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WSWS : Nouvelles et analyses : Moyen-Orient

L’ancien ministre allemand des Affaires étrangères met en garde contre une frappe israélienne contre l’Iran

Par Stefan Steinberg
11 juin 2008

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Dans un article paru fin mai dans les journaux de langue anglaise Daily Star (Liban) et National Post (Canada), l’ancien ministre allemand des Affaires étrangères et dirigeant du parti des Verts, Joschka Fischer, a formulé une mise en garde selon laquelle Israël projette d’attaquer l’Iran dans un avenir proche.

Sous le titre « La guerre avec l’Iran pointe à l’horizon », Fischer commence par faire allusion à une « politique américaine erronée » qui a produit une situation où « la menace d’une confrontation militaire plane au-dessus du Proche-Orient comme un nuage sombre ».

Fischer déclare qu’une des conséquences de la politique gouvernementale de Bush est que les ennemis des Etats-Unis ont été renforcés et que de nouvelles alliances se sont forgées au Proche-Orient.

Il cite un certain nombre de facteurs qui soulignent la possibilité d’une frappe militaire israélienne contre l’Iran, dont « la hausse persistante du prix du pétrole qui a engendré de nouvelles opportunités financières et politiques pour l’Iran, la défaite possible de l’occident et de ses alliés régionaux engagés dans des guerres par procuration à Gaza et au Liban ; et l’échec du Conseil de sécurité des Nations unies à pousser l’Iran à accepter un gel provisoire de ses programmes nucléaires. »

Fischer signale que l’axe central de la récente visite du président George Bush en Israël n’était pas d’encourager une résolution du conflit entre la Palestine et Israël, mais plutôt de promouvoir une alliance pour soutenir des mesures plus dures à l’encontre de l’Iran, y compris des options militaires.

Il écrit que « ceux qui avaient espéré que sa visite concernerait principalement les négociations bloquées entre Israël et les Palestiniens ont été amèrement déçus. » Il poursuit : « Le thème central de Bush, y compris son discours devant la Knesset, était l’Iran. Bush avait promis d’arriver cette année avant la fin de son mandat à une résolution rapide du conflit au Proche-Orient. Mais sa récente visite en Israël semblait indiquer que son objectif était tout autre : il semblait planifier, de concert avec Israël, l’arrêt du programme nucléaire iranien, par des moyens militaires plutôt que diplomatiques. »

Fischer énumère ensuite une liste de six facteurs entourant la visite de Bush aux célébrations du 60e anniversaire de la fondation de l’Etat d’Israël et qui vont dans le sens de la probabilité d’une attaque contre l’Iran :

D’abord, l’appel de Bush « En finir avec la politique de l’apaisement ! » est une revendication soulevée de par le spectre politique en Israël – et ce à quoi il est fait allusion, c’est la présumée menace nucléaire émanant de l’Iran.

Deuxièmement, tandis qu’Israël était en pleine célébration, le ministre de la Défense, Ehoud Barak, avait été cité pour avoir dit qu’une confrontation militaire à mort était une éventualité qui se profilait distinctement.

Troisièmement, le commandant sortant des forces aériennes israéliennes a déclaré que l’armée était capable d’effectuer n’importe quelle mission, aussi difficile soit-elle, pour assurer la protection du pays. La destruction d’une prétendue installation nucléaire syrienne l’année dernière, et qui n’avait pas provoqué de réaction internationale sérieuse, est considérée comme un précurseur à une attaque future contre l’Iran.

Quatrièmement, la liste de vœux israélienne de livraisons d’armes américaines, qui a été discutée avec le président américain portait principalement sur l’amélioration des capacités d’attaque et de précision des forces aériennes israéliennes.

Cinquièmement, les initiatives diplomatiques et les sanctions de l’ONU concernant l’Iran sont considérées comme absolument inefficaces.

Et sixièmement, à l’approche de la fin du mandat de Bush et étant donné les incertitudes sur la politique de son successeur, le créneau dont dispose Israël pour agir semble potentiellement se fermer.

Fischer souligne que « les deux derniers facteurs ont un poids particulier… le sentiment en Israël est que le créneau politique pour une attaque se situe maintenant, durant le dernier mois de la présidence de Bush. »

La mise en garde de Fischer quant à une attaque contre l’Iran dans les prochains mois devrait être prise très au sérieux. Fischer était ministre des Affaires étrangères et vice-chancelier dans deux gouvernements de coalition formés par les sociaux-démocrates (SPD) et le parti des Verts entre 1998 et 2005 et il entretenait de nombreux contacts tant au Proche-Orient qu’aux Etats-Unis.

