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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Les protestations contre le prix des carburants se propagent en Europe

Par Kumaran Ira et Alex Lantier
2 juin 2008

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La colère grandissante sur l’envolée du prix du gazole a provoqué une vague de grèves et de manifestations dans toute l’Europe et qui est rapidement en train de se transformer en une crise politique majeure pour la bourgeoisie européenne. Après la grève des marins-pêcheurs en France, leurs homologues portugais, espagnols et italiens ont commencé un mouvement national de grève illimitée le 30 mai pour protester contre la flambée des prix du pétrole. Les chauffeurs routiers, les agriculteurs, les chauffeurs de taxi et les ambulanciers ont aussi manifesté à travers le continent.

La hausse brutale du prix du pétrole dans le monde touche divers secteurs tels la pêche, le transport routier et l’agriculture, ainsi que la vie des gens ordinaires à travers le monde. Durant les cinq dernières années, le prix moyen du litre a augmenté entre 50 et 100 pour cent dans la plupart des pays européens.

Pays

Prix mai 2003

Prix février 2008

Prix mai 2008

 

essence

diesel

essence

diesel

essence

diesel

France

1,00

0.76

1,17

1,17

1,46

1,43

Grande-Bretagne

0,96

0,99

1,38

1,45

1,46

1,65

Allemagne

1,08

0.89

1,25

1,25

1,47

1,47

Espagne

0,8

0,69

1,03

1,03

1,19

1,05

Italie

1,05

0,87

1,34

1,34

1,48

1,53

Portugal

0,98

0,74

1,17

1,17

1,47

1,39

Grèce

0,79

0,76

1,08

1,08

1,14

1,12

La grève des marins-pêcheurs français du mois de mai a duré plus de deux semaines. Les pêcheurs en Espagne, Portugal et Italie ont appelé à une grève illimitée la semaine dernière, exigeant des mesures gouvernementales pour abaisser le prix du gazole et accorder des subventions pour compenser l’écart entre le prix élevé des carburants et les bas prix de leur poisson à la criée. La pêche emploie quelque 400 000 personnes dans l’Union européenne (EU) et est particulièrement importante en Espagne, France, Italie et Portugal. En France, le prix du litre de gazole est passé de 45 centimes d’euro à 70 en l’espace de six mois.

Bien que le gouvernement français ait accepté d’accorder des subventions temporaires pour le gazole afin que les pêcheurs reprennent le travail, ils ont poursuivi leurs protestations vendredi en signe de solidarité avec leurs collègues européens. Les raffineries de pétrole et les dépôts de carburant de Fos-sur-mer ont été occupés vendredi. Les pêcheurs d’Arcachon, Cherbourg et Saint-Brieuc ont voté la reconduction de la grève.

Le 30 mai en Espagne, qui dispose de la plus importante flotte de bateaux de pêche d’Europe, chalutiers et bateaux commerciaux plus grands sont restés à quai dans tout le pays, 5000 manifestants ont convergé sur Madrid et distribué gratuitement 20 tonnes de poissons. Associated Press a écrit : « La Confédération de pêche espagnole qui regroupe 1400 entreprises de pêche employant 20 000 travailleurs dit que cette crise est la plus grave depuis un siècle. Elle estime que le prix du gazole a augmenté de 320 pour cent en cinq ans et déclare que de nombreux pêcheurs n’ont plus les moyens de prendre la mer. »

 « C’en est trop pour les gens et ils protestent parce que les gouvernements et la Commission (européenne) ne font rien », a dit à l’agence Reuters Javier Garat, secrétaire général de la confédération patronale des pêcheurs espagnols, Cepesca. « Dans les deux semaines à venir, je suis convaincu qu’il y aura une grève massive. Je m’attends à ce que les bateaux de pêche européens restent à quai pendant les 15 ou 20 prochains jours. »

En Italie, des milliers d’autres pêcheurs ont fait grève, paralysant l’industrie sur les deux côtes italiennes. Dans tout le pays, 2000 pêcheurs, soit environ un tiers du total national, ont participé à la grève. L’un d’entre eux a dit à la télévision italienne : « Si on n’obtient rien, ce sera la guerre déclarée. On en a marre, marre de faire des semaines de 80 heures pour pas un rond. »

Au Portugal, la grande majorité des pêcheurs était en grève. « Aucun bateau n’a pris la mer », a dit à l’Agence France Presse Antonio Macedo, dirigeant de la fédération nationale des syndicats de pêcheurs.

Le Comité de vigilance des pêcheurs français, nouvellement formé, a annoncé hier que les pêcheurs français, italiens, espagnols et portugais iraient ensemble manifester à Bruxelles mercredi pour exiger des autorités de l’UE qu’elles maintiennent le prix du gazole à 40 centimes d’euro le litre. Le porte-parole du Comité, Alain Rico a dit au Nouvel Observateur : « Les Italiens et les Portugais ont donné leur accord, les Espagnols doivent confirmer mardi, mais sont d'accord sur le principe. Nous avons lancé un appel à tous les ports français pour que les bateaux restent à quai ou rentrent au port et que les équipages se rendent à Bruxelles. »

Les manifestations contre le prix élevé du gazole se propagent rapidement dans le secteur de la pêche et s’étendent aux agriculteurs et chauffeurs de poids lourds et des transports publics. En France, les agriculteurs ont bloqué les dépôts de pétrole dans tout le pays la semaine dernière, y compris ceux de Toulouse, Sète, Frontignan et Marseille. Des milliers d’agriculteurs ont manifesté à Lille le 28 mai. Le dépôt de pétrole à Villette-Vienna et deux dépôts au sud de Dijon sont restés bloqués hier par les agriculteurs après que les CRS ont fait usage de gaz lacrymogène et de leur matraque pour dégager les blocages érigés par les agriculteurs au dépôt de Toulouse et par les pêcheurs à Fos-sur-mer.

