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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Grande-Bretagne : Un jeune footballeur talentueux se bat contre l'expulsion

Par Keith Lee et Paul Mitchell
10 janvier 2008

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Alhassan Bangura, talentueux footballeur de 19 ans qui joue pour le club de Watford près de Londres, se bat contre les tentatives du gouvernement travailliste de l'expulser vers son lieu de naissance en Sierra Leone, un pays d'Afrique de l'Ouest. Bangura a demandé l'asile quand il est arrivé au Royaume-Uni à l'âge de 15 ans, mais le ministère de l'Intérieur affirme que, selon les lois en vigueur, son « droit de séjour » a expiré lorsqu'il a eu 18 ans.

Né dans la capitale, Freetown, Bangura a fui la Sierra Leone à la suite du meurtre de son père qui était le chef du Poro, une ancienne organisation tribale qui intervenait dans les cérémonies religieuses. Il dit qu'en tant que fils d'un chef, il est devenu son successeur, mais que lorsqu'il a refusé de participer aux cérémonies il a été menacé. L'affaire est rendue encore plus complexe par les récits de la manière dont les rebelles homicides du Front révolutionnaire uni ont exploité le symbolisme du Poro pendant la sanglante guerre civile (1991-2002), qui a entraîné la mort de plus de 200 000 personnes, un million de réfugiés et des milliers de victimes de viols et d'amputations.

Craignant pour sa vie, Bangura avait fui en Guinée où il avait rencontré un Français qui avait promis de l’aider à entrer en France. Une fois arrivé en France il avait été vendu à la prostitution et violé. Ce n’est que lorsqu’il avait été emmené en Grande-Bretagne qu’il avait réussi à s’échapper et avait demandé le droit d’asile.

Bangura avait obtenu le « droit de séjour » en première instance en juin 2007, mais son procès a été cassé après que le ministère de l'Intérieur ait mesquinement repéré une erreur de droit dans le résumé du juge. Le 11 décembre, il a perdu en appel contre une ordonnance de reconduite à la frontière. Cependant, suite à une campagne de soutien acharnée, le ministre de l'Immigration Liam Byrne a pris la décision exceptionnelle de créer une commission pour étudier la possibilité de lui accorder un permis de travail. Bangura est autorisé à rester au Royaume-Uni pendant que sa demande de permis de travail est étudiée, en même temps son appel contre l'expulsion vers la Sierra Leone sera aussi étudié.

La députée de Watford, Claire Ward, a soutenu la campagne en faveur de Bangura, même si les habitants de sa circonscription ont souligné le contraste entre ce soutien et sa défense aveugle des politiques gouvernementales, dont celle de l'immigration, pour laquelle elle a été récompensée en devenant le Chief Whip [responsable de la discipline, ndt] de la représentation travailliste à la Chambre des Communes. Ward a déclaré « Nous avons obtenu une concession de la part du ministère de l'intérieur, le club de football de Watford déposera une demande pour un permis de travail exceptionnel, sans qu'Al ait à quitter le Royaume-Uni.

« Parce qu'Al ne serait pas automatiquement retenu pour un permis de travail, son cas sera étudié par une commission indépendante, dont feront partie des membres du ministère de l'Intérieur et des représentants du monde du football.

« Ils prendront en considération les critères de la loi ainsi que son passé et ce qu'il apporte au jeu, puis ils diront au ministère de l'Intérieur s'il doit être autorisé à recevoir le permis de travail. Pour l'essentiel, ce que le ministre et le ministère ont  fait, c'est ouvrir une nouvelle voie par laquelle nous espérons qu'Al sera autorisé à rester au Royaume-Uni. »

Bangura rencontre quand même des difficultés. Pour être retenu pour un permis de travail, un footballeur doit avoir joué un certain nombre de matches pour son équipe nationale, qui doit être classée parmi les 70 meilleures par la FIFA, l'association internationale de football. En étant arrivé au Royaume-Uni à 15 ans en tant que réfugié, il n'y a aucune chance pour Bangura de s'être fait un nom au service de la Sierra Leone, qui, de toute façon, est classée au 156e rang.

