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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

L'instabilité politique et les luttes sociales feront suite aux élections générales espagnoles

Par Paul Mitchell
15 mars 2008

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Les derniers sondages semblent indiquer que le Parti socialiste ouvrier (PSOE) dirigé par le premier ministre actuel, José Luis Zapatero ne devance le Parti populaire (PP, parti d'opposition de droite) de Mariano Rajoy que par 1,5 pour cent dans les élections parlementaires de demain. Aucun des deux camps ne semble en mesure d'obtenir une majorité absolue aux Cortes (la Chambre des députés) et il leur faudra probablement parvenir à un accord avec les partis plus petits pour pouvoir former un gouvernement.

[NdT : le PSEO comme le PP ont obtenu cinq sièges de plus aux Cortes. Toutefois, il manque sept sièges au PSEO pour obtenir une majorité absolue.]

Quel que soit celui qui sortira vainqueur dimanche soir, les élections espagnoles augurent d'une forte embardée à droite de la politique officielle et d'une escalade des conflits de classes. La société espagnole est déjà très polarisée. De nombreux commentateurs font référence à la réapparition des « deux Espagnes de la guerre civile de 1936-39 » alors que le « consensus » créé pendant la soi-disant transition pacifique entre le fascisme et la démocratie parlementaire à la suite de la mort de Franco en 1975 se délite. Les difficultés économiques menacent de porter ces tensions jusqu'au point de rupture.

Tout au long de cette décennie, l'Espagne a bénéficié du plus haut taux de croissance économique de tous les pays européens. Mais actuellement les pages financières sont pleines d'avertissements à propos d'un ralentissement soudain, d'une dépression, ou d'une stagflation — une croissance qui stagne avec une inflation qui augmente. Les prévisions de la croissance économique ont été revues à la baisse — de 3,8 pour cent en 2007 à 3,1 pour cent cette année, selon le gouvernement ; et seulement 2,7 pour cent selon la Commission européenne et le Fonds monétaire international. La commission a également annoncé que la confiance des entreprises, tel que mesurée par son indice de « sentiment économique », se dégrade à travers toute l'Europe et est « particulièrement glauque » en Espagne, tombant à son plus bas niveau depuis janvier 1994, le moment où le pays avait subi sa dernière véritable récession.

Le boom immobilier s'essouffle. La FUNCAS, la Fédération des banques d'épargne espagnoles, a averti que le ralentissement sera « plus traumatisant » que prévu. Le Crédit suisse et l'Association espagnole de la construction ont anticipé une baisse de 40 pour cent des activités de construction cette année. Les conséquences pour l'Espagne sont bien pires que pour d'autres pays, car les investissements dans la construction constituent 18 pour cent du produit intérieur brut espagnol, près de deux fois plus qu'en France ou en Allemagne. De plus, la crise de la construction a des répercussions sur d'autres secteurs de l'économie, en particulier l'industrie bancaire.

Les institutions financières comme le Fonds monétaire international exigent que le prochain gouvernement procède aux réformes industrielles qu'elles demandent depuis longtemps, et qu'il augmente la productivité, qui est parmi les plus faibles d'Europe. Elles demandent aussi qu'il introduise plus de technologies modernes et qu'il s'occupe de l'énorme déficit budgétaire actuel, qui s’élève à 10 pour cent du produit intérieur brut soit le deuxième plus important après celui des États-Unis. Ces institutions ont mis en garde tous les partis contre le fait de s'appuyer sur les excédents budgétaires records pour financer des réductions d'impôts. Pendant la campagne électorale, le PSOE défendait une réduction d'impôts de 400 € (600 $) pour tous les salariés et retraités, tandis que le PP promettait d'exempter d'impôts sur le revenu tous ceux qui gagnaient moins de 16 000 € par an, de réduire le taux maximal d'imposition de 43 à 40 pour cent et de diminuer les taxes sur les entreprises de 32,5 à 25 pour cent.

Ismael Crespo, chercheur en sciences politiques à l'université de Murcie explique : « Maintenant que la bulle économique est largement passée, le défi principal pour le vainqueur des élections de dimanche sera outre la gestion de la crise, la recherche d'un nouveau modèle de croissance, qui s'appuierait sur l'augmentation de la productivité. Malheureusement, cette réalité, elle aussi, doit encore se faire admettre complètement. »

La réalité pour de nombreux travailleurs, c'est l'impossibilité de joindre les deux bouts. L'indice des prix à la consommation a monté de 4,3 pour cent en janvier, au lieu de 2,4 pour cent pendant le même mois de l'année dernière. Les denrées alimentaires de base comme l'huile de tournesol et la farine coûtent maintenant entre 25 et 37 pour cent plus cher qu'il y a un an et l'on prévoit une augmentation de 14 pour cent sur la viande cette année. Le taux d'endettement des ménages s'élève à plus de 110 pour cent du revenu et s'approche du niveau des États-Unis. Les rapports les plus récents révèlent que le montant des hypothèques non remboursées s'élève à 811 milliards d'euros (1 trillion de dollars), une augmentation de 26 pour cent depuis 2006.

