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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Belgique : le gouvernement Leterme va d’une crise à l’autre

Par Paul Bond
4 juin 2008

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Après les élections législatives de l’été dernier, il aura fallu au premier ministre belge, Yves Leterme, près de neuf mois pour former son gouvernement de coalition. Il a fallu à peine deux mois pour prouver que ce gouvernement est incapable de résoudre le moindre problème politique auquel la Belgique est confrontée. Il y a deux semaines, Leterme a réussi à éviter une crise imminente, tout en provoquant de nouvelles confrontations entre les différentes régions du pays.

La Belgique connaît un bouleversement politique depuis les élections de juin dernier. En alliance avec la N-VA des nationalistes flamands, le Parti démocrate chrétien et flamand (CD&V) l’avait emporté sur le Parti des libéraux et démocrates flamands (VLD) du premier ministre sortant, Guy Verhofstadt.

Leterme avait mené sa campagne électorale sur le thème de l’extension de l’autonomie régionale. Dans la pratique, ceci signifie couper le nord du pays, la Flandre, plus riche et de langue flamande, de la Wallonie, la partie sud plus pauvre et francophone, comme le réclament les nationalistes flamands. De tels changements constitutionnels ne peuvent être adoptés qu’à la majorité des deux tiers des votes ce qui faisait défaut à Leterme. En raison de ces propositions, Leterme fut dans l’incapacité de former une coalition entre les libéraux wallons et les démocrates-chrétiens qui considéraient cela comme un pas vers la sécession et qui aurait des conséquences économiques dévastatrices dans la région francophone.

Enhardis par les propositions avancées par Leterme et le chaos qui avait accompagné les négociations de coalition, les nationalistes flamands étaient devenus plus intransigeants dans leurs revendications pour des pouvoirs autonomes renforcés. En l’absence d’un accord, le roi Albert II avait chargé le premier ministre Verhofstadt évincé de former un gouvernement intérimaire.

Le conflit avait duré jusqu’en mars dernier. Pour pouvoir voter un nouveau budget dans des conditions économiques difficiles, il était devenu de plus en plus urgent de mettre en place un gouvernement. Verhofstadt, dans sa capacité de premier ministre intérimaire, avait annoncé que les caisses de l’Etat étant vides qu’il était impossible de prévoir toute nouvelle initiative budgétaire. La dette publique s’était élevée à 87 pour cent du PIB durant la dernière année du mandat de Verhofstadt comme premier ministre. La constitution prévoit qu’un nouveau gouvernement vote le nouveau budget, mais le gouvernement intérimaire avait engagé des pourparlers avant que la coalition soit formée.

Pour pouvoir constituer une coalition, Leterme avait dû jouer sur des questions constitutionnelles. Il avait confié la question de la réforme régionale à un groupe spécial de députés qui rendra compte de son travail en juillet. Ceci a écarté tout débat contentieux des négociations de coalition immédiates, mais n’a satisfait aucune des parties.

Les politiciens francophones restent inquiets quant à une plus grande extension de l’autonomie régionale qui réduirait drastiquement les revenus de la Wallonie, qui sont calculés sur la base des impôts fédéraux. Les nationalistes flamands sont mécontents de ce qu’ils considèrent être un recul par rapport au programme régional. Gerolf Annemans du Vlaams Belang (VB) séparatiste d’extrême droite (Intérêt flamand – anciennement Vlaams Blok) a accusé Leterme de formuler des revendications pour la Flandre et puis d’y renoncer. Alors qu’autrefois le VB était traité comme un paria extrémiste, ses positions font à présent de plus en plus partie de la tendance dominante de la politique régionale flamande. Bart de Wever de la N-VA a dit, « Nous verrons en juillet si on a fait suffisamment de choses, » une attitude qui a également été adoptée par le propre parti de Leterme. Les partis wallons ont exprimé leur mécontentement au sujet du niveau de représentation dans l’équipe gouvernementale.

La N-VA, l’autre grand vainqueur des élections législatives de juin dernier, se retira de la coalition. Leterme fut finalement en mesure d’obtenir une majorité lors d’un vote de confiance à la Chambre des représentants en rassemblant derrière lui cinq formations pour constituer la coalition. Le CD&V fut rejoint par son parti frère wallon, le cdH, le Parti socialiste (SP), le VLD et son parti frère wallon, le MR. Le fait que Leterme ait réintégré au gouvernement le parti même qui avait perdu les élections en juin montre combien la classe dirigeante belge est à bout tandis que les murmures de mécontentement émis durant le vote de confiance soulignent l’instabilité de la coalition. Le débat budgétaire qui aurait dû être facilité par la coalition n’a fait qu’exacerber les tensions politiques.

