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WSWS : Nouvelles et analyses : Moyen-Orient

La crise de Gaza : la diplomatie européenne tend un piège aux Palestiniens

Par Peter Schwarz
10 janvier 2009

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Cet article est disponible sous format pdf. Nous invitons tous nos supporteurs à le distribuer largement.

Contrairement aux Etats-Unis qui ont apporté leur soutien inconditionnel à Israël en s’opposant à toute proposition de cessez-le-feu suite à l’attaque d’Israël contre la Bande de Gaza, l’Europe a pris une série d’initiatives diplomatiques. Présentement, un nombre de délégations diplomatiques de haut rang s’activent au Proche-Orient.

Benita Ferrero-Waldner, la commissaire européenne des relations extérieures, le chef de la diplomatie européenne, Javier Solana et les ministres des Affaires étrangères de France, de Suède et de la République tchèque se sont rendus dans la région au nom de l’Union européenne (UE). La République tchèque assure actuellement la présidence de l’UE. L’ancien premier ministre britannique, Tony Blair, se trouve dans la région au nom du soi-disant Quartet pour le Moyen-Orient (Nations unies, Etats-Unis, UE et Russie). Dans l’exercice de ses fonctions de co-président de l’Union méditerranéenne récemment constituée, le président français, Nicolas Sarkozy, s’était rendu dans la région lundi et mardi. Le deuxième président de l’Union méditerranéenne est Hosni Moubarak, le président égyptien.

Tous les représentants européens ont appelé à un cessez-le-feu immédiat. Ils ont discuté de leurs propositions avec Moubarak, Mahmoud Abbas, le président palestinien, Ehoud Olmert, le premier ministre israélien, et, en ce qui concerne Sarkozy, avec Bashar al-Assad, le président syrien. Dans le même temps, les délégations européennes ont exclu tout pourparler avec le Hamas, la cible directe de l’agression israélienne.

De nombreux adversaires de l’attaque israélienne sur Gaza ont salué les initiatives diplomatiques de l’Europe. Le porte-parole pour la politique étrangère du groupe parlementaire du parti allemand « Die Linke » (La Gauche), Wolfgang Gehrke par exemple, a loué l’intervention du président français.

Le militant israélien pour la paix, Michel Warchawski, a simplement critiqué l’insuffisance et la lenteur de ces initiatives. Sur le site du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) il a lancé un « appel urgent à l’ensemble des militants de la société civile… qu’ils fassent pression sur les gouvernements afin que ceux-ci interviennent pour mettre fin à l’effusion de sang, et d’intervenir maintenant, pas dans quelques jours ! » Il a poursuivi en réclamant l’envoi d’« une force internationale d’interposition et de protection de la population de Gaza. »

De telles déclarations ne reconnaissent pas la véritable nature des interventions européennes.

Le premier point à relever est le fait qu’aucun gouvernement européen n’a condamné l’agression israélienne en l’appelant par son vrai nom : un crime de guerre. Au lieu de cela, ils ont justifié les actes perpétrés par Israël, son blocus de 18 mois sur la population de Gaza, ses assassinats ciblés des dirigeants du Hamas et son bombardement du territoire densément peuplé et pratiquement sans défense, comme étant des actes de légitime défense.

Avant d’entamer son voyage, le président Sarkozy a ouvertement rendu le Hamas, et non l’armée israélienne, responsable de la souffrance des Palestiniens en invoquant les tirs de roquettes du Hamas vers le sud d’Israël. Le chef du gouvernement tchèque et l’actuel président de l’Union européenne, Mirek Topolanek, a déclaré que l’armée israélienne avait un caractère « défensif ». Et, lors d’une conversation téléphonique avec le premier ministre israélien, la chancelière allemande, Angela Merkel, a déclaré que la responsabilité des combats incombait « clairement et exclusivement » au Hamas.

En réclamant un cessez-le-feu, les gouvernements européens poursuivent, avant tout, leurs propres intérêts géopolitiques.

Ils craignent que les méthodes impitoyables employées par Israël n’ébranlent les régimes arabes avec lesquels ils entretiennent des liens économiques et politiques. La colère qui est très répandue contre les actions d’Israël vise de plus en plus souvent les élites dirigeantes arabes qui collaborent étroitement avec Israël et les Etats-Unis.

Les milieux dirigeants en Europe redoutent une déstabilisation d’Israël résultant de sa guerre brutale contre Gaza.

Un éditorial paru le 5 janvier dans le journal conservateur Le Figaro et intitulé « Agir vite pour un cessez-le-feu », mettait en garde contre un tel développement en déclarant, « Agir dès maintenant est indispensable parce que l’indignation enfle à mesure que s’accumulent les victimes civiles de ce nouveau drame que vivent les Palestiniens. » Le journal continue, « Malgré les difficultés, il faut le faire sans attendre parce que le pire n’est peut-être pas encore arrivé : toute incursion terrestre en zone densément peuplée est très meurtrière. Et puis, que se passera-t-il si un deuxième front s’ouvre avec le Hezbollah au Liban ? Il faut le faire vite, enfin, parce que la passivité des Etats-Unis crée un vide qui encourage tous les extrêmes. »

Les gouvernements européens et notamment la France craignent pour leur propre stabilité étant donné que des millions d’immigrés d’Afrique du Nord et de pays arabes y vivent. Nombre de jeunes qui se sont révoltés ces dernières années contre les conditions intolérables qui règnent dans les banlieues françaises sont de descendance arabe et musulmane et s’identifient aux Palestiniens.

Enfin et surtout, les Européens considèrent la passivité des Etats-Unis qui sont occupés par un changement de gouvernement et une profonde crise économique comme une occasion à saisir pour rétablir et renforcer leur position au Proche-Orient. Ceci vaut tout particulièrement pour la France qui, suite à l’effondrement de l’Empire ottoman, compta parmi les premières puissances coloniales dans la région jusqu’au moment où elle fut évincée par la Grande-Bretagne et les Etats-Unis.

Ce point est également traité dans l’éditorial du Figaro qui dit, « En l’absence momentanée des Américains, le président de la République peut aussi espérer redonner un rôle aux Européens. »

Depuis sa prise de fonction, Sarkozy s’est efforcé de renforcer le statut de la France dans la région méditerranéenne et au Proche-Orient. C’était la raison qui se cachait derrière l’Union de la Méditerranée créée en juillet dernier ainsi que la collaboration de Sarkozy avec le président syrien Bashar al-Assad qui fait figure de paria à Washington. Sarkozy entretient également des relations beaucoup plus étroites avec Israël que ne l’avait fait aucun président français avant lui.

Avant d’entamer sa mission au Proche-Orient, Sarkozy s’était vanté de ses relations étroites dans la région. « La France, parce qu’elle a su construire un lien de confiance et d’amitié avec l’ensemble des parties, a une responsabilité particulière, » a-t-il dit dans une interview publiée par trois quotidiens libanais.

L’Allemagne aussi poursuit des intérêts propres au Proche-Orient. La diplomatie allemande agit certes plus calmement que Sarkozy et ce en raison surtout du rôle joué par le pays dans l’Holocauste, mais tout en étant aussi ambitieuse. Tandis que Sarkozy se rendait au Proche-Orient accompagné des médias, la chancelière Merkel et son ministre des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, étaient en contact téléphonique avec les principaux acteurs. Au cours de ces dernières années, l’Allemagne a déjà joué un rôle clé dans la formation de la police et des autorités judiciaires dans les territoires nommément autonomes de Palestine.

Le cessez-le-feu que réclament les Européens correspond à leurs ambitions impérialistes. Plutôt que de garantir la libération du peuple palestinien et d’alléger sa souffrance, les puissances européennes sont déterminées à établir un moyen plus efficace pour leur répression. A cette fin, ils requièrent une force de police plus fiable. Les candidats les plus probables pour endosser ce rôle sont le régime égyptien de l’homme fort Moubarak et l’Autorité palestinienne soutenue par les Etats-Unis et dirigée par Abbas.

Tandis qu’Israël intensifie ses bombardements et sa guerre terrestre à Gaza, les Européens tentent de conclure un accord qui arrange Tel-Aviv et Washington. Le journal Le Monde rapporte dans son compte rendu des discussions des délégations européennes avec le gouvernement égyptien, que la France considère la fin du trafic d’armes vers Gaza comme une première condition à la signature d’un cessez-le-feu avec Israël. A cette fin, il est nécessaire d’instaurer des contrôles encore plus stricts le long de la frontière entre l’Egypte et Gaza, probablement par le déploiement d’une force internationale.

Le journal Süddeutsche Zeitung suggère des projets encore plus vastes. Le véritable but de l’offensive israélienne, écrit le journal, est de repousser les Palestiniens dans le désert du Sinaï en « accordant une responsabilité partielle à l’Egypte pour les 1,5 million de Palestiniens. » Il poursuit en disant que « la situation serait presque comparable à la Guerre des Six Jours de 1967. Des réfugiés de guerre arabes avaient fui à l’époque les troupes israéliennes en se réfugiant dans les pays arabes avoisinants et en y restant. Dans le cas présent, Israël pourrait annoncer la fin des hostilités si une puissance neutre acceptait de superviser le cessez-le-feu. L’Egypte est un candidat potentiel. Le Caire devrait être chargé de maîtriser le Hamas et d’assurer que les gens aient quelque chose à manger. Il porterait une responsabilité partielle pour l’administration de la bande de Gaza. »

Le Süddeutsche Zeitung conclut que les Etats-Unis seraient prêts à accepter une telle solution en exerçant une pression sur Le Caire au motif que « Nous sommes les alliés les plus proches d’Israël et le plus important bailleur de fonds du Caire. Moubarak sait que personne d’autre n’est disponible. »

Le Financial Times britannique arrive à une conclusion identique. Le journal écrit que l’Egypte soupçonne que le véritable objectif d’Israël « est de rejeter la responsabilité de la Bande de Gaza et de ses habitants sur Le Caire. » Le journal cite un responsable égyptien de haut rang qui se plaignait en disant que « c’est un jeu sinistre que l’on joue avec nous…Si nous ouvrons les frontières, alors nous avons un énorme problème de réfugiés, et quoi faire alors ? Devons-nous alors transférer la population vers le Sinaï ? »

De tels commentaires exposent clairement le caractère sinistre de la diplomatie européenne. Après une guerre qui pourrait bien coûter la vie à des centaines de Palestiniens et entraîner l’expulsion de Gaza de centaines de milliers de personnes, les Européens sont en train de prévoir une solution qui garantirait que Gaza demeure une prison. Et, en collaboration avec Israël, les Etats-Unis et l’Europe, l’administration de cette prison serait confiée à l’Egypte et à l’Autorité palestinienne.

(Article original paru le 7 janvier 2009)


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