La veille du sommet du G20 à Londres, l’Organisation
de coopération et de développement économique (OCDE) a publié des prévisions
moroses pour l’économie mondiale, en corrigeant vers le bas les prévisions plus
optimistes faites par les gouvernements de par le monde.
Le rapport intérimaire de l’OCDE prévoit une
contraction générale de 2,75 pour cent de l’économie mondiale en 2009, un
chiffre sensiblement plus élevé que celui des récentes prévisions de 0,5 à 1
pour cent du FMI et de celui du dernier pronostic négatif de 1,7 pour cent de
la Banque mondiale. Pour les 30 pays industrialisés membres de l’OCDE, la
contraction est même encore plus importante, 4,3 pour cent en 2009.
« Les économies de l’OCDE se trouvent
dans une récession la plus profonde et la plus généralisée depuis plus de 50
ans », dit le rapport. « La production a diminué dans presque tous
les pays de l’OCDE au cours des six derniers mois et, comme l’activité accuse
un vif ralentissement dans les pays non membres, la croissance mondiale est
devenue négative. »
Tout comme d’autres pronostiqueurs, l’OCDE
prédit une reprise en 2010 fondée sur la supposition que la récession suivrait
le schéma habituel. Mais le rapport prévoit que l’incertitude de ses propres
hypothèses est exceptionnellement grande et les « risques restent
nettement orientés à la baisse ». Les auteurs indiquent notamment le
danger d’une spirale continue vers le bas étant donné que la faible économie réelle
mine les institutions financières et qui à leur tour réduisent le crédit en
contribuant à ralentir davantage l’activité économique.
Toutes les principales économies sont tirées
vers l’abîme. L’OCDE prédit que l’économie américaine se contractera de 4 pour
cent en 2009, ce qui est bien pire que le déclin de 1,2 pour cent sur lequel le
gouvernement Obama a fondé ses projets budgétaires. Le rapport prévoit un
accroissement à 10,5 pour cent du chômage aux Etats-Unis d’ici la fin de
l’année prochaine, à comparer aux 8,1 pour cent de février.
La zone euro dans son ensemble est censée se
contracter de 4,1 pour cent en 2009, et la première économie, celle de
l’Allemagne, étant parmi les plus fortement touchées. Le rapport prévoit une
contraction de 5,3 pour cent en Allemagne, le double des prévisions négatives
de 2,25 pour cent, avec un taux de chômage de près de 12 pour cent d’ici la fin
2010.
Les prévisions pour la Grande-Bretagne, la
France et l’Italie sont bien sombres, avec des résultats négatifs de 3,7 pour
cent, 3,3 pour cent et 4,3 pour cent respectivement. En soulignant les tensions
politiques sous-jacentes, le premier ministre italien Silvio Berlusconi a réagi
à la nouvelle en accusant l’OCDE d’attiser « un climat imprégné de
peur » et en exigeant qu’elle se taise. Il s’est plaint :
« D’abord, ils ne l’ont pas vu venir, maintenant ils formulent de
nouvelles prédictions tous les deux jours. »
L’OCDE prévoit un recul massif du commerce
mondial de 13,2 pour cent en 2009, soit plus fort que celui des prévisions
négatives de 9 pour cent de la semaine dernière de l’Organisation mondiale du
commerce (Voir L'OMC prévoit une chute brutale du commerce mondial). Le rapport note : « Au cours du dernier trimestre de 2008
et du premier trimestre 2009, le commerce mondial s’est contracté de plus de 20
pour cent en moyenne en rythme annuel, recul sans précédent depuis quatre
décennies. Dans toutes les régions, la production industrielle a été
particulièrement touchée par ce repli du fait de sa plus forte intégration dans
les échanges mondiaux. »
Tout comme l’Allemagne, le Japon est
fortement tributaire des exportations et a été sévèrement touché par le déclin
de la demande mondiale. Les prévisions de l’OCDE pour l’économie japonaise en
2009 font état d'une contraction de 6,6 pour cent avec une hausse du taux de
chômage dépassant les 5,5 pour cent. Toutes les statistiques japonaises
officielles confirment une forte récession économique. Les données publiées
lundi par le gouvernement révèlent un recul de 9,4 pour cent de la production
industrielle en février, après une chute record de 10,2 pour cent en janvier.