Leterme a promis d’augmenter les retraites et de réduire les impôts sur les plus bas salaires, d’investir dans la couverture santé, dans l’environnement et la sécurité. L’accord sur les propositions faites par Leterme d’examiner une réforme constitutionnelle a fait que les négociations budgétaires ont pu aboutir. Le budget comprend 340 millions d’euros destinés à des mesures nouvelles, y compris une hausse de deux pour cent des retraites les plus faibles, une garantie de revenu aux personnes âgées et un relèvement des plafonds pour les retraités. On ne sait pas très bien si on a vraiment les moyens de financer toutes ces mesures, compte tenu de la récente mise en garde et critique de Verhofstadt selon lesquelles le gouvernement d’intérim n’avait pas prévu suffisamment de fonds pour le financement d’une population vieillissante.

Le budget avait été calculé sur la base de prévisions d’inflation de 3 pour cent. La Banque centrale prévoit une inflation de 2,9 pour cent, mais le ministre belge des Finances, Didier Reynders, a dit cette semaine que l’inflation pourrait atteindre 3,5 pour cent en entraînant une hausse des prix à l’intérieur du pays et en zone euro. Reynders a mis en garde qu’une augmentation globale des prix de l’alimentation et son impact sur les citoyens les plus pauvres, affecteraient les budgets, il a prédit « des révisions budgétaires en 2008 » dans le nombreux pays. Il a également dit que le resserrement du crédit commencerait à se faire sentir dans la zone euro dans la seconde moitié de 2008 au fur et à mesure que la crise s’étend à l’échelle mondiale. « Nous avons assisté à une distribution au monde entier du risque venu des Etats-Unis, » a-t-il dit.

C’est dans ce contexte économique que les nationalistes flamands cherchent à se libérer du subventionnement de la Wallonie pauvre.

La structure d’Etat belge à l’équilibre délicat est organisée en régions et communautés. Il y a trois régions : La Flandre, la Wallonie et au centre la région de Bruxelles, la capitale. Il y a trois communautés linguistiques : le néerlandais, le français et l’allemand. Bruxelles est à prédominance une ville francophone proche de la frontière linguistique et située dans la province néerlandophone du Brabant. Bruxelles est encerclée d’une circonscription électorale bilingue, Brussel-Halle-Vilvoorde/Bruxelles-Hal-Vilvoorde (BHV).

De par la constitution, chaque région est administrée par un groupe linguistique, et donc les gens vivant en Flandre ne votent que pour des partis de langue néerlandaise. En BHV, par contre, les électeurs ont le choix de voter pour des candidats de l’un ou de l’autre groupe linguistique. Au cours de ces dix-huit derniers mois, les politiciens flamands n’ont cessé de réclamer la fin de cette situation. Leurs appels pour une scission de BHV en deux parties briserait le lien de Bruxelles avec la Wallonie et priverait l’importante minorité de dizaines de milliers d’électeurs francophones qui y vit de la possibilité de voter pour des partis francophones ou d’utiliser le français dans un quelconque contexte officiel.

Le conflit est devenu de plus en plus acrimonieux. En janvier 2007, les autorités régionales flamandes ont refusé de nommer des maires francophones dans les riches municipalités de Linkebeek, Wezembeek-Oppem et Kraainem. Bien que les municipalités aient des majorités francophones, elles se trouvent en Flandre et les autorités régionales insistent pour que le néerlandais soit employé pour les affaires officielles. Sur les 5.000 habitants de Linkebeek, 86 pour cent sont francophones. L’entrée de la mairie de Linkebeek avait été murée durant le conflit. Des panneaux de signalisation bilingues sont régulièrement dégradés. Le Conseil de l’Europe a dépêché dernièrement des envoyés spéciaux pour enquêter sur les droits locaux de participation à l’autonomie locale.

A Liedekerke, l’insistance du conseil municipal sur la « nature flamande » de la ville a suscité la fureur. Non seulement en matière administrative et scolaire le néerlandais doit s’appliquer, mais des enfants qui ne parlent pas la langue sont privés de sorties tels des cours de natation. Johann Daelman, le conseiller local de VB a usé de cet argument contre des immigrés africains.