Il a joué un rôle pour garantir que l’Allemagne ne participe pas à la « coalition des volontaires » menée par les Etats-Unis et qui a envahi l’Irak en 2003. Fischer avait dit en 2003 au secrétaire à la Défense américain de l’époque, Donald Rumsfeld, la phrase célèbre : « Je ne suis pas convaincu » par les raisons avancées par Rumsfeld pour justifier la guerre contre l’Irak. Dans le même temps, en tant que ministre des Affaires étrangères, Fischer avait noué des liens étroits avec le gouvernement israélien et avait à maintes reprises souligné que l’Allemagne s’efforcerait de façon constante de défendre les intérêts israéliens.

Après la défaite de l’alliance SPD/Verts en 2005, Fischer avait annoncé son retrait de toutes ses positions politiques dirigeantes au sein du parti des Verts. Toutefois, il continue à écrire régulièrement sur les questions de politique internationale. Dans sa qualité de professeur associé à la Woodrow Wilson School de l’université de Princeton, à Washington, Fischer entretient d’étroites relations avec d’influentes personnalités politiques américaines.

En avril 2006, Fischer faisait partie d’un groupe d’anciens ministres des Affaires étrangères, de France, des Pays-Bas, de Pologne, du Luxembourg et des Etats-Unis (Madeleine Albright), qui avaient publiquement appelé le gouvernement Bush à engager des pourparlers directs avec Téhéran au sujet des projets du gouvernement iranien de lancer son propre programme d’enrichissement d’uranium.

En tant que ministre des Affaires étrangères, Fischer avait régulièrement fait avancer les intérêts de l’impérialisme allemand, notamment au Proche-Orient. Dans le même temps, tout en rejetant un rôle direct joué dans la guerre contre l’Irak, il avait cherché à éviter une confrontation avec les Etats-Unis.

Il faut aussi noter que tout en mettant à présent en garde contre les dangers d’une menace israélienne contre l’Iran, Fischer justifie l’argumentation utilisée par les Israéliens eux-mêmes pour un tel acte d’agression, à savoir la « perception » d’une menace contre l’existence même d’Israël émanant de Téhéran. Au lieu de critiquer la poussée à la guerre d’Israël, Fischer souligne que l’Iran doit céder en faisant des concessions afin d’éviter la confrontation. Fischer montre clairement qu’il prendrait parti pour Israël (et les Etats-Unis) en cas de guerre.

La mise en garde de Fischer d’une guerre imminente contre l’Iran vient à un moment où de profondes divisions se font jour au sein du gouvernement allemand de grande coalition (SPD. Union chrétienne-démocrate, CDU, Union chrétienne-sociale, CSU) quant à savoir comment réagir à une agression américaine et israélienne au Proche-Orient.

En mars de cette année, la chancelière allemande, Angela Merkel (CDU) s’était rendue en Israël et y avait tenu un discours devant le parlement israélien dans lequel elle avait déclaré que l’Allemagne n’hésiterait pas à « adopter de nouvelles sanctions plus dures pour convaincre l’Iran de renoncer son programme nucléaire. » Toute hésitation, avait-elle poursuivi, signifierait que « nous n’aurions ni compris nos responsabilités historiques ni développé notre compréhension des défis de notre époque ».

La déclaration de Merkel avait été comprise comme un message de solidarité à l’égard d’Israël et des Etats-Unis dans leur campagne contre l’Iran. En 2001, Merkel avait exprimé, on ne peut plus clairement, sa position de soutien sans réserve à l’impérialisme américain en se prononçant en faveur de l’invasion américaine de l’Irak.

Depuis sa visite en Israël, le lobby patronal allemand qui a de vastes intérêts en Iran a exprimé son mécontentement quant à l’attitude de Merkel. Un article publié fin avril dans le magazine économique allemand Handelsblatt a remarqué que Merkel devenait « l’allié le plus proche de Washington dans l’isolement de l’Iran » et avertissait que la chancellerie de Merkel « avait de manière générale exclu » le ministère des Affaires étrangères et le ministère de l’Economie sur la question de Téhéran.

Alors que le successeur de Fischer en tant que ministre des Affaires étrangères et vice-chancelier, Frank-Walter Steinmeier (SPD), cherche à minimiser toute divergence avec la chancelière Merkel, il y a de plus en plus de preuves que les partenaires au sein de la coalition adoptent des approches différentes en ce qui concerne l’Iran.

Les banques et les entreprises allemandes souffrent encore de la pression américaine pour renforcer les sanctions qui a forcé un certain nombre de grosses entreprises à renoncer à leurs intérêts en Iran. En réaction aux pressions américaines, trois grandes banques allemandes (la Commerz Bank, la Deutsche Bank et la Dresdner Bank) se sont retirées de l’Iran en 2007. Il y a des signes cependant que le ministère des Affaires étrangères et les industriels allemands cherchent à passer outre Merkel et la chancellerie en renforçant leurs liens avec le gouvernement iranien.

