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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Les travailleurs polonais s’opposent au projet gouvernemental de restreindre le droit de grève

Par Tadeusz Sikorski et Marius Heuser
26 juin 2008

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Cette déclaration a été distribuée en polonais lors de la manifestation organisée vendredi à Varsovie contre les projets du gouvernement conservateur de limiter le droit de grève.

L’énorme degré de polarisation sociale atteint en Pologne a mené à une vague de conflits sociaux et de grèves. Présentement, les travailleurs des services publics sont engagés dans des grèves dures contre le gouvernement conservateur dirigé par Donald Tusk. Les principaux syndicats du pays, toutefois, font tout ce qui est en leur pouvoir pour empêcher les grèves, pour isoler les conflits sociaux et pour étouffer toute action indépendante des travailleurs. A présent, ils sont arrivés au point de soutenir le gouvernement dans ses projets de miner le droit de grève comme partie intégrante de la préparation d’une attaque bien plus agressive contre la population laborieuse.

La fréquence et l’intensité des conflits sociaux ont nettement augmenté en Pologne au cours de ces deux dernières années. Ceux qui avaient espéré que l’entrée de la Pologne dans l’Union européenne (UE) entraînerait une amélioration de la situation sociale ont été déçus. Au lieu de cela, l’adhésion à l’UE n’a contribué qu’à creuser le fossé entre riches et pauvres. Certes, les salaires ont augmenté dans certains secteurs industriels en raison de l’exode considérable de spécialistes et de techniciens vers d’autres pays européens, mais toute augmentation de salaire est grignotée par la hausse de l’inflation, notamment des prix de l’énergie et de l’alimentation.

Les coûts de la vie ont augmenté considérablement depuis l’adhésion de la Pologne à l’UE. Les prix des denrées alimentaires de base ont augmenté de l’ordre de 50 à 100 pour cent, dans certains cas même de 200 pour cent. Les prix de l’électricité et du carburant ont également fortement augmenté en plus d’une forte augmentation des loyers et des prix du marché de l’immobilier. Dans le même temps, le prix des loyers et des logements ont atteint, dans les principales villes polonaises telles Varsovie, Cracovie, Breslau ou Dantzig, le même niveau que dans les villes d’Europe de l’Ouest, et ce, en dépit du fait que le cours fort du zloty par rapport à l’euro ou au dollar américain aurait dû atténuer la hausse des prix. Au cas où il se produirait une baisse du cours du zloty dans un avenir proche, une nouvelle hausse considérable des prix sera inévitable.

Face à cette inflation, même les travailleurs de certaines industries qui ont bénéficié d’une augmentation de salaire ont vu leur salaire effectif baisser. D’autres couches de la population, notamment les employés des services publics n’en ont pas bénéficié et vivent dans des conditions proches, voire en dessous du seuil de pauvreté. Alors qu’une couche de super-riches vit dans le luxe et qu’une petite classe moyenne s’est développée, surtout dans les grandes villes, la vie de la grande majorité de la population devient de plus en plus difficile.

Selon l’Annuaire statistique polonais, 66 pour cent des enfants vivent dans des familles subsistant en dessous le seuil de pauvreté. Environ un tiers de tous les enfants polonais sont insuffisamment nourris et, en 2005, 12 pour cent de la population devait survivre avec moins que le minimum vital de 387 zlotys (environ 100 euros) par mois contre tout juste 4 pour cent en 1996.

Jusque-là, le miracle économique tant annoncé par le gouvernement Tusk n’a profité qu’aux riches alors qu’une grande partie de la population voit ses conditions de vie se détériorer. Dans cette situation, le parti de la Plateforme des citoyens (PO) projette de nouvelles attaques contre les droits des travailleurs. Au cours des trois prochaines années, le gouvernement prévoit de privatiser non moins de 740 entreprises publiques. La vente de ces entreprises d’Etat devrait rapporter 30 milliards de zlotys net (soit environ 8,82 milliards d’euros). La moitié de cette somme sera restituée aux anciens propriétaires dont les usines furent nationalisées par le régime stalinien après la guerre.

Les vagues successives de privatisation qui ont eu lieu en Pologne depuis le renversement de l’ancien régime stalinien ont régulièrement entraîné une augmentation considérable du chômage et une baisse des salaires.

Sous le prétexte de la « débureaucratisation », le gouvernement projette également de modifier le code du travail. Les restrictions du temps de travail doivent être assouplies, les droits des femmes enceintes et des mères de familles doivent être limités et le licenciement doit être facilité. A long terme, le gouvernement est déterminé à introduire une soi-disant flat-tax, un taux unique de l’impôt sur le revenu, petit ou grand. Ceci conduira à un enrichissement supplémentaire des riches et des super-riches aux dépens de la société en général.