Le chômage a augmenté l'année dernière, atteignant 2 315 000 personnes, soit 8,6 pour cent de la population active, pour la première fois depuis quatre ans. Les dernières statistiques montrent que les jeunes sont particulièrement touchés. Moins de la moitié des employés ont un contrat à durée indéterminée et ils dépensent près de la moitié de leur revenu pour le logement. Belén Barjadi, une employée du secteur public qui avait voté pour le PSOE aux élections de 2004, a exprimé la situation impossible où se trouvent beaucoup de travailleurs. Elle a déclaré au Herald Tribune, « Je suis très inquiète de ma situation économique, et je ne vois aucun des deux partis me présenter une solution. »

Barjadi gagne un salaire de 1350 € par mois et doit partager un appartement à 700 € par mois avec sa sœur. Elle a expliqué qu'elle mange rarement du poisson frais ou de la viande, n'a pas de voiture, et qu'elle reste en Espagne avec ses amis pour les vacances. « Quand je mets le chauffage en marche, je me demande combien cela me coûte, […] Je m'inquiète pour la facture d'électricité, le loyer. Je n'ai jamais été extravagante, mais maintenant je dois faire très attention. »

« Quand Zapatero dit que l'économie se porte bien, ça me fait rire, dit-elle. Mais que puis-je faire ? Je suis invisible. »

Les sentiments de Bardaji sont caractéristiques d'une classe ouvrière de plus en plus agitée, qui a renvoyé le gouvernement du PP en 2004, en colère contre ses politiques néo-libérales et son soutien à la guerre en Irak. Le PSOE a été le premier bénéficiaire du virage à gauche électoral, mais il a déçu les espoirs placés en lui.

La droite, quant à elle, a indiqué qu'elle est prête à abandonner ses faibles engagements en faveur de la transition et de la constitution de 1978. Le PP, l'Église catholique et certaines sections de l'armée ont passé les quatre dernières années à mener une campagne politique agressive pour déstabiliser le gouvernement, en décrivant la victoire électorale de 2004 comme un quasi-coup d'État. Le PP a lancé des provocations répétées sur des questions telles que l'autonomie régionale, les négociations avec les séparatistes basques de l'ETA, le sécularisme, l'avortement et la défense du franquisme. En réponse, le PSOE s'est mis en quatre pour tenter de réduire la fracture et stabiliser l'emprise bourgeoise, mais cela s'est révélé impossible.

Pendant la campagne électorale, le PP a misé sur le nationalisme espagnol et le sentiment anti-immigrés. Reconnaissant que le parti avait « une image de droite très dure en ce moment », un dirigeant du PP, Gabriel Elorriaga a déclaré que « même nos propres électeurs pensent qu'ils sont plus centristes que le PP ». Le plan du parti est de persuader les sympathisants du PSOE de s'abstenir. « Toute notre stratégie tourne autour des électeurs socialistes hésitants… Nous savons qu'ils ne voteront jamais pour nous. Mais si nous parvenons à répandre assez de doutes sur l'économie, sur l'immigration et les questions liées au nationalisme, alors peut-être qu'ils resteront chez eux. »

La hiérarchie catholique est également intervenue dans les élections, avec la Conférence des évêques espagnols qui a rappelé aux catholiques leur devoir de défendre les valeurs traditionnelles et d'élire des chefs « de façon responsable » quand ils voteront dimanche. Cette semaine, la Conférence a désigné le cardinal Antonio Maria Rouco Varela comme son nouveau président, pour remplacer l'évêque Ricardo Blasquez. Sous sa direction, l'Église espagnole s'était lancée dans la mission évangélisatrice du pape Benoît XVI, elle avait soutenu la béatification sans précédent de 500 prêtres catholiques tués quand l'Église soutenait le fascisme pendant la guerre civile, encouragé une chasse aux sorcières contre le droit à l'avortement et organisé un rassemblement massif au cours duquel les orateurs avaient dénoncé les politiques sociales du PSOE.

