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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

France : gouvernement et syndicats préparent une attaque de grande envergure sur les retraites

Par Kumaran Ira et Alex Lantier
6 mai 2008

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Le 28 avril, le ministre du Travail Xavier Bertrand a rencontré les syndicats et les organisations patronales pour mettre en place la feuille de route d’une nouvelle série d’attaques sur les retraites. Le point central de ce projet est d’allonger d’ici 2012 la période de cotisation pour tous les travailleurs, dans le secteur public et privé, à 41 annuités au lieu de 40 actuellement. Ceci est la confirmation de l’orientation donnée par le président Nicolas Sarkozy dans son interview télévisée du 24 avril dans laquelle il avait dit que la seule solution était de « travailler et cotiser plus longtemps ».

Les grandes lignes de l’actuelle réforme sont imposées par l’attaque de 2003 sur les retraites, mises en place sous le gouvernement du premier ministre d’alors, Jean-Pierre Raffarin, et qui comprenait une augmentation en 2008 de la période de cotisation s’il ne se produisait pas d’ici là un changement majeur des tendances démographiques. En conséquence, on s’attend à ce que la réforme préparée par les « partenaires sociaux », organisations syndicales et patronales, et l’Etat ne soit adoptée que par un simple décret exécutif, sans nécessité d’une nouvelle loi au parlement. Après la réunion du 28 avril, Bertrand a publié une première version de la réforme, intitulée « Rendez-vous retraites 2008 ».

Cet avant-projet de loi déclare que l’augmentation de la période de cotisation est « justifiée au regard de l’augmentation de l’espérance de vie constatée par l’INSEE [Institut national de la statistique et des études économiques]. La dégradation de la situation financière des régimes en renforce la nécessité. »

Cet avant-projet annonce aussi plusieurs mesures mineures, en grande partie symboliques, visant à aider les retraités plus pauvres. L’une de ces mesures demande que le montant des pensions de réversion, versées aux veufs ou aux veuves après le décès de leur époux ou épouse, soit porté à 60 pour cent du montant de la pension de la personne décédée, contre 54 pour cent actuellement. Une autre mesure demande que le montant de la retraite d’un travailleur qui a travaillé à temps complet au SMIC (salaire minimum) pendant toute la durée de sa période de cotisation perçoive au moins 85 pour cent du SMIC, une mesure qui touche relativement peu de travailleurs payés au SMIC car ces derniers ont souvent de longues périodes de travail à temps partiel, voire de chômage.

Cette réforme revêt aussi une importance toute particulière concernant les conditions d’emploi des plus de 57 ans, souvent contraints de prendre une préretraite pour que les entreprises embauchent des travailleurs plus jeunes et donc moins chers et réduisent ainsi leurs cotisations patronales de retraite. Une indication de ce problème est le taux d’activité des plus de 55 ans qui est de 38,1 pour cent en France contre une moyenne de 43,6 pour cent dans l’Union européenne (UE). Jusqu'à présent, ces travailleurs bénéficiaient d’une Dispense de recherche d’emploi (DRE). Une fois licenciés, ils étaient autorisés à recevoir l’assurance-chômage jusqu’à ce qu’ils atteignent l’âge légal de la retraite puis ils recevaient leur retraite normale.

L’avant-projet de loi annonce une augmentation non spécifiée de l’âge minimum ouvrant droit à la DRE. Avec une réforme des retraites imposant des pénalités financières sévères aux travailleurs qui n’auront pas cotisé pendant toute la période requise, c'est-à-dire une décote de 5 pour cent du montant de la retraite pour tout trimestre manquant, de tels projets réduiront de façon draconienne les retraites de millions de travailleurs.

Tout au long de cette collaboration entre les syndicats et l’élite dirigeante française, les sommes en jeu ont été quelque peu dissimulées au grand public. Mais ce qui est en train de se préparer c’est un transfert massif d’argent de la poche des retraités de la classe ouvrière vers les coffres de l’Etat et finalement vers les résultats financiers des grandes entreprises françaises.

