De nombreux soldats de l’OTAN et des forces afghanes ont
poursuivi durant le week-end la recherche essentiellement infructueuse de plus
de 1000 prisonniers qui se sont échappés d’une prison de la ville de Kandahar
au sud du pays.
Le raid spectaculaire qui a libéré ces prisonniers débuta
dans la nuit de vendredi lorsqu’un camion-citerne bourré d’explosif défonça
l’entrée principale de la prison de Sarposa. Ensuite, un second véhicule fut
utilisé pour créer une brèche dans un mur situé à l’arrière des installations
pénitentiaires. Dans la foulée de l’explosion, quelque trente guérilleros sur
des motocyclettes armés de mitraillettes et de grenades tuèrent quinze gardes
avant d’ouvrir systématiquement toutes les cellules et de transporter des
centaines de prisonniers politiques dans des camionnettes.
L’attaque fut une véritable humiliation pour le
gouvernement à la solde de l’Occident du président Hamid Karzaï qui a souligné
sa faiblesse, son incompétence et sa corruption. Elle souligne de la même façon
l’échec de l’occupation de l’OTAN à réprimer l’insurrection croissante, malgré
le déploiement record de troupes étrangères dans le pays.
À la suite de l’évasion, les forces américaines ont été
victimes samedi de l’attaque la plus mortelle cette année lorsqu’un engin
explosif a éclaté sous un Humvee dans la province de Farah, tuant quatre marines
américains.
Dimanche, des représentants afghans affirmaient n’avoir
réussi qu’à capturer 20 des prisonniers en fuite. Selon un porte-parole de
l’OTAN, plus de 1150 prisonniers se seraient évadés. Un sous-ministre au
ministère afghan de la Justice, Mohammad Qasim Hashimzai, déclara à l’agence de
presse Reuters que l’évasion « était une attaque tout à fait sans
précédent ». Il affirma que les responsables du régime « tentent de
découvrir ce qui s’est vraiment passé. Nous essayons de déterminer s’il y a eu
de l’aide de l’intérieur ».
Une telle « aide de l’intérieur » avait déjà été
identifiée lors d’une précédente attaque, où des tireurs avaient infiltré en
avril dernier une parade militaire célébrant une fête nationale à Kaboul, et
avaient ouvert le feu sur la foule, manquant Karzaï de peu. Des représentants
des ministères de la Défense et de l’Intérieur furent arrêtés le mois dernier
pour avoir participé au complot.
Ces événements entretiennent internationalement le
sentiment que le gouvernement Karzaï est sur le point de s’effondrer. L’évasion
est survenue seulement une journée après qu’une conférence internationale à
Paris se soit engagée à verser 20 milliards $ pour les efforts de
reconstruction en Afghanistan. Cependant, les donateurs se virent obligés dans
leurs déclarations d’exiger du régime afghan qu’il combatte la corruption et
fasse respecter « la loi ». Nombreux sont ceux qui doutent que les
fonds iront au développement national et qu’ils se retrouveront plutôt dans les
comptes de banque à l’étranger des partisans de Karzaï.
Drones déployés pour la chasse à l’homme
Dans leur chasse aux évadés, les troupes de l’OTAN avec les
soldats afghans, la police et les agents de sécurité ont bouclé les environs de
Kandahar, le lieu d’origine des talibans qui ont été chassé du pouvoir lors de
l’invasion américaine en 2001. Les forces de sécurité ont érigé des barrages
routiers et fouillé les maisons.
Pendant ce temps, les forces dirigées par les États-Unis
près de l’aéroport Kandahar ont envoyé des avions-espions, incluant des drones
(des avions sans pilote), à l’extérieur de la zone de la ville pour tenter de
retrouver les prisonniers manquants.
L’agence de nouvelles française AFP rapportait que l’un des
évadés avait informé les journalistes que les fugitifs étaient cachés en zone
sûre.
« Ils sont entrés et nous ont libérés », a dit
cet homme, qui s’identifiait sous le nom d’Abdullah. « Ceux qui ne
pouvaient pas embarquer dans l’autobus se sont échappés à travers les champs de
pommetiers. Nous sommes tous en sécurité maintenant. »
Kandahar est à moins de deux heures de route de la
frontière avec le Pakistan, où l’on soupçonne que plusieurs des prisonniers se
seraient réfugiés.
