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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

France : La LCR soutient la CGT contre les sans-papiers

Par Antoine Lerougetel et Kumaran Ira
21 mai 2008

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Depuis le 2 mai, des centaines de sans-papiers occupent des locaux de la CGT (Confédération générale du travail) dans le centre de Paris. Ils exigent que le syndicat soutienne leur demande de permis de séjour.

La CGT, proche du Parti communiste (PC) stalinien, n’a l’intention de s’occuper que du cas des sans-papiers qui sont membres du syndicat. La préfecture de Paris, de son côté, insiste pour que tous les dossiers soient déposés par la CGT, faisant ainsi du syndicat une sorte d’intermédiaire entre le gouvernement et les sans-papiers. Le refus de la CGT de s’occuper du cas des sans-papiers représentés par la Coordination 75 des sans-papiers (CSP 75) les laisse dans une impasse.

L’abandon par la CGT de ces sans-papiers est soutenu par le parti « d’extrême-gauche » LCR (Ligue communiste révolutionnaire) d’Olivier Besancenot.

Sans-papiers manifestant le 1er mai à Paris

La CGT a déposé à la préfecture de Paris un dossier de quelque 900 demandes de permis de séjour de ses adhérents, et accepté que ces dossiers seraient examinés « positivement » au cas par cas. Cela signifie qu’ils seront soumis aux conditions strictes du gouvernement, en matière de régularisation et de sélection arbitraire par le préfet. Cette situation fait suite à des grèves et des occupations de lieux de travail dans toute la région parisienne depuis le 15 avril par plus d’un millier de travailleurs sans-papiers, organisés par la CGT et l’association de défense des droits civiques Droits devant. Dans bien des cas, ces grèves ont recueilli le soutien des employeurs qui ont désespérément besoin de ces travailleurs.

Lorsque CSP 75 a vu son propre dossier de quelque 1000 demandes, rejeté par la préfecture qui lui a demandé de passer par la CGT, elle a demandé au syndicat de s’occuper aussi de son dossier. Face au refus du syndicat, près de 300 membres de CSP 75 ont occupé les locaux de la CGT dans le 3e arrondissement de Paris, le 2 mai, accusant le syndicat d’avoir « pris en otage le mouvement des sans-papiers. » Ils ont affirmé qu’ils ne bougeraient pas jusqu’à ce que la CGT accepte de les représenter aussi.

CSP 75 rejette l’accord entre la CGT et l’Etat français, accord qui exclut la masse des immigrés sans-papiers, et qui fait de la CGT l’unique intermédiaire reconnu pour les sans-papiers. Une déclaration du CSP 75 du 15 mai dit : « La CSP75 ne peut se satisfaire de l'exclusivité qui aurait été accordée à la CGT à déposer les dossiers collectivement dans les préfectures d'Ile de France. »

La déclaration rapporte qu’il y a maintenant, au douzième jour d’occupation, 600 sans-papiers et leurs sympathisants qui occupent les locaux. Elle appelle à une grève nationale de tous les sans-papiers le 16 mai et à un rassemblement à la Bourse du travail, 85 rue Charlot à Paris.

Elle rappelle que le bâtiment occupé est « ce lieu de lutte historique de TOUS les travailleurs » et demande « soutien et aide » à la CGT. La déclaration insiste sur le fait que leur mouvement représente une lutte contre la « casse du droit du travail et du droit salarial » en général.