Ce n’est pas un hasard si le séparatiste Daelman tire la conclusion que « la meilleure réponse est la division du pays. » L’ensemble des partis flamands a adopté le séparatisme du VB. Le ministre flamand de l’Intérieur, Marino Keulen du VLD, a rapidement annulé la décision de Liedekerke concernant les sorties scolaires, mais il a également exprimé sa contrariété quant au subventionnement flamand de la Wallonie. Comme l’a fait remarquer Marc Mertens, secrétaire communal de Liederkerke, l’association sportive Bloso qui est contrôlée par la région, peut aussi renvoyer chez eux des enfants qui ne comprennent pas le néerlandais. L’un des collaborateurs de Keulen, Steven Vansteenkiste, a été largement cité pour s’être plaint d’un veto francophone et des sommes d’argent qui vont du nord vers le sud.

Bruxelles est critique vis-à-vis de tous les programmes politiques régionalistes. Chaque proposition faite pour diviser le pays cherche à garder le contrôle de la capitale. Même le séparatiste VB flamand propose de lui conférer un statut linguistique spécifique dans le but de la préserver comme partie intégrante du territoire revendiqué. Olivier Maingain du Front démocratique des francophones (FDF) nationaliste wallon a dit que l’élargissement de Bruxelles et son attachement à la Wallonie doivent être le prix de toute division de BHV. Ceci se fait l’écho des propositions faites l’année dernière par Joëlle Milquet du cDH selon lesquelles les municipalités flamandes au sud de Bruxelles devraient être incorporées à la ville, la reliant ainsi à la Wallonie.

Une bonne part de l’élan moteur pour la division du pays est venue du propre parti de Leterme. Le CD&V avait posé un ultimatum à Leterme à savoir que le parti le soumettrait à un vote de confiance s’il était dans l’incapacité d’obtenir l’accord des partis francophones pour ses propositions. Selon certaines sections des médias belges, les dirigeants du parti avaient été sur le point d’approuver un accord retardant le débat en vue de voter le budget, mais le CD&V s’y était opposé.

Il y a deux semaines, Leterme avait finalement obtenu une majorité au parlement pour repousser davantage encore le débat régional et permettre le vote du budget 2008. Immédiatement après, au petit matin, le CD&V avait déposé une motion pour empêcher que les francophones de BHV puissent voter pour les partis francophones. Les politiciens francophones ont recouru à un dispositif constitutionnel pour mettre en attente la loi pendant 120 jours. Leterme espère pouvoir inclure des propositions pour BHV dans son paquet de réforme plus générale d’autonomie régionale prévu pour le 15 juillet.

Il y a eu un soupir de soulagement dans certaines sections de la classe dirigeante belge, aux dires du journal Le Soir, « Certes, le pire a été évité. » Ceci paraît être exceptionnellement optimiste. Toute loi peut être définitivement votée par la majorité flamande à la Chambre basse. Le CD&V n’avait pas été gagné à sa cause par les promesses de Leterme d’une réforme plus générale et le MR, le cDH et le PS ont tous promis de briser la coalition de Leterme s’il entreprenait la division de BHV. Au plus, Leterme a obtenu un sursis, mais cela ne veut pas dire qu’il peut résoudre la crise. Comme l’a dit un titre du journal De Morgen, « Nouvelle crise le 15 juillet. »

Leterme poursuit exactement la politique qui a créé la présente crise. Il y a eu un virage à droite ces derniers temps dans la politique belge. Une analyste politique avait remarqué avant le vote BHV que la politique belge était à présent polarisée. Caroline Sägesser a dit que « tous les députés flamands sont en train de former un bloc contre tous les députés francophones et nous n’avons à ce jour pas eu une telle situation en Belgique fédérale. » Elle a décrit ceci comme une « escalade de l’antagonisme. »

La situation devient de plus en plus instable. Marc Mertens n’est pas seul à croire que la Belgique c’est fini et qu’elle « deviendra superflue. » Le conflit BHV, croit-il, sera considéré comme « le début d’une guerre entre les néerlandophones et les francophones. »

Il ne peut pas y avoir de solution à la crise belge au sein du système politique existant qui porte la responsabilité directe pour la création et la promotion du nationalisme, du régionalisme et de l’inégalité que l’on peut voir aujourd’hui. La crise en Belgique met l’accent sur le besoin urgent d’un programme socialiste qui unisse la classe ouvrière sur le plan international et qui combatte le développement néfaste du nationalisme et du régionalisme. Seul un tel programme peut unir les travailleurs belges non seulement de par les barrières linguistiques au sein de la Belgique mais avec leurs frères et sœurs de classe de par le continent en construisant les Etats socialistes unis d’Europe.

(Article original paru le 27 mai 2008)

Voir aussi :

Belgique : Un gouvernement provisoire est nommé [15 janvier 2008]

Sans nouveau gouvernement, la Belgique risque la scission [10 janvier 2008]


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