Des manifestations
appelant au retrait d’Afghanistan des troupes étrangères ont lieu
aujourd’hui en Allemagne, en France et en Grande-Bretagne. Le Socialist Equality
Party et le Partei für Soziale Gleichheit, sections britannique et allemande du
Comité international de la Quatrième Internationale soutiennent cette
revendication. Nous appelons au retrait immédiat et inconditionnel de toutes
les troupes en Afghanistan.
Cependant on ne
peut atteindre ce but en utilisant les méthodes politiques prônées par les
organisateurs de ces manifestations et qui se limitent à faire pression sur
« leur » gouvernement et cherchent à influencer une partie de
l’élite dirigeante.
La guerre en
Afghanistan est une guerre impérialiste. L’objectif de l’opération « Enduring
Freedom » conduite par les Etats-Unis et la Force internationale
d’assistance à la sécurité conduite par l’OTAN est d’imposer
un contrôle géostratégique sur l’accès aux réserves de pétrole et de gaz.
Le projet de
conquête de l’Afghanistan était déjà prêt depuis longtemps lorsque les
deux avions ont frappé le World Trade Center le 11 septembre 2001. On peut
remonter jusqu’aux années 1970, où l’occident acheminait des fonds
aux seigneurs de guerre de la région et aux intégristes islamiques, dont al-Qaïda,
afin qu’ils renversent le régime de Kaboul soutenu par Moscou. Après que
la lutte entre seigneurs de guerre eût réduit le pays en cendres, les talibans
finirent par prendre le pouvoir. Ils avaient été entraînés par les services secrets
pakistanais.
Maintenant
l’OTAN, à force de bombardements, a remis au pouvoir les seigneurs de
guerre et les barons de la drogue, avec des conséquences désastreuses. La
production d’opium a atteint 8 200 tonnes l’année dernière, ce
qui représente 93 pour cent de la production mondiale. L’Afghanistan se
situe au 174e rang sur 178 sur l’index de pauvreté de l’ONU. L'espérance moyenne de vie, y est d'à peine 40 ans et 60 femmes y
meurent chaque jour de faim et par manque de soins
médicaux. Le taux d’analphabétisme y est de 70 pour cent dans les villes
et atteint 99 pour cent à la campagne. Un quart de la population seulement a
accès à l’eau propre et dix pour cent seulement ont l’électricité.
Comme toute
occupation coloniale, la prise impérialiste de l’Afghanistan provoque
aussi une résistance populaire que les médias occidentaux attribuent sans
discrimination aux « talibans » ou aux « terroristes. »
L’OTAN riposte par des frappes brutales qui tuent un très grand nombre de
civils.
Ces dernières
semaines, les Etats-Unis ont élargi la guerre au territoire pakistanais,
menaçant de pousser à la guerre civile ce pays détenteur de l’arme
nucléaire et de déstabiliser l’ensemble du sous-continent indien.
Crise du système capitaliste
Cette politique
irresponsable et dangereuse ne peut s’expliquer comme étant l’action
arbitraire de tel ou tel homme politique comme le président Georges Bush. La
preuve en est que le candidat républicain à la présidentielle John McCain et
son rival démocrate Barack Obama ont tous deux appelé à ce que l’on
augmente le nombre de soldats américains envoyés en Afghanistan ainsi
qu’à des mesures plus sévères contre le Pakistan.
La vraie cause de
la guerre, comme de tous les autres maux sociaux, réside dans les contradictions
d’un système social qui subordonne les besoins humains et sociaux à la
course aux profits des ultra-riches.
« Mais tant
que les principales forces productives de la société seront entre les mains des
trusts, c'est-à-dire des cliques capitalistes isolées, et tant que l’Etat
national demeurera un instrument docile entre les mains de ces cliques, la
lutte pour les marchés, pour les sources de matières premières, pour la
domination du monde, prendra inévitablement un caractère de plus en plus
destructif, » avait écrit Léon Trotsky
au début de la Seconde Guerre mondiale.
Plus la crise du
capitalisme s’intensifie et plus impitoyable est la lutte pour gagner des
marchés et des matières premières. S’assurer l’accès aux réserves
de pétrole et de gaz d’Asie centrale et du Proche-Orient est la tâche
première de la politique étrangère impérialiste. C’est la raison pour
laquelle les Etats-Unis et leurs alliés européens conduisent la guerre en
Afghanistan.
Pas plus tard que le
mois dernier l’attaque, sans avoir été provoquée, de la Géorgie contre
l’Ossétie du Sud a soulevé la possibilité d’un conflit entre les
deux plus grandes puissances nucléaires du monde, la Russie et les Etats-Unis.
Tout comme l’Afghanistan, la Géorgie occupe une position stratégique au
milieu d’un important corridor énergétique et a été armée jusqu’aux
dents par les Etats-Unis avant d’être encouragée à lancer son attaque.
