Le 8 janvier le gouvernement conservateur de
la Nouvelle Démocratie (ND) mené par le premier ministre Costas Karamanlis a subi
un remaniement en profondeur.
Le mois dernier une vaste série de
protestations, de manifestations et d’émeutes d’étudiants avaient eu lieu en réaction
à la mort d’un adolescent de 15 ans, Alexis Grigoropoulos, abattu par un
policier, et contre le programme économique du gouvernement et de sa politique
d’austérité sociale. Dans le même temps, il y a eu dans de nombreux secteurs un
mouvement combatif grandissant des travailleurs qui ont protesté contre le gel
des salaires, les privatisations, l’augmentation du coût de la vie, la baisse
des retraites et les licenciements de masse.
Le gouvernement Karamanlis ne dispose que
d’une voix de majorité chez les 300 membres que compte le parlement et le
régime est de plus en plus impopulaire. Il a été mêlé à une série de scandales
politiques et financiers et de corruption depuis son élection en 2004 et sa
réélection en septembre 2007. Ces scandales comprennent une affaire d’échanges
immobiliers avec l’Eglise orthodoxe et la condamnation d’un haut responsable
gouvernemental pour avoir tenté de donner refuge à un criminel dans une importante
affaire de drogue.
Un sondage publié le 8 janvier dans le
quotidien Kathimerini a constaté que le soutien du gouvernement avait
nettement baissé depuis avril. Selon le sondage, 38,5 pour cent des personnes
interrogées voteraient en faveur du Mouvement panhellénique (PASOK) lors des
prochaines élections législatives, soit une hausse de 8 points par rapport à
avril. La Nouvelle Démocratie de Karamanlis figurait en seconde position avec
32,5 pour cent, suivi par la coalition de la gauche radicale (SYRIZA) avec 12
pour cent, du Parti communiste de Grèce (KKE) avec 8 pour cent et de l’Alarme
populaire orthodoxe (LAOS) avec 4 pour cent.
Moins de la moitié des membres du gouvernement
précédent (sept sur seize) ont été reconduits. Parmi les ministres qui ont
conservé leur portefeuille on trouve les ministres des Affaires étrangères, de
la Défense et de l’Intérieur. Les changements impliquent le départ du ministre
de l’Economie et des Finances, Georges Alogoskoufis, qui avait été associé à
une série de réduction des dépenses, de budgets impopulaires et de
privatisations mises en place dans un effort pour maintenir l’endettement
public de la Grèce dans les limites imposées par l’Union européenne.
Alogoskoufis a été remplacé par celui qui était son ministre délégué, Yiannis
Papathanassiou.
Papathanassiou est étroitement lié à la
politique d’Alogoskoufis et lui a rendu un brillant hommage lors de sa prise de
fonctions. Il avait été à la tête de la Chambre de commerce et d’industrie
d’Athènes de 1993 à 2000 et vice-président en 1993 de l’entreprise publique du
Gaz (DEPA).
Karamanlis a dit en parlant du nouveau
gouvernement, « Nous avons un dur combat devant nous car 2009 sera une
année difficile. La tempête économique mondiale est sans précédent depuis
l’après-guerre.
« Nous savons que certaines forces
politiques, ainsi que certains dirigeants syndicaux sont engagés dans un jeu
démagogique et populiste. Mais nous ne jouerons pas avec l’avenir du pays. Nous
avons choisi la voie difficile de la responsabilité et nous réussirons. »
Faisant référence aux manifestations de masse
d’étudiants, qui avaient débuté le 6 décembre après le meurtre de
Grigoropoulos, Karamanlis a lancé un avertissement menaçant, « Nous nous
occuperons définitivement du phénomène de la violence catastrophique. »
Le ministre de l’Intérieur, Prokopis
Pavlopoulos a ajouté « qu’il sera donné aux forces de police les moyens
nécessaires pour accomplir leur travail. »
Pour résumer le remaniement, le quotidien
d’Athènes, Ta Nea a montré dans son article que certes il y a « d’autres
visages pour calmer les réactions mais qu’il n’y a pas le moindre changement de
trajectoire en faveur d’un changement de politique. »
Un économiste d’une grande banque grecque a
dit au sujet du remaniement, « Nous ne nous attendons pas à un changement
significatif de la politique fiscale, compte tenu du mauvais état de la
situation financière et de la limitation des marges de manœuvre. »
Costas Panagopoulos de l’Institut de sondage
grec Alco a dit en parlant du nouveau ministre de l’Economie et des Finances,
« Le nouveau ministre est confronté à une situation difficile, la crise qui
arrive en Grèce, les taux élevés sur la dette publique, un marché qui redoute
le pire mais aussi le mécontentement et le scepticisme de la société qui croit
que la politique économique du gouvernement favorise les riches et non la
classe moyenne ou les pauvres. »
« La tâche est rude, mais l’homme est issu
des marchés et est capable. (Le premier ministre) a choisi un homme qui connaît
les marchés et le ministère, montrant ainsi qu’il ne changera pas de politique
mais de personnes. »
Karamanlis a également annoncé la mise en
place d’un nouveau comité interministériel de la politique économique. Le
comité sera chargé de la coordination de la politique gouvernementale dans les
domaines de l’économie, des finances et du développement. Le comité comprend
Karamanlis lui-même, Papathanassiou, le ministre de l’Economie et des Finances,
Costis Hatzigakis, le ministre du Développement, et Georges Souflias, le
ministre de l’Environnement, des Travaux publics et de l’Aménagement du
territoire. Georges Provopoulos, le gouverneur de la banque centrale, la Banque
de Grèce, avait également participé à la première réunion.
