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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Allemagne : Que se cache-t-il derrière les tentatives d’ostracisme de La Gauche ?

Par Ulrich Rippert
14 mars 2008

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Une polémique virulente s’est fait jour quant à la manière dont les partis politiques établis devraient traiter le parti La Gauche (Die Linke) qui, la semaine passée, a obtenu suffisamment de voix pour être représenté dans le parlement régional de la ville-Etat de Hambourg. Cette dernière percée à Hambourg assure à La Gauche une présence dans dix parlements régionaux sur seize en Allemagne.

Ce ne sont pas seulement les partis conservateurs de l’Union chrétienne-démocrate (CDU) et de l’Union chrétienne-sociale (CSU) qui ont réagi instinctivement en recourant aux formes les plus grossières de l’anticommunisme. Le Parti social-démocrate (SPD) est en proie à un violent conflit au sujet de La Gauche et qui menace de le déchirer.

La polémique a débuté après l’élection régionale de Hesse il y a cinq semaines. La veille du scrutin, il apparut clairement que la campagne sécuritaire et xénophobe basée sur le nombre croissant de « criminels étrangers » lancée par le ministre-président sortant, Roland Koch (CDU), n’avait pas réussi à mobiliser le soutien nécessaire et ce dernier avait perdu l’élection.

Le score obtenu était insuffisant pour pouvoir former une coalition majoritaire de centre-droit entre le CDU et le Parti libéral démocrate (FDP). Etant donné que le SPD et les Verts ont également échoué à s’assurer une majorité, Koch ne pourra être écarté de son poste de ministre-président qu’avec le soutien du parti La Gauche.

Certains commentateurs de presse ont alors appeler le SPD à renoncer à son hostilité à l’égard de La Gauche et à accepter de former une coalition gouvernementale en Hesse, tout comme les sociaux-démocrates l’avaient fait il y a quelques années déjà à Berlin. L’hebdomadaire pro SPD, Die Zeit, a publié un article sous le titre « Osons la gauche ! » Le journal a appelé le SPD à cesser de « diaboliser La Gauche à l’ouest » de l’Allemagne. Le Süddeutsche Zeitung a dit, en parlant de La Gauche, que: « Ce sont tous des gens respectables et engagés… ils pourraient tout aussi bien être membre du SPD. »

Deux semaines plus tard, juste avant l’élection de Hambourg, le président du SPD, Kurt Beck, avait suggéré que la dirigeante du parti en Hesse, Andrea Ypsilanti, pourrait se faire élire comme ministre-président de Hesse avec les voix de La Gauche. Le CDU et le CSU ainsi que les médias de droite ont immédiatement poussé des cris d’orfraie accusant Beck et Ypsilanti de trahir leur parole étant donné qu’ils s’étaient prononcés avant l’élection contre toute coopération avec La Gauche.

Immédiatement après l’élection de Hambourg, les porte-parole de l’aile droite du SPD ont pris la parole pour critiquer « le virage à gauche de Beck » et lancer une contre-attaque agressive.

Suite à l’élection de Hambourg, le SPD et les Verts ont proposé leur service au CDU afin de lui procurer une majorité. Ils sont déterminés à garder le maire CDU, Ole von Beust, au pouvoir et ce bien qu’il ait perdu l’élection et n’ait plus de majorité.

Von Beust était initialement venu au pouvoir avec le soutien du parti d’extrême droite de Ronald Schill et avait fait des coupes claires dans les dépenses sociales et les droits démocratiques. Le SPD et les Verts ont justifié leur approche servile du CDU en déclarant qu’il ne pouvait y avoir de collaboration avec La Gauche.

La nuit de l’élection, l’ancien maire de Hambourg, Klaus von Dohnanyi (SPD), avait souligné qu’une « coopération avec La Gauche quelle qu’elle soit » était hors de question. S’exprimant à la télévision allemande, Dohnanyi a dit, « il ne peut y avoir de coopération sérieuse avec un parti qui rejette les fondements de la société de libre marché. »

Deux jours plus tard, il versait de l’huile sur le feu en déclarant dans le journal populaire « Bild » que le SPD devrait faire savoir clairement que le « programme [de La Gauche était] ridicule » au point qu’il était impossible de constituer une coalition avec ce parti. Il précisait, « Le SPD ne doit rien faire en commun avec La Gauche ! »

Il ajoutait que la candidate du SPD, tête de liste en Hesse, Ypsilanti, ne devrait « en aucun cas » se faire élire ministre-président avec les voix de La Gauche.