Selon l’INSEE, la France compte approximativement 13,5 millions de retraités, soit 20 pour cent de la population. Chaque année, environ 500 000 travailleurs prennent leur retraite, un chiffre qui devrait atteindre 700 000 lorsque la génération des baby-boomers prendra sa retraite. En 2006, les dépenses pour les retraites s’élevaient à 235 milliards d’euros, dont 230 milliards provenaient des cotisations des salariés et des patrons, et les 4,2 milliards restants de l’Etat.

Dans des documents statistiques préparés en novembre 2007, le Conseil d’orientation des retraites (COR) prévoyait que, malgré une augmentation substantielle de la population retraitée, la part du PIB consacrée aux retraites serait maintenue au niveau constant de 13 pour cent à l’avenir. Partant de là, le financement des retraites serait en déficit de 15,1 milliards d’euros en 2015, 47,1 milliards en 2030 et 68,8 milliards en 2050. Mais ce qui est à la base de cette hypothèse c’est la détermination de la bourgeoisie française à dépenser le moins qu’il lui soit politiquement possible de dépenser pour les retraites.

Cherchant à réduire sa part dans le paiement des retraites, la bourgeoisie française a eu l’idée d’allonger la période de cotisation, d’accroître les pénalités financières sur les travailleurs au moment où les durées de carrière sont à la traîne de la durée requise des années de cotisation. La première réforme de ce type, celle du premier ministre Edouard Balladur en 1993, avait fait passer les travailleurs du secteur privé de 37,5 années de cotisation à 40. La seconde, celle de Raffarin en 2003, avait forcé les travailleurs de la fonction publique à passer de 37,5 à 40 années de cotisation, avec un passage prévu de 40 à 41 annuités en 2008. En décembre dernier, le gouvernement a aligné sur ce modèle la retraite des travailleurs du secteur public bénéficiant de régimes spéciaux de retraite, ceux qui travaillent dans les secteurs stratégiques de l’économie tels les transports et l’énergie.

Il a résulté de ces réformes, d’après une étude de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), que le pourcentage du dernier salaire qu’un retraité perçoit pour sa retraite est passé de 64,7 pour cent à 51,2 pour cent.

La classe ouvrière française a fait face à ces attaques et a lutté vigoureusement pour défendre son niveau de vie. En 1995, les travailleurs du secteur public avaient, en grande partie, paralysé le pays avec une grève d’un mois contre les tentatives du premier ministre de l’époque Alain Juppé d’étendre les attaques de Balladur au secteur public. Les enseignants avaient conduit une grève des travailleurs du secteur public regroupant un million de personnes contre les attaques de 2003 et les cheminots, gaziers et électriciens ont monté des grèves en octobre et novembre derniers contre la réforme des régimes spéciaux. Mais la classe dirigeante française a réussi à diviser la classe ouvrière et s’est attaquée à chaque secteur l’un après l’autre.

Le principal obstacle à la défense victorieuse des retraites est la direction des syndicats. Loin de chercher à alerter les travailleurs sur le danger à long terme auquel ils étaient confrontés et ainsi mener une lutte politique en complète opposition à la bourgeoisie et à ses représentants, les bureaucraties syndicales luttent systématiquement pour empêcher que les grèves ne s’étendent, pour y mettre fin et ensuite négocier des concessions avec l’Etat.

