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WSWS : Histoire et culture

Nick Beams donne une conférence à Sydney et à Melbourne

La Deuxième guerre mondiale: leçons et avertissements – Première partie

Par Nick Beams
3 décembre 2009

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Le texte qui suit est une conférence de Nick Beams, secrétaire national du Socialist Equality Party (Australie) et membre du Comité de rédaction international du World Socialist Web Site, devant des auditoires à Sydney et à Melbourne en novembre 2009. Nous affichons aujourd'hui la première partie. La deuxième partie sera affichée demain.

Nick BeamsLe 70ème anniversaire du début de la Deuxième guerre mondiale a été accueilli par un silence étrange, presque incompréhensible, au vu de la catastrophe qui fut déclenchée. Ce fut l’événement le plus sanglant du vingtième siècle. Il en résulta plus de 70 millions de morts, dont près de 27 millions en Union soviétique et jusqu’à 20 millions en Chine.


Nick Beams

La guerre donna lieu à des horreurs indescriptibles: les meurtres de masse de près de 6 millions de Juifs européens, les bombardements incendiaires de Hambourg, Dresde et Tokyo et le largage de la bombe atomique sur les villes japonaises d’Hiroshima et de Nagasaki, pour n’en nommer que quelques-unes.

Notre tâche aujourd’hui est de tirer les leçons de la guerre et d’établir leur signification pour l’époque contemporaine. Est-ce-que la Deuxième guerre mondiale est un événement historique lointain, relégué aux confins de notre mémoire et revisité de temps à autre. Ou bien a-t-elle une importance contemporaine ?

Pour tirer les leçons de la guerre, il nous faut comprendre ses causes. Et à ce sujet un certain travail préliminaire doit être accompli. Nous devons nous frayer un chemin au travers de l’épaisse jungle de mythes et de légendes qui entourent la guerre, des mythes qui sont sans cesse nourris et recréés dans le but de servir des desseins politiques contemporains.

Selon les légendes qui prévalent, la guerre avait commencé en Europe quand la Grande-Bretagne, après avoir tenté d’apaiser l’Allemagne nazie, s'était finalement rendu compte, avec l’invasion de la Pologne en septembre 1939, qu’il fallait prendre position. A partir de ce moment là, la guerre fut une lutte de la démocratie contre l’agression fasciste. La Grande-Bretagne, seule debout après la défaite de la France en mai 1940 et jusqu’à l’entrée en guerre des Etats-Unis en décembre 1941, fit face au danger du nazisme tandis que le premier ministre de guerre d’alors, Winston Churchill, rassemblait la nation de la petite île dans sa « plus belle heure. »

Le fait que la Grande-Bretagne se trouvait, au début de la guerre, à la tête du plus grand empire que le monde ait jamais vu, et qui englobait un quart de la surface du globe, est tout simplement ignoré. Le mythe est d’autant plus amplifié au regard du rôle joué par Churchill. Avec l’échec de la politique de l’apaisement l’on nous fait croire que Churchill, un ardent défenseur de la démocratie et un adversaire du nazisme et du fascisme, fut appelé au gouvernement après une traversée du désert politique pour s’occuper de la Grande-Bretagne à l'heure où elle était en danger.

Comme toutes les légendes politiques, celle-ci est maintenue parce qu’elle est utile aux objectifs politiques contemporains. Voyons combien de fois elle fut ressassée ces vingt dernières années. La guerre du Golfe fut lancée en 1990 pour empêcher que le Hitler du Moyen Orient, le président irakien Saddam Hussein, n’avale le petit Koweït… Souvenons-nous de l’apaisement de Hitler à Munich en 1938 ! Puis, fut déclenchée la guerre contre la Serbie en 1999 pour empêcher le Hitler des Balkans, le président serbe Slobodan Milosevic, de perpétrer un génocide contre les Kosovars… souvenons-nous de 1938 ! Et le Hitler du Moyen Orient revint en 2003 au moment où les Etats-Unis lançaient leur guerre contre l’Irak.