Le vice ministre iranien des Affaires étrangères, S.E. Mehdi Safari, avait rencontré lors d’un voyage à Berlin en avril dernier, et dont la presse a fait peu de cas, des responsables allemands des ministères des Affaires étrangères, de l’Intérieur et de l’Economie pour des pourparlers qui ont duré trois jours. Le vice ministre iranien des Affaires étrangères a eu des consultations avec les autorités judiciaires et des hommes d’affaires.

Durant son séjour à Berlin, Safari avait mis en garde que l’Allemagne laissait passer des chances de faire des affaires en Iran. Il avait dit aux journalistes, « le commerce entre nos deux Etats a diminué… Toutefois, le commerce de l’Iran avec les nations asiatiques a plus que doublé au cours de ces trois dernières années… Qui est le perdant ? C’est la question que vous devez vous poser. »

Selon les chiffres publiés par le ministère de l’Economie en février, les exportations allemandes vers l’Iran sont tombées à 3,2 milliards d’euros (5 milliards de dollars) en 2007 après avoir été de 4,3 milliards d’euros en 2006 (6,8 milliards de dollars).

Après avoir ralenti entre 2005 et 2007, les exportations allemandes ont augmenté de 13 pour cent en janvier. Avec 3,2 milliards d’euros de marchandises exportées vers l’Iran l’année dernière, et appuyées par 500 millions d’euros de police de garantie à l’exportation de Berlin, l’Allemagne demeure le deuxième plus gros exportateur mondial vers l’Iran.

La brochure « Les marchés en forte croissance dans le Proche et Moyen-Orient », publiée en septembre dernier par l’Agence fédérale du commerce extérieur, signale que l’Allemagne est le premier fournisseur de l’Iran pour presque tous les types de machines-outils mis à part les systèmes de production d’énergie et le secteur du bâtiment où les fabricants italiens dominent le marché iranien. Selon la Chambre de commerce et d’industrie allemande-iranaise, « 75 pour cent des petites et moyennes entreprises en Iran sont équipées de technologie allemande ».

Ces vastes intérêts économiques sont à présent soumis à des pressions croissantes, d’une part en raison de la campagne de sanctions économiques contre l’Iran menée par les Etats-Unis et d’autre part par la concurrence croissante émanant des pays asiatiques émergeant, l’Inde et la Chine, qui ont toutes deux étendu leurs relations d’affaires avec Téhéran. Lors d’une récente visite à Téhéran pour des pourparlers avec Safari, un membre influent du parti conservateur CSU, Peter Ramsauer, a mis en garde que ce « serait dommage que les Européens laissent tout simplement ce marché leur échapper des mains. »

Une frappe militaire israélienne contre Téhéran, peu de temps après la guerre catastrophique conte l’Irak, aurait des conséquences désastreuses pour les relations économiques et politiques qui ont été minutieusement tissées de par le Proche-Orient au cours d’un nombre de décennies par le ministère des Affaires étrangères et les services secrets. Le ministre des Affaires étrangères, Steinmeier, se trouve présentement au Proche-Orient. Après une escale au Liban il a poursuivi son voyage vers Israël.

Tout en sauvegardant l’apparence d’une position unie de la coalition dirigeante allemande, Steinmeier est manifestement déterminé à développer un axe européen mené par l’Allemagne dont le but est d’arriver à une solution diplomatique sur la question de l’enrichissement d’uranium iranien en opposition à une rhétorique de plus en plus belliqueuse émanant de Tel-Aviv et de Washington.

Ce n’est certainement pas un hasard si durant l’actuel voyage de Steinmeier un influent agent des services secrets allemands de la région a joué un rôle décisif dans le geste de conciliation, qui a consisté en la remise au gouvernement israélien, par le Hezbollah libanais, de restes de soldats israéliens tués en 2006 pendant la guerre entre ces deux Etats.

L’ancien ministre des Affaires étrangères s’est à présent immiscé dans ce conflit de politique étrangère pour mettre en garde contre les risques d’une frappe militaire unilatérale d’Israël contre l’Iran. Dans son dernier article, Fischer sonne l’alarme. Après le fiasco de la politique américaine en Irak, Fischer et une couche influente de l’élite politique et économique allemande craignent qu’Israël, en alliance avec les Etats-Unis, menace d’entraîner l’ensemble du Proche-Orient dans un puissant tourbillon militaire et politique aux conséquences à peine imaginables.

(Article original paru le 4 juin 2008)


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