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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

France : 360 milliards d’euros pour renflouer les banques

Par Antoine Lerougetel
20 octobre 2008

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L’Assemblée nationale a adopté, par une majorité de 224 voix contre 23, sans grand débat, le plan gouvernemental de sauvetage des banques de 360 milliards d’euros, ce qui signifie un transfert massif de fonds publics vers l’élite financière. Ceci fait partie d’une action coordonnée des gouvernements de l’eurozone (les 15 pays dont la monnaie est l’euro) et de la Grande-Bretagne, d’une valeur de 2,7 billions d’euros. Le gouvernement UMP au pouvoir (Union pour un mouvement populaire) a été soutenu par le Nouveau  Centre et le MoDem (Mouvement démocratique de François Bayrou). Le Parti socialiste (PS) et les Verts se sont abstenus et le Parti communiste (PCF) a voté contre.

Quarante milliards d’euros sont réservés à la recapitalisation des banques en difficulté par l’achat de leurs actions et de leurs avoirs. Les 320 milliards restants sont une promesse de garantie sur les prêts interbancaires. La ministre des Finances Christine Lagarde a déclaré que ce plan n’affecterait pas le budget. Ceci implique de lourds emprunts, l’augmentation de la dette publique déjà énorme qui, actuellement au-dessus de 65 pour cent du PIB, dépasse largement la limite de 60 pour cent imposée par le pacte de stabilité de l’Union européenne.

La vitesse à laquelle le gouvernement a trouvé cet argent pour les banques, par rapport à la manière dont il traîne les pieds pour financer les besoins sociaux essentiels, n’est pas passée inaperçue dans la population qui compte déjà sept millions de personnes vivant au-dessous du seuil de pauvreté. Les retraités ont manifesté dans 80 villes de par la France jeudi dernier contre la baisse de leur pouvoir d’achat et les sommes scandaleuses mises à la disposition des banques. Les retraites ont augmenté cette année de moins de deux pour cent alors que l’inflation à la fin du mois d’août était de 3,2 pour cent.  

Les déficits de la sécurité sociale et de l’assurance-maladie pour 2008 s’élèvent à respectivement 9 et 4,1 milliards d’euros. Le gouvernement s’est servi de ces chiffres, infimes par rapport aux 360 milliards d’euros accordés aux banques, pour justifier ses attaques sur la santé et les services sociaux.

Laurence Parisot, dirigeante de la principale association de patrons Medef (Mouvement des entreprises de France) a loué ce plan comme « le meilleur possible pour la situation actuelle ». Elle a ensuite insisté pour dire qu’elle attend du gouvernement qu’il poursuive ses mesures d’austérité et qu’elle demanderait au premier ministre de « retirer de son projet de budget 2009 la prime transport », qui doit être en partie financée par les entreprises et qui est censée amoindrir l’augmentation du coût des transports pour les travailleurs se rendant sur leur lieu de travail.

La commission des finances du Parti socialiste qui s’était réunie avant le débat parlementaire sur le plan de sauvetage, avait recommandé unanimement de voter en faveur du plan gouvernemental. Plus tard dans la journée, quand la réunion de l’ensemble du groupe parlementaire PS a décidé de s’abstenir, le premier secrétaire du PS François Hollande a expliqué, « Pas question de s'opposer à un plan qui permet au niveau européen de sortir des premières tourmentes de la crise financière. Pas question non plus d'approuver la politique de Nicolas Sarkozy au plan économique, car c'est elle aussi qui est responsable de la situation dans laquelle nous nous trouvons. »

Le PS est fondamentalement d’accord avec la politique économique du gouvernement. Une explication plus plausible pour cette abstention est la nécessité pour le PS de maintenir un semblant d’indépendance par rapport à Sarkozy. Le porte-parole du PS Julien Dray a dit, « Voter pour pourrait donner le sentiment du "prélude" à un gouvernement d'union nationale. »

Le PCF, partenaire cadet du PS depuis des décennies, au gouvernement comme en dehors, et à présent en alliance électorale avec le PS et les Verts pour les élections européennes de 2009, y est allé de sa rhétorique anticapitaliste, faisant remarquer correctement que le plan du gouvernement représente « une prime à tous les prédateurs ». Mais cette opposition en paroles est démentie par le soutien accordé par le PCF à la CGT (Confédération générale du travail, proche du PCF) qui collabore régulièrement avec le président Sarkozy depuis son élection en mai 2007, notamment pour le démantèlement des régimes spéciaux de retraite des cheminots et agents d’EDF et GDF (Electricité et Gaz de France) ainsi que pour la déréglementation du temps de travail.

L’assurance donnée par le gouvernement que les banques françaises n’étaient pas gravement touchées par la crise du crédit a été quelque peu écornée lorsque la banque franco-belge Dexia, qui s’occupe des finances des collectivités territoriales en Belgique et en France, a dû être renflouée à hauteur de 6,4 milliards d’euros, à raison de 3 milliards par gouvernement. Ses actions chutent depuis et des doutes subsistent quant à sa solvabilité.

Il y a aussi des preuves solides qu’une des plus vieilles institutions bancaires pour petits épargnants et pour prêts hypothécaires, la CNCE (la Caisse nationale des caisses d’épargne) fondée il y a 190 ans et connue sous le nom de l’Ecureuil a une crise de liquidités. L’hebdomadaire satirique Le Canard enchaîné rapporte dans son numéro du 1er octobre que du fait de l’implication d’une filiale Natixis dans le marché américain des subprimes, « La CNCE doit trouver 6,5 milliards d’euros… Avec un tel gouffre à combler, la Caisse va devenir le champion de France des dépréciations d’actifs, devant le Crédit agricole (près de 6 milliards). »  

Au début de l’année, pour ramener ses propres capitaux au minimum légal, la CNCE avait dû « siphonner 3,2 milliards dans les coffres de ses 17 caisses régionales… et certaines n’ont plus guère de réserves ».

Le Canard cite un financier : « Il y a un consensus des banquiers et du gouvernement pour ne rien dire sur la situation de l’Ecureuil et éviter de déclencher la panique. »

Une perte supplémentaire de 600 millions d’euros, due à des opérations spéculatives vient  tout juste d’être révélée. L’annonce faite par Fillon de l’intention du gouvernement de puiser dans les fonds du produit d’épargne qu’est le Livret A a aussi provoqué une levée de boucliers et contribué à alimenter le sentiment d’insécurité ressenti par des millions de familles à faibles et moyens revenus qui comptent sur le livret A.

Les trois principales banques françaises, le Crédit agricole, la Société générale et BNP Paribas ont nié avoir besoin d’avoir recours aux fonds publics avancés par l’Etat. Néanmoins, on a une tout autre vision des choses si l’on considère l’échange suivant qui a eu lieu lors des discussions enregistrées sur le site de l’Assemblée nationale.

Pressé par Lionel Tardy, député apparenté à l’UMP, de révéler le montant du crédit toxique dans le système bancaire français, Georges Pauget, président du Crédit agricole, a répondu, « Pour ce qui concerne le système bancaire français, je ne peux pas vous faire une réponse globale actualisée… Seule la Commission bancaire a les chiffres détaillés… Je n’ai pas les chiffres en tête, mais l’information est disponible, et elle a été certifiée. » 

Tardy a alors suggéré : « Donc, même en France, on ne sait pas. » Pauget a répliqué : « Si, mais les chiffres sont dans les mains du gardien du Temple. »

Le Nouvel Observateur cite Fillon disant sur Radio RTL: « La crise financière n'est pas "derrière nous". On n'est pas à l'abri d'un accident systémique, entraîné par le fait que certaines banques peuvent avoir des produits toxiques pour une part importante dans leur bilan, des banques françaises aussi… Il y a une telle imbrication dans le système. »

Il poursuit, « Pour le moment on nous fait des prévisions pour l'année 2009 qui sont de l'ordre de 0,2 pour cent ce qui est extrêmement faible. C'est une panne de croissance avec des conséquences sur l'emploi, des conséquences sur l'activité économique, sur le pouvoir d'achat. Mais si l'Amérique rentre en récession, c'est évidemment une très, très, très mauvaise nouvelle pour nous parce que ça veut dire que l'ensemble des pays développés vont connaître une année 2009 très, très difficile. » 

Fillon s’y prépare. Il a dit avec insistance que « ce qui compte pour nous, c'est de tenir les dépenses… on sera intraitable sur les dépenses. »

Cela signifie que c’est la classe ouvrière qui devra endosser le fardeau de la crise et le gouvernement fait des préparatifs dans ce sens et demande le soutien des autres principaux partis. Le proche collaborateur de Sarkozy, Henri Guaino a insisté pour dire que « ce n'est pas le temps du débat… sur chaque décision prise », soulignant que le « pouvoir exécutif est en charge de prendre ses responsabilités. »

L’éditorial du 15 octobre des Echos se concentre sur les conséquences sociales de la crise. Le journal fait cette mise en garde : « Les effets sur le moral des Français, et du coup leur consommation, seront bien sûr inévitables… Selon les 150 DRH (directeurs des ressources humaines) interrogés, il convient de « prendre au sérieux la remontée de la conflictualité », de voir que l'exaspération est perceptible chez « toutes les catégories de salariés » et de ne pas oublier que la crise financière « va dramatiser le climat social ».

Il suggère que, de concert avec les patrons et les syndicats, il y ait des augmentations initiales des allocations chômage afin d’amortir le choc immédiat des licenciements, et que celles-ci soient ensuite progressivement diminuées afin de contraindre les travailleurs à accepter des emplois sous-payés et à temps partiel.


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