Les groupes de défense des droits de l’homme en Afghanistan
ont dit entre temps que le succès de cette évasion était au moins en partie une
indication du traitement horrible qui y était infligé aux détenus, plusieurs
ayant été détenus par les forces américaines, et ensuite transférés aux
autorités afghanes en vertu d’une entente conclue l’an dernier.
Alors que les représentants du gouvernement et de l’OTAN
rapportaient que certains des commandants de second et de haut rang faisaient
partis des fugitifs, l’Organisation des droits de l’homme d’Afghanistan (AHRO)
a dit que beaucoup parmi les détenus se trouvaient en prison simplement suite à
des rafles de sécurité.
Plusieurs centaines de prisonniers faisaient une grève de
la faim, et approximativement 40 s’étaient cousu la bouche en guise de
protestation contre leur détention sans accusation, dans certains cas pour une
durée de deux ans ou plus, victimes de torture systématique.
Les représentants de l’AHRO ont dit qu’ils avaient prévenu
le régime afghan que la colère et le désespoir des prisonniers et de leurs
familles dans la région étaient une menace majeure à la sécurité.
« Plusieurs
des prisonniers qui se sont maintenant échappés de Sarposa ont subi des formes
inimaginables de torture et souffrent de sévères problèmes mentaux en raison
des abus » a dit le président de l’AHRO, Lal Gul, un mandataire. « Les
prisonniers se sont plaint d’agression sexuelle à l’aide de chiens entraînés et
de torture physique entraînant la perte de membres ou de parties du corps. Les
gens dans la région étaient, de manière compréhensible, outrés par ces abus et
ils se sentaient de plus en plus désespérés car la plupart des gens détenus
là-bas n’avaient rien à voir avec les talibans. »
Le représentant
pour les droits de l’homme a affirmé que les talibans gagnaient de l’appui dans
la région, autant en raison de ces abus qu’à cause de la campagne de bombardement
américaine qui s’accentue et qui a causé la mort de civils, dont des femmes et
des enfants.
Le régime afghan
a adopté les standards utilisés par l’administration Bush dans sa supposée
« guerre contre le terrorisme », refusant tout droit aux détenus
désignés comme étant des partisans des talibans, que ce soit en tant que
criminel suspect ou en tant que prisonnier de guerre. Le résultat inévitable a
été leur torture, sous la garde des Etats-Unis comme sous la garde afghane.
Près de sept ans
après que Washington eut lancé son « Opération liberté immuable »
avec des raids aériens et une intervention au sol en Afghanistan avec l’aide de
près de 70 000 troupes américaines et de l’OTAN occupant le pays,
l’insurrection gagne en force. L’hostilité populaire envers l’occupation
étrangère et le régime de Karzaï a été nourrie par le massacre de civils lors
de raids aériens américains, par la répression et la corruption du gouvernement
et par la pauvreté et la faim persistantes.
Des centaines de
gens ont manifesté dimanche contre la mort de civils causée par un bombardement
aérien américain dans la province de Paktia, au Sud-Est.
Les attaques
provenant des insurgés dans la région orientale du pays, occupée principalement
par les troupes américaines, ont augmenté de 50 pour cent en avril, selon les
sinistres statistiques fournies par le commandant sortant des forces de l’OTAN
dans le pays, le général Dan McNeill, lors d’une conférence de presse du
Pentagone donnée vendredi.
Les attaques ont,
pour la première fois, amené les morts américaines en Afghanistan à un niveau
numériquement plus élevé que celles souffertes en Irak. 17 soldats et marines
américains sont morts en Afghanistan le mois dernier, comparés à 14 en Irak. Le
nombre de soldats faisant partie d’autres contingents de l’OTAN qui ont été
tués dans le pays s’élève à 23, le plus haut total mensuel depuis août dernier.
Jusqu’à maintenant, 8 soldats américains ont été tués en Afghanistan ce
mois-ci.