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WSWS : Nouvelles et analyses : Asie

Un diplomate britannique brosse un portrait sombre de la guerre en Afghanistan

Par James Cogan
7 octobre 2008

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Alors que s’intensifie l’activité insurrectionnelle et que le nombre des victimes du conflit augmente à une vitesse record, les représentants de l’occupation américaine et de l’OTAN deviennent de plus en plus pessimistes quant à la possibilité d’établir un pays satellite stable. Le nombre annuel de victimes parmi les forces des Etats-Unis et de l’OTAN est déjà le plus élevé cette année, 236 morts et plus de 1000 blessés jusqu’à maintenant, depuis l’invasion de l’Afghanistan le 7 octobre 2001.

L’expression la plus marquée de la démoralisation régnant à Washington et dans les capitales européennes a été l’évaluation faite la semaine dernière par l’ambassadeur britannique en Afghanistan, sir Sherard Cowper-Coles, au sous-ambassadeur français François Fitou. Un communiqué de Fitou relatant la discussion qu’il a eu avec Cowper-Coles le 2 septembre fut divulgué en totalité dans le journal français Le Canard enchaîné.

Cowper-Coles, selon le communiqué de Fitou, n’aurait pas mâché ses mots concernant la position à laquelle font face les forces des Etats-Unis et de l’OTAN en Afghanistan. Leur présence même, aurait-il affirmé, « fait partie du problème, et non de la solution ». Alors qu’approche le septième anniversaire de l’invasion américaine du pays, l’ambassadeur britannique a déclaré : « La sécurité s’aggrave, de même que la corruption. Et le [gouvernement afghan du président Hamid Karzaï] a perdu toute confiance… Les forces étrangères assurent la survie d’un régime qui s’effondrerait sans elles. En agissant de la sorte, elles repoussent et compliquent une éventuelle sortie de la crise. »

Tout ce que l’on peut espérer, aurait recommandé Cowper-Coles, est le remplacement du régime Karzaï par un « dictateur acceptable » qui permettrait aux forces de l’OTAN, qui comprennent actuellement environ 8000 soldats britanniques et près de 3000 soldats français, de se retirer d’ici cinq à dix ans. « C’est la seule perspective réaliste… et nous devons préparer l’opinion publique [aux Etats-Unis et en Europe] à l’accepter », aurait-il déclaré.

Le gouvernement britannique a soutenu que la conversation entre Cowper-Coles et Fitou avait été « exagérée » et que les idées exprimées dans le communiqué ne représentaient pas sa position. Les médias britanniques ont suggéré que la fuite qui a rendu le communiqué public pouvait en fait faire partie d’une campagne de sections de l’establishment français visant à ce que le gouvernement abandonne sa participation dans l’occupation américaine.

Deux pays possédant des troupes au front ont déjà annoncé un échéancier de retrait. Les Pays-Bas devraient retirer leurs troupes, qui sont près de 2000, de la province très instable d’Oruzgan d’ici août 2010. Le Canada, qui a perdu près de 100 soldats dans ce conflit, a affirmé qu’il allait retirer ses 2500 soldats de la province de Kandahar d’ici la fin de 2011.

Peu importe la véracité ou les motifs de la fuite dans Le Canard, qu’elle ait été publiée, ainsi que la référence prétendue de Cowper-Coles à un « dictateur acceptable », rejoignent les discussions de plus en plus ouvertes en Europe et aux Etats-Unis sur le moyen de sauver la mise en Afghanistan. Une option de plus en plus discutée est d’arriver à un accord avec les principaux dirigeants de l’insurrection anti-occupation pour leur incorporation dans le gouvernement afghan.

Les rapports des principaux comités d’experts européens et américains ont établi que l’insurrection est formée de trois composantes principales : les partisans de l’ancien régime taliban de Moullah Mohammed Omar qui a été renversé lors de l’invasion américaine en octobre 2001 ; les forces tribales d’origine pachtoune loyales au seigneur de guerre Jaluluddin Haqqani, qui a pris le contrôle de régions significatives du sud de l’Afghanistan depuis la fin de l’occupation soviétique en 1988 ; et le mouvement Hezb-e-Islami de l’ancien premier ministre et seigneur de guerre Gulbuddin Hekmatyar, que l’on croit avoir réussi à rétablir son influence sur les régions pachtounes de l’est de l’Afghanistan.

La force motrice de l’insurrection est le sentiment légitime et profondément ressenti au sein des Afghans ordinaires que l’occupation sous direction américaine est la plus récente tentative d’une puissance coloniale de subjuguer le pays pour ses intérêts économiques et stratégiques. Le gouvernement Karzaï n’est vu comme rien d’autre que la marionnette de Washington.

