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WSWS : Nouvelles et analyses : Etats-Unis

Populisme et ploutocratie : Obama s’adresse au Wall Street Journal

Par Patrick Martin
28 juin 2008

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Une entrevue avec Barack Obama, publiée mardi dans le Wall Street Journal, le journal de référence du monde des affaires, donne un aperçu de la duplicité du jeu auquel se prête le candidat démocrate dans la campagne présidentielle de 2008. Celui-ci tente de combiner une rhétorique populiste concernant les difficultés économiques auxquelles sont confrontés des millions de travailleurs à des promesses aux milliardaires américains qu’ils pourront compter sur un gouvernement  Obama pour défendre leurs intérêts.

Obama s’est adressé aux journalistes dans son autobus de campagne ce lundi, alors qu’il avait fait de multiples apparitions au Michigan le long du corridor de ruines urbaines qui s’étend de Flint à Détroit, dans ce qui était autrefois le cœur de l’industrie automobile américaine. Son entrevue faisait suite à un discours prononcé à Flint au cours duquel il présenta son programme économique intitulé « Soyons compétitifs » et précédait une grande assemblée à l’aréna Joe Louis au centre-ville de Détroit.

L’essence de l’approche d’Obama sur les questions économiques, comme l’ensemble de sa candidature, est de chercher à réconcilier l’irréconciliable. Il dit avoir de la sympathie pour les sans-emplois, ceux qui n’ont pas d’assurance-maladie ou sont aux prises avec le prix record de l’essence, sans exprimer la moindre hostilité envers les parasites financiers responsables de ces conditions : les PDG aux salaires mirobolants, les gestionnaires de fonds de placement à risque, les investisseurs banquiers et les spéculateurs de biens de consommation.

Discutant avec le Journal de l’effondrement des anciens centres industriels aux Etats-Unis, Obama donna une description franche de l’impact de la mondialisation sur la société américaine. « Nous vivons un gros changement, passant d’une économie nationale qui était dominante à travers le globe à une économie vraiment globale dans laquelle nous voyons de la compétition arriver de tous les coins », a-t-il dit.

« La mondialisation de la technologie combinée à l’automatisation affaiblissent la position des travailleurs, poursuivit-il. J’ajouterais le climat antisyndical à cette liste. Mais ils affaiblissent tous la position des travailleurs dans l’économie, particulièrement celle des cols bleus, et pour certains, c’est simplement historique. Vous savez qu’après la Seconde Guerre mondiale, nous étions dans une position unique. L’Europe était décimée, le Japon aussi, la Chine n’était pas dans la course à cause de Mao. Nous n’avions donc pas beaucoup de concurrence, et maintenant d’autres pays s’élèvent et l’automatisation a supplanté beaucoup du travail qui était habituellement fait par les travailleurs de la classe moyenne. »

Obama nota la croissance des inégalités économiques durant les deux dernières décennies – sous l’administration Clinton aussi bien que sous l’administration Bush – et observa que cela contredisait l’assertion qu’une croissance économique menait à une augmentation du niveau de vie en général. « Nous, ce qu’on a vu c’est une augmentation de la productivité, une augmentation des profits, mais une stagnation et même un déclin dans les salaires et les revenus des familles ordinaires. »

Pour cette raison, expliqua-t-il, une certaine forme d’intervention de l’Etat dans la vie économique est nécessaire afin de modifier la distribution de la richesse : « Il va être important pour nous de faire attention non seulement à avoir un plus gros gâteau, ce qui est toujours critique, mais aussi à la part qu’en reçoit chacun. Je ne crois pas que ces deux choses – une distribution équitable et une économie robuste – s’excluent mutuellement. »

Obama est le premier candidat présidentiel démocrate en une génération à seulement soulever la question de la redistribution de la richesse durant une campagne. Cependant, l’article qui résulte de ces entrevues ne le dépeint pas comme un dangereux radical, mais comme un allié potentiel du monde des affaires qui pourrait se laisser convaincre des bienfaits d’une réduction des taxes sur la grande entreprise américaine.