Le ministre allemand des Finances, Peer Steinbrück (SPD) a entonné le même refrain en disant que le SPD ne devrait pas gouverner en Hesse avec le soutien du parti La Gauche. « Quiconque en douterait , a-t-il dit, compromettrait la crédibilité de l’ensemble du SPD. » Le ministre des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier (SPD) s’est lui aussi aligné contre Beck, le président du parti.

Le lundi suivant l’élection de Hambourg, le comité directeur du SPD soutenait presque unanimement la position de Kurt Beck en donnant le feu vert à Ypsilanti pour former un gouvernement avec le soutien de La Gauche. Mais, à peine quelques heures plus tard, des membres du comité directeur ont déclaré ne pas se sentir tenus par cette résolution du fait que le président du parti, Beck, qui n’avait pas participé à la réunion pour cause de maladie, aurait eu à faire face à d’âpres critiques s’il avait été présent.

Le « Seeheimer Kreis », cercle droitier au sein du SPD a pressé Beck de retirer immédiatement la résolution relative aux relations à entretenir avec La Gauche. Le porte-parole de ce groupe, Johannes Kahrs, déclarait au Bild, « Je considère que la résolution de lundi, adoptée par le comité directeur est mauvaise. Je ne crois pas non plus qu’on puisse rester assis à attendre que l’orage passe. Nous exigeons que Beck revienne sur la résolution concernant la coopération avec La Gauche dans les Länder en Allemagne de l’Ouest. »

Et même des cadres du SPD de longue date qui sont en retraite politique depuis bien des années, tel l’ancien ministre de la Défense, Hans Appel, ont subitement ressurgi pour prendre la parole. Appel a déclaré, « M. Beck a trompé les électeurs et ce, délibérément. Le SPD de Hambourg ne tolérera pas cela ! Sinon, j’en viendrai à me demander s’il s’agit encore de mon parti. » (Bild)

Dès jeudi, le SPD de Hambourg avait renforcé ses attaques contre Beck. Le magazine Stern rendait compte d’une longue lettre de trois pages et que Beck avait reçue du candidat tête de liste à Hambourg, Michael Naumann. Selon Stern, Naumann reprochait au dirigeant du SPD de « rouler à contresens » et que cela avait coûté au SPD au moins 3 pour cent de voix à Hambourg.

Qu’est-ce qui se cache derrière ces attaques hystériques de la droite du SPD ?

L’anti-communisme traditionnel du SPD n’est pas une explication suffisante étant donné que de nombreux politiciens de la droite du SPD n’éprouvent aucune difficulté à garder le contact avec des cadres staliniens de longue date. Du reste, le dirigeant de La Gauche, Oskar Lafontaine, est un des leurs au même titre que la plupart des permanents de La Gauche à l’ouest.

En 2004, Klaus von Dohnanyi avait été la personne spécialement chargée par le gouvernement SPD/Verts dirigé par le chancelier Gerhard Schröder de mettre en place des zones économiques spéciales en Allemagne de l’Est, où à Mecklembourg-Poméranie occidentale il travaillait en étroite collaboration avec le ministre de l’Emploi, Helmut Holter, qui était alors un membre du Parti du socialisme démocratique (PDS) et qui est aujourd’hui un membre de La Gauche. Aujourd’hui encore, Dohnanyi est d’avis qu’il aurait été préférable, après la chute du Mur de Berlin, d’avoir réuni au sein du SPD les cadres staliniens moyens et supérieurs qui forment à présent le pivot de La Gauche.

Il doit donc y avoir d’autres raisons à cette exclusion de La Gauche. La principale motivation est de déclarer illégal tout parti qui soulève des questions d’ordre social et qui parle de l’inégalité sociale, ne serait-ce que de façon superficielle.

Les dirigeants droitiers du SPD sont tout à fait conscients que dans toutes les régions où La Gauche participe au gouvernement, il fait exactement le contraire de ce qu’il a promis durant ses campagnes électorales. Mais le simple fait que le parti déclare dans sa propagande électorale être contre l’antisocial Agenda 2010 et qu’il appelle à ce que les « réformes » sociales Hartz IV soient abrogées, suffit à le qualifier de politiquement inacceptable.

C’est le parti La Gauche qui est visé, mais la véritable cible sont tous ceux qui ont voté pour ce parti. En ce qui concerne la droite du SPD, le fait que des dizaines de milliers de personnes ont voté pour ce parti n’a aucune importance. Il est hors de question qu’une résistance sociale montante fasse son entrée dans la politique officielle.

Ce n’est pas par hasard que le SPD de Hambourg soit le fer de lance de ces attaques. Depuis des décennies déjà le SPD est dominé par des gens de droite qui sont étroitement liés à la bourgeoisie de ce port hanséatique. Le commerce a bien enrichi les vieilles familles marchandes, les compagnies de navigation et les nantis de Hambourg. La ville qui héberge plusieurs barons de la presse, compte plus de 5000 millionnaires. L’arrogance et le snobisme de classe sont depuis longtemps la marque de fabrique de la vie politique de Hambourg.

