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WSWS : Nouvelles et analyses : Economie mondiale

Une étude à échelle mondiale révèle la colère grandissante face aux inégalités sociales

Par Bill Van Auken
30 mai 2008

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L’accumulation sans précédent des richesses par une petite minorité financière dans un contexte de baisse des revenus réels pour la grande majorité de la population mondiale engendre une augmentation du mécontentement et de la colère.

C’est l’enseignement à tirer d’un sondage conduit en Europe, en Asie et aux Etats-Unis par l’institut Harris et commandité par le Financial Times de Londres.

Dans un commentaire, publié lundi dernier, des résultats du sondage, le Financial Times écrivait : « Les inégalités de revenus se sont révélées comme des questions politiques hautement polémiques dans de nombreux pays au moment où la dernière vague de mondialisation a engendré une « superclasse » de riches. »

Le sondage FT/ Harris a montré que, de par l’Europe, une écrasante majorité de personnes pensent que le gouffre social existant entre l’élite financière et le reste de la population est devenu beaucoup trop important. Par exemple, en Espagne 76 pour cent des sondés déclarent que les inégalités sociales sont devenues trop importantes, tandis qu’en Allemagne, ce chiffre s’élève à 87 pour cent.

En ce qui concerne la Chine, qui est devenue le centre industriel à bas salaire du monde, assujettissant des millions de travailleurs à l’exploitation tout en produisant une nouvelle classe de milliardaires et de multi millionnaires, 80 pour cent des sondés déclarent que les inégalités sont trop grandes.

Aux Etats-Unis, le pays le plus socialement inégalitaire des pays capitalistes avancés, 78 pour cent des sondés pensent que le fossé s’est trop creusé.

Une importante majorité des habitants dans les huit pays où le sondage a été conduit, déclarent croire que le gouffre social ne fera que s’amplifier dans les cinq années à venir, tandis qu’une majorité également importante soutient l’idée d’augmenter les impôts pour les riches tout en les diminuant pour les pauvres.

Dans une situation où l’aggravation de la crise secoue les Etats-Unis et le système financier mondial, de larges  bouleversements économiques ont rendu l’amassement de fortunes indécentes par une minuscule élite financière encore plus insupportable pour un nombre très important de personnes confrontées à une baisse de leur niveau de vie, à la perte de leur emploi et dans de larges régions du globe à une montée de la famine.

Selon la FAO (Food and Agricultural Organization, organisation pour l’alimentation et l’agriculture), les prix des denrées alimentaires ont augmenté de 45 pour cent dans le monde au cours des neuf derniers mois et le prix des produits de base a augmenté encore plus – le blé a augmenté de 130 pour cent et le riz a augmenté de 74 pour cent au cours des douze derniers mois. Deux milliards et demi de personnes – soit 40 pour cent de la population mondiale – vivent avec moins de 2 dollars par jour et sont confrontés, de par l’augmentation faramineuse du prix des denrées alimentaires, au spectre imminent de la famine.

Dans un communiqué publié la semaine dernière, le directeur général de la FAO, Jacques Diouf, a présenté « le problème de la spéculation financière » comme étant la cause majeure de cette catastrophe imminente. Et il affirmait que « les fonds d’investissement spéculent sur les marchés à venir et contribuent à l’augmentation du prix des marchandises, y compris des denrées alimentaires. »

La décision du Financial Times, journal qui fait autorité à la Cité de Londres, de commanditer ce sondage traduit bien la montée du malaise au sein des cercles dirigeants de la planète qui craignent que la menace d’une intensification sans précédent de la polarisation sociale, associée à une crise économique, puissent déclencher une résurgence aiguë de la lutte des classes.

Ainsi, à Bruxelles, au cours de la semaine dernière, lors de la rencontre des 27 ministres des Finances de l’Union européenne, la montée en flèche des salaires des cadres supérieurs des sociétés a été présentée comme « un scandale » et comme un « fléau social. »

Jean Claude Juncker, actuel Président  de l’Eurogroupe  a fait le commentaire suivant : « Les abus des capitaines d’industrie auxquels nous avons assisté dans plusieurs pays de la zone euro sont proprement scandaleux et nous ne cessons de nous demander comment on peut agir dans le domaine de l’éthique professionnelle et dans le domaine des taxations afin de combattre ces excès. »

Récemment, un scandale public a éclaté quand un PDG néerlandais a encaissé 124 millions de dollars de primes et de stock options. Si l’on se base sur les critères américains, cette enveloppe n’a rien d’extraordinaire, mais les primes moyennes, aux Pays-Bas, représentent à peine le quart de ce qu’elles sont aux Etats-Unis.