La collaboration entre les syndicats et l’Etat est à présent publiquement discutée dans les grands médias. Comme l’a écrit Sarkozy dans un éditorial du Monde du 18 avril, « Le dialogue social n'a jamais été aussi dense ni aussi constructif en France qu'au cours des derniers mois. Juste après l'élection présidentielle et avant même de rejoindre l'Elysée, j'ai tenu à recevoir les organisations syndicales et patronales pour les écouter et recueillir leurs positions sur les premières actions que je comptais entreprendre. Depuis, je continue à recevoir très régulièrement chacun de leurs représentants… la réforme des régimes spéciaux de retraite, qui a pu être menée à bien à l'automne grâce à une intense période de concertation au niveau national et des négociations dans chacune des entreprises concernées. »

Jean-Christophe Le Duigou, un dirigeant de la CGT (Confédération générale du travail), dominée par les staliniens, a répondu dans une interview publiée dans le Financial Times par des compliments à l’adresse de Sarkozy: « Il comprend que nous devons donner une place au dialogue. Nous nous trouvons à un tournant dans la situation sociale de notre pays. Tout le monde pense que les choses doivent changer. »

Dans une telle situation, tous les travailleurs qui ont une conscience de classes doivent se rendre compte du piège que leur tendent la CGT et la CFDT (Confédération française démocratique du travail), au moment où les syndicats annoncent leur projet d’appel à une journée d’action le 22 mai contre les attaques sur les retraites. Dans une situation où Sarkozy est au plus bas dans les sondages et où les difficultés économiques augmentent, un tel appel pourrait être très suivi. Cependant, le but de la bureaucratie syndicale est de faire de cette journée une soupape politique et de donner l’illusion de lutter contre le gouvernement tout en complotant avec Sarkozy dans le dos des travailleurs.

Peu après que la CFDT eut annoncé son soutien à la journée d’action, son négociateur sur les retraites, Gaby Bonnard reconnaissait, « nous ne sommes pas hostiles par principe à un allongement de la durée de cotisation ».

Dans un éditorial du 1er mai, le quotidien conservateur Le Figaro faisait l’éloge de la décision des syndicats de ne pas joindre leur journée d’action à celle des lycéens le 15 mai. [En fait le 15 mai est une journée d’action des lycéens, des enseignants et de la fonction publique]. L’article dit des manifestations du 22 mai, « Il faut espérer qu'il s'agit là, dans l'esprit des syndicats, d'un baroud d'honneur face à une réforme certes difficile, mais cruciale pour le pays. » L’article ajoute, « le vrai sujet pour les syndicats est en réalité ailleurs. Il s'agit pour eux de savoir prolonger l'extraordinaire mouvement de rénovation des mœurs sociales en France, dont ils sont le moteur… Contribuer à une réforme aussi déterminante que celle des retraites, réalisée partout ailleurs en Europe, enverrait le signe d'une responsabilité définitivement assumée. »

A ceci, il suffit à la classe ouvrière d’ajouter, « leur responsabilité envers la bourgeoisie ». En fait, ce que Sarkozy et les médias bourgeois révèlent ingénument c’est la prostration totale des bureaucrates syndicaux et par extension de tous leurs parasites dans les directions des partis de gauche et d’«extrême-gauche » soi-disant trotskystes.

Les travailleurs peuvent rejeter l’affirmation hypocrite selon laquelle il n’y a pas d’argent pour payer les retraites. L’Etat proteste contre le fait de devoir payer 4,2 milliards d’euros de retraite, un an après que Sarkozy a fait un cadeau fiscal de 10 pour cent à la tranche d’imposition la plus élevée et qui représente 15 milliards d’euros par an. Le déficit prévu de 69 milliards d’euros, dans les 40 ans à venir, est moins important que les bénéfices de l’an dernier de l’index du CAC 40 des 40 plus grandes entreprises françaises, bénéfices qui se sont élevés à 100 milliards d’euros.

 En premier lieu, il faut construire un parti politique pour coordonner la lutte contre le programme d’attaque des acquis sociaux du gouvernement et de ses co-conspirateurs des directions syndicales. Le World Socialist Web Site met en avant une perspective socialiste internationale pour faire avancer cette lutte parmi les travailleurs et les étudiants en France.

(Article original anglais paru le 5 mai 2008)

Lire aussi :

France : La grève des sans-papiers gagne du soutien [5 mai 2008]

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