Au début des années 1970, quand Willy Brandt, dirigeant du SPD de l’époque, fut incapable de retenir la classe ouvrière qui s’était mobilisée dans d’importants mouvements sociaux pour obtenir des hausses de salaire de deux chiffres devant la virgule, Helmut Schmidt s’était rallié au milieu de l’influence hanséatique pour reprendre la chancellerie et refouler l’offensive salariale des travailleurs.

Aujourd’hui, la situation est bien plus avancée. Après sept années de gouvernement fédéral SPD/Verts et à peine trois années de grande coalition (CDU-CSU/SPD), les divisions sociales revêtent des formes extrêmes. Selon des statistiques officielles, le pouvoir d’achat des plus petits salaires a baissé en moyenne de 13 pour cent au cours de ces quinze dernières années.

Les gens qui ont cotisé pendant des décennies auprès des caisses d’assurance perdent leurs allocations au bout d’à peine un ou deux ans de chômage et sont obligés d’accepter des emplois à bas salaire ou de vivre de minima sociaux. L’appauvrissement des gens au bas de l’échelle sociale est en proportion inverse à la richesse débridée des gens du haut de l’échelle sociale. C’est pourquoi les revendications pour un salaire minimum légal et une augmentation des taux d’imposition des tranches les plus élevées ont de plus en plus de résonance auprès de la population.

Alors que Klaus von Dohnanyi insiste pour que les réformes introduites par le chancelier Schröder soient poursuivies dans leur intégralité de façon à rendre l’Allemagne compétitive, les mauvaises nouvelles pleuvent pour les travailleurs allemands : fermeture de l’usine Nokia à Bochum, licenciement de masse chez Siemens, BMW, Henkel, etc.

Au vu des tensions sociales croissantes, l’aile droite du SPD cherche à empêcher toute discussion sur l’inégalité sociale et à supprimer toute critique de la société capitaliste. C’est ce qui explique ses attaques menées contre la gauche du parti. Derrière la façade et le choix des mots de la gauche caviar de Hambourg se cache un message clair : que la plèbe se taise !

Par ailleurs, le président du parti, Beck, Andrea Ypsilanti et les autres dirigeants du SPD pensent que l’intégration de La Gauche dans le gouvernement sur un plan régional servirait à mieux poursuivre l’application de l’Agenda 2010, comme l’avait dit autrefois Holger Börner des Verts et comme le prouve aujourd’hui Klaus Wowereit à Berlin.

Pour sa part, le parti La Gauche, a réagi contre la campagne droitière en faisant tout son possible pour prouver sa loyauté envers l’Etat et sa fiabilité.

Les ténors du parti La Gauche ne ratent pas une occasion de souligner à quel point ils sont proches du SPD et que, bien qu’ils pensent que la société capitaliste peut être améliorée, ils reconnaissent inconditionnellement les relations de propriété existantes. Ils signalent leur travail gouvernemental à Berlin et en Mecklenbourg-Poméranie occidentale pour montrer qu’ils sont capables de pousser de l’avant plus effectivement que les autres partis les « réformes » sociales, les emplois à un euro et autres mesures impopulaires.

Au lieu de s’opposer aux attaques insolentes du SPD, La Gauche réagit comme un chien battu en virant davantage encore à droite. Suite aux décisions d’incompatibilité du SPD, La Gauche riposte par l’application de ses propres mesures disciplinaires.

A cet effet, l’affaire du membre du DKP (Deutsche Kommunistische Partei, Parti communiste allemand), Christel Wegner est caractéristique. Wegner avait été élue au parlement régional de Basse-Saxe sur la liste de La Gauche. Elle avait accordé après l’élection une interview à la chaîne publique ARD dans laquelle elle semblait défendre la Stasi, police secrète de l’ancienne RDA, en disant que « si l’on établissait une autre forme de société » on aurait besoin « d’un tel organe… pour se protéger des forces réactionnaires qui pourraient exploiter la situation et miner l’Etat de l’intérieur. »

Wegner venait à peine de s’exprimer que les médias poussèrent des cris d’indignation. La nouvelle se répandit qu’un député de La Gauche réclamait le rétablissement de la Stasi et la reconstruction du Mur de Berlin, alors que ce n’était pas ce que Wegner avait dit. Le comité directeur du parti La Gauche a immédiatement réagi en se dissociant de Wegner et en l’excluant deux jours plus tard de son groupe au parlement de Basse-Saxe.

(Article original paru le 3 mars 2008)


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