Juncker, qui est à la fois premier ministre et le ministre des Finances du Luxembourg, a affirmé que la Commission européenne allait exiger des pays membres qu’ils fassent un rapport sur ce « qu’ils comptent mettre en place pour lutter contre ce fléau social. » Plusieurs gouvernements européens ont ébauché une législation qui taxerait lourdement les primes exorbitantes pour les cadres.

Junker a mis en évidence la crainte réelle de la bourgeoisie européenne quand il a prévenu que les travailleurs de base « ne comprendront pas si nous leur demandons de modérer leurs revendications salariales sans dire en même temps que nous n’acceptons plus une situation où certains directeurs perçoivent des salaires de PDG – tout en bénéficiant de parachutes dorés – qui n’ont rien à voir avec leur réelle performance. »

Autrement dit, une situation où les richesses s’accumulent ostensiblement en haut de l’échelle sociale, alors que l’on demande aux plus défavorisés de se serrer la ceinture, peut mettre le feu aux poudres et déclencher une révolte sociale.

Dans le même ordre d’idée, la semaine dernière, le Financial Times a publié un article de mise en garde de David Rothkopf, auteur de Superclass : The Global Power Elite and the World They are Marking (La superclasse: la puissante élite mondiale et le monde qu’elle façonne) et ancien sous-secrétaire adjoint au Commerce international au sein de l’administration Clinton.

Rothkopf écrit : « La crise du crédit amplifie la réaction brutale naissante contre les abus des grandes entreprises. Les élites se font des milliards sur les marchés, que ceux-ci soient à la hausse ou à la baisse, avec le soutien du gouvernement alors que monsieur Tout-le-monde perd sa maison et se retrouve à la rue. Il y a 30 ans, les dirigeants des multinationales gagnaient 35 fois plus qu’un employé moyen, maintenant ils gagnent plus de 350 fois plus. La crise a mis en évidence les iniquités indécentes dans ce domaine. – les 1100 personnes les plus riches du monde ont presque deux fois plus de biens que l’ensemble des 2,5 milliards de personnes les plus pauvres. »

Rothkopf conclut son article par une mise en garde : l’oligarchie financière doit sauver sa peau en réfrénant ses excès. « En reconnaissant qu’il y a un intérêt général auquel elle doit répondre, la superclasse financière peut échapper au sort des élites du passé, » écrit-il. « Pour réussir à le faire, elle doit éviter de donner ses explications arrogantes, du type "c’est le marché qui décide" pour expliquer les inégalités qu’elle a contribué à favoriser. »

Cet avertissement sur le danger de connaître le « sort des élites du passé » est indubitablement très sérieux surtout dans les pages du principal journal financier britannique. A qui donc pense l’auteur de cet article : A l’aristocratie française ? A la dynastie russe des Romanov ? Visiblement, on prend très au sérieux, au sein des classes dirigeantes, la menace que le ressentiment massif suscité par les inégalités est en train de créer les conditions pour des soulèvements sociaux, voire même la révolution.

Le conseil de Rothkopf adressé aux élites dirigeantes de répondre à « l’intérêt général » et d’être moins arrogantes ne parviendra pas à résoudre le problème qui est fondamentalement enraciné, non pas dans l’avidité et l’arrogance évidentes de ceux qui tirent profit de différentes formes de spéculation financière qui menacent de provoquer une famine dans de nombreuses régions du monde, mais bien plutôt dans le fonctionnement même du capitalisme.

C’est Karl Marx qui, il y a plus de 140 ans, a développé la théorie de « l’accroissement de la pauvreté » afin d’expliquer cette caractéristique inhérente à la production capitaliste.

Karl Marx a écrit : « Accumulation de richesses à un pôle, c’est égale accumulation de pauvreté, de souffrance, d’ignorance, d’abrutissement, de dégradation morale, d’esclavage au pôle opposé, du côté de la classe qui produit le capital même. » [1]

Aucun élément de l’analyse marxiste du capitalisme n’a été sujet à des critiques  plus fournies et plus soutenues de la part des défenseurs de l’économie de marché que cette théorie. Ils argumentent que l’expansion du capitalisme et l’accumulation des richesses conduisent inexorablement à l’augmentation du niveau de vie de la masse des travailleurs.

La fausseté de cet argument et l’exactitude de l’analyse de Karl Marx sont une nouvelle fois confirmées, non seulement dans le discours froid des statistiques, mais également dans les luttes toujours plus explosives des masses confrontées à l’impossibilité d’obtenir les moyens de survie basiques qui leur sont refusés du fait d’un système de production basé sur le profit individuel.

[1] Karl Marx, Capital 1, chapitre 25, section 4.

(Article original anglais paru le 20 mai 2008)

Lire aussi :

Les spéculateurs financiers tirent des profits de la famine mondiale [28 avril 2008]


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