Quelle était vraiment la situation dans les années 1930? La politique de l’apaisement n’était pas le résultat d’un quelconque échec à tenir tête au dictateur Hitler, mais impliquait des calculs politiques bien définis. L’adaptation de la Grande-Bretagne au régime nazi était fondée sur l’espoir que Hitler appliquerait le programme présenté dans son livre Mein Kampf et lancerait une guerre contre l’Union soviétique, ce dont l’empire britannique profiterait. La Grande-Bretagne avait eu pour objectif dès le lendemain de la Révolution d’Octobre 1917, le renversement du régime soviétique. Il n’y avait pas de partisan plus passionné de cet objectif que Churchill qui prônait une intervention militaire des puissances impérialistes pour « étrangler le bébé bolchevique dans son berceau. »

Quand Hitler était encore un fanatique de droite inconnu et tapant du poing sur la table dans les brasseries de Munich, Churchill, en tant que ministre, dénonçait déjà la Révolution russe en des termes que le régime nazi devait employer plus tard.

Dans un article publié en 1920 sur le rôle infâme de ce qu’il qualifiait de « Juifs internationaux », Churchill avait écrit : « Les adhérents de cette sinistre confédération sont pour la plupart des hommes qui ont grandi au sein des populations malheureuses des pays où les Juifs sont persécutés en raison de leur race. La plupart, sinon tous, ont abandonné la foi de leurs ancêtres et effacé de leurs esprits tous les espoirs spirituels d’un autre monde. Ce mouvement parmi les Juifs n’est pas nouveau. De Spartacus-Weishaupt à Karl Marx, en passant par Trotsky (Russie), Bela Kùn (Hongrie), Rosa Luxembourg (Allemagne) et Emma Goldman (Etats-Unis), ce complot à l’échelle mondiale, pour le renversement de la civilisation et pour la reconstruction de la société sur la base de l’infantilisme intellectuel, de la malveillance envieuse et de l’impossible égalité, n’a cessé de croître continuellement. Il a joué… un rôle clairement reconnaissable dans la tragédie de la Révolution française. Il a été la source principale de chaque mouvement subversif du 19ème siècle ; et finalement maintenant cette bande de personnages extraordinaires venus des bas fonds des grandes villes d’Europe et d’Amérique ont attrapé le peuple russe par les cheveux pour devenir les maîtres quasi incontestés de cet énorme empire. » [1] Bien avant que les diatribes de Hitler contre le complot judéo-bolchevique ne remplissent les ondes et les pages des médias, Churchill l’avait mis en avant et, ce n'est pas un hasard, l’année même où était lancé le tristement célèbre tract antisémite des Protocoles des Sages de Sion (The Protocols of the Elders of Zion.)

L’attitude de Churchill envers le fascisme n’a nulle part été plus clairement résumée que dans un discours qu’il a prononcé le 20 janvier 1927 durant une visite en Italie où le régime fasciste de Mussolini était arrivé au pouvoir en 1922. « Je n’ai pas pu m’empêcher d’être séduit, » avait-il déclaré, « comme l’ont été tant d’autres personnes par le comportement gentil et simple de Signor Mussolini et par son calme, sa sérénité neutre en dépit des nombreux fardeaux et dangers. Ensuite, tout le monde pouvait voir qu’il ne pensait à rien d’autre qu’au bien-être du peuple italien… Si j’avais été un Italien, je suis sûr que j’aurais été de tout cœur avec vous du début à la fin de votre lutte triomphale contre l’appétit bestial et les passions du Léninisme. Je tiens toutefois à dire un mot sur un aspect international du fascisme. A l’extérieur, votre mouvement a rendu un service à la terre entière. La grande peur qui a toujours affecté chaque dirigeant démocratique, ou dirigeant de la classe ouvrière, a été la peur d’être ébranlé ou de se voir dépassé par quelqu’un de plus extrême que lui. L’Italie a montré qu’il y a un moyen de combattre les forces subversives qui peuvent rallier les masses des gens, correctement menées, pour estimer et vouloir défendre l’honneur et la stabilité de la société civilisée. Elle a procuré l’antidote nécessaire au poison russe. Dorénavant, aucune grande nation ne sera démunie de l’ultime moyen de protection contre l’excroissance cancérigène du Bolchevisme. » [2]

En Allemagne, Hitler, qui commençait alors son ascension au pouvoir, était aussi un grand admirateur de Mussolini en tant que sauveur de la civilisation contre le Bolchevisme. Voilà pour ce qui est de la légende selon laquelle la guerre fut déclenchée pour la défense de la démocratie et pour empêcher la montée du fascisme. Les nazis ne devinrent des ennemis que lorsqu’on craignit que leur soif de conquêtes ne menace la position de l’impérialisme britannique.

Si nous arrivons à l’entrée des Etats-Unis dans la guerre, après le bombardement de Pearl Harbor par l’aviation japonaise le 7 décembre 1941, une date dont le président Roosevelt dira qu’elle « restera dans l’histoire comme un jour d’infamie », nous avons affaire à une autre légende. Dans ce cas, on nous dit que les Etats-Unis n’étaient pas entrés en guerre pour poursuivre de quelconques ambitions impériales ou pour sauvegarder leurs intérêts géopolitiques. C’était, pour utiliser à nouveau les mots de Roosevelt, simplement pour répondre à une « attaque non provoquée et lâche du Japon. » Rien ne pourrait être plus loin de la vérité. La guerre contre le Japon était attendue et anticipée. Ce n’était plus qu’une question de temps, à savoir quand elle commencerait après que les Etats-Unis eurent imposé en juillet 1941 un embargo sur le pétrole contre le Japon pour lui faire respecter leur demande de retrait de la Chine. Depuis leur émergence en 1898 comme principale puissance mondiale, les Etats-Unis insistaient sur une politique de la « porte ouverte » à l’égard de la Chine. Ils étaient hostiles aux incursions japonaises, d’abord l’invasion de la Mandchourie en 1931, puis la seconde guerre lancée en juillet 1937 avec la prise de Beijing.

Des projets de guerre contre le Japon avaient été sérieusement envisagés par les Etats-Unis bien avant Pearl Harbor. En mars 1939, la marine américaine avait distribué une version révisée de leurs projets de guerre appelé Basic War Plan ORANGE. Orange était le nom de code pour le Japon. Conformément au projet, la guerre avec ORANGE serait « rapidement déclenchée et sans préavis » et serait une guerre offensive de « longue durée. » L’objectif du plan de guerre était « d’imposer la volonté des Etats-Unis à ORANGE en détruisant les forces armées et en perturbant la vie économique d’ORANGE tout en protégeant les intérêts américains à l’intérieur et à l’extérieur. » [3]

En septembre 1940, l’attaché naval américain à Tokyo avait envoyé un rapport à Washington concernant l’état des villes japonaises. « Les tuyaux sont vieux, usés et ils fuient, » écrivait-il, « les conduites d’eau sont coupées la nuit. La pression est faible. Les bouches d'incendie ne courent pas les rues… Des bombes incendiaires larguées en quantité sur une vaste surface des villes japonaises occasionneraient la destruction d’une bonne partie de ces villes. » [4] Ce conseil fut suivi avec un effet meurtrier en mars 1945 lorsque des bombes incendiaires furent déversées sur Tokyo. L’on a évalué à plus de 100.000 le nombre de personnes tuées dans l'incendie dévastateur qui s’ensuivit, c'est à dire un chiffre plus élevé que celui des victimes immédiates du bombardement atomique d’Hiroshima et de Nagasaki. Une étude officielle américaine, l’US Strategic Bombing Survey, a conclu que « vraisemblablement plus de personnes avaient perdu la vie par le feu à Tokyo en l’espace de six heures qu’à aucune autre période de l’histoire humaine. » [5]

Après s'être frayé un chemin à travers les mythes et les légendes, retournons à présent aux causes sous-jacentes de la Deuxième guerre mondiale. Elles ne peuvent être exposées que sur la base d’une analyse historique allant bien au-delà des événements et des conflits immédiats survenus durant les années 1930. Ces conflits et les circonstances dans lesquelles ils ont surgi doivent eux aussi être expliqués.

Tout examen des causes de la Deuxième guerre mondiale doit débuter par le fait qu’elle a éclaté à peine 21 ans après la fin de la Première guerre mondiale. C’est-à-dire environ le même laps de temps qui nous sépare de la chute du Mur de Berlin et de l’effondrement des régimes d’Europe de l’Est et de l’Union soviétique.

Le déclenchement de la guerre le 4 août 1914 fut un énorme choc. Peu de gens se doutaient que l’assassinat à Sarajevo six semaines auparavant, le 28 juin 1914, du grand-duc d’Autriche Ferdinand, mettrait en branle une chaîne d’événements qui allaient plonger le continent européen dans un conflit de quatre ans et provoquer la mort et la destruction à une échelle inconcevable auparavant.

Il avait pourtant existé des observateurs extrêmement perspicaces qui avaient anticipé ce que serait une guerre générale européenne. A la fin de 1887, Friedrich Engels écrivait : « Et finalement, pour l’Allemagne prussienne il n’y a plus d’autre guerre possible qu’une guerre mondiale, à savoir une guerre d’une ampleur et d’une violence inimaginables jusque-là. Huit à dix millions de soldats s’entretueront et dévasteront l’Europe comme une nuée de sauterelles. Une dévastation en l’espace de trois à quatre ans comparable aux ravages causés par la Guerre de Trente ans et étendue sur tout le continent. La famine, les épidémies, le retour universel à la barbarie tant des troupes que des masses populaires du fait de la misère profonde ; une désagrégation irréparable de nos mécanismes artificiels du commerce, de l’industrie et du crédit aboutissant en une banqueroute généralisée : l’effondrement des vieux Etats et de leur sagesse politique conventionnelle au point où les couronnes rouleront par dizaines sur la chaussée et qu’il ne se trouvera personne pour les ramasser… l’impossibilité absolue de prévoir comment tout cela finira et qui sortira victorieux de la bataille. Une seule conséquence est absolument sûre : l’épuisement universel et la création des conditions à la victoire finale de la classe ouvrière. Telle est la perspective pour l’heure où le développement systématique de la course aux armements atteindra son apogée et portera finalement ses fruits inévitables. »

Engels signalait les conséquences d’une guerre entre des Etats-nations bourgeois dont les économies et donc les capacités militaires s’étaient rapidement accrues au cours des dernières décennies du dix-neuvième siècle.

La finance et l’industrie capitalistes s’étaient développées dans des proportions gigantesques. C’était le début de l’époque impérialiste où les grandes puissances capitalistes étaient engagées dans une lutte de plus en plus intense à l’échelle mondiale pour la conquête de marchés, de colonies, de sphères d’influence et de matières premières. De plus en plus, cette évolution économique entrait en conflit avec les rapports géopolitiques prévalants.

Après la défaite de Napoléon en 1815, il n’y avait plus eu de conflit général entre les puissances européennes. Une sorte de Pax Britannica (« paix britannique ») existait. Mais, à la fin du dix-neuvième siècle, la Grande-Bretagne avait perdu sa position de domination mondiale. Antérieurement, c'est avec la France que la Grande-Bretagne avait été en conflit sur le continent européen. A présent, elle était défiée par une nouvelle puissance plus dynamique, l’Allemagne. A l’Est, le Japon était en essor et à l’Ouest, une puissance économique encore plus puissante était en train d’émerger sous la forme des Etats-Unis où le développement industriel s’était fait à pas de géants durant les décennies qui avaient suivi la fin de la guerre de sécession en 1865.

