit une campagne contre la répression du gouvernement. Même le JVP fut contraint de reconnaître que la politique de la LCR était basée sur des principes. Après sa sortie de prison, Wijeweera se rendit personnellement au siège de la LCR afin d’exprimer son appréciation de la campagne du parti. (Cela n’a pas empêché le JVP de lancer des attaques contre les cadres de la LCR à la fin des années 1980.)

Une preuve encore plus significative de la fermeté politique et de la force de caractère de Keerthi fut démontrée dans sa critique de la position adoptée par les trotskystes britanniques de la Socialist Labour League (SLL) qui appuyait la Première ministre indienne Indira Gandhi dans sa décision d’envoyer des troupes au Pakistan Est, supposément pour appuyer le mouvement de libération du Bengale. Michael Banda du SLL (prédécesseur du Workers Revolutionary Party), dans une déclaration publiée le 6 décembre 1971, écrivait : « D’une manière critique, nous appuyons la décision du gouvernement bourgeois indien de fournir de l’aide économique et militaire au Bangladesh. »

La position de la LCR était fondamentalement opposée à celle de la SLL. Dans une déclaration publiée le 8 décembre 1971, la LCR écrivait : « Le mouvement trotskyste, représentant les intérêts révolutionnaires du prolétariat, définit sa position en rapport à tous ces mouvements, ces luttes et ces conflits à partir du point de vue de la lutte prolétarienne pour le socialisme. Il déclare de manière catégorique et sans équivoque que la tâche du prolétariat n’est pas d’appuyer l’une ou l’autre des factions de la bourgeoisie, mais d’utiliser tous les conflits dans le camp de l’ennemi de classe pour la prise du pouvoir dans la perspective d’établir une fédération de républiques socialistes qui serait en mesure de satisfaire les aspirations sociales et nationales des millions de travailleurs dans le sous-continent. »

N’ayant pas les moyens de communications instantanés d’aujourd’hui, la LCR n’était pas au courant de la position de la SLL lorsqu’elle publia sa propre déclaration. Lorsque la déclaration de la SLL arriva à Colombo, Keerthi annonça que la LCR suspendait immédiatement la diffusion publique de sa propre position. Il agit ainsi parce que, comme il l’écrivit à Cliff Slaughter, le secrétaire du CIQI, « la clarification au sein de l’Internationale est ce qu’il y a de plus important » et « il nous est impossible de construire une section nationale sans lutter pour la construction de l’Internationale ». Cependant, Keerthi ne mâchait pas ses mots en expliquant le désaccord de la LCR avec la SLL dans sa lettre du 16 décembre à Slaughter :

« Il n’est pas possible d’appuyer la lutte de libération nationale du peuple bengalais et l’unification volontaire de l’Inde sur une base socialiste sans s’opposer à la guerre indopakistanaise. Sans s’opposer à la guerre de l’intérieur de l’Inde et du Pakistan il est complètement absurde de parler d’une Inde socialiste unifiée qui seule peut assurer le droit à l’autodétermination des nombreuses nations du sous-continent indien. »

Le 11 janvier 1972, Keerthi envoya une autre lettre à Londres, cette fois-ci pour répondre à l’appui enthousiaste de Mike Banda à l’intervention de Gandhi. Il détecta dans la position de Banda un retrait par rapport aux positions trotskystes précédemment défendues par le CIQI contre les pablistes.

« La logique de la fausse position du CI sur le Bangladesh aurait mené à l’abandon de l’expérience passée du mouvement marxiste sur la question de la lutte des masse coloniales. Il est évident maintenant que ces tentatives tendent à aller dans la direction d’une révision de tous les gains capitaux acquis par la direction de la SLL dans sa lutte contre le SWP durant la période de 1961 à 1963. Votre lettre du 27 décembre n’était rien de plus qu’une tentative de défendre une position politique en complète rupture avec le marxisme. En tentant de la défendre vous avez déformé le marxisme, semé la confusion et mis à nu votre faillite politique. »

Cette lettre perspicace de Keerthi n’a pas été diffusée au sein du Comité international par la Socialist Labour League. Réalisant que la LCR était capable d’adopter une attitude critique indépendante face au travail du CIQI, la Socialist Labour League entreprit d’isoler les trotskystes sri-lankais et le camarade Keerthi.

Plus la SLL (et ensuite le WRP) dérivait vers la droite, plus les efforts pour isoler la RCL devenaient pernicieux et féroces. Ce n’est qu’au moment de l’éruption de la crise politique au sein de l’organisation britannique et du Comité international en 1985 qu’il devint possible pour ces précieuses lettres de trouver un écho au sein du mouvement international.

À suivre

Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés