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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Le sens de l'appel du SWP britannique à créer une nouvelle « gauche alternative »

Deuxième partie

Par Tony Robson et Chris Marsden
27 août 2009

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Voici la conclusion d'une série de deux articles concernant une lettre ouverte publiée par le Socialist Workers Party de Grande-Bretagne. La première partie a été publiée le 26 août 2009.

Même maintenant, le Socialist Workers Party n'a pas beaucoup d'éléments à apporter pour confirmer sa position selon laquelle l'avenir est dans une possible rupture entre une section de la bureaucratie et le Parti travailliste. Au cours des 12 dernières années, les syndicats ont permis au gouvernement travailliste de poursuivre son projet libéral en isolant toutes les manifestations de résistance de la classe ouvrière.

Le syndicat des transports Rail Maritime and Transport Union (RMT) a présenté des candidats contre le parti travailliste aux élections européennes, en tant que membre de la plateforme No2EU [Non à l'UE] formé avec le Parti communiste de Grande-Bretagne et le Parti socialiste. Cependant, ce front, que le RMT a promis de ne pas réitérer dans une élection générale, était tellement droitier et nationaliste que le SWP a renâclé à lui apporter son soutien. Mais si la perspective du remplacement du gouvernement travailliste par un gouvernement conservateur lors de l'élection générale de l'année prochaine devait s'estomper, alors la scission qui se produirait se ferait sur une perspective semblable à celle avancée par No2EU.

Pour le moment, la lettre ouverte en est réduite à citer « Mark Serwotka, le secrétaire général du syndicat des employés des PCS [services publics et communications] », qui a proposé que « les syndicats présentent des candidats ».

Le SWP conclut en demandant « une simple démarche » à savoir la réunion d'une conférence « de tous ceux qui veulent présenter des candidats représentants les intérêts de la classe ouvrière aux prochaines élections ». Sur une base aussi vague, ils ne vont pas simplement « esquiver » les différences entre réforme et révolution. Le SWP et les autres vont plutôt servir de défenseurs et apporter le gros des troupes à une tentative désespérée de refaire une virginité aux forces qui ont trahi la classe ouvrière.

Le front unique

Callinicos et le SWP décrivent habituellement leur appel à un nouveau parti électoral dominé par les syndicats comme un « front unique d'un genre particulier ». C'est une tentative transparente de déguiser leurs manœuvres dans un langage associé à la lutte de Léon Trotsky dans les années 1930 pour mobiliser la classe ouvrière contre la montée du fascisme en Allemagne, qui représentait un danger immédiat et mortel pour la classe ouvrière.

Trotsky avait brandi la demande d'un front unique contre la position adoptée par le Parti communiste allemand, sous la direction stalinienne de l'Internationale communiste, qui rejetait l'action commune avec les sociaux-démocrates, qu'il dénonçait comme « sociaux-fascistes ». Le but de Trotsky était de briser l'influence des dirigeants sociaux-démocrates, sur lesquels des millions de travailleurs fondaient encore leurs espoirs en croyant qu'ils représentaient une alternative socialiste.

Trotsky s'est battu pour que le Parti communiste allemand propose un front unique avec le Parti social-démocrate pour organiser des actions communes contre les nazis et défendre les organisations ouvrières. Ce faisant, le Parti communiste aurait pu prendre la direction de l'unification de la classe ouvrière et soit révéler le refus de la social-démocratie de monter des actions défensives communes contre l'ennemi de classe, soit prouver la supériorité de la direction d'un parti révolutionnaire dans de telles luttes de masse de la classe ouvrière.

Cependant, il insistait sur le fait qu'il n'était pas permis de subordonner les révolutionnaires dans un front unique à la bureaucratie réformiste, ni de taire les différences programmatiques. L'antithèse d'un front unique, ce sont toutes les formes d'alliances électorales ou de combinaisons politiques avec les réformistes, sans parler du développement d'un parti commun qui, pour citer Callinicos, cherche à « esquiver l'alternative entre réforme et révolution ».

C'est le refus de la Troisième Internationale de simplement débattre de la trahison historique à l'échelle mondiale commise par la direction stalinienne et permettant à Hitler d'arriver au pouvoir, qui a conduit Trotsky à appeler à la création d'une Quatrième Internationale. Les staliniens ont réagi face à ce désastre produit par leur politique d'ultra-gauche en Allemagne en adoptant la politique opportuniste de droite des Fronts populaires – s'appuyant sur l'affirmation selon laquelle, dans la lutte contre le danger imminent du fascisme, la classe ouvrière devait s'allier avec les partis et les régimes bourgeois démocratiques, et accepter qu'ils prennent la direction.

C'était en fait une politique contre-révolutionnaire. Cela signifiait la renonciation à toutes les demandes révolutionnaires ou socialistes ainsi qu'à la lutte pour le pouvoir ouvrier. Cela entraîna des catastrophes en série pour la classe ouvrière en Espagne, en France, et dans le reste de l'Europe et ouvrit la voie à une seconde guerre mondiale impérialiste.

La politique du SWP d'une alliance électorale et même d'un parti commun avec la bureaucratie — est en droite ligne avec les politiques de Staline, et non de Trotsky.

Ce n'est pas la première fois que le Socialist Workers Party se sert de la question fasciste comme moyen de s'opposer à une lutte politique contre le Parti travailliste et la bureaucratie syndicale. En 1977, il avait créé l'Anti-Nazi League (ANL), avec le soutien de quelques syndicats et le parrainage de l'ex-dirigeant des Jeunesses libérales Peter Hain (aujourd'hui ministre d'État pour le Pays de Galles dans le gouvernement de Gordon Brown, il était à l'époque en charge des communications dans le syndicat des postiers), du secrétaire général adjoint du syndicat des ingénieurs AUEW, d'Ernest Roberts et d'un certain Neil Kinnock, qui allait devenir dirigeant du Parti travailliste.

L'ANL cherchait à concentrer les efforts de ses jeunes membres sur la prétendue « lutte commune » contre le Front national, le prédécesseur du BNP. À cette époque, la classe ouvrière était en conflit ouvert avec le gouvernement travailliste de James Callaghan, qui imposait des mesures d'austérité dictées par le FMI, ce qui atteint son apogée lors du Winter of Discontent [l'hiver du mécontentement] de 1979 et l'élection des conservateurs emmenés par Margaret Thatcher.

Il y a cependant une différence importante entre les années 1970 et aujourd'hui. Alors qu'en 1977 le SWP agissait avec la bénédiction de la gauche du Parti travailliste et des syndicats, aujourd'hui il parle comme le représentant officiellement désigné du Trade Union Congress (TUC - Congrès des syndicats).

Le SWP s'intègre dans les échelons les plus élevés de la bureaucratie syndicale depuis des dizaines d'années, assumant des postes de dirigeants dans un certain nombre de syndicats pour accompagner le créneau qu'il s'est trouvé dans les universités. Il ne s'exprime pas aujourd'hui comme un simple défenseur de la bureaucratie, mais comme son porte-parole officiel à gauche.

Comme cela s'est produit pour Respect, le SWP a liquidé l'ANL dans United Against Fascism (UAF) en 2003 en créant une alliance avec la National Assembly Against Racism, qui était dirigée politiquement par la section noire du Parti travailliste. Son seul but est de faire campagne pour le vote tactique comme un moyen d'empêcher le BNP d'« établir une tête de pont électorale dans ce pays»

L'UAF est parrainée par le TUC, financée par les syndicats et fonctionne dans des bureaux prêtés par le syndicat des PCS, dirigé par l'ex-membre de Respect Mark Serwotka. Son président est l'ex-maire travailliste de Londres Ken Livingstone. Weyman Bennett du SWP en est le vice-président, et Martin Smith, coordonnateur national du SWP, siège au comité de direction.

Le SWP s'est vu confier ce poste parce qu'il est maintenant largement reconnu comme un parti qui a été complètement incorporé dans les structures de la politique officielle. Sa rhétorique radicale et sa défense de l'action syndicale et des réformes sociales ne se sont pas révélées être un obstacle à cette cooptation dans l'establishment, mais ont été comprises par l'élite politique comme pouvant fournir une soupape de sécurité bien utile.

En octobre 2008, par exemple, le World Socialist Web Site attira l'attention sur la nomination du membre du SWP Sabiha Iqbal comme consultant du Young Muslim Advisory Group [YMAG Groupe des jeunes consultants musulmans] de 22 membres (Lien en anglais : “Britain: Socialist Workers Party member becomes government adviser”). L'YMAG a été créé par le gouvernement de Brown pour le conseiller sur la manière de lutter contre l'influence de l'extrémisme islamiste et « comment renforcer la représentation et la participation des jeunes musulmans à la vie civique ».

La ministre des Minorités de l'époque, Hazel Blears, avait déclaré au sujet des affiliations politiques d'Iqbal, « si on ne veut pas changer le monde à 17 ans, c'est bien triste ». Iqbal allait devenir ce que Blears appelle « la prochaine génération de meneurs communautaires ».

Une défense ouverte de l'Etat

La lettre ouverte du SWP et son rôle dans l'UAF démontre à quel point il a dépassé sa fonction historique de défenseur de l'appareil syndical pour se poser maintenant en défenseur de l'ensemble de l'appareil d'Etat parlementaire bourgeois.

Immédiatement après les élections européennes, Martin Smith a servi de porte-parole de l'UAF et a été interviewé par Channel 4 et l'émission Newsnight de la BBC. Au lieu d'utiliser cette opportunité pour imputer la montée en puissance du BNP à tout l'establishment politique, par leur promotion des politiques anti-immigrés et leurs attaques contre le niveau de vie des travailleurs, il a appelé à l'union de tous les parlementaires pour s'opposer à la menace du BNP.

