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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

1968 : Grève générale et révolte étudiante en France

Sixième partie : la ligne centriste de l'OCI (2)

Par Peter Schwarz
23 octobre 2008

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Voici la sixième partie d'une série d'articles traitants des événements de mai-juin 1968 en France. La première partie, mise en ligne le 28 mai, traite du développement de la révolte étudiante et de la grève générale jusqu'à son apogée fin mai. La seconde partie, mise en ligne le 29 mai, examine la manière dont le Parti communiste (PCF) et son pendant syndical, la CGT, ont permis au président Charles de Gaulle de reprendre les choses en main. Les troisième et quatrième parties, mises en ligne les 21 juillet et 12 août, s'intéressent au rôle joué par les pablistes ; les quatre dernières parties examinent le rôle de l'organisation de Pierre Lambert, l'Organisation communiste internationale (OCI). La cinquième partie partie a été mise en ligne le 23 octobre.

Le slogan du « Comité central de grève »

En 1935, Léon Trotsky avait proposé le slogan de « Comités d'action » à ses partisans français. À cette époque, une radicalisation rapide de la classe ouvrière était en marche, mais elle restait largement sous l'influence du Front populaire, une alliance contre-révolutionnaire de staliniens, de sociaux-démocrates et de radicaux bourgeois. Dans ces circonstances, Trotsky considérait les comités d'action comme un moyen d'affaiblir l'influence du Front populaire sur les masses, d'encourager leur initiative indépendante.

« La direction du Front populaire doit directement et immédiatement refléter la volonté des masses en lutte. Comment la refléter ? De la façon la plus simple qui soit, par des élections » écrivait-il. « Chaque groupe de deux cents, cinq cents ou mille citoyens qui adhérent au Front populaire dans la ville, le quartier, l'usine, la caserne, la campagne doit, pendant les actions de combat, élire son représentant dans les comités d'action locaux. Tous ceux qui participent à la lutte s'engagent à reconnaître leur discipline. » [14]

Le slogan du « Comité central de grève, » qui était au centre de l'intervention de l'OCI en 1968, émanait de cette proposition de Trotsky. Les déclarations de l'OCI contiennent un certain nombre de formulations qui sont extraites pratiquement à la virgule près des écrits de Trotsky. Mais, comme dans le cas de la tactique du front unique, l'OCI avait vidé ce slogan de tout son contenu révolutionnaire.

Beaucoup de ses déclarations se bornaient à des énumérations d'une précision bureaucratique des différents niveaux de la structure hiérarchique sur laquelle le comité national de grève devrait s'appuyer. La déclaration intitulée « Oui, les travailleurs peuvent l'emporter : forgeons l'arme de la victoire : LE COMITÉ CENTRAL DE GRÈVE ! » en est un exemple typique, elle a été publiée le 23 mai et largement distribuée durant la grève générale en tant qu'édition spéciale d'Informations ouvrières.

Cette déclaration contient ce passage : « Comment unir en une force invincible et victorieuse le mouvement général de la classe ouvrière et de la jeunesse ? À cette question, une seule réponse : organisation des comités de grève sur le plan local en comité interprofessionnel de grève, au département, les délégués doivent créer des comités départementaux ou régionaux interprofessionnels de grève. À l’échelon national, la fédération des comités de grève et les organisations ouvrières doivent former un comité central de grève.

« Tout militant participant à un comité de grève, tout travailleur membre d’un piquet de grève, doit prendre toute initiative en ce sens. La direction et la décision du mouvement généralisé de la classe doivent être concentrées dans les comités interprofessionnels de grève, émanations des comités de grève d’entreprise. C’est l’assemblée des grévistes dans l’entreprise, l’assemblée de tous les grévistes de toutes les entreprises dans la localité qui doivent concentrer le pouvoir de décision. »

Ce n'est pas seulement le langage, mais également le contenu de cette déclaration, qui ont plus en commun avec la mentalité bureaucratique d'un comptable qu'avec l'esprit combatif d'un travailleur révolutionnaire. Son but est de dépasser les divisions entre appareils bureaucratiques hostiles les uns envers les autres, et non de libérer les travailleurs de l'emprise de tous les appareils bureaucratiques. Là où Trotsky écrivait que le Comité d'action est « l'unique moyen de briser la résistance anti-révolutionnaire des appareils des partis et des syndicats », l'OCI voyait dans le Comité central de grève, la « plus haute expression du front unique des syndicats et des partis ouvriers. »

Trotsky considérait les Comités d'action comme des forums où se déroulent les débats et les luttes politiques : « Les comités d'action, par rapport aux partis, peuvent être considérés comme des parlements révolutionnaires : les partis ne sont pas exclus, bien au contraire puisqu'ils sont supposés nécessaires ; mais en même temps, ils sont contrôlés dans l'action et les masses apprennent à se libérer de l'influence des partis pourris. »

Pour l'OCI, le Comité central de grève servait à établir l'« unité » des travailleurs avec ces partis et syndicats pourris.

L'OCI s'abstint même de faire le lien entre le slogan des Comités de grève et un programme de transition. Pour l'OCI, le Comité de grève était le programme, comme le montre ce paragraphe du livre de De Masson : « Comme on peut le voir, à travers la question du comité central de grève, c’est le sort même de la grève générale qui est en jeu. Cet objectif rassemble, en termes d’organisation — c’est-à-dire au plus haut niveau politique — tous les aspects d’une organisation conforme aux besoins du mouvement : celui de la définition des objectifs fondamentaux de la grève générale et de leurs conséquences politiques, ceux de l’unification de la grève, ceux de la réalisation du Front unique ouvrier […] » [15]

Ce « en termes d’organisation — c’est-à-dire au plus haut niveau politique » exprime clairement les conceptions centristes de l'OCI. Pour les marxistes, les questions politiques les plus importantes sont les questions de perspective. Pour les centristes, ce sont les questions organisationnelles. Mais comme l'ont montré la grève générale de 1968 et d'innombrables autres expériences du mouvement ouvrier international, l'appel à l'unité organisationnelle ne peut répondre aux questions complexes qui sont liées à la transformation socialiste de la société. Cela nécessite une perspective politique et une nette démarcation d'avec la bourgeoisie et ses agences réformistes et centristes.

Les conceptions de l'OCI rappellent fortement celles de Marceau-Pivert, un centriste notoire que Trotsky visait ouvertement dans son article sur les Comités d'action. « Les centristes ont beau bavarder sur "les masses" », écrivait Trotsky, « c'est toujours sur l'appareil réformiste qu'ils s'orientent. En répétant tels ou tels mots d'ordre révolutionnaires, Marceau-Pivert continue à les subordonner au principe abstrait de l'"unité organique", qui se révèle en fait l'unité avec les patriotes contre les révolutionnaires. Au moment où la question de vie ou de mort pour les masses révolutionnaires est de briser la résistance des appareils social-patriotes unis, les centristes de gauche considèrent l'"unité" de ces appareils comme un bien absolu, situé au-dessus des intérêts de la lutte révolutionnaire. »

Trotsky concluait son analyse en clarifiant encore une fois sa conception du Comité d'action : « Ne peut bâtir des comités d'action que celui qui a compris jusqu'au bout la nécessité de libérer les masses de la direction des traîtres des social-patriotes.. [...] la condition de la victoire du prolétariat est la liquidation de la direction actuelle. Le mot d'ordre de l'"unité" devient, dans ces conditions, non seulement une bêtise, mais un crime. Aucune unité avec les agents de l'impérialisme français et de la Société des Nations. À leur direction perfide, il faut opposer les comités d'action révolutionnaires. On ne peut construire ces comités qu'en démasquant impitoyablement la politique antirévolutionnaire de la prétendue "gauche révolutionnaire", Marceau-Pivert en tête. [italiques dans l'original] »

L'OCI pendant la grève générale

Bien que les forces de l'OCI aient été relativement modestes en 1968, elles étaient tout de même plus importantes que celles des pablistes. L'OCI avait sa propre organisation étudiante, la fédération des étudiants révolutionnaires (FER) et, contrairement aux pablistes, l'OCI avait aussi des partisans dans les usines.

La FER n'adhérait pas aux conceptions des pablistes et de la Nouvelle gauche, qui attribuaient le rôle d'« avant-garde révolutionnaire » aux étudiants et soutenaient sans réserve leurs initiatives aventureuses. La FER se battait pour une orientation vers la classe ouvrière et elle gagna de nombreux membres sur cette base.

Mais cette orientation s'appuyait sur des bases centristes, elle restait cantonnée à des initiatives organisationnelles. Elle agissait dans le cadre de politiques de « front unique » de l'OCI, c'est-à-dire que ses actions consistaient principalement en des appels aux syndicats pour qu'ils organisent une manifestation de grande ampleur réunissant les travailleurs et les jeunes, le tout lié au slogan pour un comité central de grève. La FER n'a pas mené une offensive systématique contre la politique des staliniens et des sociaux-démocrates et contre les théories de la Nouvelle Gauche, ce qui aurait été décisif dans les universités, le nid de l'idéologie bourgeoise.

Dans son livre, de Massot décrit l'intervention de la FER au rassemblement du 8 mai organisé par les Jeunesses communistes révolutionnaires (JCR) pablistes à la mutualité à Paris pendant les batailles de rues du Quartier Latin. Un orateur de la JCR fut applaudi par l'anarchiste Daniel Cohn-Bendit, puis se prononça contre une clarification de la ligne politique, déclarant que cela diviserait le mouvement. À la place, insista-t-il, il fallait trouver des sujets sur lesquels tout le monde serait d'accord. « En l'absence d'un parti révolutionnaire, les vrais révolutionnaires, ce sont ceux qui se battent contre la police », déclara l'orateur de la JCR.

Cette position fut contestée par les représentants de la FER, qui proposaient de concentrer tous les efforts des étudiants sur la diffusion des slogans, « pour une manifestation centrale des travailleurs et des jeunes », « La lutte doit s’élargir encore, se coordonner, s’organiser à travers la formation de comités de grève, d’un comité national de grève impulsé par l’UNEF. » (L’UNEF était la principale organisation étudiante.) Deux jours plus tard, la FER organisait son propre rassemblement sous le slogan, « 500 000 travailleurs au Quartier Latin », des dizaines de milliers de tracts portant ce slogan furent diffusés dans les usines.  [16]

Quelques jours plus tard, le 13 mai, les syndicats étaient forcés d'appeler à une grève générale d'une journée et à des manifestations conjointes des ouvriers et des étudiants, la participation se compta en millions. Le mouvement leur échappait. Les jours suivants, la grève générale s'étendit à tout le pays, avec une vague d'occupations d'usines à laquelle prirent part des dizaines de milliers de travailleurs, paralysant complètement la France.

Mais l'OCI et la FER maintinrent à leur trajectoire syndicaliste. Ils se concentraient entièrement sur la revendication d'un comité central de grève. Le 13 mai, l'OCI  publia un tract (exceptionnellement en son nom propre) qui fut distribué par milliers dans les usines les jours suivants.

Ce tract tenait en tout juste vingt lignes de texte et évitait de faire la moindre déclaration politique. Il consistait en une collection de clichés creux (« Le combat est engagé » ; « Vive l’unité » ; « Pour la victoire » ; « En avant ») Ainsi que des slogans très généraux : « Tous unis, travailleurs et étudiants, nous pouvons vaincre » ; « À bas de Gaulle » ; « À bas l’Etat policier. »

Comme si le ton n'était pas assez strident, l'essentiel du texte avait été écrit en lettres majuscules et en gras. Ses mots les plus forts étaient : « Travailleurs de chez Renault, Panhard, S.N.E.C.M.A., travailleurs dans toutes les usines, bureaux, chantiers, c’est sur nous que repose la victoire. Nous devons débrayer, manifester, élire nos comités de grèves. »

Il n'y avait aucune tentative d'analyser la nouvelle situation, de formuler des tâches politiques ou de les expliquer aux travailleurs. Devant une situation révolutionnaire en développement rapide, l'OCI n'avait à offrir que des appels généraux à une action commune. Pas un mot sur le rôle du Parti communiste et de la FGDS [Fédération de la gauche démocrate et socialiste] de Mitterrand ; aucun avertissement quant au rôle traître de la bureaucratie syndicale ; pas une syllabe sur la question d'un gouvernement ouvrier.

Deux semaines plus tard, le 27 mai, les travailleurs en grève refusaient les accords de Grenelle, négociés entre le gouvernement, les associations d'employeurs et les syndicats. La question du pouvoir était posée ouvertement.

De Massot est très clair sur ce sujet. Il écrit, « Les millions de grévistes, d’un coup, ont bousculé l’appareil d’Etat, mis bas les plans laborieusement échafaudés entre le gouvernement, le patronat et les directions du mouvement ouvrier. […] Maintenant, la question du pouvoir est posée en termes immédiats. […] Pour que les revendications de la grève générale soient satisfaites, il faut balayer ce gouvernement. » [17]

Pendant ce temps, l'OCI était à la traîne des événements. Dans un tract qu'elle publia sous le nom de Comité d'alliance ouvrière et diffusé en grande quantité, il n'était pas fait mention de la question du gouvernement.

« Ne signez pas ! » répète cinq fois ce tract, en majuscules et en gras, sur une demi-page. Toute discussion sur la signature des accords de Grenelle était de toute façon inutile. Après l'accueil hostile réservé par les travailleurs de Renault au chef de la CGT, Georges Séguy, le syndicat avait pris peur et avait provisoirement reculé.

Le tract de l'OCI atteignait son apogée avec cette revendication : « Dirigeants de la C.G.T., de la C.G.T.-F.O., de la F.E.N. [les principales fédérations syndicales], vous devez avec l’UNEF réaliser le front unique de classe contre le gouvernement et l’État. »

Le même jour, le parti réformiste PSU (Parti socialiste unifié), l'UNEF et le syndicat CFDT organisaient un grand rassemblement au Stade Charléty à Paris, dont l'objectif était de préparer le terrain pour un gouvernement bourgeois d'intérim dirigé par Pierre Mendès-France. Avec le recul, de Massot décrit ce rassemblement comme le « carrefour des ambiguïtés » qui prépare « une double opération politique ».

« Tout d’abord, » poursuit-il, « il s’agit de "récupérer" la fraction des combattants de la grève générale, en particulier la jeunesse, qui échappe au stalinisme. […] De plus — et en liaison directe avec le premier objectif — il faut préparer le terrain à une solution gouvernementale bourgeoise de la crise. Mendès-France […] est présenté comme l’homme de la situation […] » [18]

Mais là aussi, l'OCI s'adapta, alors qu'elle avait largement la possibilité de développer son point de vue. Pierre Lambert prit la parole à Charléty. Il s'adressa aux 50 000 étudiants et ouvriers présents, pas en tant que dirigeant de l'OCI mais comme syndicaliste, « au nom de la Chambre syndicale des employés et cadres de la Sécurité sociale "Force ouvrière" » pour laquelle il travaillait.

Il leur déclara : « c’est maintenant que s’annonce la bataille décisive, que la grève générale a placé au premier plan la question du gouvernement, que le gouvernement de Gaulle-Pompidou ne peut pas satisfaire les revendications des grévistes. » D'après le récit de De Massot, il semble que Lambert ait échoué soit à les mettre en garde contre les dangers d'un gouvernement bourgeois d'intérim soit à évoquer la question d'un gouvernement ouvrier de remplacement. À la place, Lambert se contenta d'appeler à la mise en place de comités de grève locaux ainsi que d'un comité central, qu'il présentait comme les moyens de la victoire. [19]

Pendant ce temps dans les rues, résonnait l'appel à un « gouvernement populaire ». Les revendications des travailleurs étaient nettement plus avancées que celles de Lambert.

De Massot écrit : « Dans toute la France, ce 27 mai, des manifestations ont lieu où commencent à se traduire en termes politiques, par rapport au régime, à l’État, les conséquences du NE SIGNEZ PAS… Gouvernement populaire ! clament les manifestants exprimant par là qu’ils veulent un gouvernement qui répond aux objectifs de la grève générale. De Gaulle démission, À bas de Gaulle est scandé partout par des dizaines et des dizaines de milliers d’hommes qui affirment clairement que c’est le régime qui est en jeu. » [20]

L'OCI ne fit aucune tentative de répondre à cet appel à un « gouvernement populaire » en lui apportant un contenu politique. Surtout, elle n'expliqua pas qui devrait former un tel « gouvernement populaire », et ce que devrait être son programme politique. Cela permit aux staliniens et à la CGT d'avancer le slogan du « gouvernement populaire » eux-mêmes, alors qu'ils n'envisagèrent jamais de prendre le pouvoir et qu’ils négociaient en coulisse avec Mitterrand sur leur participation à un gouvernement bourgeois d'intérim.

Comme nous l'expliquions dans la quatrième partie de cette série, la revendication d'un gouvernement PCF-CGT aurait eu un grand effet politique à ce moment-là. Elle aurait gêné les manœuvres politiques des dirigeants staliniens et intensifié le conflit entre eux et la classe ouvrière.

Trotsky avait suggéré une tactique de ce genre dans le « Programme de transition ». S'appuyant sur les expériences des bolcheviques durant la Révolution russe, il écrivait : « La revendication des bolcheviks, adressée aux mencheviks et aux socialistes-révolutionnaires : "Rompez avec la bourgeoisie, prenez dans vos mains le pouvoir !" avait pour les masses une énorme valeur éducative. Le refus obstiné des mencheviks et des socialistes-révolutionnaires de prendre le pouvoir, qui apparut si tragiquement dans les journées de Juillet, les perdit définitivement dans l'esprit du peuple et prépara la victoire des bolcheviks. » [21]

L'OCI n'émit jamais une telle revendication, et, à la place, elle soutint sans la critiquer la duplicité des staliniens et la grande manifestation de la CGT le 29 mai, qui se déroula avec le slogan « Pour un gouvernement populaire. »

L'OCI s'en prit à l'UNEF et à la CFDT parce qu'elles n'avaient pas participé à la manifestation (en raison du refus de la CGT de condamner l'expulsion de Daniel Cohn-Bendit de France). Rétrospectivement, l'OCI déclara qu'une manifestation de tous les syndicats, indépendamment de la CGT, aurait automatiquement ouvert la voie à un gouvernement ouvrier. « Unitaire, organisée par toutes les organisations syndicales, elle [la manifestation] ouvrait la voie d’un gouvernement s’appuyant sur la grève générale, sur les organisations ouvrières, » écrit de Massot. [22]

Le tract publié par le Comité d'alliance ouvrière à la manifestation du 29 mai assimilait le Comité de grève central et national qu'elle appelait de ses voeux à un gouvernement ouvrier : « Voilà le seul gouvernement, le gouvernement ouvrier qui peut donner satisfaction à toutes les revendications ouvrières, des étudiants, des travailleurs, des paysans et des jeunes. » [23]

Est-ce que cela signifiait que l'OCI considérait le comité de grève comme une sorte de conseil ouvrier, de soviet, sur lequel un gouvernement ouvrier pouvait s'appuyer ? Les formulations utilisées dans le tract le laissent entendre. Mais cela reste un cas isolé. L'OCI n’avait visiblement pas tranché sur cette question.

De plus, les comités de grève et les conseils ouvriers ne résolvent pas le problème de la direction révolutionnaire. Ils sont une arène où une lutte politique contre le stalinisme peut se dérouler, mais ne sont pas des substituts à cette lutte. Le tract de l'OCI ne contenait cependant aucune critique du PCF ou de la CGT. Ils n'y étaient même pas mentionnés.

Le lendemain de la manifestation de la CGT, qui avait vu un demi-million de gens descendre dans les rues rien qu'à Paris, le Président de Gaulle s'était adressé à la nation par radio et avait annoncé la dissolution du Parlement. Le PCF et la CGT avaient accueilli favorablement cette annonce de nouvelles élections et promis de garantir leur bonne tenue, ce qui revenait à un appel à arrêter la grève générale.

L'OCI réagit en demandant à continuer la grève et en s'adressant aux syndicats, « Tout dépend de notre riposte immédiate ! Tout dépend de l’appel des centrales syndicales et des partis ouvriers ! La grève générale vaincra l’État policier. » [24]

Cela resta la ligne politique de l'OCI dans les jours suivants : Des appels à l'unité, à continuer la lutte et à ne pas reculer, étaient adressés à ces mêmes syndicats qui étranglaient la grève générale.

Le 12 juin, le ministre de l'Intérieur fit interdire l'OCI, ainsi qu'une douzaine d'autres organisations, dont l'organisation de jeunesse de l'OCI.

À suivre

 

Notes :

14. Cette citation et toutes les autres de Trotsky, sauf indication contraire, sont extraites de : Léon Trotsky, « Front populaire et comités d'action » (26 novembre 1935).

15. François de Massot, « La grève générale (Mai-Juin 1968) », p. 123

16. ibid, p. 48

17. ibid, p. 188

18. ibid, p. 195

19. ibid, pp. 196-197

20. ibid, p. 197

21. Léon Trotsky, « Le programme de transition ».

22. François de Massot, op.cit., p. 203

23. ibid, p. 304

24. ibid, p. 248


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