La déclaration poursuit: « La régularisation de tous les travailleurs et travailleuses sans papiers, les réfugiés et sans emploi à cette fin, d'être reçus avec l'appui de la CGT, par Mrs Hortefeux (ministre de l'immigration) et Gaudin (préfet de police de Paris) la fermeture des centres de rétention, le retrait des lois xénophobes de l'immigration ! L'arrêt des rafles et des contrôles au faciès, le retrait de la taxe ANAEM, discriminative et illégale, versée pour tout emploi d'un étranger ! »

Dans une interview sur la chaîne télévisée LCI le 8 mai, Christian Khalifa, un porte-parole CGT de la région parisienne n’a pas mentionné le rejet par la préfecture des demandes déposées par CSP 75, et exemple classique d’étroitesse syndicale, a refusé de défendre ces travailleurs : « On ne prend en otage personne ! On n'empêche personne de mener des actions en faveur des sans-papiers. Mais la CGT ne peut pas prendre en charge toutes les demandes de régularisation des sans-papiers. On est une organisation syndicale, pas une association de sans-papiers. Notre action se mène à l'intérieur des entreprises… La CGT n'a jamais été débordée par un mouvement. Plus il y a de gens dans l'action, plus on est content. Mais nous, on fait des actions coordonnées, réfléchies. L'occupation de nos locaux n'est pas la bonne méthode, encore moins dans une période forte comme celle dans laquelle nous nous trouvons, avec les actions du 15 et du 22 mai à préparer. »

Ce n’est pas uniquement la préfecture de Paris, mais le premier ministre François Fillon lui-même qui traitent la CGT d’intermédiaire sur la question des sans-papiers. Fillon a adressé une lettre au secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault, pour se plaindre du « grand nombre de dossiers incomplets » et de « la trop fréquente absence de promesse d'embauche des employeurs. » Il reproche aux « syndicats et associations qui accompagnent ces demandeurs de papiers » de n’avoir pas assez développé un dialogue « pour trouver la meilleure solution possible pour les travailleurs concernés ».

L’article 40 de la loi du 20 novembre 2007 et une circulaire gouvernementale du 7 janvier 2008 offrent la possibilité de régularisation sur demande de l’employeur, à condition que le salarié travaille dans un secteur « en tension » (qui subit des difficultés de recrutement.) Le ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale Brice Hortefeux a dit très clairement que les régularisations « se limiteront à quelques centaines dans le cadre de l'article 40 de la loi de novembre 2007 ».

En réponse, Thibault interviewé sur radio Europe 1, bien loin d’exiger la régularisation de tous les sans-papiers, ni même de tous ceux qui sont membres de son syndicat, s’est contenté de demander au gouvernement d’« accélère[r] le pas sur le traitement des dossiers » et d’organiser une réunion « pour que les critères retenus en vue de la régularisation de ces sans-papiers soient des critères communs à l'ensemble des départements ».

Khalifa et Thibault répudient ainsi un principe fondamental de solidarité, à savoir que c’est une tâche primordiale de la classe ouvrière que de défendre les sections les plus vulnérables de la société, sachant que la classe dirigeante commence toujours par attaquer les plus faibles avant de s’en prendre aux droits démocratiques de tous. La suppression des droits des sans-papiers fait partie de la tentative de créer une armée de réserve de travailleurs soumis, sans droits, complètement à la merci des employeurs afin d’abaisser de façon draconienne le niveau général des salaires et des conditions de travail et de vie.

Il apparaît très clairement que le gouvernement se sert de la CGT et de Droits devant comme d’agents afin de faire face à la lutte grandissante des sans-papiers, de diviser leur lutte et de la séparer de celle du reste de la classe ouvrière. C’est le rôle que jouent de plus en plus ouvertement la CGT et d’autres syndicats chaque fois que les travailleurs luttent pour leurs intérêts indépendants, comme on a pu le voir dans la lutte des cheminots, des gaziers et électriciens pour défendre leur retraite, en octobre et décembre de l’année dernière.

Le Parti communiste stalinien et la CGT pratiquent depuis les années 1970 une politique chauvine de restriction de l’immigration et prétendent lutter contre le chômage par le protectionnisme national, dans le but de renforcer le capitalisme français. En 1970, ils avaient lancé la campagne « Acheter français et produire français ». En 1979, le PC avait adopté une politique d’arrêt de l’immigration. Au lieu de mobiliser la classe ouvrière pour la défense des droits de tous les travailleurs, ils avaient fait alliance avec les employeurs contre les entreprises étrangères et leurs salariés.