Le mouvement marxiste avait analysé les implications de cette nouvelle situation et la Seconde Internationale, fondée en 1889, avait adopté une série de résolutions durant la première décennie du vingtième siècle, en signalant la menace émergente de la guerre. Ces résolutions insistaient sur le fait que le mouvement socialiste devait s’opposer à la poussée vers la guerre et au cas où elle ne pouvait pas être empêchée, d’utiliser la crise créée par le déclenchement de la guerre pour renverser le système capitaliste. Cependant, lorsque le 4 août 1914 la guerre éclatait, littéralement l’ensemble de la direction des vieux partis socialistes capitula en soutenant sa propre bourgeoisie. Seule une poignée de dirigeants socialistes, parmi eux notamment, Lénine, Trotsky et Rosa Luxembourg, maintinrent leur opposition à la guerre.

Suite à cette trahison du socialisme international, les marxistes révolutionnaires furent confrontés à deux tâches politiques reliées entre elles : expliquer ce qui avait provoqué la guerre ; les causes et les implications de l’effondrement de la Seconde Internationale et, sur la base de cette analyse, avancer une perspective révolutionnaire pour la classe ouvrière.

En 1915, Trostky avait expliqué les causes essentielles de la guerre dans son brillant pamphlet La guerre et l’Internationale. Rejetant les explications fournies par les politiciens impérialistes en exposant leur fourberie sous-jacente, il prouva que l’éruption de la guerre avait ses racines dans les contradictions organiques et insolubles du mode de production capitaliste.

« La guerre actuelle est dans son fondement une révolte des forces productives contre la forme politique de la nation et de l’Etat. Elle signifie l’effondrement de l’Etat national comme unité économique indépendante… La guerre proclame l’effondrement de l’Etat national. Et elle proclame en même temps l’effondrement du système capitaliste de l’économie. Au moyen de l’Etat-nation, le capitalisme a révolutionné tout le système économique mondial. Il a divisé le monde entier au bénéfice des oligarchies des grandes puissances autour desquelles gravitent les satellites, les petits Etats qui vivent de la rivalité des grands pays. Le développement futur de l’économie mondiale sur une base capitaliste signifie une lutte incessante pour des terrains d’exploitation nouveaux et sans cesse renouvelés qui doivent être obtenus d’une seule et même source, la terre. La rivalité économique sous la bannière du militarisme s’accompagne de pillage et de destruction qui violent les principes élémentaires de l’économie humaine. La production mondiale se révolte non seulement contre la confusion produite par les divisions nationales et étatiques, mais aussi contre l’organisation économique capitaliste, qui est devenue une désorganisation barbare et chaotique. »

De cette analyse découle les conclusions politiques bien définies et qui forment le fondement du programme pour lequel la classe ouvrière internationale devait lutter à présent : « La seule façon pour le prolétariat de répondre à la confusion impérialiste du capitalisme est d’opposer à celui-ci, comme le programme pratique du jour, l’organisation socialiste de l’économie mondiale. La guerre est la méthode par laquelle le capitalisme, au point culminant de son développement, cherche à résoudre ses contradictions insolubles. A cette méthode, le prolétariat doit opposer sa propre méthode, la méthode de la révolution socialiste. »

L’effondrement de la Seconde Internationale avait clairement montré la signification essentielle de la longue lutte menée par Lénine contre l’opportunisme durant la construction du parti bolchevique en Russie. L’opportunisme, fondé sur une adaptation à la bourgeoisie et à l’Etat-nation, n’était pas au sein du mouvement socialiste une tendance avec laquelle il était possible de coexister de quelque façon pacifique. La préparation politique de la classe ouvrière avait lieu au moyen d’une lutte incessante contre ces tendances qui représentaient les besoins et les intérêts les plus profonds de la classe capitaliste même.

La perspective de Lénine était de transformer la guerre impérialiste en une guerre civile. Ceci ne signifiait pas que la classe ouvrière pouvait déclencher immédiatement une insurrection et une lutte pour le pouvoir, indépendamment des conditions objectives, mais qu’elle devait procéder en suivant cette voie. La guerre avait montré que la révolution socialiste n’était pas, comme la tendance dominante au sein de la Seconde Internationale l’avait conçu, une sorte d’événement lointain, mais elle devait être préparée activement dans la lutte quotidienne du parti. Lénine s’opposait avant tout aux théories de Karl Kautsky, l’influent théoricien du Parti social-démocrate allemand, qui affirmait que la guerre n’était pas une issue inévitable du capitalisme et qu’il était donc possible que les grandes puissances capitalistes parviennent d’une façon ou d’une autre à un accord pour diviser pacifiquement le monde et établir la paix.

