wsws.org/francais

Visitez le site anglais du WSWS

SUR LE SITE :

Contribuez au WSWS

Nouvelles et Analyses
Luttes Ouvrières
Histoire et Culture
Correspondance
L'héritage que nous défendons

A propos du CIQI
A propos du WSWS

AUTRES LANGUES

Allemand

Français
Anglais
Espagnol
Italien

Indonésien
Russe
Turque
Tamoul

Singalais
Serbo-Croate

 

WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

La France conduit la force de l’UE à la frontière entre le Tchad et le Soudan

Par Brian Smith
24 mars 2008

Imprimez cet article | Ecrivez à l'auteur

La mission de l’Union européenne au Tchad et en République centre africaine, l’Eufor, doit commencer ses opérations le 15 mars avec entre 400 et 600 soldats sur le terrain. Le déploiement de la force de 3 700 soldats pourrait être achevé dès le mois de juin. Il avait débuté à la fin du mois de janvier puis avait été retardé par une attaque rebelle sur la capitale tchadienne N’Djamena au début du mois de février.

L’Eufor, qui est soutenue par le Conseil de sécurité des Nations unies, a pour mission de protéger les centaines de milliers de réfugiés — quelque 260 000 venus de la région du Darfour au Soudan et qui sont entrés au Tchad, ainsi que 180 000 personnes du Tchad et de la République centre africaine déplacées du fait de conflits internes. Dans la pratique, l’Eufor va aussi consolider la Mission au Darfour des Nations unies et de l’Union africaine (UNAMID).

La France a contribué à plaider en faveur de l’Eufor auprès des membres de l’Union européenne (UE) qui s’inquiètent de voir la Chine empiéter sur l’Afrique, et plus particulièrement dans le domaine du pétrole. La France a aussi argumenté sur la nécessité de combler un vide de pouvoir dans l’aride Afrique de l’est, où le terrorisme pourrait prospérer. En cela, elle a reçu les louanges du président américain.

 « Je remercie le gouvernement de Nicolas Sarkozy pour son travail responsable, consistant à rallier les forces de l’UE pour fournir de l’aide » aux réfugiés près de la frontière entre le Soudan et le Tchad, a dit le président Bush aux journalistes étrangers avant son récent voyage en Afrique.

N’ayant pas réussi à obtenir un soutien suffisant de la part des autres pays de l’UE, Paris a accepté de couvrir le manque en soldats et en hélicoptères. Cela va faire passer à 2 100 hommes son contingent dans l’Eufor, tandis que l’Italie va fournir une antenne chirurgicale et l’Irlande commander la force sous la direction du Général Pat Nash. Des inquiétudes ont été soulevées au sein de l’UE sur la confusion des rôles, potentiellement dangereuse, entre l’Eufor et les 1 450 soldats français déjà stationnés au Tchad.    

Alors que le président tchadien Idriss Déby a accueilli favorablement la proposition de l’Eufor, le Soudan voisin espérait bloquer son déploiement. Le Soudan considère cette mission comme une initiative conduite par les Français dans le but de renforcer Déby et de miner la Coalition nationale au pouvoir au Soudan. Des groupes rebelles, dont beaucoup pensent qu’ils sont soutenus par Khartoum, ont dit aussi qu’ils considéreront l’Eufor comme un groupe belligérant dans le conflit et ont choisi le moment où lancer leur attaque sur N’Djamena afin de prévenir toute intervention extérieure tant de l’Eufor que de l’UNAMID.

Le porte-parole du ministère français de la Défense, Laurent Teisseire, a dit, « Les forces françaises ont acheminé des munitions destinées aux forces tchadiennes » à partir de la Libye et ont aussi livré de l’essence, de la nourriture et des services du renseignement aériens. La France a des avions de reconnaissance et des avions de combat Mirage au Tchad, et a participé à l’évacuation de centaines de ressortissants étrangers de l’aéroport de N’Djamena lors des récents affrontements.

Le quotidien La Croix a déclaré avoir appris de diplomates et d’officiers que des soldats français avaient combattu aux côtés d’unités du gouvernement tchadien à N’Djamena, coordonnant l’attaque sur la colonne rebelle à Massaguet le 1er février. Mais le ministre de la Défense Hervé Morin a démenti : « Aucune force spéciale ni aucun soldat français n'ont été engagés dans les combats », mais que les soldats français « ont riposté chaque fois que l’on a eu le sentiment que le contrôle de l’aéroport pouvait être menacé ».

L’hebdomadaire français Le Canard enchaîné a aussi déclaré que les forces spéciales françaises avaient précédemment espionné les forces rebelles à la frontière soudanaise et qu’il y avait eu intervention des avions de combat Mirage. Déby a semblé confirmer les déclarations de la presse quand il a dit aux journalistes que les soldats français avaient été sur la ligne de front après avoir rencontré Morin.

L’implication de la France pour soutenir le régime de Déby a remis en question l’objectif post-électoral de Sarkozy de rompre avec ce qui s’appelle l’interventionnisme Françafrique de ses prédécesseurs.

 « L’Afrique a changé et les relations de la France avec l’Afrique doivent aussi changer, » avait dit Sarkozy au début de l’année. Cherchant plutôt à mettre l’accent sur l’intervention humanitaire, il avait déclaré que la France lutterait pour un progrès durable de la paix, des droits de l’homme et de la croissance économique, qui sont indissolublement liés aux objectifs du millénaire.