Les puissances
européennes poursuivent, elles aussi, leurs propres intérêts géostratégiques.
Elles ont toutes reconverti leurs forces armées en forces d’intervention
internationale afin de s’assurer les voies d’acheminement du gaz et
du pétrole.
Les attaques
perpétrées contre la population laborieuse à l’intérieur du pays vont de
pair avec le militarisme. Partout l’inégalité sociale prend des formes de
plus en plus flagrantes. Les prestations sociales sont supprimées, les salaires
et les emplois sont détruits. Ceci s’accompagne d’attaques contre
les droits démocratiques, au nom de la soi-disant « guerre contre le
terrorisme. »
On ne pourra mettre
fin aux combats en Afghanistan et on ne pourra éviter d’autres guerres
que si le pouvoir et le contrôle de l’économie sont arrachés des mains
des cliques impérialistes prédatrices. La lutte contre la guerre est
inséparablement liée à la lutte pour une société socialiste, qui place les
besoins de la majorité avant les profits de la minorité.
Le fondement
d’une telle lutte ne peut être une adaptation à l’une ou
l’autre des ailes de l’élite dirigeante du pays mais seulement à un
mouvement indépendant et international de la classe ouvrière.
La perspective du « mouvement pour la paix »
Les soi-disant
mouvements pour la paix des différents pays rejettent une telle orientation. Au
lieu de cela, ils resserrent les rangs avec ceux des éléments de la classe
dirigeante qui veulent se distancer de Washington et mettre en avant leurs
propres intérêts nationaux.
En Allemagne, le
mouvement pour la paix ne rejette même pas le contrôle impérialiste sur
l’Afghanistan, mais préconise plutôt des méthodes civiles aux méthodes
militaires. En juin, il y a eu un congrès sur l’Afghanistan dans le but
de développer des « alternatives au déploiement militaire. » André
Brie, député européen et membre du Parti La Gauche (Die Linke), a dit que la
tâche clé en Afghanistan était « la reconstruction du système policier et
judiciaire en souffrance depuis longtemps. »
Le déficit
véritable de la politique européenne en Afghanistan a-t-il souligné, est
qu’elle « ne s’est pas émancipée de Washington et
qu’elle est toujours prête à se subordonner à Washington… Le plus
grand obstacle à une stratégie afghane nouvelle et constructive est l’attachement
européen pour une politique pro-américaine. »
En France,
l’appel à la manifestation s’adresse directement au parlement et au
président de la République en réclamant « le retrait des troupes françaises ».
Il insiste lui aussi pour dire : « Nous refusons une France alignée
sur la stratégie américaine… »
On compte parmi les
signataires de cet appel le Parti communiste et les Verts (en 2001 tous deux
étaient dans le gouvernement Jospin qui a envoyé les troupes françaises en
Afghanistan) et Olivier Besancenot de la Ligue communiste révolutionnaire
(LCR).
En
Grande-Bretagne, la manifestation de la Coalition Stop the War s’est
concentrée sur la conférence du Parti travailliste et s’orientant
notamment sur la poignée de travaillistes de « gauche » restants, a
appelé le gouvernement Brown à « changer ses priorités ».
Une telle
orientation politique qui subordonne le mouvement anti-guerre à une aile de la
classe dirigeante qui serait de gauche ou progressiste, ne peut mener
qu’à une impasse.
Que l’on se
souvienne de l’expérience faite avec les Verts allemands. A la fin des
années 1970, lorsque les Etats-Unis cherchaient à stationner en Europe des
missiles de moyenne portée ciblant la Russie et menaçant de transformer
l’Allemagne en un champ de bataille nucléaire, les Verts se trouvaient à
la tête du mouvement pour la paix. A peine vingt ans plus tard, après que le
rideau de fer se soit effondré et que l’Allemagne réunifiée ait été en
mesure une fois de plus de poursuivre sa propre politique étrangère, les Verts
se trouvent dans le camp de l’impérialisme allemand. En tant que ministre
des Affaires étrangères, le dirigeant du Parti des Verts, Joschka Fischer,
porte une responsabilité dans la participation de l’Allemagne à la guerre
en Afghanistan et dans la nomination d’Hamid Karzaï, un consultant de
l’entreprise pétrolière américaine Unocal, à la tête du pays.
Un mouvement
contre la guerre doit se développer indépendamment de l’élite dirigeante
et de ses conseillers de « gauche » et doit lier la question de la
guerre aux questions sociales. Les conditions existent déjà pour qu’un
tel mouvement s’amplifie vu que l’opposition populaire au
militarisme et à l’inégalité sociale ne cesse de croître. Le Comité international
de la Quatrième Internationale s’efforce de construire un nouveau parti
international de la classe ouvrière qui lutte pour une perspective socialiste.
Nous appelons tous ceux qui manifestent aujourd’hui à lire le World Socialist
Web Site et à nous contacter.
(Article original
anglais paru le 20 septembre 2008)