Le
bilan des victimes palestiniennes continue de s´alourdir rapidement alors qu’Israël
intensifie son attaque aérienne et terrestre sur la bande de Gaza, un territoire
en grande partie sans défense.
Alors
qu´Israël poursuit sa campagne de meurtre et de sanction collective contre la population
civile, les Etats-Unis continuent eux, de bloquer toutes les initiatives
diplomatiques qui auraient pour objet d´aboutir à un cessez-le-feu. Depuis que troupes,
chars et artillerie israéliens ont traversé la frontière et sont entrés à Gaza
samedi dernier, au moins 64 Palestiniens ont été tués, ce qui porte à plus de
530 le nombre total de tués dans cette guerre qui dure maintenant depuis 11
jours. Cette guerre a aussi fait des milliers de blessés.
Selon
les informations de la presse et les déclarations de l´armée israélienne, les
forces israéliennes ont pris le contrôle de plusieurs villes situées au nord de
Gaza, ont coupé cette enclave étroite en deux et ont encerclé la ville de Gaza.
Certaines informations indiquent aussi que les forces armées israéliennes se
dirigent vers la frontière de Gaza avec l´Egypte pour essayer de couper ce qui
reste de rapports (déjà restreints par le régime égyptien) entre une population
d´un million et demi et soumise à un siège et le monde exterieur.
L´armée
israélienne, qui contrôle entièrement l´espace aérien et qui dispose d´un
armement sophistiqué, rencontre apparemment une forte résistance de la part des
combattants du Hamas, équipés seulement de mortiers rudimentaires et d´armes
légères. Israël a confirmé la mort d´un de ses soldats et une trentaine de
blessés parmi ses troupes. Malgré l´invasion israélienne et le bombardement permanent
des habitations, des bâtiments publics, des mosquées, des casernes de pompiers,
des universités et des ambulances, quelque 40 mortiers furent envoyés depuis
Gaza sur le sud d´Israël dans la journée de dimanche.
L´offensive
terrestre a coupé l´approvisionnement en énergie et exacerbé une crise
humanitaire qui avait déjà des proportions catastrophiques.
Les
responsables sanitaires de Gaza ont dit que, parmi les morts causés par l´offensive
terrestre se trouvaient une fille de douze ans, cinq membres de la même
famille, huit civils tués par un obus de char dans la ville de Beit Lahiya et
le conducteur d´une ambulance.
Au
moins cinq civils furent tués et de nombreux autres blessés dimanche matin par
des obus israéliens lancés sur le marché de Gaza au moment où les gens
essayaient d´y faire des provisions.
Deux
jeunes cousins et un jeune garçon de cinq ans d´une autre famille furent tués
par des éclats d´obus alors qu´ils jouaient sur les toits en terrasse de leurs
appartements.
Les
troupes israéliennes tuèrent aussi un manifestant palestinien dans la ville de
Qalqilya en Cisjordanie, près du mur érigé par Israël afin d´encercler les habitants
de la Cisjordanie occupée.
Israël
a rappelé des dizaines de milliers de réservistes et a indiqué vouloir rester
dans les territoires qu´il occupe un certain temps. On ne sait pas encore si
Israël entend pénétrer dans les principaux centres urbains tels que la ville de
Gaza ou les camps de refugiés surpeuplés.
Le
ministre israélien de la Défense, Ehoud Barak a dit dimanche que les combats
« ne seront pas faciles et n´iront pas vite ». Un haut responsable de
l´armée israélienne dit le même jour que l´offensive ne pouvait « se
mesurer en jours et en heures ». « Nous n´avons pas à trouver une
issue immédiatement », dit il.
Le
New York Times rapportait lundi qu´un haut responsable militaire israélien
avait dit lors d´un briefing par téléphone de la presse étrangère « Nous
ne prévoyons pas de reprendre la bande de Gaza, mais il y a plusieurs endroits
que nous contrôlons à présent et que nous continuerons de contrôler. Si
nécessaire, nous sommes prêts à y rester. »
Un
porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères dit : « Un
changement de régime n´est pas un objectif déclaré », mais « personne
ne s´en affligera trop si cela finit par se passer ».
Les
nouvelles de Gaza sont rares puisque Israël a refusé d´autoriser la présence de
journalistes sur ce territoire. Le gouvernement fait en cela fi d´une injonction
de la Cour suprême israélienne d´autoriser un nombre réduit de journalistes
dans la région. Les médias occidentaux qui, d´une façon générale se font l´écho
de la propagande de guerre israélienne, ont dit très peu de choses sur ce black
out de l´information qui contredit les affirmations d´Israël selon lesquelles
il évite scrupuleusement les victimes civiles et selon lesquelles il n´y aurait
pas de crise humanitaire dans la bande de Gaza. Il est évident qu´Israël
interdit la présence de journalistes parce qu’il ne veut pas que le monde voie
de trop près les crimes qu´il commet contre le peuple palestinien.
Cependant,
rien ne peut, malgré les mensonges et la propagande, cacher le fait qu´Israël
est en train de commettre un crime de guerre, et ce avec le soutien des Etats-Unis.
Le week-end dernier, la Commission européenne a condamné Israël disant qu´il
« empêchait l´accès à des gens qui souffraient et mouraient », ce que
la commission décrivit comme une violation du droit humanitaire.
Les
informations disparates en provenance de Gaza montrent que dans les villes occupées
par les forces israéliennes, telles que Beit Lahiya et Beit Hanoun dans le nord
de la bande de Gaza, celles-ci vont de maison en maison, arrêtent les hommes et
leur font subir des « interrogatoires ». De nombreuses maisons ont
été rasées dans ce qui est une campagne de sanction collective et de terreur de
masse.
Selon
certaines informations en provenance de la région proche de la frontière avec
Israël, des secteurs entiers ont été transformés en zones où l´on tire sans
restriction. USA Today citait lundi Ashraf al-Masri, un chauffeur de taxi de
Gaza de 35 ans qui dit que l´armée israélienne « tire sur tout ce qui
bouge ».
« Il
n´y a pas d´électricité. Il n´y a pas d´eau. Il y a la peur » dit al Masri qui
vit à Beit Hanoun, « Qu´avons nous fait pour mériter cela ? »
Le
New York Times de lundi citait une femme qui venait à l´hôpital de Shifa,
dans la ville de Gaza, avec sa fille agée de 15 ans et blessée par un éclat
d´obus et « qui disait que les soldats avaient occupé sa maison à Beit
Lahiya et avaient fait les hommes, des agriculteurs, prisonniers. La famille
dit que la fille fut blessée lorsque l´armée israélienne ouvrit le feu sur les
étages supérieurs de la maison. »
Le
Times poursuivait, écrivant « Un autre habitant de Gaza qui vit près de la
frontière avec Israël dit que les Israéliens avaient détruit les maisons des
environs qui avaient été identifiées comme appartenant à des membres du Hamas. »
Il
est clair d´après les informations de la presse qu´une énorme crise humanitaire
se développe à Gaza. Le Financial Times de lundi citait Chris Gunness,
le porte-parole de l´agence onusienne Relief and Works, disant « les malades
avec des blessures qui n´étaient pas mortelles, même ceux qui avaient perdu des
membres pendant les bombardements, ont été renvoyés chez eux à cause du manque
de lits et de personnel médical ».
« Il
ajouta que l´offensive terrestre avait entraîné la destruction de plus
d´habitations et avait poussé des centaines d´habitants de Gaza à chercher
refuge auprès de son agence. »
La
ville de Gaza et ses 400 000 habitants ont été laissés sans électricité et
sans eau.
Tareq
Abed Shafi qui est professeur de droit international à Gaza et qui est aussi un
militant des droits de l´Homme, dit au Financial Times : « J´ai 48
ans et je n´ai jamais vu une situation aussi terrifiante à Gaza. Ils tiraient sur
tout. »
Le
New York Times qui n´est pas précisement connu pour sa sympathie vis-à-vis des
Palestiniens a publié un reportage en première page lundi qui donne une idée de
ce que subissent les habitants de Gaza. Sous le titre de « L´hôpital se
remplit, principalement avec des civils », l´article décrit les conditions
régnant dans l´hôpital Shifa de Gaza : « Les victimes à Shifa
dimanche — 18 morts disent les responsables de l´hôpital, sur les 30 annoncés à
Gaza et ses alentours — étaient des femmes, des enfants et des hommes qui se
trouvaient avec des enfants. Un chirurgien dit qu´il avait procédé à cinq
amputations.
« "Je
ne sais pas quel genre d´armes Israël utilise", dit une infirmière de 41 ans,
Ziad Abd al Jawwad, qui venait de travailler 24 heures sans interruption,
"mais il y a tant d´amputations". »
Et
l’article de poursuivre : « Le docteur Mads Gilbert, un Norvégien qu´on
a autorisé à entrer à Gaza la semaine dernière pour donner des soins médicaux
d´urgence et qui a travaillé dans de nombreuses zones de conflit, dit que la
situation était la pire qu´il ait jamais connue. »
« L´hôpital
manquait de tout, dit-il : de matériel d´anesthésie et de matériel chirurgical,
de radiateurs et de matériel de rechange… »
L´article
parlait du fait que le personnel hospitalier était constamment forcé d´éponger
du sang et notait qu´il y avait « une odeur terrible dans l´air ».
Il
citait aussi Oved Yehezkel, le secrétaire de cabinet israélien qui avait dit dimanche
qu’« il n´y [avait] pas de crise humanitaire à Gaza ».
Des
efforts diplomatiques divers ont été entrepris par l´Union européenne, le
président français Nicolas Sarkozy, des ministres des Affaires étrangères des
pays arabes et par l´envoyé spécial russe au Moyen-Orient afin d´obtenir un
cessez-le-feu. L´Union européenne, Sarkozy et l´envoyé russe sont au Moyen-Orient
et y rencontrent les Israéliens, les Egyptiens, le président de l´Autorité
palestinnienne, Mahmoud Abbas et pour Sarkozy, les Syriens. Les ministres des
Affaires étrangères des pays arabes sont à New York et cherchent à obtenir que
le Conseil de sécurité des Nations Unies agisse.
Ils
se heurtent cependant à l´opposition résolue d´Israël et de son principal
soutien et fournisseur de matériel militaire, les Etats-Unis. En tout état de
cause, tous ces groupes sont fondamentalement hostiles au Hamas et cherchent à
mettre sur pied un accord qui puisse être accepté par Israël, qui affaiblirait
le contrôle du Hamas sur Gaza et l´empêcherait d´obtenir des armes.
Certains
comme Sarkozy, l´Union européenne et les régimes arabes comme l´Egypte et
l´Arabie Saoudite ont répété la propagande des Etats-Unis et d´Israël, ont fait
porter la responsabilité de l´offensive israélienne au Hamas et rendu légitime
l´assaut d´Israël, en faisant une question d´auto-défense face aux roquettes du
Hamas. Ils veulent d´une façon ou d´une autre remplacer le Hamas par une
administration controlée par Abbas, la marionnette des Etats-Unis et d´Israël.
L´affirmation
trompeuse selon laquelle l´offensive israélienne serait une réponse à l´intensification
des tirs de roquettes, qui sont un produit maison et très inefficaces, vers le
sud d´Israël fut démentie par un article du Jerusalem Post, un journal
farouchement pro-guerre et qui écrivait lundi : « Alors qu´une
semaine sépare le début des bombardements aériens de l´offensive terrestre, ils
font tous deux partie de la même opération dont le plan fut élaboré il y a
trois ans et qu´on a pratiqué plusieurs fois. »
En
d´autres mots, le plan israélien d´une invasion de Gaza fut élaboré au moment
où le Hamas a battu le Fatah d´Abbas, soutenu par les Etats-Unis et par Israël
et a gagné les élections, en juin 2006. Depuis ce moment, Israël a organisé attaques
et provocations dans le but de fournir un prétexte à la réalisation de son plan
d´agression.
Le
nouveau président américain, Barack Obama maintient, lui, son silence officiel
sur la crise de Gaza, apportant ainsi un soutien tacite aux actes israéliens. D´autres
dirigeants démocrates sont moins discrets. Le leader de la majorité démocrate
du Sénat, Harry Reid dit lors d´un débat télévisé, « je pense qu´on doit
se débarrasser de cette organisation terroriste qu´est le Hamas ».
Une
partie des médias américains appelle presque ouvertement à un règlement de
compte ayant les proportions d´un génocide avec le Hamas et les Palestiniens.
Le Wall Street Journal de lundi publia un commentaire disant que « Le
Hamas doit être détruit en tant que force militaire. » Il vanta
l´offensive israélienne, la comparant à la « poussée » américaine en
Irak.
Le
même exemplaire de ce journal comportait un article écrit par le
néo-conservateur connu Max Boot et qui disait plus de choses qu´il ne voulait
lorsqu´il écrivit ceci sur l´offensive militaire israélienne : « Le
seul exemple d´une retenue similaire est la conduite des forces armées américaines
en Irak et en Afghanistan. »
Par
son attaque meurtrière de Gaza, Israël est effectivement en train d´appliquer les
méthodes de l´impérialisme américain. Washington a tué plus d´un million
d´Irakiens au cours de sa guerre néo-coloniale d´agression et de l´occupation
de ce pays torturé, détruisant des villes entières comme Falludjah. En
Afghanistan, il a tué des milliers de personnes et se prépare à y verser plus
de sang encore à l´aide d´une « poussée » militaire. C´est là le
modèle d´Israël à Gaza.