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WSWS : Nouvelles et analyses : Afrique

La prise d'un navire américain accentue les risques d'une intervention en Somalie

Par Bill Van Auken
14 avril 2009

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Alors que la prise d'otages au large de la Somalie entrait dans sa seconde journée jeudi, certains éléments indiquaient que le gouvernement d'Obama pourrait préparer une nouvelle intervention militaire, dans la corne de l'Afrique cette fois-ci.

La confrontation qui se poursuit entre une petite bande de pirates somaliens dans un canot de sauvetage et un destroyer américain, lequel est rejoint par d'autres navires de guerre et des avions, fait suite à la tentative avortée de s'emparer du Maersk Alabama, un cargo de 17 000 tonnes navigant sous pavillon américain.

Après que quatre Somaliens armés ont réussi à escalader la coque du navire et à s'en emparer, les 20 membres d'équipage ont opposé une résistance. Cependant, selon les reportages, le capitaine du navire, Richard Philips, s'est porté volontaire pour servir d'otage, accompagnant les pirates à bord du canot de survie du cargo pour empêcher une confrontation entre eux et son équipage.

Contacté par l'agence Reuters par téléphone satellitaire, l'un des pirates avait l'air aux abois, disant : « Nous sommes cernés par les navires de guerre et n'avons pas le temps de discuter, priez pour nous. »

La capture de navires pour obtenir des rançons est pratiquée dans la région depuis des années et a connu une recrudescence importante en 2008, le nombre d'incidents au large de la Somalie et dans le golfe d'Aden se montant à 150. Il y a actuellement 16 navires faisant l'objet d'une demande de rançon.

Les armateurs ont pour leur part traité ces attaques comme des nuisances qui entament à peine leurs profits. Ils ont préféré considérer les rançons versées aux pirates comme faisant partie des coûts d'exploitation plutôt que d'armer leurs équipages contre eux. Bien qu'ils soient lourdement armés, les pirates n'ont tué personne jusqu'à présent.

La différence avec ce dernier incident, cependant, c'est que le Maersk Alabama est le premier navire américain à se faire attaquer par les pirates. Il fournit ainsi un prétexte pour une intervention militaire et provoque une vague de chauvinisme dans les médias, dont certaines sections en viennent à exiger des représailles.

Le chef d'état-major américain a annoncé jeudi que l'armée américaine intensifierait sa présence dans la corne de l'Afrique dans les 48 heures qui suivraient. S'exprimant publiquement en Floride, le général Petraeus, le chef d'état-major, a déclaré, « nous voulons nous assurer que nous aurons tous les moyens nécessaires dans les jours qui viennent ». Il n'a donné aucune précision sur ce en quoi consistent ces renforts.

Le New York Daily News, citant des sources militaires anonymes, a indiqué jeudi que « les commandants militaires américains ont déjà mis au point des plans de bataille pour mettre un terme au fléau de la piraterie en haute mer au large de la Somalie si le président Obama en donne l'ordre. »

Selon cet article, ces plans comprennent des attaques contre des villes et villages côtiers d'où partent les pirates, comme Eyl, Hobyo, Caluula et Haradheere.

Ce journal citait Robert Oakley, ambassadeur à la retraite qui avait servi en tant qu'envoyé spécial en Somalie des gouvernements de Bush père et de Clinton dans les années 1990, disant que les forces d'intervention spéciales américaines ont préparé les plans d'un assaut terrestre.

« Nos gars des opérations spéciales piaffent d'impatience de faire le ménage. Pour l'instant personne ne les a laissés faire. Ils ont des plans prêts, mais ils attendent le feu vert. »

Bien que les représentants du gouvernement aient indiqué qu'Obama avait reçu plusieurs briefings sur la prise d'otage, il est resté muet sur cette question, éludant les questions des journalistes mercredi et jeudi.

Cependant, le vice-président Joseph Biden a insisté sur le fait que le gouvernement travaillait « jour et nuit » sur cette crise.

La secrétaire d'État Hillary Clinton a réagi à la tentative d'abordage mercredi, déclarant que le gouvernement était « très inquiet » et « suivait les événements de près ».

Clinton a ajouté, « Précisément, nous nous focalisons sur cet acte de piraterie en particulier et la prise du navire qui transporte 21 citoyens américains. Plus largement, nous pensons que le monde doit s'unir pour mettre un terme au fléau de la piraterie. »

Les chaînes d'information de la télévision câblée ont consacré l'essentiel de leurs reportages à la situation immédiate, se focalisant sur « l'héroïsme » de l'équipage et se demandant pourquoi on ne pouvait pas arrêter les pirates.

L'éditorial du Wall Street Journal, la voix la plus obstinée de la droite républicaine, portait en sous-titre : « Les pirates se répandent parce que le monde les laisse faire » et blâmait Obama pour n'avoir pas su décider d'une action efficace.

« Nous ne demandons pas un retour aux méthodes romaines (comme la crucifixion) pour traiter les pirates, mais le gouvernement pourrait appliquer les critères de Stephen Ducatur et bombarder la ville pirate somalienne d'Eyl », affirme l'éditorial. « Les lois américaines établissent clairement que les pirates qui attaquent les navires sous pavillon américain méritent de finir leur vie en prison. Mais traiter les pirates capturés comme des combattants ennemis ne bénéficiant pas de la protection de la convention de Genève pourrait être utile dans les cas où les pirates s'en prennent à des navires battant pavillon étranger et où le droit international est plus ambigu de nos jours. » [Stephen Ducatur est un officier de la marine américaine qui dirigea le bombardement de Tripoli en 1804 lors de la guerre entre les États-Unis et les Etats du Maghreb qui demandaient un droit de passage aux navires occidentaux, ndt].

Pour faire bonne mesure, l'éditorial insère dans cette question la récente arrestation de journalistes américains en Iran et en Corée du Nord, suggérant une « attitude similaire » envers ces pays – y compris des représailles militaires semble-t-il. Il va jusqu'à reprocher au gouvernement de ne pas avoir opposé une fin de non-recevoir au juge espagnol Balthasar Garzon qui a accepté des plaintes déposées contre des membres du gouvernement Bush impliqués dans des cas de torture – y compris sur des citoyens espagnols – ce qui constitue normalement une doctrine du gouvernement américain.

« Si le gouvernement ne protège pas les citoyens américains de l'anarchie légale de l'Europe postmoderne, comment pouvons-nous espérer qu'il protège les marins américains de l'anarchie pré-moderne de la Somalie, et encore plus des tyrannies de Téhéran et de Pyongyang ? » conclut-il.

Il ne fait aucun doute que si la prise d'otage se poursuit, ce genre de critiques accusant le gouvernement d'Obama de ne pas prendre d'initiatives militaires décisives se feront de plus en plus stridentes et se répandront.

Ce qui n'est pas compris, ou délibérément passé sous silence, par l'establishment politique et les médias américains, c'est la responsabilité de Washington dans la création des conditions dans lesquelles la piraterie a pu se développer en Somalie. Hillary Clinton parle du « fléau de la piraterie », mais les Somaliens sont les victimes du fléau de l'impérialisme américain depuis des dizaines d'années.

Aujourd'hui, ce pays est l'une des trois nations les plus pauvres de la planète. « La Somalie est le lieu de la pire catastrophe humanitaire du monde », déclarait l'association humanitaire Refugees International dans un communiqué récent, indiquant que plus de 240 000 somaliens vivent actuellement dans des conditions sordides à Dadaab, au Kenya, le plus grand camp de réfugiés au monde.

Pour Human Rights Watch, « La Somalie est une nation en ruine, prise dans l'un des conflits armés les plus brutaux de la planète. […] Deux longues années d'un bain de sang qui s'intensifie et de destructions ont dévasté la population du pays et ravagé la capitale Mogadiscio. »

Dans un rapport publié à la fin mars, le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires a mis l'accent sur la « crise humanitaire désespérée du pays », exacerbée par une sécheresse qui a laissé des millions de gens sans accès à l'eau potable. « Le manque d'eau pousse beaucoup de gens à de longues marches – jusqu'à 20 km – et d'autres à vendre le peu de biens qu'il leur reste, pour acheter de l'eau. » déclare l'agence. Pendant ce temps, les appels de l'ONU pour obtenir de l'aide humanitaire ont été largement ignorés par Washington et les autres puissances mondiales, seulement 251 millions de dollars ont été levés, soit à peine plus du quart des 918 millions demandés.

La cause immédiate de cette catastrophe tient à l'invasion de la Somalie organisée par les États-Unis, usant de l'intermédiaire des troupes éthiopiennes, en décembre 2006. Cette invasion visait à faire tomber un gouvernement populaire formé par un mouvement appelé l'Union des tribunaux islamiques (UTI), en s'appuyant sur des allégations infondées selon lesquelles ses conceptions islamistes en faisaient des alliés d'al-Qaïda.

En s'opposant à l'occupation éthiopienne soutenue par les États-Unis, environ 16 000 civils ont perdu la vie, et 1,2 million ont été chassés de leur foyer. Après que l'Éthiopie a retiré ses troupes de Somalie l'année dernière, le gouvernement fédéral de transition (GFT), le régime fantoche des seigneurs de guerre mis en place à l'instigation de Washington s'est effondré et un ex-dirigeant de l'UTI a été élu président du pays, apparemment avec l'accord du gouvernement américain.

Ce n'est que le dernier épisode de la longue histoire des interventions américaines en Somalie, remontant aux années 1970, et de leur soutien à la dictature brutale de Siad Barre, que Washington entretenait pour faire contrepoids à l'influence soviétique en Éthiopie. Avec la dissolution de l'Union soviétique, Washington n'avait plus besoin de Barre comme pion dans la Guerre froide. Washington a donc retiré son appui, entraînant l'effondrement du régime et la descente du pays dans une guerre civile entre clans. Le même schéma a été observé en Afghanistan, avec les mêmes résultats catastrophiques.

Par la suite, l'intervention militaire américaine lancée en 1992 par le gouvernement républicain de George Bush père et poursuivie par le gouvernement démocrate de Clinton en 1993 sous des prétextes « humanitaires » n'a fait qu'exacerber ces conflits et aggraver les souffrances des Somaliens. Les troupes américaines ont dû partir en 1993 après que leur tentative d'assassiner un seigneur de guerre récalcitrant a entraîné la désastreuse bataille du « Blackhawk Down » qui coûta la vie à 18 soldats américains.

Après cela la Somalie a été une fois de plus abandonnée à son sort, hormis l'invasion de 2006 et les frappes sporadiques de missiles par les Etats-Unis.

Au moment même où Washington et les autres grandes puissances pleurent sur le sort de la Somalie devenue un État raté, les grandes compagnies européennes profitent de cet état de fait et de ses longues côtes laissées sans surveillance pour transformer le pays en dépotoir de déchets toxiques depuis près de 20 ans. Selon une estimation de l'ONU, le coût pour aller déposer ces chargements en Somalie n'est que de 2,50 dollars contre 1000 en Europe [1,9 euro contre 750 euros]. Ces déchets comprennent de l'uranium radioactif, du plomb, des métaux lourds comme le mercure et le cadmium, ainsi que d'autres types de déchets, chimiques, industriels et médicaux.

Lorsque le tsunami asiatique a frappé en 2004, la vague a fait remonter ces déchets jusqu'à près de 10 kilomètres à l'intérieur des terres. Les effets sur la santé des populations locales ont été désastreux.

Selon certaines sources, la vague de piraterie actuelle a débuté avec des pêcheurs qui tentaient d’empêcher les navires étrangers de décharger ces cargaisons mortelles.

En fait, l'armada américaine (comme les navires de guerre envoyés par plusieurs autres puissances, dont la Grande-Bretagne, l'Allemagne, l'Inde et la Chine) ne patrouillent pas le long de la côte somalienne pour sauvegarder le droit international, dont ils n'ont que faire lorsqu'il est question du ravage de la Somalie elle-même. Le but de l'intervention américaine est d'assurer l'hégémonie américaine sur les voies maritimes du golfe d'Aden qui a une importance stratégique étant donné que12 pour cent du pétrole mondial y transite.

Toute action militaire en Somalie, qu'elle soit engagée au nom de la suppression de la piraterie, ou, à nouveau, au nom de l'envoi d'aide humanitaire, sera menée dans ce dessein impérialiste prédateur.

(Article original anglais paru le 10 avril 2009)


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