Lundi, à l’annonce de la suppression immédiate
de 850 emplois, des centaines de travailleurs de l’usine de Cowley près d’Oxford
en Angleterre ont confronté les responsables syndicaux. La confrontation a été
filmée par l’un des travailleurs présents et a compté des milliers de visites
sur You Tube.
La production de l’usine, qui fabrique la
Mini, sera réduite et passera de trois équipes travaillant sur sept jours à
deux équipes travaillant sur cinq jours. L’ensemble du travail a cessé jusqu’au
début de la semaine prochaine. Le groupe automobile allemand BMW a aussi réduit
le travail à l’usine sœur de Swindon et transféré 150 travailleurs à l’usine
d’Oxford.
La production à Cowley avait été stoppée
durant quatre semaines à Noël en raison d’une baisse des commandes de voitures
neuves en Grande-Bretagne et à l’étranger. En décembre déjà, il avait été dit à
trois cents travailleurs, recrutés par des agences de travail temporaire, de ne
pas retourner à l’usine après la fermeture. Les ventes mondiales de BMW ont
chuté de plus de 4 pour cent en 2008 tandis que les ventes de la Mini, tout en
augmentant au cours de l’année dernière, ont piqué du nez de 35 pour cent en
janvier.
Les 850 travailleurs licenciés à Cowley,
presque tous recrutés par des agences, ont été mis à pied lundi matin avec
effet immédiatement. La plupart d’entre eux avaient été recrutés par deux
agences, Manpower et Right4staff. Tous, à l’exception de 90 travailleurs
contractuels de l’usine qui emploie 4300 salariés, ont perdu leur emploi.
Une heure avant la fin de l’équipe de nuit,
les travailleurs ont été informés par leurs représentants syndicaux de cesser
le travail et d’aller dans un autre bâtiment où l’annonce a été faite.
L’entreprise a dit alors aux travailleurs de rendre leurs blouses et leurs
cartes d’identité de l’usine sous peine d’être pénalisés par des déductions sur
leurs derniers salaires.
En réaction au licenciement, les travailleurs
ont férocement critiqué les responsables du syndicat UNITE en jetant sur eux de
la nourriture.
Plusieurs travailleurs ont photographié avec
leur téléphone portable l’atmosphère de la réunion en montrant l’ampleur de
l’hostilité manifestée à l’égard du rôle joué par le syndicat dans les projets
de l’entreprise. Un travailleur s’est levé pour dénoncer le syndicat en
exigeant qu’il rende les contributions syndicales versées par les
travailleurs :
« Nous payons le syndicat. C’est une
organisation corrompue. Ils nous ont donné une heure de préavis
pour annoncer que nous allons perdre notre emploi dans une crise de crédit. Si
vous n’êtes pas capables de nous représenter, nous réclamons l’argent que nous
vous avons donné toutes ces années et remboursez nous notre argent [les
applaudissements fusent]. Nous allons parler dehors aux médias et nous allons
dire à chaque journal, à chaque journal, comment vous nous avez représentés [les
applaudissements fusent].
« Nous vous avons demandé hier quelle
était notre situation, et vous avez dit ne pas le savoir. »
De nombreux travailleurs contractuels se sont
décrits comme étant des travailleurs de « deuxième classe » sans
droit à des allocations chômage. Un travailleur contractuel licencié, Roger Freitis,
a dit à la presse locale, « Nous avons été là tout le week-end en
demandant ce qui allait se passer et ils n’ont rien dit. Et puis, une heure
avant la fin, ils nous ont rassemblés pour nous dire que nous allons partir.
Pas de chômage, rien, juste une heure de préavis. C’est écoeurant. »
Adam Mason, un travailleur contractuel de 30
ans, a demandé, « Où était le syndicat pendant tout ce temps ?
Pourquoi me suis-je donné la peine de payer mes cotisations, ils n’ont rien
fait pour nous. »
Un autre travailleur licencié, Bart Hryniow à
dit aux médias : « Le syndicat leur a parlé pendant trois semaines et
nous on nous le dit une heure avant de partir. Les gens étaient furieux, ils
jetaient des œufs et des pommes au syndicat. Tout le monde était très en colère. »
Tony Woodley, le codirigeant d’UNITE, a dit à
la presse que la manière dont BMW avait traité les travailleurs était
« honteux » en a réclamé une « réunion urgente » avec le
patron de l’entreprise.
« La manière dont ces réductions
d’effectifs ont été annoncées aujourd’hui est honteuse. Licencier une équipe
entière comme ça, en visant des travailleurs contractuels qui n’ont pas droit
aux allocations chômage est d’un opportunisme flagrant de la part de BMW et
rien moins qu’un scandale », a ajouté Woodley.
Mais les responsables syndicaux savaient de
longue date que BMW projetait de réduire l’effectif. Il y a des semaines, le
syndicat UNITE avait entamé des négociations avec la direction au sujet d’une
réduction de la production et du niveau de l’emploi. Des spéculations au sujet
d’une réduction avaient circulé parmi les travailleurs durant le week-end mais
le syndicat avait gardé le silence jusqu’à l’annonce de dernière minute des
licenciements. S’exprimant sur la vidéo, un représentant syndical a dit à l’auditoire
en colère que le syndicat « ne s’excusera pas » pour avoir accepté
les réductions des équipes en ajoutant laconiquement c’est injuste pour
« vous, les gars ».
En réalité, le syndicat a été impliqué dans un
complot avec la direction pour dissimuler la vérité sur la situation des
travailleurs et pour empêcher une réaction commune des salariés permanents et
des salariés contractuels dont la plupart ont travaillé côte-à-côte pendant des
années. Avec la fermeture de l’usine et les licenciements annoncés au dernier
moment, ils ont efficacement garanti qu’il n’y aura aucune possibilité pour que
les travailleurs se réunissent et discutent des événements.
Quant à l’indignation feinte de Woodley sur le
fait que les travailleurs contractuels avaient été visés, UNITE avait supervisé
l’accroissement du personnel intérimaire dans l’industrie automobile, trop
content d’assister les efforts de la direction de réduire les coûts et
d’encourager la production tant que le syndicat continuerait d’engranger les
cotisations des travailleurs intérimaires.
L’industrie automobile en Grande-Bretagne tout
comme de par le monde est en crise. Jaguar et Land Rover qui appartiennent au
groupe multinational Tata sis en Inde ont perdu 2000 travailleurs tandis que
Nissan a supprimé, dans le cadre de la suppression de 20 000 emplois de
par le monde, une équipe de 1200 travailleurs à son usine de Sunderland.
Les travailleurs contractuels sont
habituellement les premiers à être licenciés. Toyota avait annoncé en novembre
qu’il réduirait de moitié leur personnel intérimaire en licenciant 3000
travailleurs d’ici mars.
La politique pro-patronale d’UNITE, comme
celle de tous les autres syndicats, a produit depuis des décennies un déclin
des emplois, du niveau de vie et des conditions de travail, un processus qui a
été accéléré par la crise économique. Les industries automobiles qui n’ont pas
encore licencié des travailleurs ont réduit la production en réduisant les
heures de travail ou en renvoyant les travailleurs chez eux en chômage partiel.
Chez Honda, à l’usine de Swindon, 4800 personnes ont été envoyées chez elles
pendant 50 jours payés à 80 pour cent du salaire de base. En compensation, à
leur retour à l’usine, s’ils retrouvent jamais leur emploi, les travailleurs
seront forcés de faire des heures supplémentaires non payées pour compenser.
Ce n’est pas un hasard si le syndicat UNITE
s’est présenté devant les travailleurs de BMW en tant que représentants de la
direction pour appliquer ses dictats. Le refus des syndicats de défendre même
les aspects les plus fondamentaux des intérêts de leurs adhérents est enraciné
dans l’opposition organique de ces organisations à développer et à étendre la
lutte de classe. Engagée à la défense du capitalisme et des intérêts de
l’Etat-nation britannique, la bureaucratie syndicale est un groupe social
privilégié dont la richesse et le statut dépendent de son rôle de surveillant
de la classe ouvrière au travail.
A cet égard, cela vaut la peine de remarquer
le contraste entre l’action menée par le syndicat UNITE à la raffinerie
pétrolière Lindsey dans le Lincolnshire au début de ce mois à celle chez BMW.
Dans le cas de la raffinerie pétrolière
Lindsey, UNITE fut exceptionnellement actif dans le soi-disant conflit
« les Britanniques d’abord » en venant aux piquets de grève, en
produisant des pancartes et des affiches et en n’étant que trop disposé à
dénoncer ce qu’il décrivait comme des pratiques de concurrence
« injustes » auxquelles recourait un sous-traitant italien dans
l’usine. C’est parce que sa politique réactionnaire consistant à insister sur
l’emploi de « main-d’œuvre locale » ne contredit en rien son rôle
dans l’application des intérêts et des exigences du patronat. Au contraire,
cela offrait au syndicat l’occasion de faire cause commune avec les employeurs
« britanniques » et de battre le tambour pour le protectionnisme
économique comme moyen de défense des intérêts du capital britannique en
général.
Là, où il ne lui est pas possible de recourir
à la mesure bien pratique de faire des travailleurs étrangers le bouc-émissaire
pour les réductions d’emploi, comme c’est le cas chez BMW et dans de nombreuses
autres industries manufacturières qui imposent actuellement des licenciements,
il se tait.
Des organisations telles le Socialist Party et
le Communist Party ont soutenu les syndicats dans le conflit « les
Britanniques d’abord » en affirmant que c’était une indication que les
syndicats étaient prêts à mener une lutte pour le compte des travailleurs, peu
importe le caractère diviseur de la revendication.
Mais la colère et l’hostilité des travailleurs
de Cowley envers des responsables syndicaux de l’usine donne une véritable idée
de l’alignement des forces en présence dans les conflits de classe à venir,
avec les travailleurs d’un côté et le gouvernement, les partis capitalistes,
les grandes entreprises et leurs laquais syndicaux de l’autre.
Les travailleurs automobiles, tout comme les
autres sections de la classe ouvrière, doivent s’efforcer activement de forger
l’unité des travailleurs intérimaires et permanents et en solidarité avec leurs
homologues de l’industrie automobile en Europe et internationalement au sein
d’organisations de base en opposition à la direction d’UNITE et d’autres
syndicats. Ce n’est que sur la base d’une politique socialiste que pourra être
réalisée la réorganisation de l’industrie dans le but de satisfaire les besoins
de la population laborieuse et non des intérêts de profit du patronat et des
banques.