Tout comme les pêcheurs, les producteurs de lait sont en grève dans toute l’Europe. Leur doléance fondamentale est la même que celle des pêcheurs : ils sont pris entre le prix élevé des carburants et les bas prix qu’ils reçoivent des supermarchés et de la grande distribution pour leurs produits. Il y a eu une ruée sur le lait de la part des consommateurs quand les agriculteurs en Allemagne, Danemark, Hollande, Belgique et France ont donné leur lait aux veaux ou l’ont déversé dans leurs champs comme engrais pour protester contre les bas prix qu’ils en tirent.

Un fermier allemand a dit au quotidien britannique The Guardian: « Nos coûts de production ne cessent d’augmenter. Si on ne veut pas subir de pertes, il faut qu’au minimum on nous paie 33 centimes le litre de lait, mais malgré la hausse des prix du fourrage, des engrais et de l’énergie, on ne reçoit que 30 centimes. »

Les chauffeurs de poids lourds et de taxis ont organisé des protestations dans plusieurs pays et ont prévu d’autres grèves dans les jours à venir. Le 27 mai, des centaines de transporteurs routiers ont bloqué des rues dans le centre de Londres, exigeant des aides du gouvernement pour compenser la hausse du prix du gazole. Les transporteurs routiers français ont organisé la semaine dernière des opérations escargot sur les principaux  axes routiers autour de Paris et dans d’autres régions. Les chauffeurs de poids lourds, de bus et de taxis ont protesté en Bulgarie et bloqué la principale voie périphérique autour de la capitale Sofia.

De vifs désaccords ont émergé au sein de l’UE sur la manière de gérer cette crise, lorsque certains gouvernements directement touchés par les protestations ont appelé à prendre des mesures à échelle européenne pour lutter contre la hausse des prix. Le 27 mai, le ministre de l’Economie portugais Manuel Pinho a demandé que soit organisé un débat extraordinaire sur les prix des carburants dans l’UE.

Le même jour, le président français Nicolas Sarkozy a accordé, ce qui est peu courant, une interview d’une heure à radio RTL et proposé une réduction dans toute l’Europe de la TVA (Taxe sur la valeur ajoutée) sur les carburants. Il a fait face à des questions empreintes de scepticisme de la part des interviewers qui ont fait remarquer que cela constituerait une diminution significative des recettes de l’Etat à une période où la France est confrontée à des critiques au sein de l’UE en raison de son déficit budgétaire qui ne sera pas équilibré avec 2012, et non plus 2009 comme Sarkozy l’avait initialement promis.

Cette proposition a rencontré une ferme opposition de la part d’autres gouvernements européens, notamment ceux qui sont moins touchés par les grèves. Le gouvernement slovène, qui préside actuellement l’UE, a refusé de convoquer une réunion extraordinaire comme le demandait Pinho. Le ministre des Finances autrichien, Wilhelm Molterer a lancé une mise en garde sur les conséquences à long terme sur les recettes de l’Etat de la réduction de la TVA en posant la question : « Que se passera-t-il quand les prix vont redescendre ? On va réintroduire cet impôt ? J'aimerais bien entendre les débats politiques à ce moment-là ? »

La Commission européenne a fait remarquer que des réductions d’impôts donneraient le signal aux pays producteurs de pétrole que les pays européens étaient prêts à absorber la hausse des prix du gaz en diminuant les impôts et en alourdissant leur déficit budgétaire. Son porte-parole a dit : « Modifier la fiscalité sur les carburants pour combattre la hausse des prix du pétrole serait un très mauvais signal pour les pays producteurs de pétrole. Cela voudrait dire que ces pays peuvent augmenter les prix du pétrole, puisqu'au final, ce seront les taxes des pays consommateurs qui seront ajustées, et ça ce serait un très mauvais message à passer. »

Ce qui est en jeu, c’est le partage mondial des recettes massives générées par les ventes de carburants en Europe. Actuellement, la part du lion de ces recettes va aux pays européens qui recueillent collectivement des centaines de milliards d’euros de taxes sur les carburants. Au Royaume-Uni en 2007, les taxes sur les carburants ont rapporté 30,5 milliards de livres sterling et représenté 68 pour cent des prix à la pompe. En France en 2006, les taxes représentaient 70 pour cent des prix du carburant à la pompe et ont récolté 33,2 milliards d’euros, soit 13 pour cent des recettes nationales du gouvernement. L’essence est taxée aussi lourdement, voire même plus, dans la plupart des autres pays de l’eurozone : 602,3 euros par kilolitre en France, contre 564 en Italie, 654,5 en Allemagne et 664,9 aux Pays-Bas en mars 2008.

Si les gouvernements européens se mettaient d’accord pour diminuer les taxes, cela laisserait potentiellement aux marchés du pétrole le choix d’augmenter encore davantage les prix, ce qui diminuerait les recettes des gouvernement européens et irait augmenter les profits des compagnies pétrolières et les recettes des pays producteurs de pétrole. Les compagnies pétrolières font déjà des profits records du fait des prix élevés ; pour exemple, les compagnies britanniques Shell et BP ont réalisé le chiffre extraordinaire de 7,2 milliards de livres sterling de profits au premier trimestre 2008 tandis que la compagnie française Total annonçait 3,6 milliards d’euros de bénéfices pour la même période.

(Article original anglais publié le 2 juin 2008)

Voir aussi :

France : Grève des pêcheurs contre la hausse du prix des carburants [29 mai 2008]


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