Rompre avec Françafrique « s’est révélé plus difficile que ne l’auraient souhaité les cercles politiques français », a expliqué Kaye Whiteman, spécialiste de l’Afrique de l’Ouest. « La relation avec l’Afrique a toujours été ce qui a donné à la France son statut de puissance moyenne méritant de siéger au Conseil de sécurité de l’ONU. »

Suite à la tentative de coup d’Etat, Déby a commencé une rafle des opposants politiques qui a été critiquée par certains cercles, dont Amnesty International.

D’après des témoins, une demi-douzaine au moins de leaders de l’opposition au Tchad ont disparu, emmenés par des hommes armés en uniforme militaire ne portant pas d’insignes. Parmi les disparus, on compte l’ancien président tchadien Lol Mahamat Choua, l’ancien ministre Ibni Oumar Mahamat Saleh et le dirigeant du parti de l’opposition Ngarlejy Yorongar.

Le ministre de l’Intérieur Ahmat Bachir a accusé les rebelles de les avoir fait disparaître. « Ces gens ont été arrêtés lorsque leur maison était sous le contrôle des mercenaires. Nous n’avons été informés de leur arrestation que par la radio, » a-t-il dit. « On ne sait pas s’ils ont été arrêtés [par les rebelles] ou s’ils sont cachés quelque part [avec les rebelles.] » Ces accusations sont réfutées par les rebelles au motif que cela n’a pas de sens pour eux de kidnapper des gens qui s’opposent au gouvernement Déby.

Suite aux affrontements, Bachir a émis une attaque très féroce à l’égard du soutien pour les rebelles, provenant, d’après lui, du Soudan, attaque destinée aux oreilles d’un auditoire international. « Nos forces de défense ont capturé tous ceux de ces mercenaires islamiques à la solde du Soudan. Vous avez des cartes d’identité… Certains appartiennent à des groupes islamiques, certains à al-Qaïda », a-t-il dit. « Ils ont été envoyés par Umar Al-Bashir [le président du Soudan] et al-Qaïda non seulement pour déstabiliser le Tchad mais toute l’Afrique. »

Le premier ministre tchadien Nouradine Delwa Kassiré Coumakoye a aussi déclaré que le gouvernement refuserait l’entrée au Tchad à tout nouveau réfugié soudanais. « Nous ne pouvons plus en accepter, » s’est-il exclamé, et il a lancé un appel à la communauté internationale pour faire déplacer tous les 240 000 réfugiés soudanais de l’est du Tchad dans un autre pays. « C’est à cause d’eux que nous avons les problèmes que nous rencontrons aujourd’hui », a-t-il dit, faisant référence à la tentative de coup d’Etat.

Le Tchad est un pays aride et appauvri, trois fois plus grand que la Californie et qui compte 10 millions de citoyens. Il y a une variété de groupes ethniques avec les tensions que cela engendre, notamment depuis le traitement de faveur accordé aux membres de la tribu Zaghawa à laquelle appartient Déby. Mais l’ethnicité n’est pas la cause clé du mécontentement envers Déby, car les Zaghawa et même des membres de sa propre famille sont impliqués dans les récentes rébellions.

Blaise Mouga, membre de Fédération action pour la République, dont le dirigeant Ngarlejy Yorongar a été arrêté la semaine dernière, a donné une explication des récents événements. « Malgré notre pétrole, notre coton, nos terres arables riches du sud, voyez comme notre pays est pauvre, » a-t-il dit. « Nous voulons un certain changement. Nous ne sommes pas pour la rébellion, mais nous ne sommes pas non plus pour Déby. La communauté internationale peut bien dire que Déby est le moindre mal, mais ils ne vivent pas avec lui. »

L’Agence France-Presse a récemment fait un reportage sur le secteur pétrolier du Tchad qui pompe entre 150 000 et 160 000 barils par jour et possède des réserves estimées à 1,5 milliard de barils de brut. Avec l’augmentation récente des prix du pétrole brut sur les marchés internationaux, les revenus du pétrole au Tchad ont un poids considérable eu égard la taille de son économie. Selon des experts, le potentiel pétrolier du pays reste largement inexploité et le Tchad est susceptible de beaucoup intéresser les consommateurs majeurs tels les Etats-Unis et la Chine.

Philippe Hugon, chercheur spécialiste des questions économiques de l’Afrique, explique, « La richesse engendrée par le pétrole a été partiellement détournée et a servi à l’achat d’armements et à l’enrichissement personnel des personnes proches de Idriss Déby. » Il ajoute, « Les rebelles réclament leur part. »

Nicolas Sarkis du magazine Arab Oil and Gas [Pétrole et gaz arabes] est d’accord et a fait remarquer, « L’opposition accuse le gouvernement d’avoir liquidé les richesses du pays. »

Un accord avec la Banque mondiale exige des autorités tchadiennes qu’elles allouent 70 pour cent des revenus du pétrole du pays au développement en échange du soutien financier de la banque pour le pipeline entre le champ pétrolifère de Doba au Tchad qui n’a aucun accès à la mer et le port de Kribi au Cameroun. Cependant, les principaux créanciers du Tchad se sont plaints l’an dernier que le gouvernement Déby ne respectait pas son obligation de 70 pour cent du fait principalement d’une augmentation des dépenses militaires.

Les géants américains de l’énergie, ExxonMobil et Chevron et Petronas de Malaisie sont les acteurs clés du secteur pétrolier au Tchad tandis que le groupe français Total n’est absolument pas présent.

 « Les compagnies américaines ont réussi à entrer dans le pays, pour le grand déplaisir des entreprises européennes et chinoises, » a dit Sarkis. Il a ajouté que pour la Chine, qui obtient près de 30 pour cent de son pétrole au Soudan voisin, une stratégie à long terme possible serait que le Tchad construise une extension de son pipeline vers le Soudan.

(Article original anglais paru le 5 mars 2008)


Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés