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WSWS : Nouvelles et analyses : Etats-Unis

Les tueries aux Etats-Unis

Par David Walsh
9 avril 2009

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Voilà dix ans ce mois-ci, deux étudiants ouvraient le feu sur leurs camarades de classe et enseignants à Columbine High School près de Denver au Colorado, tuant 13 personnes et en blessant 23 autres, avant de s’enlever la vie. Cet événement, bien que n’étant pas le premier de ce genre même à cette époque, horrifia la nation. Des éditorialistes et des chroniqueurs de journaux, des experts autoproclamés sur la violence en milieu scolaire ou d’autres de divers domaines, tous sont intervenus dans le débat. Mais leurs analyses ont très peu contribué à la compréhension de cet événement.

Le président Bill Clinton avait dit que, « nous ne comprendrons peut-être jamais complètement ». Ajoutant que, « Saint-Paul nous rappelle que nous voyons tout à travers un vieux miroir dans cette vie, que nous ne comprenons qu’en partie ce qui se passe ».

En 2007, aussi en avril, un étudiant de Virginia Tech à Blacksburg en Virginie tuait 32 personnes et en blessait 17 autres avant de retourner l’arme contre lui. Les experts officiels ont encore une fois fourni leurs opinions essentiellement banales et superficielles. Le président George W. Bush a commenté, « Il est impossible de comprendre une telle violence et une telle souffrance… Dans de tels moments, on peut trouver réconfort dans la grâce et l’assistance d’un Dieu aimant. »

Dans le dernier mois, une éruption de violence aux Etats-Unis a entraîné la mort de 53 personnes dans sept tueries. En réaction à la pire de ces tragédies, le meurtre de 13 personnes à Binghamton, New York, le président Barack Obama a déclaré, « Michelle et moi avons été stupéfaits et profondément attristés lorsque nous avons été mis au courant de l’acte de violence gratuite commis à Binghamton à New York. Nos pensées et nos prières vont aux victimes, à leurs familles et à la population de Binghamton. »

Apportant un certain changement là où nécessaire, la réaction de l’administration Obama est identique à celle de ses prédécesseurs : plein d’incompréhension, vide, pieux et, ultimement, indifférent. Personne à Washington n’ose affirmer ce qui est évident : ces massacres sont le symptôme d’un ordre social malade.

En ce qui concerne les experts, les tragédies qui se succèdent combien trop rapidement à la une les poussent à peine à écrire ou parler de la question. Les commentaires et les tentatives d’explication deviennent de plus en plus sommaires.

Le New York Times a publié un bref éditorial en réaction au massacre qui a débuté la récente vague de violence, une tuerie au sud de l’Alabama survenue le 10 mars, en pressant le Congrès « à rétablir, de façon plus contraignante, l’interdiction nationale sur les fusils d’assaut qu’il a laissée mourir en 2004 ». Depuis, pas un mot de plus.

Le Washington Post, dans la foulée des tueries en Alabama, à Carthage, en Caroline du Nord et à Binghamton, a écrit en éditorial : « Il se peut que personne ne comprenne totalement quel genre de rage ou de démon s’est emparé des tueurs. » Le Post aussi s’en est tenu à lancer un appel à un contrôle des armes à feu plus strict.

Les réseaux de télévision, en quête de spectateurs et de cotes d’écoute, ont quant à eux tenté de transformer la couverture du carnage en quelque chose approchant le divertissement, avec des manchettes macabres et des promesses de reportages « détaillés » ne se matérialisant jamais.

Qu’un être humain puisse être victime d’une dépression dans des conditions extrêmes est un élément de la vie de tous les jours. Que sept individus s’emparent de plusieurs armes extrêmement meurtrières et tentent de liquider le plus de vies possible, souvent avant de s’enlever la leur, est un phénomène engendré par des circonstances sociales et historiques.

 L’environnement sociopsychologique actuel, dans lequel tant d’individus, si dérangés soient-ils, peuvent provoquer une souffrance massive et la mort de personnes innocentes sans broncher, ne peut être expliqué sans faire référence aux récentes tendances de la vie américaine.

Une telle situation doit être liée aux décennies de réaction politique aux Etats-Unis, dont la source se trouve dans le déclin économique et qui est caractérisée par la promotion de la force comme la seule solution à tous les problèmes, la promotion du militarisme et du chauvinisme, la vénération du caractère impitoyable et égoïste du « libre marché » et une culture populaire traversée d’images et des paroles brutales.

A la même manière de chefs mafieux, les responsables de l’administration Obama, comme leurs homologues sous Bush, parlent de « massacres » et de « descendre » leurs ennemis politiques au Moyen-Orient et en Asie centrale.

