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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Un dirigeant de la LCR, Daniel Bensaïd assure le Parti socialiste de sa collaboration

Par Antoine Lerougetel
19 mars 2008

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Daniel Bensaïd de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) et Henri Weber du Parti socialiste (PS) étaient les deux principaux orateurs du forum qui s’est tenu au siège du Parti socialiste le 28 février dernier. Ce forum fait partie de toute une série de forums présentée comme contribuant à la rénovation du PS après ses défaites aux élections présidentielles et législatives de l’an dernier.

Henri Weber et Daniel Bensaïd furent, avec Alain Krivine, les cofondateurs de la LCR en 1969. Weber était le rédacteur en chef de l’hebdomadaire de la LCR, Rouge et de son magazine Critique communiste. En 1986, il rejoignit le Parti socialiste. Il fut élu sénateur socialiste en 1995 et député européen en 2004. Il est à présent membre du bureau politique du PS responsable des universités et directeur du magazine Revue socialiste. Bensaïd, professeur de philosophie à l’université Paris VIII, est un des principaux théoriciens de la LCR et un dirigeant du Secrétariat unifié pabliste auquel la LCR est affiliée.

La LCR prétend être en train de construire un nouveau « parti anticapitaliste, » indépendant du Parti socialiste et hostile à sa politique libérale. La réunion au siège du PS a mis au grand jour la fausseté de cette prétention. Il ne s’agissait pas d’un conflit entre ennemis politiques, mais d’une discussion entre amis personnels et politiques qui, bien que pratiquant une division du travail, n’ont pas de désaccords insurmontables.

Dès le début et pendant toute la durée de la réunion, les participants étaient à l’aise l’un avec l’autre, prêts à rire des plaisanteries de l’un et de l’autre, se tutoyant et s’interpellant parfois d’un « camarade. » Bensaïd n’a semblé nullement gêné d’être ainsi interpellé par deux défenseurs impénitents du système capitaliste – Weber et Alain Bergougnoux, autre membre dirigeant du PS qui partageait la tribune.

Avec pour thème « L’idée de révolution au 21e siècle », ce forum avait clairement pour objectif de commencer à voir comment le PS et la LCR collaboreraient dans une période où les bouleversements politiques et sociaux sont en plein essor. A un certain moment dans le débat, où la question du soutien du PS aux attaques du président Nicolas Sarkozy sur les retraites, et les privatisations du gouvernement de la gauche plurielle quand elle était au pouvoir, auraient pu occasionner quelques frictions, Bensaïd a dit : « On ne va pas polémiquer, ce n’était pas l’ambiance de la réunion. »

Weber fait partie des nombreuses personnalités qui sont passées par l’école opportuniste de la LCR et ont rejoint une élite avide de gravir les échelons de la promotion sociale et qui a été en mesure de s’enrichir aux dépens de la classe ouvrière. Loin d’être rejetés comme des renégats, comme en témoigne cette réunion, la direction de la LCR garde des liens d’amitié et d’entraide mutuelle solides à l’égard de cette couche qui pénètre jusqu’au cœur de la classe capitaliste française. C’est ce qui explique en grande partie l’attitude extrêmement favorable des médias à l’égard des dirigeants de la LCR.

L’année dernière, Weber avait épousé Fabienne Servan-Schreiber, sa compagne depuis 34 ans, et organisé une cérémonie extrêmement coûteuse pour 800 invités au Cirque d’hiver, lieu de nombreux anciens rassemblements de la gauche politique. Parmi les invités on comptait l’ancien premier ministre socialiste Lionel Jospin, la candidate PS ayant perdu  l’élection présidentielle de 2007 Ségolène Royal, ainsi que Bernard Kouchner qui s’est séparé du PS quand Sarkozy a été élu et est devenu son ministre des Affaires étrangères.

Etaient aussi présents à cette occasion deux autres personnalités en vue du PS et qui ont depuis rejoint le gouvernement de Sarkozy : Martin Hirsch et Jean-Pierre Jouyet. Le 2 octobre 2007, Le Monde mentionnait la présence des banquiers Bruno Roger (Lazard’s), Philippe Lagayette (JP Morgan) et Lindsay Owen-Jones, directrice de L’Oréal. Parmi les invités « people », il y avait aussi l’ancien modèle et chanteuse Carla Bruni, à présent l’épouse du président français.

La principale contribution de Weber à ce récent forum a été un panégyrique des forces du marché, euphémisme désignant le capitalisme. Se basant sur une maxime sociale-démocrate suédoise qui aurait été inventée en 1933, « le marché est un bon serviteur, mais un très mauvais maître », Weber s’est extasié : « C’est la principale force productive moderne que la liberté d’initiative, la liberté d’entreprendre, la liberté d’innover, la liberté de gérer, la liberté d’échanger, donc c’est un bon serviteur et ceux qui savent le faire travailler à leur service n’ont qu’à s’en féliciter. »

Le vieil ami de Bensaïd a poursuivi par une diatribe contre le socialisme révolutionnaire : « Toute l’innovation historique de la social-démocratie au siècle dernier a été de maîtriser les forces du marché, or c’est cela qui nous oppose avec Daniel Bensaïd et ses amis, c’est que les sociaux-démocrates réformistes sont en conflit avec les révolutionnaires depuis plus d’un siècle sur cette question… On considère que pour maîtriser l’économie ce n’est pas nécessaire de détruire les libertés économiques, il n’est pas nécessaire de collectiviser les entreprises, il n’est pas nécessaire d’éradiquer le marché au profit du plan… et chaque fois que c’est entrepris cela crée des catastrophes. »

Alain Bergougnoux a contribué à cette attaque contre le socialisme marxiste, en disant que celui-ci acceptait la violence.

Bensaïd n’a pas jugé nécessaire de réagir à ces grossières distorsions de l’histoire. Il n’a pas relevé le défi de démontrer les crimes politiques et sociaux de la social-démocratie réformiste au vingtième siècle. Il aurait pu faire référence au fait que la social-démocratie européenne avait conduit la classe ouvrière à la boucherie de la Première Guerre mondiale ou que les sociaux-démocrates allemands étaient complices de l’assassinat des socialistes révolutionnaires Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht. Plus récemment, il aurait pu traiter du rôle actif joué par François Mitterrand et le premier ministre socialiste Guy Mollet dans la répression brutale de la révolte algérienne contre l’oppression coloniale. Ou encore le rôle insidieux de Lionel Jospin dans la privatisation des entreprises publiques et la destruction des emplois.

Bensaïd a également gardé le silence sur le soutien actuel du Parti socialiste à la militarisation de l’Europe et à l’accroissement des forces armées françaises, y compris d’armes nucléaires, en vue d’un déploiement pour sauvegarder les intérêts de l’impérialisme français dans le monde. Il n’a émis aucune critique du soutien du Parti socialiste à l’occupation de l’Irak par l’impérialisme américain, de sa participation à l’occupation par l’OTAN de l’Afghanistan et de sa contribution aux menaces américaines et européennes contre l’Iran. Bernard Kouchner a suggéré que la France pourrait bien participer à une intervention militaire. Le PS est entièrement complice de la poussée néocoloniale des grandes puissances visant à voler les ressources naturelles des populations vivant sur les terres riches en gaz et en pétrole d’Asie centrale et du Moyen-Orient. 

Le WSWS a posé à Bensaïd une question directe concernant l’attitude de la LCR à l’égard du Parti socialiste. Bensaïd a essayé de s’en tirer par une pirouette verbale. « Là, c’est une question directement politique sur les rapports avec le PS. Vous connaissez la formule : pour manger avec le diable il faut de longues cuillères, même si le PS n’est qu’un diablotin pour le moment la cuillère n’est pas assez longue, cela ne veut pas dire qu’on ne mangera jamais ensemble. Mais il faut d’abord qu’on travaille la cuillère et, autrement dit, qu’avec un rapport de force différent… C’est clair que quand on parle d’indépendance [par rapport au PS]… C’est que pour le moment on ne participera à aucune responsabilité… Pas avec l’unité d’action, ça c’est encore autre chose… Si c’est pour faire quelque chose contre la guerre ou les sans-papiers, oui… »

C’est là une manière peu subtile de masquer la vraie nature du PS : il est hors de question que le PS mobilise un mouvement d’opposition au militarisme français et européen et aux opérations actuelles au Moyen-Orient et en Asie centrale. De plus, le programme électoral d’immigration choisie, du PS n’a été dénoncé dans aucune campagne de la LCR. Le faire serait peut-être un obstacle aux ajustements de la « cuillère » visant à permettre à la LCR de participer en tant que couverture de gauche à un futur gouvernement de la gauche plurielle.

Bensaïd a poursuivi: « Pour ce qui est en revanche de l’exécutif et responsabilité, on ne veut pas, pour être clair, se trouver dans la situation de caution dans lequel se trouvait Rifundazione Comunista par rapport à Prodi. » Rifondazione communista, avec la participation du parti frère de la LCR, a rejoint le gouvernement de Romano Prodi en 2006 et a soutenu entièrement les coupes claires sur les retraites, l’envoi de troupes italiennes en Afghanistan et la consolidation d’une base militaire américaine en Italie.

Mais Bensaïd a cherché à rassurer son auditoire socialiste sur le fait que de telles considérations n’empêcheraient pas de futures alliances politiques avec leur parti : « Dans l’avenir immédiat et jusqu’à ce que les choses bougent, on veut entretenir des rapports de dialogues amicaux, etc., mais nous n’irons pas jusque-là. »

Il a ajouté qu’« en revanche, puisque les élections sont là, s’il y a des cas de figure où l’élection est à deux tours et on aura plus de 5 pour cent, il y aura peut-être quelques-uns où on proposera de fusionner des listes à la proportionnelle des résultats du premier tour. Pour le moment, selon les échos, c’est plutôt la priorité au MoDem… » (On entend une certaine agitation et des murmures dans la salle.)

L’objectif de Bensaïd en tant qu’invité du Parti socialiste était de fournir la garantie que la LCR n’a aucune perspective révolutionnaire pour le vingt et unième siècle. Il a dit qu’il se considérait léniniste plutôt que trotskyste, et a cherché à réduire Lénine à un vulgaire opportuniste ne s’intéressant qu’à la recherche de la facilité en politique. « Il y a un processus historique chez Trotsky, qu’il n’y a pas chez Lénine », a-t-il déclaré. « Trotsky se projette dans le futur. Lénine, la catégorie centrale de sa politique, c’est le présent. »

Lorsque Weber a fait remarquer que les économies nationales étaient complètement intégrées à l’économie mondiale, Bensaïd a défendu l’État-nation et suggéré une politique économique réformiste keynésienne comme base de collaboration mutuelle. Il a critiqué les gouvernements de droite comme de gauche en France parce qu’ils « n’ont pas justement maintenu l’équilibre entre la puissance publique et le marché. Ils ont basculé du côté du marché, ils ont renforcé les mécanismes marchands. C’est ça notre désaccord. Si on pouvait gérer les mécanismes keynésiens, alors si c’était possible, ce serait un progrès. Sur ça il pourrait y avoir des accords politiques, on pourrait faire un bout de chemin ensemble, etc. »

Les ambitions de Bensaïd pour l’Europe sont minimalistes: « on n’est pas anti ou contre, mais l’harmonisation sociale, fiscale, je dis harmonisation sociale, pas égalisation, pour nous c’est un préalable. » Il a suggéré que les nationalistes bourgeois du Venezuela montraient la voie et dit que la nation pourrait constituer un point d’appui pour mouvements contre le libéralisme économique de l’Union européenne.

Bensaïd est loin de considérer la mondialisation de la production et du marché mondial du travail comme la base de l’unification internationale de la classe ouvrière mondiale en tant que force révolutionnaire. Son approche sociale pessimiste et petite-bourgeoise s’est révélée des plus clairement quand il a décrit les millions de personnes rejoignant le marché du travail en Asie et dans d’autres coins du monde comme étant un facteur qui rendrait impossible pour un bon moment la révolution sociale.

 « Le vingtième siècle, a-t-il dit, s’est terminé par une grande défaite historique des politiques d’émancipation. C’est désespérant de dire ça. C’est une défaite dont on n’est pas près de sortir, peut-être qu’on s’en sortira, mais personne ne peut le garantir, et, en tout cas, l’irruption sur le marché mondial mondialisé de centaines de millions de travailleurs pratiquement sans protection sociale et sans droits sociaux va peser durablement et tirer à la baisse les conditions de vie et les négociations même élémentaires. »

Finalement, Bensaïd a rassuré son auditoire PS sur le fait que la LCR n’a aucune intention d’éduquer les jeunes à la théorie marxiste et qu’elle y est en fait hostile : « Les militants à la Ligue de la génération Besancenot, ils sont contre Le Pen, ils pensent que le PS ça ne va pas, ils sont pour le facteur, et pour en découdre, après, tout reste à faire…..Si on fait un cours sur la Révolution russe on emmerde tout le monde. »

Le rôle de Bensaïd et celui de son parti sont de maintenir la classe ouvrière liée aux  bureaucraties sociale-démocrate, stalinienne et syndicale et d’empêcher l’émergence d’un authentique parti socialiste révolutionnaire en France.

Voir aussi :

La LCR en congrès décide de fonder un nouveau parti [18 mars 2008]

La politique de la Coordination nationale étudiante et le rôle de la LCR [23 janvier 2008]
La grève des chemins de fer en France et le rôle de la LCR [1er décembre 2007]

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