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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

La crise financière mondiale révèle l’instabilité de l’économie russe

Par Vladimir Volkov
6 octobre 2008

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L’onde de choc qui secoue le système financier international et dont l’épicentre se trouve dans l’effondrement financier aux Etats-Unis a conduit à la mi-septembre à une forte chute des marchés boursiers russes. Le pays connaît sa plus grave crise bancaire depuis le défaut de paiement d’août 1998 manifestant ainsi l’énorme vulnérabilité de l’économie russe aux fluctuations des marchés mondiaux.

La crise financière russe a atteint son paroxysme les 16-17 septembre derniers après que les indices des deux principaux marchés des valeurs russes, le RTS et le MMVB aient affiché respectivement un repli de 13 à 14 pour cent en moyenne le premier jour et de 3 à 6 pour cent le second jour.

Le 17 septembre, le Service fédéral des marchés financiers (FSFR) a décidé de suspendre les transactions boursières sur les deux principales places boursières. Elles n’ont rouvert que deux jours plus tard, le 19 septembre, et ce, pour quelques heures seulement.

« Cela a été quelque chose de totalement irrationnel, » a déclaré Sergeï Grechishkin alors que se déroulaient les événements. Il est le président de la banque d’affaires « KIT-Finance » qui est menacée de faillite et qui a entamé des négociations sur la vente de ses parts à un partenaire stratégique. « Nous assistons à des cours de clôture complètement insensés puisque, si vous considérez plusieurs indicateurs des entreprises, la bonne nouvelle est phénoménale, mais personne ne veut acheter ces actions, tout le monde veut les vendre. »

La crise est entrée dans une phase, poursuivit-il, « où personne ne prend plus de décisions rationnelles. »

« Les cotations actuelles ne peuvent être expliquées correctement, » a dit Andreï Kilin, du groupe « Alfa Capital » le 17 septembre au quotidien économique Kommersant. « De nombreuses entreprises affichent une valeur inférieure à leur présent capital et l’évaluation de certaines d’entre elles est même inférieure aux ressources monétaires que ces entreprises détiennent sur leurs comptes en banque. »

En réaction à la panique initiale, le gouvernement russe a annoncé plusieurs vastes mesures d’urgence visant à stabiliser temporairement la situation. Il a annoncé une aide sans précédent aux banques d’un montant de 1,5 billion (1500 milliards) de roubles (60 milliards de dollars). Dans son ensemble, le ministère des Finances et la Banque de Russie sont prêts à injecter jusqu’à 3 billions de roubles dans le système financier.

La Banque centrale a décidé de baisser fortement les niveaux obligatoires de réserves des organismes de crédit, ce qui leur permet de libérer jusqu’à 20 milliards de dollars.

Dans le même temps, la Banque centrale a inscrit sur une « liste rouge » 15 banques qui ont de sérieux problèmes à rembourser leurs dettes et qui requièrent une aide financière immédiate. Toutes ces banques sont parmi les 50 principales organisations financières du pays.

Les indices boursiers russes ont atteint leur apogée en mai dernier, mais n’ont cessé de dégringoler depuis.

Si, durant la période de mai 2006 à mai 2008, l’indice RTS a gagné environ 250 pour cent, il a perdu plus de la moitié de sa valeur au cours des quatre derniers mois et la capitalisation du RTS a chuté de plus de 100 milliards de dollars.

Plusieurs facteurs étrangers et domestiques ont précipité ces développements.

Comme le reportait le Financial Times de Londres le 18 septembre, l’élection de Dmitri Medvedev comme nouveau président de la Russie a nourri chez les investisseurs étrangers l’espoir d’une libéralisation du régime. Toutefois, fin mai les problèmes ont commencé pour le groupe pétrolier TNK-BP qui appartient pour moitié à des investisseurs britanniques. Suite à des pressions exercées par les actionnaires russes, le directeur général britannique, Robert Dudley, fut contraint de quitter la Russie et le processus de la prise de décision passa aux mains des partenaires russes.

Cet état de fait fut considéré par les investisseurs occidentaux comme preuve que rester en Russie représentait un risque politique grandissant.