Les « tireurs », dans un certain sens, sont des créatures de Frankenstein produits par la société américaine dans un état avancé de déclin moral et social. A leur propre manière psychotique, de tels individus reprennent simplement les prémisses sur lesquelles Wall Street, le Pentagone et la Maison-Blanche opèrent de manière routinière et les appliquent à leurs propres dilemmes personnels.

La crise économique, sans aucun doute, exacerbe ces tendances en plaçant ceux qui sont vulnérables psychologiquement dans un stress beaucoup plus considérable qu’à l’habitude. D’autant plus que cela arrive dans des conditions où le filet de sécurité social des Etats-Unis, très poreux au mieux, a été démantelé par les gouvernements républicains et démocratiques à tous les niveaux.

Une agence sociale de la Floride rapporte que, « en conséquence directe de la crise économique », les centres sur la violence domestique ont rapporté une augmentation de 37 pour cent des demandes de services.

Une publication de l’Université de Buffalo en janvier a cité les commentaires de Sampson Blair, un psychologue familial à cette école : « Le suicide-meurtre familial est encore relativement peu commun, mais je m’attends à une augmentation de tels incidents lors des prochaines années vu que la pression économique sur les familles provoque la dépression et le désespoir. »

Blair a ajouté : « La situation économique laisse aussi présager une augmentation significative d’autres formes de violence familiale, incluant les abus d’enfants et de conjoints, la négligence d’enfants et d’autres formes de comportements dysfonctionnels comme la toxicomanie. Ce qui rend cette situation encore pire… est qu’il y a une association claire entre les taux de suicide et l’état de l’économie dans son ensemble. »

La perte d’un emploi est un des éléments déclencheurs dans un certain nombre des plus récentes tueries.

Une étude parue dans le American Journal of Public Health en 2003 rapportait que le chômage est l’indicateur le plus important dans le cas d’hommes assassinant leur femme. Le fait qu’un agresseur ne travaille pas augmente le risque par un facteur quatre est-il établi par cette recherche.

Le Journal of Epidemiology and Community Health a publié une étude, également en 2003, qui concluait que « [se] trouver au chômage était associé à une augmentation de deux à trois fois du risque de mort par suicide, comparativement à avoir un travail. Environ la moitié de cette corrélation pourrait être attribuée à la maladie mentale. »

Les Etats-Unis sont un pays où règne le mécontentement. De vastes couches de la population, dont les conditions de vie se détériorent rapidement, dans une colère impuissante, voient que les banquiers et spéculateurs mêmes qui ont jeté le pays en crise se font offrir des billions de dollars, sans conditions, par le gouvernement fédéral. Les syndicats, soumis pieds et poings liés à l’élite dirigeante, ont abandonné il y a longtemps déjà toute lutte en défense des travailleurs.

Des millions de personnes ont tout perdu, leur emploi, leur maison, un niveau de vie décent. Des villes constituées de tentes sont apparues dans plusieurs régions. Cinq millions d’emplois se sont volatilisés depuis décembre 2007 et le « plan de stimulation économique » de la nouvelle administration va à peine effleurer le problème.

L’élection d’Obama a résulté en une explosion de pensée magique au sein des masses, phénomène encouragé par les médias et l’establishment politique. Peut-être, beaucoup ont-ils pensé ou souhaité, ce président et cette administration vont-ils se préoccuper, au moins un peu, du bien-être de la population. En moins de trois mois, ces espoirs ont été en grande partie déçus.

Même si le caractère du nouveau gouvernement n’est pas encore largement saisi d’une façon consciente politiquement, il se développe le sentiment que « rien n’a changé » : le système politique, sclérosé, corrompu, méprisé, continue à être insensible aux besoins et aux intérêts de la population.

Ce qu’on n’a pas vu encore, c’est le retour des luttes populaires de masse contre les attaques des compagnies et du gouvernement et de la perspective politique qui pourrait guider de telles luttes. La violence individuelle et anti-sociale apparaît dans un contexte d’absence de soulèvement social et politique dirigé contre le système capitaliste, qui offrirait une voie pour sortir de la situation actuelle.

Mais cela viendra. Comme Trotsky l’a écrit au début des années 1930, « Même dans ces jours de crise économique sans précédent, les suicides ne constituent heureusement qu’une minime fraction des morts. Mais les peuples n’ont jamais recours au suicide. Lorsque leur fardeau devient intolérable, ils cherchent une solution au moyen de la révolution. »

(Article original anglais paru le 7 avril 2009)


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