L’article résumait ainsi la politique du candidat démocrate : « Le sénateur Barack Obama a jeté un nouvel éclairage sur son plan économique pour le pays, disant qu’il s’appuierait sur une forte dose de dépenses gouvernementales pour stimuler l’économie, utiliserait le système de taxation pour réduire l’écart grandissant entre les gagnants et les perdants aux Etats-Unis, et soutiendrait possiblement une réduction de l’impôt sur les sociétés. »

Obama a répété plusieurs fois que ses politiques se voulaient favorables aux entreprises et il a rejeté toute augmentation de la taille du gouvernement fédéral. « Le danger est de croire que plus le gouvernement est gros plus il est efficace, et je ne souscris pas à cette conception. Ce n’est pas clair pour moi que nous voulons un gouvernement plus gros, mais nous voulons certainement un gouvernement qui établit des priorités de manière plus intelligente, qui utilise les dollars des contribuables plus sagement et qui structure la politique fiscale de manière à promouvoir une croissance économique à long terme. »

Il a défendu l’idée que la politique de l’administration Bush a été tellement tournée vers les riches qu’elle a été, en fait, contre-productive pour les intérêts à long terme de l’élite économique.

« Si, comme certains le disent, nous avons une économie où les meilleurs emportent tout, où les hautement qualifiés et les hautement scolarisés ramassent de grosses sommes d’argent, et où les non qualifiés ou même les semi-qualifiés ont droit à une part beaucoup plus petite de l’économie, alors notre politique fiscale doit aider à atténuer certaines des conséquences en fournissant des soins de santé », a-t-il dit. « Alors, si les gens perdent leurs emplois, ils ne perdent pas leurs soins de santé aussi. En fait, cela rend la main-d'œuvre plus flexible et rend les travailleurs plus mobiles et moins résistants aux changements. »

Cette remarquable déclaration mérite une attention particulière. Obama n’est pas opposé à ce que les gens perdent leurs emplois ou à ce que soit réduite la part du revenu national allant aux travailleurs à revenus faibles ou moyens. Il se présente au Journal non comme un défenseur des travailleurs, mais comme un conseiller de l’oligarchie des affaires, leur expliquant les techniques requises pour rendre les travailleurs, comme il le dit, « plus mobiles et moins résistants aux changements ».

Ce langage est une référence elliptique à des évènements comme la récente grève des travailleurs d’American Axle qui se sont avérés très « résistants aux changements » en refusant les coupes drastiques dans les salaires et les avantages sociaux et la suppression de milliers d’emplois que réclamaient la compagnie et son PDG milliardaire, Richard Dauch. Obama a essentiellement adopté la même position que la bureaucratie syndicale des United Auto Workers, laquelle a cherché, en combinant capitulations et menaces, à forcer les travailleurs à se plier aux exigences de la compagnie.

La déclaration d’Obama contient aussi une falsification élémentaire. L’augmentation des inégalités n’est pas, comme il le dit, causée d’abord et avant tout par des différences dans les niveaux de formation et de compétences. Elle représente un transfert radical et historiquement sans précédent de la richesse, des travailleurs vers les propriétaires du capital. La richesse engendre la richesse, particulièrement lorsque la base de l’économie américaine n’est plus tant la production de marchandises que la manipulation des marchés financiers.

Lorsque le Wall Street Journal lui a demandé directement, « Aimeriez-vous réduire le taux d’imposition des entreprises ? » Obama a répondu : « Si on peut éliminer les échappatoires, créer un système juste pour tout le monde, alors il y a moyen de réduire l’impôt sur l’entreprise. » Il a dit que son équipe de conseillers économiques – dirigée depuis peu par Jason Furman, un ancien haut conseiller du dirigeant de Citigroup, Robert Rubin –  « jetterait un coup d’œil là-dessus ».