Ce sentiment n’est pas limité au territoire afghan. Les talibans, le mouvement Haqqani et le Hezb-e-Islami ont tous un appui de l’autre côté de la frontière poreuse dans les zones tribales administrées au niveau fédéral du Pakistan, où la population a depuis des siècles des échanges et des relations avec les tribus pachtounes afghanes. De plus, il y a un large courant de sympathie dans tout le Pakistan et le monde musulman pour la guerre contre l’occupation sous direction américaine. Depuis 2001, l’insurrection afghane a pu facilement trouver du financement et des recrues au Pakistan. Les services du renseignement américain allèguent également qu’il y a un nombre important de militants islamistes provenant de l’Asie centrale et du Moyen-Orient combattant en Afghanistan.

L’enracinement de l’insurrection, l’échec d’années d’opérations militaires des deux côtés de la frontière de l’Afghanistan et du Pakistan à y mettre fin et le soutien vacillant pour la guerre au sein de l’OTAN nourrissent les appels à un accord politique. A n’en pas douter, comme en Irak, le but est de diviser les forces anti-occupation en arrivant à une entente avec certains dirigeants des insurgés.

Le 30 septembre, Hamid Karzaï a révélé que pour les deux dernières années il avait demandé l’aide de la monarchie de l’Arabie saoudite pour avoir des pourparlers de paix avec Moullah Omar. Omar est sur la liste américaine des hommes les plus recherchés pour avoir offert un sanctuaire au réseau al-Qaïda d’Oussama ben Laden. Karzaï a néanmoins garanti qu’il serait en sécurité en Afghanistan et lui a demandé de « revenir dans son pays et de travailler pour le bonheur de son peuple », une offre implicite de partage du pouvoir politique.

Etant donné que le gouvernement Karzaï dépend entièrement de l’armée américaine, il est hautement improbable qu’une telle offre ait pu être faite sans que Washington en soit informé et ait donné son accord. Le commandant américain en Afghanistan, le général David McKiernan, a nettement refusé de prendre ses distances d’avec les remarques de Karzaï lorsque les journalistes l’ont questionné là-dessus le lendemain. Il a seulement dit que l’ouverture des négociations avec Omar était une « décision politique qui appartenait à la direction politique ».

Laissant fortement sous-entendre que les Etats-Unis étaient prêts à considérer une intégration de factions soutenues par les talibans au sein du gouvernement afghan, McKiernan a déclaré : « Finalement, la solution en Afghanistan sera une solution politique, pas une solution militaire. »

Autre signe qu’une telle politique est considérée, l’administration Bush demanderait les conseils de Seth Jones, un des principaux analystes de la Rand Corporation, sur une « nouvelle stratégie » pour l’Afghanistan. Rand a récemment publié un important rapport dans lequel il était avancé que, selon l’histoire, la meilleure façon pour mettre fin aux guerres de guérilla est de rechercher un compromis politique donnant du pouvoir politique et des positions aux organisations des insurgées.

Le commandant britannique en Afghanistan, le brigadier Mark Carleton-Smith, a fait une ouverture explicite aux talibans dans une interview qu’il a donnée le 5 octobre au Sunday Times. « Nous n'allons pas gagner cette guerre, a-t-il dit. Si les talibans étaient prêts à s'asseoir à une table pour parler d'une solution politique, alors cela serait précisément le genre de progrès susceptible de mettre fin à ce type d'insurrection. Personne ne devrait être inconfortable avec cela. »

Tous les gouvernements qui ont des troupes déployées en Afghanistan sont bien au fait que toute ouverture à une réhabilitation des talibans détruirait les justifications idéologiques qui ont été données pour la guerre, mais aussi pour les attaques qu’ils ont menées contre les libertés civiles et les droits démocratiques au cours des sept dernières années. On peut trouver des citations de pratiquement tous les principaux dirigeants politiques (surtout aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne) affirmant que les organisations islamistes comme les talibans ne sont pas seulement « le mal », mais la plus grande menace la sécurité pour les soi-disant valeurs démocratiques de l’Occident.

Toutefois, dans le contexte d’une économie mondiale se détériorant rapidement et de tensions sociales grandissantes, la continuation de la guerre en Afghanistan demandera plus de troupes, plus d’argent et un développement vers le Pakistan. Dans les corridors des grandes puissances en Europe comme aux Etats-Unis, il se développe le sentiment qu’une voie politique doit être trouvée pour stopper l’accroissement des coûts et stabiliser l’occupation.

(Article original anglais paru le 6 octobre 2008)


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