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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Le Parti socialiste plus que jamais divisé

Par Peter Schwarz
26 novembre 2008

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Après le vote des militants de vendredi dernier pour choisir un nouveau premier secrétaire, le Parti socialiste (PS) français est plus que jamais divisé. Le résultat extrêmement serré n’est pas accepté par la perdante.

Après le décompte des voix, la maire de Lille, Martine Aubry, se trouvait en tête avec à peine 42 voix d’avance sur sa concurrente Ségolène Royal, la candidate perdante des élections présidentielles de 2007 et la présidente du conseil régional de Poitou-Charentes. Sur les 233 000 militants du PS, 137 000 ont participé au vote. Le choix du premier secrétaire du parti passe pour être une décision préliminaire pour la candidature à la présidentielle de 2012.

Royal a immédiatement contesté les résultats serrés du vote en dénonçant les « méthodes de l’appareil du Parti totalement insupportables », appareil qui avait organisé le scrutin. Par l’intermédiaire de son avocat, elle a exigé un nouveau vote des militants en raison des « multiples contestations » pour irrégularités.

Dans la nuit du vote, et bien avant la proclamation des résultats, les deux candidates s’étaient déjà arrogé la victoire. Sitôt les résultats connus, les accusations réciproques ont fusé. Manuel Valls, un proche de Royal, a reproché au camp Aubry de leur « voler la victoire ». La situation a souvent été comparée à l’élection présidentielle américaine controversée de 2000.

Jeudi, au premier tour du vote, Royal se trouvait encore en tête avec 43 pour cent des voix. Aubry rassemblait 35 pour cent et Benoît Hamon, le troisième candidat, 23 pour cent des voix. Eliminé, Hamon a appelé à voter pour Aubry faisant en sorte que cette dernière parte en favorite pour le second tour de vendredi.

Une décision définitive pourrait tomber aujourd’hui mardi, après réunion du Conseil national, l’instance dirigeante du parti qui a été désigné dernièrement.

Le choix du premier secrétaire avait été précédé par des débats longs et en partie acharnés. Depuis l’été, les militants sont en présence de six motions représentant des sensibilités différentes qui ont été débattues dans les sections du PS et sur lesquels les adhérents se sont prononcés le 6 novembre. Du 14 au 16 novembre, le Congrès du Parti, qui s’est tenu à Reims, a tenté de trouver une synthèse des contributions et de se mettre d’accord sur un candidat commun. Mais en vain.

A présent, les luttes intestines se poursuivront. Et même une scission du parti n’est pas exclue. « On est au bord de l’explosion. Les provocations se multiplient. Les Français risquent de se réveiller demain matin avec une image pitoyable du PS », écrit le Nouvel Observateur en citant un responsable du parti.

Sur le plan national, le parti désuni, et qui a perdu toutes les élections présidentielles depuis la fin de la présidence de Françoise Mitterrand en 1995, n’aura plus guère de rôle à jouer dans un avenir proche.

Au vu des divergences programmatiques existant entre Royal et Aubry, l’âpreté des débats paraît à peine compréhensible. Toutes deux appartiennent au même groupe d’âge (55 et 58 ans), toutes deux sont passées par l’Ecole nationale d’Administration (ENA), toutes deux ont occupé des postes ministériels aussi bien sous Mitterrand que plus tard sous Jospin, toutes deux passent pour être mitterrandistes tendance Delors. Jacques Delors, le père d’Aubry, fut président de la Commission européenne et passe, comme aucun autre Français, pour l’incarnation de l’Union européenne qui fut créée en 1993.

Royal et Aubry sont donc toutes les deux des politiciennes sociales-démocrates chevronnées, qui défendent l’Union européenne et qui ont fait leurs preuves en tant que pilier de l’Etat bourgeois. Certes, Aubry est souvent qualifiée de « gauche » parce qu’en tant que ministre du Travail du gouvernement Jospin elle avait été à l’origine de la semaine de 35 heures, qui entre-temps a été en grande partie supprimée par le président Sarkozy. Toutefois, de la part des travailleurs cette mesure avait rencontré peu de sympathie, car elle était liée à de considérables pertes de salaire et à des charges de travail accrues.

Les conflits entre Royal et Aubry tournent autour de la forme et des moyens auxquels le parti doit recourir à l’avenir.

Royal préconise des méthodes plébiscitaires. Son modèle est le Parti démocrate de Barack Obama. Elle mise entièrement sur sa propre personne, en se servant des médias et en essayant de repousser l’influence du parti et de son appareil. Elle se sert de l’Internet pour toucher les jeunes et aimerait aussi, tout comme les démocrates italiens de Walter Veltroni, faire voter dans les affaires du parti des membres non affiliés du parti. C’est ainsi qu’elle a proposé de réduire le coût de l’adhésion au PS, ce qui lui a valu le reproche de vouloir se faire élire par des « militants à 20 euros » et qui quitteraient le parti par la suite.

Le journaliste bien connu, Alain Duhamel, l’a qualifiée dans Libération par les termes suivants : « Elle croit au leadership, à son charisme, à son emprise néoreligieuse sur une fraction des Français. Elle incarne la démocratie d’opinion, à base de valeurs et de préceptes moraux, de sentiments et d’émotions… »

Aubry par contre est une femme d’appareil et que la grande majorité de ce dernier soutient. Elle défend la bureaucratie sociale-démocrate traditionnelle. Duhamel écrit qu’elle « personnifie la démocratie de représentation, fondée sur les idées et sur le contrat, sur la responsabilité et sur le contrôle, sur la délégation et sur la surveillance ».

Royal est pour une ouverture à droite, pour une coopération avec le Mouvement démocratique (MoDem) de la droite libérale de François Bayrou. Aubry rejette officiellement ceci et favorise une refonte de l’alliance avec le Parti communiste et les Verts. Mais à Lille, elle a déjà fait une alliance avec le MoDem en tant que maire de la ville.

En fin de compte, les violentes luttes internes qui déchirent et paralysent le Parti socialiste, sont les conséquences de la faillite politique de cette organisation qui, trois décennies durant, a joué un rôle clé dans la défense du capitalisme à l’encontre de la classe ouvrière.

En réaction aux bouleversements révolutionnaires de Mai-Juin 1968, le PS a réussi dans les années 1970, en alliance avec le Parti communiste, à créer l’illusion qu’il est possible de réaliser le socialisme au moyen de réformes progressives. Ces illusions devaient rapidement s’évanouir après l’élection en 1981 de Mitterrand en tant que premier socialiste au poste de Président de la Cinquième République. Les gouvernements de gauche qui s’ensuivirent n’apportèrent pas le socialisme, mais des attaques de plus en plus sévères contre la population laborieuse.

Le résultat en fut le déclin du Parti socialiste et de son partenaire politique stalinien. Ce déclin fut à son plus fort lors des élections présidentielles de 2002, quand le candidat socialiste, Lionel Jospin, fut éliminé au premier tour au profit du candidat de l’extrême droite, Jean-Marie Le Pen. Depuis cette date, le PS lutte pour sa survie.

La crise financière et économique mondiale a asséné un autre sérieux coup aux illusions sur une réforme pacifique du capitalisme. De là s’explique le paradoxe qui fait que la population connaît une nette radicalisation en prenant un virage à gauche évident et que le déclin de la « gauche » officielle s’accélère. Ni un populisme à la Royal ni un renforcement de l’appareil du parti par Aubry ne pourra rien y faire.

À court terme, la faiblesse du PS renforcera la position du président de droite Sarkozy. Mais, vu à long terme, l’élite dirigeante prend acte avec préoccupation du déclin du Parti socialiste. Face à une nette radicalisation de la classe ouvrière et des jeunes elle perd un pilier important.

(Article original paru le 25 novembre 2008)


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