Cette situation difficile lui a valu la sympathie des joueurs, du personnel et des milliers de fans du FC Watford et d'autres clubs de foot. Une pétition sur Internet, mise en ligne par les supporters, a recueilli 10 000 signatures et les fans des deux camps se sont levés pour l'acclamer lors du dernier match entre Watford et Plymouth Argyle. Stephane Burchkalter, secrétaire général de la section africaine de la FIFpro, l'organisation mondiale qui représente les footballeurs, et le précédent propriétaire du club de Watford, Elton John, lui ont aussi apporté leur soutien.

Le manager de Watford, Aidy Boothroyd, qui a témoigné en faveur de Bangura aux audiences en appel, a déclaré, « Après l'audience sur l'immigration, j'ai dit que j'avais confiance dans la justice britannique, mais visiblement je me suis totalement trompé parce que c'est une décision complètement ridicule... Voilà un jeune homme qui paye ses impôts, a une fiancée et un fils nouveau-né et quelqu'un s'imagine que c'est une bonne idée de le renvoyer au Sierra Leone. Nous avons reçu un document qui mentionne les raisons pour lesquelles il est déporté et elles sont ridicules. »

Alhassan a accordé un entretien au Watford Observer où il explique comment il a découvert la décision du ministère de l'Intérieur de le déporter. Il s'est réveillé un matin et a trouvé une lettre sur son paillasson et il n'arrivait pas à comprendre pourquoi ils voulaient le renvoyer.

« Je fais tout comme il le faut. J'habite ici, J'y ai ma famille et mon travail – je ne fais de mal à personne. Je suis heureux d'être ici, je considère cet endroit comme mon foyer, mon pays. J'aimerais être un citoyen ici, si on me donnait une chance d'être Anglais, je la saisirais sans hésiter. Je prie tous les soirs pour que le ministre de l'Intérieur reconsidère cette question et m'autorise à rester, parce qu'au fond de moi, je sais que c’est ici que je dois être », a-t-il expliqué.

« Ma fiancée est très, très contrariée. Nous venons d'avoir notre premier enfant et ce devrait être une joie pour nous deux. Au lieu de ça, elle est très déprimée en ce moment et je dois m'occuper d'elle et m'assurer qu'elle et le bébé vont bien.

« Pourtant, c'est une mère fantastique, elle a été formidable avec Samal et c'est formidable d’avoir ce petit ici. »

Le cas de Bangura n'est que la partie émergée de l'iceberg d'un système brutal. Il a pour une fois mis en lumière le sort des réfugiés et des demandeurs d'asile, qui est rarement mentionné par les politiciens et des médias, plus occupés à organiser la chasse aux sorcières contre les sections les plus vulnérables de la société et à les accuser de tous les maux.

Dans une autre affaire récente, un juge de la Cour de cassation a ordonné au ministre de l'Intérieur Jacqui Smith de faire revenir un réfugié d'origine irakienne de 15 ans qui avait été expulsé vers l'Autriche, son point d'entrée dans l'Union européenne. Le ministère de l'Intérieur avait justifié l'enlèvement de l'enfant au domicile de sa famille d’accueil lors d'une descente de police au petit matin en affirmant que les services sociaux de Richmond pourraient prévenir le garçon qu’il était menacé d’expulsion. L'enfant avait passé une nuit dans un commissariat en Autriche avant d'errer dans les rues pendant les trois nuits suivantes, jusqu'à ce qu'il soit autorisé à entrer dans un foyer pour adultes.

Le juge a condamné son traitement en disant, « c'est une approche dégradante du problème. Je ne vois aucune justification possible pour ça. »

« Expulser quelqu'un – un mineur vulnérable – sans façon en allant chez lui sans prévenir à quatre heures du matin est, je pense, véritablement scandaleux », a-t-il déclaré.

Selon la Convention de Genève sur les Droits de l'Homme, les gouvernements sont obligés d'accepter les enfants non accompagnés qui demandent l'asile. Mais le gouvernement travailliste de Grande-Bretagne passe outre l'application de la loi internationale. Il est devenu routinier que des jeunes gens soient détenus et expulsés une fois qu'ils ont 18 ans. Beaucoup d'entre eux doivent faire face à un retour dans un pays dont ils ne savent presque rien, dont ils ne parlent parfois même pas la langue et où ils n'ont aucun membre de leur famille ou ami encore en vie pour les aider. Le gouvernement refuse de prendre en considération le fait que beaucoup d'expulsés risquent la torture, les escadrons de la mort, l'arrestation et la prison.

D'après les associations caritatives, la politique du Parti travailliste a créé un « désastre humanitaire » dans lequel beaucoup de réfugiés n'ont pas accès à un avocat, l'aide juridique a été réduite ou n'est pas disponible et certains avocats n'ont aucune expérience des lois sur l'immigration. Dans certains cas, les avocats n'ont que 24 heures pour prendre connaissance des dossiers, dont beaucoup sont complexes et requièrent des recherches approfondies.

En dépit des gros titres à sensation dans les médias à propos de la Grande-Bretagne « submergée [par les immigrés], » de récentes statistiques indiquent que le nombre des demandes d'asile est tombé à 23 610, le plus bas niveau depuis 14 ans, et que les expulsions ont augmenté de 17 pour cent depuis 2006 pour atteindre le nombre de 45 000 – soit « une toutes les huit minutes » comme les ministres ne manquent pas de le crier sur tous les toits.

Et le gouvernement travailliste va encore accentuer fortement la pression sur les immigrés « illégaux » à partir de février prochain. Byrne affirme qu'à la fin de l'année prochaine le système d'immigration « sera méconnaissable. » La totalité des dix lois sur l'immigration adoptées depuis le début des années 1970 sera remplacée par un nouveau texte. Celui-ci implique que les trois quarts de la population mondiale auront besoin d'un visa avec empreintes digitales et d'une carte d'identité s'ils veulent venir au Royaume-Uni. Un système à points cantonnera les nouveaux arrivants à ceux qui ont des compétences que le capitalisme britannique recherche ou qui sont assez riches pour subvenir eux-mêmes à leurs besoins. La nouvelle administration unique des frontières aura des pouvoirs accrus pour empêcher les entrées sur le territoire, conduire des expulsions et faire des descentes sur les lieux de travail. Les employeurs qui emploient des travailleurs illégaux à leur insu encourront une amende maximale de 10 000 livres par employé trouvé dans leurs locaux et ceux qui en emploient délibérément encourront des amendes et des peines d'emprisonnement sans limites prédéfinies. Des mesures additionnelles feront passer l'âge auquel un étranger peut venir se marier au Royaume-Uni de 18 à 21 ans, et bloqueront l'accès à la citoyenneté pour toute personne ayant un casier judiciaire.

Les médias de droite demandent que davantage de gens se voient interdire l’entrée dans le pays et que ceux qui sont sur place soient expulsés. Cette hystérie invoque essentiellement la « guerre contre le terrorisme » et les prétendues menaces contre la sécurité de la Grande‑Bretagne pour exiger que les prisonniers étrangers soient systématiquement expulsés vers leur pays d'origine, même après avoir accompli leur peine. Des immigrés qui ont obtenu le feu vert des services de Sécurité industrielle du ministère de l'Intérieur sont renvoyés de leur emploi de gardien chargé de la sécurité, où la plupart d'entre eux doivent passer de longues heures à faire des rondes solitaires dans des entrepôts, des usines et des bureaux pour le salaire minimum. Le porte-parole de l’opposition sur les questions d’affaires intérieures, David Davis, accuse maintenant le gouvernement de pratiquer une « amnistie déguisée » qui va autoriser 160 000 immigrés « illégaux » à rester et prétend qu'« après 18 mois d'efforts, et d'après leurs propres chiffres... il faudra des dizaines d'années pour rattraper le retard accumulé. »

Évidemment, les médias de gauche ne peuvent pas se montrer aussi grossièrement xénophobes, leurs arguments en faveur de contrôles accrus sont donc envisagés du point de vue d'une « préoccupation » pour les travailleurs. L'Observer et le Guardian ont tous deux encouragé et fait la promotion du tournant politique du Parti travailliste sur l'immigration, en utilisant une variante de la technique préférée de la droite — l'affirmation selon laquelle il est impossible de maintenir un État-providence parce que les gens ne sont prêts à partager qu'avec ceux qui ont les mêmes valeurs et la même culture. Ces opinions s'accordent parfaitement avec une tendance du Parti travailliste qui réclame des mesures plus sévères pour réduire l'immigration, et affirme que c'est le meilleur moyen de combattre la montée en puissance du British National Party [parti d’extrême-droite.] Son représentant le plus énergique, le député de Dagenham John Cruddas, affirme que le soutien dont bénéficient les fascistes peut être attribué aux griefs légitimes des travailleurs blancs enragés par l'immigration illégale et les demandes d'asile injustifiées, ajoutées aux politiques d'aide sociale qui participent aussi à la discrimination contre la « classe ouvrière blanche. »

De cette manière, la menace fasciste devient un prétexte pour que le Parti travailliste adopte une politique sociale encore plus à droite. Les immigrés et les demandeurs d'asile sont les boucs émissaires pour tous les maux de la société causés par une inégalité sociale qui s'aggrave en permanence, la fin des garanties sociales comme la sécurité sociale et le manque de logements sociaux, ce dont les travaillistes sont responsables.

Et que dire de l’avenir d’Al Bangura s'il devait perdre son droit de séjour au Royaume-Uni ?

La Sierra Leone est présentée comme un modèle de réussite de l'Occident, particulièrement de la part de la Grande‑Bretagne et du précédent premier ministre Tony Blair. Les troupes britanniques sont intervenues dans le pays en 2000 et ont été suivies par l'arrivée de plus de 17 000 soldats des Nations Unies. Dès lors, la Grande‑Bretagne a dans les faits pris en charge l'administration civile et militaire du pays et fourni la plus grande partie de l'aide — quelque 40 millions de livres (53,5 millions d'euros) en 2006. En juillet 2007, le ministère de l'Intérieur a ajouté la Sierra Leone à sa « liste blanche » des pays sûrs d'où les demandes d'asile sont présumées être infondées et où les demandeurs doivent retourner dans leur pays d'origine pour faire appel.

Pourtant, l'organisation humanitaire Human Rights Watch à fait savoir l'année dernière, que « Depuis la fin du brutal conflit armé au Sierra Leone en 2002, peu d'améliorations ont été apportées aux facteurs qui ont contribué à l'émergence du conflit en 1991 — une corruption endémique, un mauvais usage flagrant des finances publiques, une distribution inadaptée des ressources naturelles du pays, et une faible autorité de la loi. L'incapacité du gouvernement à s'occuper de la pauvreté extrême en dépit d'une aide internationale massive, et le taux de chômage alarmant chez les jeunes, rendent la Sierra Leone vulnérable à des instabilités futures. »

Le rapport indique que le gouvernement a fait bien peu d'efforts pour mettre en pratique la plupart des recommandations de la Commission pour la vérité et la réconciliation mise en place après la guerre civile et en a rejeté certaines autres, dont l'abolition de la peine de mort. La police et l'armée de la Sierra Leone « sont depuis longtemps la source d'une instabilité considérable, de corruption, de violations des Droits de l'Homme et ont bénéficié d'une immunité quasi-complète contre les poursuites pénales. » Il y a des « défaillances surprenantes » dans le système judicaire, qui « minent gravement » les droits des victimes et des accusés, notamment l'extorsion et la corruption, des délais pour obtenir un avocat qui, dans certains cas, peuvent atteindre cinq ans, l'obtention de déclarations sous la contrainte, la détention sans inculpation, ainsi que de nombreux décès en captivité.

La Sierra Leone est le pays le plus pauvre du monde, l'espérance de vie y est de 34 ans et un quart des enfants du pays meurent avant d'avoir cinq ans.


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