Les craintes se sont renforcées après une réunion des patrons de l’industrie sidérurgique avec le premier ministre, Vladimir Poutine. Ce dernier avait accusé Igor Zyuzin, le propriétaire du géant sidérurgique Mechel, de manipuler les prix. De plus, Poutine avait menacé de lui envoyer un médecin à domicile vu que ce dernier n’avait pas participé à la réunion sous prétexte de maladie

Mechel, dont les actions sont cotées à la bourse de New York, a perdu la moitié de sa valeur dû à la crainte d’un écroulement de l’entreprise.

Puis, les responsables du service anti-monopole russe ont ouvert une enquête sur la manipulation des prix dans les principales entreprises métallurgiques. L’enquête fut ensuite rapidement étendue aux producteurs d’engrais et de ciment. Les investisseurs commencèrent alors à craindre que, du fait des régulations gouvernementales, ces entreprises ne perdent une part de leur rentabilité.

Enfin, la guerre avec la Géorgie a renforcé la crainte que le Kremlin puisse agir arbitrairement. Les données publiées par la Banque de Russie sur le volume des réserves internationales ont montré qu’entre le 12 et l9 septembre, au maximum de la crise, les sorties nettes de capitaux privés hors de Russie avait atteint quelque 10 milliards de dollars et qu’à partir du 8 août, au moment du déclenchement de la guerre en Ossétie du Sud il avait atteint entre 20 et 50 milliards de dollars

« Une telle fuite de capital », avait écrit Kommersant le 26 septembre, « peut être considérée à juste titre comme la principale cause de la crise sur le marché financier russe. »

Edward Parker, le président du Fitch Group, une société de services financiers a dit le 19 septembre à l’Independent Gazette « La combinaison néfaste de la volatilité des marchés financiers mondiaux, la baisse des prix du pétrole, la guerre en Géorgie et les préoccupations au sujet de la gestion des grandes entreprises réduit l’intérêt des investisseurs pour la Russie et accroît la pression dans le secteur bancaire. »

La crise a eu pour conséquence une chute significative de la valeur des principales entreprises russes.

La capitalisation boursière de l’entreprise Nornikel à la bourse des valeurs RTS s’est réduite de moitié, en passant de 53 milliards de dollars à 23 milliards. La valeur boursière du groupe AFK « Systema » est tombée au RTS de 13,7 milliards à 6,5 milliards de dollars entre avril et septembre. Severstal a accusé une perte de près de 10 milliards de dollars depuis avril ; Lukoil a subi une perte de près de 25 milliards de dollars en moins de six mois.

Après une chute de 20 pour cent de ses titres, la valeur boursière de Gazprom, le quasi-monopole d’Etat, est passée au-dessous de 150 milliards de dollars le 17 septembre. Au printemps, la capitalisation de Gazprom dépassait encore 360 milliards de dollars.

Les entreprises russes ont de plus en plus de difficulté à accéder aux marchés financiers internationaux vu que les créanciers étrangers doutent de pouvoir récupérer leur argent. D’ici la fin de l’année, les entreprises russes doivent trouver un total d’environ 45 milliards de dollars pour refinancer leurs dettes extérieures. Rien que l’année dernière, les emprunts contractés par le secteur industriel avaient atteint 136 milliards d’euros, soit 10,7 pour cent du PIB de la Russie.

La crise en Russie a été en partie atténuée par les réserves considérables accumulées par le gouvernement suite à la hausse mondiale des prix des matières premières et de l’énergie. Depuis la fin des années 1990, l’économie russe avait enregistré un taux de croissance impressionnant (passant de 5,5 à 10 pour cent par an), le PIB avait plus que doublé et les réserves d’or avait augmenté 60 fois par rapport à il y a dix ans.

Le 19 septembre, les réserves de la Banque centrale s’élevaient à 559,4 milliards de dollars ce qui est une perte de 40 milliards de dollars depuis le début d’août, mais le régime dispose encore d’une importante marge de manœuvre.