Le sentiment populaire est opposé à l'intervention politique de l'Église, pourtant Zapatero a tenté de restaurer l'autorité de l'Église en renouvelant les accords entre l'Église et l'État à l'automne dernier, en envoyant des représentants à la béatification à Rome, et en supprimant des passages de son programme électoral qui promettaient l’élargissement du droit à l'avortement.

L'Église catholique a aussi été à l'avant-garde de la contestation des dispositions de la nouvelle Loi sur la mémoire historique, qui condamne officiellement les exécutions en masse et les autres crimes commis sous Franco. Elle a organisé des célébrations de masse partout dans le pays, notamment dans la Vallée du Tombé, où le dictateur est enterré avec le fondateur de la phalange fasciste espagnole, José Primo Rivera.

Après le passage de la loi, des batailles rangées ont éclaté entre la police et des manifestants anti-fascistes dans les principales villes espagnoles, faisant plusieurs victimes, dont un mort. Ajoutée à la colère largement répandue concernant les révélations sur l'énorme fortune dont a hérité la famille de Franco et sur son mode de vie décadent, la nouvelle loi menace de faire resurgir tous les problèmes politiques qui n'ont pas été résolus par la guerre civile, la victoire des fascistes et les décennies de répression qui ont suivi.

L'armée a également fait connaître son point de vue sur les élections, par l'intermédiaire du lieutenant-général José Mena Aguado, l'ex-commandant de l'armée de terre espagnole forte de 50 000 hommes, qui a exhorté la population à voter contre le PSOE durant le lancement le mois dernier de son livre « Soldats. Les limites du silence ».

Dans ses pages, Mena affirme qu'il y avait un large soutien dans l'état-major en faveur de son discours public de janvier 2006 dans lequel il menaçait de déployer l'armée pour s'opposer aux Statuts de la Catalogne promulgués par le PSOE et aux pouvoirs additionnels limités qu'il accordait à cette province. À l'époque, le PSOE avait tenté d'effacer l'incident en disant que c'était « un acte d'indiscipline isolé qui a déjà été puni ».

La question des nationalismes basque et catalan menace également de refaire surface, notamment depuis que le Kosovo a déclaré son indépendance unilatéralement le mois dernier. Tandis que le PSOE et le PP adoptent la même position sur le Kosovo, insistant sur le fait que c'est un « cas particulier », les séparatistes le célèbrent comme un précédent qui pourra faire avancer leurs propres ambitions. Le principal parti séparatiste au Pays basque, le PNV, dit qu'il va procéder à un référendum sur l’avenir de la région plus tard dans l'année et il essaie d'y faire participer les partisans du groupe terroriste ETA et de son aile politique, Batasuna.

Il n'y a rien de progressiste dans la perspective du séparatisme national, qui accepte l'exploitation capitaliste et l'inégalité et qui est fondamentalement opposée à la mobilisation indépendante de la classe ouvrière. De plus, les attentats et les assassinats de l'ETA ont fourni un prétexte au renforcement de l'appareil répressif et aux atteintes draconiennes aux droits démocratiques. Le gouvernement Zapatero, comme le précédent gouvernement du PP dirigé par José Maria Aznar, s'est servi de la région basque comme d'un banc d'essai pour les mesures antidémocratiques qui visent à bâillonner toute dissension populaire. L'année dernière, il a arrêté toute la direction de Batasuna, et le mois dernier il a interdit à deux partis basques et à leurs députés à l'assemblée régionale de participer aux élections, en les accusant d'être des vitrines de Batasuna.

Depuis qu'il est arrivé au pouvoir, le PSOE a défendu les intérêts de l'élite dirigeante espagnole au détriment de la population laborieuse. Il s'est incliné devant les provocations du PP et a essayé de bloquer tout mouvement de la classe ouvrière pour défendre ses intérêts économiques et politiques. Pendant la campagne électorale, Zapatero a juré de parvenir à un accord avec les bureaucraties syndicales et les dirigeants des entreprises pour imposer les réformes du travail demandées depuis longtemps par le FMI et les autres institutions financières. Les tentatives de mener à bien ces réformes par le passé ont entraîné plusieurs grèves générales en Espagne, dont une en 2002 qui obligea le gouvernement du PP à faire marche arrière et à retirer ses propositions. En 2005, les travailleurs étaient impliqués dans de nombreuses grèves nationales, dont une grève politiquement explosive des mineurs. L'UGT [principal syndicat espagnol] et la Confédération syndicale des commissions de travailleurs, dirigée par les staliniens, menaçaient d'organiser un « hiver des mécontents », mais ils ont accepté pratiquement toutes les demandes du grand patronat.


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