Dans une analyse d'une actualité remarquable, Lénine avait réfuté ces affirmations en insistant pour dire qu’aucune alliance ne pourrait être permanente entre les puissances capitalistes parce que celles-ci se développaient inégalement. Cinquante ans plus tôt, l’Allemagne avait été un « pays misérable et insignifiant » en comparant sa force capitaliste à celle de la Grande-Bretagne. A présent, l’Allemagne défiait le vieil empire. N’importe quelle « paix » établie à l’avenir serait également inévitablement rompue. Aucune alliance impérialiste ou coalition ne pourrait être permanente car n’étant inévitablement rien d’autre qu’une trêve entre des guerres. La paix émanait des guerres et les périodes de paix préparaient le terrain à de nouvelles guerres. Seule la révolution socialiste et le renversement du système capitaliste même pourrait mettre un terme à la guerre et au danger qu’elle représentait pour la civilisation humaine.

Le Traité de Versailles et ses conséquences

Examinons, conformément à l’approche de Lénine, comment la « paix » établie après la Première Guerre mondiale avait inévitablement conduit à l’éruption de la Deuxième guerre mondiale.

La guerre avait connu une fin abrupte en novembre 1918 après la défaite de l’offensive allemande de l’été. Le haut commandement allemand avait pris la décision de demander la paix par le biais du président américain Woodrow Wilson qui avait engagé les Etats-Unis dans la guerre en avril 1917. En 1918, un nouvel élément crucial avait marqué la situation politique, la Révolution russe d’Octobre 1917 et le flux révolutionnaire partout en Europe. Etait prioritaire dans les calculs politiques de tous les dirigeants bourgeois européens, la crainte que s’ils ne mettaient pas fin à la guerre, c'est une révolution socialiste qui y mettrait fin.

La conférence de paix de 1919 à Versailles, et le Traité qui en résulta, ne résolut aucun des conflits qui avaient déclenché la guerre. En fait, il les exacerba. Les antagonismes nationaux et les conflits continuaient à exister et au lieu d’une organisation rationnelle de l’économie européenne, les conflits économiques entre les grandes puissances s’intensifièrent. Le pillage au moyen de la guerre fut remplacé par un nouveau système de vol. La France exigea que l’Allemagne versât des réparations dans un effort d’empêcher sa résurgence économique. L’Italie et la France devaient de l’argent à la Grande-Bretagne. Mais la Grande-Bretagne à son tour, devait de l’argent aux Etats-Unis qui insistaient pour être remboursés. L’argent était soutiré à l’Allemagne sous forme de réparations qui étaient ensuite utilisées pour payer la France et la Grande-Bretagne qui, à leur tour, les utilisaient pour régler leurs dettes envers les Etats-Unis. Les Etats-Unis à leur tour émirent en 1924 des milliards de dollars de prêts pour sauvegarder la stabilité économique allemande de façon à ce que l’Allemagne continue de payer les réparations pour maintenir le fonctionnement des circuits financiers. Selon les termes de l’économiste britannique John Maynard Keynes, le monde avait été transformé en une maison de fous économique.

J’aimerais faire remarquer au passage qu’à la suite de la crise de 2007-2008, le système financier mondial a été maintenu par des méthodes qui ne sont pas moins insensées. Aux Etats-Unis, la Fed, la banque centrale, prête de l’argent aux banques à un taux d'intérêt de presque zéro. Les banques utilisent cet argent pour négocier sur les marchés des obligations et des créances, souvent dans le but d’organiser le financement de dettes gouvernementales qui se sont constituées lors du renflouement des banques et des institutions financières. En conséquence, les banques sont en mesure d’afficher des profits accrus et de verser des bonus prodigieux.

A suivre

 


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