Les prévisions de l’OCDE pour la Chine et
l’Inde sont un ralentissement économique plus fort, avec des taux de croissance
de 6,3 et 4,3 pour cent respectivement, soit environ la moitié du niveau de
2007. Un rapport issu hier par une Banque asiatique de développement (ADB)
confirme que les économies dépendantes des exportations de l’Asie en
développement (c'est-à-dire à l'exclusion du Japon) continueraient de ralentir
pour atteindre une croissance de 3,6 pour cent, une chute de 6,6 pour cent par
rapport à l’année dernière et de 10,4 pour cent en 2007. La Corée du Sud, Hong
Kong, Taïwan, la Malaisie, Singapour et la Thaïlande devraient, d’après les
prévisions, tous se trouver en récession en 2009.
Lundi, lors du « sommet social »
de Rome, le secrétaire de l’OCDE, Angel Gurria, a mis en garde contre une
« crise sociale à part entière, aux effets dramatiques sur les travailleurs
vulnérables et les ménages à faible revenu » à moins que les gouvernements
« interviennent rapidement et efficacement » pour intensifier les
programmes sociaux. Il a prédit que le chômage pourrait atteindre 25 millions
de personnes dans les pays de l’OCDE pour atteindre 10 pour cent en 2010, soit
l’augmentation du chômage la plus forte et la plus rapide de l’après-guerre.
Ce ne sont pas les promesses en l’air qui
ont manqué à cette réunion des ministres du Travail de Rome. John Evans, membre
de la commission syndicale consultative auprès de l’OCDE, a regretté le fait
que le G20 était dominé par les ministres des Finances en déplorant ne pas
avoir de voix au chapitre. Il a mis en garde contre une « situation très
dangereuse » découlant des suppressions massives d'emplois en déclarant
que cette « situation lamentable » devait figurer au premier plan du
sommet du G20 de Londres.
Le premier ministre italien Berlusconi a dit
aux médias, « l’Etat ne peut pas ignorer le bien-être des
travailleurs » en promettant que « personne ne serait laissé
derrière ». Il a promis que l’Italie ferait pression au sommet du G20 pour
« la signature d’un pacte social capable de transformer le pessimisme en
optimisme, la méfiance en confiance et la peur en espoir ».
Tout comme l’appel de la Banque mondiale au
G20 de prêter attention aux pays les plus pauvres du monde, ces promesses en
l’air concernant l’aide aux chômeurs s’évaporeront dès que les dirigeants des
gouvernements se rassembleront jeudi pour marchander sur quelles mesures
communes ils pourraient se mettre d'accord, si toutefois il y en a.
Il existe d’ores et déjà de profondes
divergences entre les Etats-Unis et l’Europe. Les Etats-Unis, soutenus par la
Grande-Bretagne, insistent pour que les gouvernements de l’Europe accroissent
les dépenses pour la relance, une proposition qui a été catégoriquement refusée
notamment par l’Allemagne. Les dirigeants européens d’autre part, réclament une
plus grande régulation financière internationale et qui a été rejetée par
Washington.
Hier, le premier ministre japonais, Taro
Aso, s’est immiscé dans le débat. Dans des commentaires faits au Financial
Times, il a rejeté les avertissements de la chancelière allemande, Angela
Merkel, concernant les risques encourus par une dépense publique excessive pour
les plans de relance de l’économie. Rappelant l’expérience faite par le Japon
durant la décennie de stagnation économique durant les années 1990, il a
dit : « Nous savons ce qui est nécessaire, alors que les Etats-Unis
et les pays européens sont peut-être confrontés pour la première fois à ce
genre de situation. »
Avec la réunion du G20 profondément divisée
qui s'annonce comme un échec, le président français, Nicolas Sarkozy a laissé
entendre qu’il partirait si des « résultats concrets » n’étaient pas
obtenus. Les conseillers présidentiels ont dit aux médias que Sarkozy avait
déclaré lors d’une récente réunion ministérielle : « Si ça n’avance
pas à Londres, ce sera la chaise vide. Je me lèverai et je partirai. »
Alors que l’attitude de Sarkozy est à
prendre avec des pincettes, ses commentaires soulignent la crainte réelle qui
règne parmi les dirigeants du G20 quant aux conséquences économiques, sociales
et politiques qu’entraînerait un sommet dont il ne sortirait que des
platitudes. Dans le même temps, aucune des principales puissances n'est prête à
faire la moindre concession à ses rivales et qui affecterait ses propres
intérêts économiques, ce qui rend quasiment impossible tout accord effectif.