Le remaniement s’était fait quelques jours
seulement après qu’un policier qui faisait partie de l’unité des trois
policiers qui étaient en garde devant le ministère de la Culture dans le
quartier d’Eksarchia au centre d’Athènes avait été blessé par balle. La
blessure par balle du 5 janvier de Diamantis Mantzounis, l’agent de police de
21 ans qui a été atteint par plusieurs balles a été évoquée pour diaboliser les
étudiants manifestants et la « gauche radicale ». Le ministre de
l’Intérieur, Pavlopoulos a dit que l’attaque visait « la démocratie et l’ordre. »
La police a spéculé sur l’hypothèse qu’un
groupe connu sous le nom de « Lutte révolutionnaire » aurait très
probablement été les auteurs des tirs. La police a dit que les armes utilisées
pour attaquer l’unité de police étaient liées à deux attaques précédentes
contre des postes de police en 2007 et un incident le 23 décembre dernier quand
deux tireurs cachés dans l’enceinte de l’université d’Athènes avaient ouvert le
feu sur un car de police. Immédiatement après les tirs, plusieurs dizaines de
personnes avaient été raflées et arrêtées.
Le dirigeant du PASOK, Georges Papandreou, a
rendu visite à l’hôpital à l’agent de police et a condamné les tirs « en
tant que démocrate et comme citoyen ordinaire. »
Le président du groupe parlementaire de
SYRIZA, Alekos Alavanos, a dit que « la Gauche défend les victimes
innocentes de la violence avec son identité et elle défend aussi la jeune
génération et, à cet égard, la solidarité de SYRIZA avec le policier Diamantis
est absolue. »
Jeudi, Alavanos a réclamé la mise en place d’un
comité parlementaire qui se concentrera sur ce qu’il appelle la
« démocratisation radicale de la police. »
La
Grèce sur le point d’entrer en récession
Selon de nombreux analystes économiques,
l’économie grecque entrera officiellement en récession cette année. Ce qui fait
suite à une croissance économique qui a été en moyenne de 4 pour cent pendant
des décennies. La banque d’affaires UBS avait prédit en novembre que l’économie
grecque entrerait officiellement en récession en 2009, en affichant une croissance
négative de 0,1 pour cent. La banque avait noté que l’un des facteurs majeurs
de ses prévisions était la grande dépendance de l’économie grecque de fonds
étrangers.
Dimitris Daskalopoulos, le président de la
Fédération des Entreprises et Industries de Grèce (SEB), avait mis en garde
dernièrement que le plan du gouvernement de 28 milliards d’euros destiné à
accroître la liquidité des banques grecques n’endiguerait pas la récession. Il
a dit, « Les mesures visant à soutenir la liquidité des banques étaient
nécessaires mais insuffisantes… Des mesures visant à soutenir l’économie réelle
et le bas revenu des citoyens étaient retardées. En conséquence, la perspective
d’une récession économique se rapproche. »
« La crise mondiale a accéléré l’arrivée
de la crise grecque, en ramenant à la surface tous les problèmes structurels
qui entravent la croissance de la Grèce », a-t-il ajouté.
La semaine passée le Service national des
statistiques de la Grèce a annoncé que la valeur des exportations grecques
avait chuté de 15,5 pour cent en novembre, par rapport au même mois en 2007. La
valeur des exportations s’élevait à 1,353 milliards d’euros en novembre, contre
1,6 milliards en novembre 2007. La valeur des importations totalisait 4,029
milliards, contre 4,815 milliards en 2007, soit une baisse de 16,3 pour cent.
Le poids de la dette publique en Grèce correspond
actuellement à plus de 90 pour cent de son PIB. Ce chiffre place la Grèce au
deuxième rang de la zone Euro, après l’Italie. L’on évalue que le gouvernement
dépensera cette année quelque 12 milliards d’euros, environ un sixième de son
budget, au seul paiement des intérêts de cette dette.
Pratiquement chaque indice social indique une
nette polarisation de la société grecque. Environ un quart des moins de 20 ans
sont au chômage et vivent sous le seuil de pauvreté. Le taux de chômage des
jeunes de 15-24 ans est de 24,3 pour cent. Chez les diplômés des instituts
universitaires il est même supérieur et atteint 28 pour cent. Après plusieurs
années d’études, de nombreux jeunes sont obligés d’accepter des emplois mal
payés comme chauffeurs de taxi, serveurs de bar ou pompistes.
La part du nombre de chômeurs de longue durée dans
l’ensemble des chômeurs était de 52,2 pour cent au dernier trimestre de 2008.
Le 2 janvier, une femme grecque avait fait la une des journaux pour avoir
menacé de se jeter de l’Acropole d’Athènes après avoir été licenciée. Elle
avait été travailleuse contractuelle au ministère grec de la Culture.
Au moins un tiers des Grecs vivent au bord ou
sous le seuil de pauvreté. Les statistiques recueillies par l’organisation
syndicale des Travailleurs grecs (GSEE), montrent qu’il existe 832 456
ménages pauvres dans le pays, soit un total de 2 088 000 personnes
sur une population d’à peine plus de 11 millions d’habitants. Selon l’avocate
Melina Mouzouraki, quelque 500 000 ménages payent plus de la moitié de
leur revenu pour rembourser leurs dettes. Le niveau des dettes contractées par
des centaines de milliers de personnes les range parmi les pauvres alors qu’officiellement
elles ne sont pas considérées comme étant pauvres.