Il a dit du BNP que « Le plus gros problème est de leur donner un air de légitimité»

Smith a affirmé que chaque parti politique « a droit à la parole », sauf le BNP parce qu'il « ne vise pas une structure démocratique légitime [sic]. Ils ont un point de vue complètement différent, vraiment une vision révolutionnaire fasciste. Ils se serviront du Parlement pour mettre en avant leurs idées ».

Voilà des déclarations importantes. Le BNP est dénoncé parce qu'il est « révolutionnaire » et qu'il se sert du Parlement pour présenter des politiques qui ne correspondent pas à « une structure démocratique légitime ».

Un communiqué de l'UAF adressé aux employés des médias les prévient sur le même ton que « lorsque les partis fascistes sont autorisés à s'insinuer dans l'establishment politique et médiatique… ils se servent des plateformes qu'on leur accorde pour consolider leur présence dans le paysage politique, normaliser leurs arguments racistes, tirer le spectre politique vers la droite et construire leurs organisations à la base. Quand ils se développent, se développe aussi la pression sur les gens à capituler devant eux. Le danger aujourd'hui est que le BNP passe à travers le "cordon sanitaire" [en français dans le texte, ndt] et devienne un élément régulier de nos médias » (notre italique).

Des appels de ce genre à la censure et à l'interdiction des tendances fascistes et de leurs activités, lorsqu'ils sont bien accueillis par l'establishment, sont invariablement utilisés en premier lieu contre les mouvements ouvriers et la gauche. Il suffit de se rappeler que le Public Order Act (Loi sur l'ordre public) avait été promulguée à l'origine en 1936 au prétexte de s'opposer à L'Union des fascistes britanniques d'Oswald Mosley. Dans sa version originale comme dans les suivantes, il a servi à interdire des marches politiques, et a servi largement durant la grève des mineurs de 1984-85. Il interdit tout « regroupement de personnes » qui chercherait à usurper « les fonctions de la police ou des forces armées de la couronne » ainsi que l'utilisation de « la force physique pour promouvoir n'importe quel objectif politique ».

Le SWP est insensible à de telles considérations de principe. Sa défense avouée du parlementarisme bourgeois et ses dénonciations du BNP parce qu'il ne fait pas partie d'une « structure démocratique légitime » est un thème récurrent. Son journal, le Socialist Worker publie régulièrement des articles avec des titres comme « Comment le BNP se fait passer pour un parti respectable » et « les atours "respectables" du BNP s'envolent ».

Cela en dit long sur les intérêts politiques du SWP. Il ne cherche rien de plus qu'à être accepté au sein de la respectabilité bourgeoise. En réalité, l'une des raisons de l'augmentation du soutien au BNP tient à ce qu'il se présente comme un parti à part, un opposant au système politique actuel.

S'il y a bien quelque chose qui garantit le développement de ce genre de tendances d'extrême-droite, ce sont les efforts du SWP pour invoquer le caractère sacré du Parlement et pour renforcer la crédibilité des syndicats et de la gauche travailliste. Mais le fait que le SWP dirige l'UAF montre qu'il est tout à fait prêt à s'allier à des tendances politiques bourgeoises autres que les syndicats et la bureaucratie travailliste. Parmi ceux à qui l'UAF demande de maintenir un « cordon sanitaire » autour du BNP, il n'y a pas seulement des dizaines de députés travaillistes et « nos médias » [y compris le tabloïde Daily Mirror a signé l'appel], mais tous les grands partis.

Au vu de cela, il est encore plus frappant que la lettre ouverte du SWP, après une longue mise en garde sur les dangers du BNP, passe à ce qu'elle appelle « la deuxième leçon des élections européennes » la nécessité d'une « riposte unie pour sauver les emplois et les services publics ». Selon le SWP, si le conservateur David Cameron est élu, « [il] tentera de faire passer une politique d'austérité aux dépens de la grande majorité du peuple britannique ».

Mais même là, le SWP essaie de faire passer la menace des conservateurs pour moins pressante que celle représentée par le BNP, affirmant qu'en raison de la baisse de leur vote, les conservateurs « ne sont pas très à l'aise pour faire passer ces attaques ».

Le SWP écrit cela dans son propre journal tout en étant dans une alliance politique avec Cameron et les conservateurs précisément au nom du fait qu'ils sont tous deux des  démocrates et donc des alliés dans la lutte contre le BNP !

Cameron et les autres dirigeants conservateurs comme Sir Teddy Taylor, Edward Garnier et Anthony Steen sont signataires de l'UAF. Si Cameron arrive au pouvoir en 2010, ce sera, au moins en partie, grâce au SWP qui les aura présentés comme une force démocratique « légitime » plutôt que comme le parti du grand capital et qui aura minimisé les dangers d'un gouvernement conservateur mobilisant toutes les forces de l'Etat contre la classe ouvrière.

(Article original paru le 29 juillet 2009)


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