C’est contre une telle politique que les travailleurs expriment à présent leur colère. Ils ne sont plus prêts à accepter que chaque aspect de la vie soit subordonné au principe du profit. Ces dernières semaines, les postiers et les enseignants ont débrayé pour revendiquer un salaire adéquat. Les mineurs, les médecins, les infirmières et les employés des douanes les avaient précédés en organisant des mouvements de grève et des manifestations. Les travailleurs des transports sont sur le point de démarrer leur propre grève. Mais, le fait est que toutes ces actions sont restées sans effet et n’ont mené à aucune augmentation de salaire suffisante pour au moins compenser l’inflation et franchir le seuil de pauvreté.

L’obstacle principal auquel sont confrontés les travailleurs, ce sont les principales fédérations syndicales. L’ancien syndicat stalinien, la Convention nationale des syndicats (OPZZ) tout comme la confédération syndicale polonaise Solidarnosc considèrent que leur rôle principal consiste à stabiliser l’Etat polonais et non à lutter pour les droits des travailleurs. La direction de Solidarnosc a joué un rôle primordial en imposant la restauration du capitalisme en dépit des protestations et des grèves des travailleurs, et l’OPZZ n’a jamais représenté les véritables intérêts de la classe ouvrière polonaise. Les deux appareils syndicaux sont étroitement liés à l’appareil d’Etat et ont même à plusieurs reprises fait partie récemment du gouvernement. Pour ce qui est des mouvements de grève actuels, les syndicats font tout leur possible pour les isoler les uns des autres et les trahir petit à petit. La plupart des grévistes sont des travailleurs du secteur public partageant donc le même employeur, à savoir le gouvernement Tusk.

L’étroite collaboration entre les syndicats et les employeurs s’est déjà traduite par une perte d’influence massive auprès des travailleurs. Au cours de ces vingt dernières années, Solidarnosc a perdu 90 pour cent de ses membres et la situation est identique pour OPZZ. De plus en plus souvent, les travailleurs organisent des grèves ou des actions indépendantes, ou rejoignent des syndicats plus petits. Ce fut le cas des conducteurs de tramway silésiens et des ouvriers qui ont occupé à la fin de l’année dernière la mine de charbon Budryk.

Dans le dernier cas, les travailleurs ont débrayé indépendamment de l’OPZZ et de Solidarnosc. Ils ont occupé leur mine pour obtenir une augmentation de salaire et un alignement sur le salaire moyen des mineurs. L’OPZZ et Solidarnosc ont dénoncé les grévistes auprès du procureur général et ont même organisé des briseurs de grève pour mener les grévistes à la défaite.

Les mineurs de Budryk ont toutefois montré à tous les travailleurs polonais qu’ils étaient capables de lutter indépendamment des grands syndicats. En raison de la situation sociale actuelle, ce conflit a considérablement attiré l’attention publique et ce, malgré son succès relativement limité. En particulier, la lutte a exposé clairement l’attitude que les syndicats adopteront dans les conflits à venir.

L’OPZZ et Solidarnosc ont de leur côté réagi en se rapprochant davantage encore de l’Etat et en lui offrant leurs services pour garantir l’ordre public. C’est ainsi que les dirigeants des deux syndicats soutiennent, en partie du moins, un projet de loi gouvernemental qui, dans les faits, supprimerait le droit de grève. Actuellement, 25 pour cent des salariés d’une entreprise doivent voter en faveur d’une grève pour la rendre légale. Ce chiffre serait porté à 50 pour cent dans la nouvelle législation. Dans le même temps, les syndicats ne pourront participer aux négociations salariales que s’ils organisent au moins 33 pour cent des travailleurs d’une entreprise.

Actuellement, seuls 15 pour cent des travailleurs polonais sont syndiqués et se répartissent sur plusieurs syndicats différents. Ceci signifie que la nouvelle loi équivaudrait littéralement à une interdiction du droit de grève. Toute action de grève ne serait possible à l’avenir que sous les auspices des deux principales fédérations syndicales. Des occupations, telles celle qui a eu lieu à Budryk, seraient absolument interdites.

Les principaux syndicats sont ouvertement opposés aux grèves et collaborent avec l’Etat, la police et le cabinet du procureur général dans le but de rétablir le contrôle sur les travailleurs qui sont organisés dans des syndicats plus petits ainsi que sur les couches de travailleurs non organisés. L’OPZZ a expressément soutenu les réformes qui restreignent le libre choix des syndicats dans le but d’empêcher « l’éclatement des syndicats » et de renforcer les « syndicats représentatifs ».

Dans le climat social actuel, le projet d’interdire le droit de grève équivaut à une déclaration de guerre contre la classe ouvrière. Donald Tusk prépare une offensive contre la population laborieuse au cours de laquelle son gouvernement n’hésitera pas à recourir aux pouvoirs de la police et même à des mesures encore plus dures. Tusk est prêt à recourir à l’appareil d’Etat mis en place par son prédécesseur, les frères Kaczynski, pour défier la population avec l’appui des bureaucraties de l’OZPP et de Solidarnosc qui sont ses alliés.