Pour ce qui est du choix de ses conseillers politiques, Obama s’est vanté de son approche pragmatique et non idéologique, disant qu’il consulterait autant des personnalités de Wall Street comme Rubin, le secrétaire du Trésor dans le gouvernement Clinton, que des personnalités plus libérales comme Robert Reich, l’ancien secrétaire au Travail de Clinton. « J’ai tendance à être éclectique, » a-t-il dit au Journal. « Pour faire ces choix, je ne me baserai pas sur une sorte de prédisposition idéologique acharnée, mais sur ce qui fait sens. Je crois beaucoup dans les faits. Vous savez, si quelqu’un me montre qu’on peut mieux faire quelque chose par le mécanisme du marché, je suis content de le faire. Je n’ai pas d’intérêt marqué à faire grossir le gouvernement ou à mettre en place un programme juste pour le plaisir de le mettre en place. »

Le message ne pourrait pas être plus clair : Pas de retour au « Big Government » (un appel codé à des coupes drastiques dans les programmes sociaux), pas de dénigrement de la grande entreprise, pas d’objection à une approche des problèmes sociaux basée sur le « marché » (c’est-à-dire le profit).

Le rameau d’olivier tendu à Wall Street ne représente pas un changement de direction, mais bien la poursuite de la trajectoire qu’Obama a prise durant la campagne pour remporter la nomination présidentielle démocrate. Et Wall Street l’a noté depuis longtemps : selon des statistiques compilées par le Center for Responsive Politics, Obama a récolté plus d’argent de donateurs individuels et comités politiques du secteur des titres et investissements que toute autre campagne, soit un peu plus que Hillary Clinton et deux fois plus que le républicain John McCain.

En partie, cela correspond tout simplement à un investissement de Wall Street dans une start-up prometteuse : Obama mène présentement dans les sondages, et mercredi Quinnipiac a rapporté qu’il avait pour la première fois pris l’avance sur McCain dans trois Etats critiques, soit la Pennsylvanie, l’Ohio et la Floride. 

Des sections de la presse libérale ont fait un gros plat du caractère supposément progressiste de la politique fiscale d’Obama, comme si c’était une tentative de raviver une approche de type Etat-providence concernant les dépenses sociales consacrées à la santé et à l’éducation. Mais ce n’est clairement pas le cas ici.

Selon une analyse du Tax Policy Center, les deux candidats, démocrate comme républicain, réduiraient considérablement les revenus du gouvernement fédéral. Le plan économique d’Obama diminuerait les taxes et impôts de 2700 milliards de dollars, contre 3700 dans le cas de McCain.

La politique d’Obama ne peut paraître hostile aux super riches que dans la mesure où on la compare à celle de George W. Bush. Elle est en fait un peu plus favorable aux mieux nantis que celle mise de l’avant lors du premier mandat de Bill Clinton, lorsque le taux d’imposition des plus riches avait légèrement augmenté.

Quant à ses propositions visant à augmenter les dépenses pour les infrastructures, présentées dans son discours de Flint, elles représentent 15 milliards de dollars par années sur dix ans pour les nouvelles technologies de l’énergie, 60 milliards pour des améliorations dans les transports, particulièrement dans les chemins de fer et les réseaux de distribution d’énergie, et 10 milliards pour l’éducation préscolaire.

Ces sommes, soit un total de 220 milliards sur 10 ans, ne sont qu’une goutte d’eau par rapport aux véritables besoins sociaux, qui se comptent maintenant en milliers de milliards. Ce total est moins important que les profits bruts annuels des plus grandes firmes de Wall Street.

Quant à son impact économique, le plan énergétique d’Obama injecterait moins de fonds dans l’économie en dix ans que le plan d’urgence pour cette année qui a été voté il y a quelques mois par la Maison-Blanche de Bush et le Congrès démocrate et dont les effets économiques à long terme seront quasi nuls.

Cette considérable divergence entre la rhétorique réformiste et la véritable politique a une cause simple : Obama, tout comme McCain et Clinton, est un politicien capitaliste qui défend le système de profit. Il ne proposera que des mesures qui sont compatibles avec les intérêts des grandes compagnies et des milliardaires qui sont les véritables dirigeants de la société américaine.

La défense des intérêts des travailleurs nécessite une rupture avec le cadre politique contrôlé par le patronat et le système des deux partis, et la construction d’un parti politique de masse indépendant qui luttera pour la classe ouvrière, aux Etats-Unis et internationalement, sur la base d’un programme socialiste.

(Article original en anglais paru le 19 juin 2008)


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