En 1980, il y avait eu la tristement célèbre affaire des « bulldozers de Vitry » où un maire stalinien de Vitry avait fait raser un foyer de travailleurs immigrés implanté dans sa commune. Il s’était justifié en invoquant la présence en surnombre, avec les problèmes que cela pose, de travailleurs immigrés sur les seules municipalités dirigées par le PCF.

L’adoption par la gauche française d’une politique de restriction de l’immigration, accompagnée par l’inévitable appareil policier répressif que cette politique requiert, avait pendant un long moment contraint les sans-papiers à se tourner vers une tactique d’occupations d’églises et d’appels au clergé et au rôle traditionnel de ces édifices religieux comme sanctuaires. Le souvenir est encore très vif dans les mémoires de CRS, le 22 août 1996, armés de haches, en train de fracasser les portes de l’église St Bernard à Paris pour en expulser les immigrés qui s’y étaient réfugiés. Il y avait dans l’église des femmes enceintes, des bébés et des enfants. Les CRS avaient été envoyés par le premier ministre gaulliste de l’époque, Alain Juppé. L’indignation ressentie par des millions de Français avait contribué à la défaite des gaullistes lors des élections législatives de 1997.

Le mouvement actuel des sans-papiers se tourne vers la classe ouvrière française. La déclaration de CSP 75, basée sur des principes de classes, publiée le 15 mai, avertit que la suppression des droits démocratiques des immigrés représente une menace sur les droits de tous les travailleurs.

Le fait que la préfecture a accordé des titres de séjour, dont beaucoup de très courte durée, à une poignée seulement de sans-papiers dont les employeurs avaient signifié qu’ils en avaient besoin, est présenté par la CGT comme une énorme victoire.

Cette position est reprise par Rouge, la publication hebdomadaire de la LCR, du 9 mai qui déclare que « la série de grèves avec occupations, débutée le 15 avril par plusieurs centaines de travailleurs sans papiers, a ouvert une magnifique brèche dans la politique de Sarkozy et du ministre de l’Identité nationale, Brice Hortefeux. L’engagement du mouvement syndical, notamment de la CGT, est un fait majeur. »

Rouge vole au secours des bureaucrates de la CGT et attaque la « dommageable occupation de la Bourse du travail de Paris par la coordination 75 » l’accusant d’être responsable du « poison de la division. »

Une déclaration publiée par la LCR sur son site et intitulée « Mouvement des sans-papiers : Une prise de position de la LCR » implique que l’action de la Coordination 75 vient en aide au gouvernement : « Le gouvernement a peut-être trouvé le moyen par lequel il souhaite diviser et neutraliser le mouvement en cours des travailleurs sans-papiers. »

La LCR ne démasque ni ne critique l’abandon par la CGT de la solidarité élémentaire entre travailleurs et de la défense des droits démocratiques et elle agit comme couverture pour la bureaucratie syndicale. Ceci révèle au grand jour que les airs que se donne la LCR, qui se présente en principal ennemi du racisme et défenseur des sans-papiers, ne sont que tromperie. Comme dans tout autre domaine, que ce soit la défense des régimes spéciaux de retraite du secteur public, les luttes des lycéens et des étudiants, la LCR et ce nouveau « parti anticapitaliste », qu’elle cherche à construire, servent de couverture aux bureaucraties ouvrières droitières.

Le WSWS appelle la classe ouvrière à venir en aide à tous les immigrés et à lutter pour leur droit à devenir des citoyens à part entière. Ceci implique la construction d’un parti dans la classe ouvrière qui lutte pour les intérêts de tous les travailleurs, quelles que soient leurs origines.

Seule une mobilisation de toutes les sections de la classe ouvrière pour défendre la revendication des sans-papiers au droit à devenir des citoyens à part entière, mobilisation participant d’un combat plus large contre la politique anti-immigrés de Sarkozy et de l’Union européenne, peut défendre et étendre ce droit.

(Article original anglais paru le 20 mai 2008)

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