Tout dépend du niveau de préparation des travailleurs pour affronter ce conflit. L’histoire de la Pologne regorge de cas de luttes combatives et héroïques des travailleurs. Mais le nombre de cas est tout aussi fréquent où l’élite dirigeante fut en mesure de désarmer le mouvement ouvrier pour sauvegarder son propre pouvoir. En 1981, sur la base de la théorie de la soi-disant « révolution autolimitative » avancée par Jacek Kuron, la direction de Solidarnosc avait refusé de défier la bureaucratie stalinienne et ouvert la voie à l’instauration de la loi martiale. En 1989, les mêmes forces furent capables de détourner un mouvement des travailleurs appelant à la démocratie et à l’égalité sociale en le dirigeant vers les canaux de la restauration capitaliste et une série ininterrompue d’attaques contre les droits des travailleurs.

En raison de ces expériences, de nombreux travailleurs ont tourné le dos aux vieilles bureaucraties et sont en quête de nouvelles alternatives. Les petits syndicats, tel « Août 80 » qui fut fondé dans les années 1990 sur des bases extrêmement nationalistes et droitières, ont amorcé récemment un certain virage à gauche et sont en train de gagner en influence. Mais il ne suffit pas de tout simplement changer de syndicat. La politique de Solidarnosc et de l’OPZZ ne s’explique pas simplement du fait de leur direction corrompue ou de leurs structures bureaucratiques. La transformation des syndicats est un phénomène international qui a des causes profondes.

La réémergence de la guerre et du militarisme et l’imminence d’une récession financière précipitée par le scandale des prêts hypothécaires aux Etats-Unis donne une idée de la gravité de la crise du système capitaliste. Dans de telles conditions, une perspective purement syndicale est vouée à l’échec. Chaque conflit entre les travailleurs et les entreprises prend immédiatement une tournure politique. La question qui sous-tend de tels conflits est de savoir si la société doit être organisée sur la base de la maximisation du profit ou sur la base d’une planification rationnelle de l’économie dans l’intérêt de la population en général. Etant donné que les syndicats sont basés sur le principe de l’accroissement de la valeur de la force de travail des ouvriers au sein du système capitaliste, ils prennent automatiquement parti pour ce système en période de crise.

Dans le même temps, la mondialisation de la production a fauché l’herbe sous les pieds de la réglementation nationale du marché. Dans leurs luttes pour des salaires plus élevés et pour de meilleures conditions de travail, les travailleurs sont aujourd’hui, dans des conditions où à court terme les employeurs peuvent transférer la production hors des frontières nationales, directement tributaires de leurs collègues dans les autres pays. Les syndicats, pour leur part, sont organiquement liés à l’Etat-nation. Leur objectif avait été d’assurer aux travailleurs une part plus importante du revenu national en réduisant ainsi les antagonismes entre le travail et le capital. Au fur et à mesure que l’Etat-nation perdait de l’importance dans la détermination du revenu national, les bureaucraties syndicales ont réagi en se rapprochant de plus en plus de l’Etat.

De là on peut avant tout déduire que les travailleurs requièrent une stratégie internationale. Dans le même temps, il est tout aussi nécessaire de tirer les leçons de l’histoire polonaise. Les luttes précédentes avaient été marquées par le manque d’une perspective politique des travailleurs pour défier à la fois le régime stalinien et la restauration capitaliste en leur opposant un programme socialiste authentique. Durant la période d’après-guerre, la bureaucratie stalinienne avait foulé aux pieds les principes socialistes en établissant sa propre dictature sur la société. La seule solution aurait été le renversement de la bureaucratie par une révolution politique basée sur des principes socialistes. Les crises politiques de 1981 et de 1989 auraient toutes les deux nécessité un programme qui défende la propriété socialisée en la plaçant sous un véritable contrôle démocratique ouvrier au lieu de la restituer aux intérêts capitalistes pour être redistribuée à une infime minorité.

Les conflits qui opposent les travailleurs au gouvernement Tusk concernent précisément cette question. Ces conflits ne peuvent pas être gagnés au moyen d’un simple syndicalisme militant ou d’une perspective nationale. Les conséquences catastrophiques qu’ont entraîné la restauration capitaliste et la subordination de tous les aspects de la société à la loi d’airain de la maximisation du profit ne peuvent être combattues qu’en construisant un parti socialiste international. Tel est l’objectif du Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI) et du World Socialist Web Site. Nous encourageons nos lecteurs à prendre contact avec notre comité de rédaction et à contribuer à la construction d’une section du CIQI en Pologne.

(Article original paru le 19 juin 2008)


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