Toutefois, les sommes astronomiques que le Kremlin est prêt à débloquer pour boucher les trous du système financier soulignent, tout comme aux Etats-Unis, le véritable caractère de classe de l’actuel gouvernement. En dépit de la rhétorique au sujet de la défense des intérêts de la « classe moyenne » et de la prétendue préoccupation pour les couches défavorisées de la population, les agissements du Kremlin sont entièrement guidés par les intérêts d’une étroite couche de l’élite dirigeante.

Le projet de budget pour 2009 qui prévoit en Russie un montant de 432 milliards de roubles pour l’éducation et de 485 milliards de roubles pour la santé, fait pâle figure face aux sommes empochées par les parasites financiers et les oligarques en l’espace de quelques jours.

Dans un discours prononcé le 15 septembre devant 50 hommes d’affaires influents, le président Medvedev a dit : « Malgré ce qui s’est passé en août [la guerre en Géorgie et l’intensification du conflit avec les Etats-Unis]… rien ne va changer dans les principes de notre politique économique. Il n’est pas besoin de modifier nos priorités. Aucune militarisation ni étatisation de l’économie n’est nécessaire. »

« Notre politique reste inchangée, il n’y aura pas de changement du modèle économique de la Russie », a dit Poutine le 18 septembre à Sotchi lors d’une réunion avec les chefs des principales grandes entreprises du monde.

Au cours de la récente crise financière, le gouvernement avait annoncé un allègement des taxes sur les exportations de pétrole et de produits pétroliers : à partir du 1er octobre elles s’élèveront à 372,2 et à 263,1 dollars la tonne respectivement. Les économies pour les magnats du pétrole seront de l’ordre de 5 à 5,5 milliards de dollars.

Le vice-premier ministre russe, Igor Sechin, a également déclaré qu’il était nécessaire d’alléger la taxe sur l’extraction du pétrole et des minerais pour faire passer le minimum non imposable d’actuellement 9 à 25 dollars par baril. Dans ce cas, les compagnies pétrolières économiseront quelque 13 milliards de dollars par an.

Il n’y a pas de limite aux sacrifices que le Kremlin exigera de la société pour sauver les profits des oligarques qui le soutiennent et des bureaucrates qui sont liés au gouvernement. La situation que connaît la majorité des travailleurs en Russie, est en train de se détériorer et ce, en dépit d’une légère augmentation des salaires du fait de la destruction constante du système de couverture sociale qui remonte encore à la période soviétique et de la hausse vertigineuse des prix. Selon des évaluations prudentes, le taux d’inflation devrait se situer cette année entre 16 et 17 pour cent.

Entre janvier et mai, le coût minimum des denrées alimentaires de base a augmenté de près de 20 pour cent ; d’ici la fin de l’année, il pourrait se situer entre 36 et 50 pour cent. En Russie, les prix des denrées alimentaires ont augmenté durant la première moitié de l’année presque 4 fois plus que dans les pays de l’Union européenne.

Les arriérés de salaire augmentent aussi. D’après le service fédéral des statistiques, Rosstat, les arriérés avaient augmenté à la fin août de plus de 14 pour cent sur le plan national, y compris de 20 pour cent dans les industries manufacturières. Quelque 200.000 travailleurs risquent de subir un retard dans le paiement de leur salaire.

Il est utile de noter que, selon un sondage réalisé en août par le Centre national d’étude de l’opinion publique, VTsIOM, à l’occasion du dixième anniversaire de la crise financière russe de 1998, 68 pour cent des personnes interrogées ont dit que la Russie n’en était pas encore sortie.

Les chocs enregistrés actuellement sur les marchés financiers ont clairement montré que la croissance économique de ces dix dernières années n’a pas mené à une plus grande autonomie de l’économie russe, mais au contraire à sa subordination à grande échelle aux structures du marché capitaliste mondial.

Cette dépendance grandissante qui menace le bien-être de la majorité des citoyens exclut tout retour à un modèle de développement autarcique national et qui avait caractérisé la politique de la bureaucratie stalinienne soviétique. Elle pose également les fondements objectifs pour la renaissance en Russie de l’autorité du socialisme international comme la seule alternative viable aux convulsions destructrices du marché capitaliste mondial.

(Article original paru le 1er octobre 2008)


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