Le Parti de l'égalité socialiste (PES) avertit
que l'interdiction des Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE) prépare à
une attaque en règle contre les opposants politiques et plus largement contre
la classe ouvrière, les jeunes et les opprimés.
Contrairement à ce que l'on pourrait croire,
les récentes avances de l'armée face au LTTE ne vont pas ouvrir la voie à la
paix et à la prospérité, le président Mahina Rajapakse se prépare à utiliser la
méthode militaire pour s'occuper de l'opposition engendrée par la crise économique
et sociale de plus en plus grave de l'île.
Cette interdiction prononcée le 7 janvier n'a
aucune conséquence directe sur le LTTE – le gouvernement mène déjà une guerre
contre cette organisation séparatiste tamoule. De plus, des centaines de
personnes sont détenues sans avoir étés jugés parce qu'elles sont « suspectées
de liens avec le LTTE » en vertu des mesures d'urgence déjà appliquées.
Prétextant la lutte contre « le
terrorisme », le nouveau décret donne des pouvoirs exceptionnels à l'Etat.
Il permet l'interdiction des « autres organisations qui sont liées ou qui
représentent ou agissent au nom du LTTE… et qui sont de ce fait devenues une
menace pour la sécurité publique, le maintien de l'ordre public et le bon
fonctionnement des approvisionnements et des services essentiels à la vie de la
communauté. »
Ces lois pourraient être immédiatement
utilisées contre l'Alliance nationale tamoule (TNA), un parti politique au
Parlement qui soutient le LTTE. Mais une définition aussi large pourrait être
appliquée à n'importe quelle organisation, que ce soit un parti politique, un
syndicat ou une association étudiante, considérée comme un opposant au
gouvernement. Les peines prévues comprennent des emprisonnements allant jusqu'à
20 ans pour les particuliers et la confiscation des biens et des fonds des
organisations.
Le gouvernement Rajapakse est connu pour
qualifier systématiquement de « sympathisants des Tigres » tous ceux
qui le critiquent, que ce soit des travailleurs en grève, des étudiants ou des
paysans qui manifestent. On a fait disparaître des centaines de personnes ou
bien elles ont été ouvertement exécutées au cours des trois dernières années par
des commandos de la mort en cheville avec l'armée : des politiciens
importants du TNA, des journalistes, et de jeunes Tamouls. Au début du mois,
Lasantha Wickrematunge, l'éditeur du Sunday Leader, qui avait critiqué
le gouvernement, a été abattu en plein jour alors qu’il se rendait à son
travail.
Rajapakse et ses ministres ont spécifiquement
dénoncé les grévistes qui, selon eux, sapent l'effort de guerre. En juillet
dernier, lorsque des centaines de milliers de salariés ont participé à une
grève d'une journée pour obtenir une augmentation de salaires, la porte-parole
du ministère de la Défense, Keheliya Rambukwella, a déclaré que si les
augmentations demandées étaient accordées, les dépenses militaires devraient
être réduites, exactement ce que voulait le LTTE, « Donc il pourrait y
avoir un lien entre les deux [les syndicats et le LTTE] ».
Le dirigeant du parti nationaliste chauvin cingalais
Jathika Hela Urumaya (JHU), Udaya Gammanpila, a souligné la grande portée de
cette interdiction, déclarant qu'elle visait à empêcher les activités
favorables au LTTE « qui soutiennent leur cause directement ou
indirectement […] Il est crucial de battre ces éléments qui aident les
terroristes financièrement et idéologiquement. » Le JHU fait partie de la
coalition du gouvernement Rajapakse.
Pour justifier sa guerre communautaire et les
mesures anti-démocratiques qui l'accompagnent, Rajapakse utilise le même
prétexte banal que le gouvernement Bush avait utilisé pour ses guerres
néo-coloniales en Afghanistan et en Irak. La déclaration officielle interdisait
le LTTE pour « actes de terrorisme et autres actes de violence » visant
à établir un Etat séparé au Nord et à l'Est, des conflits armés avec l'armée et
son incapacité à « déposer les armes, se rendre et participer au processus
démocratique. »
Les prétentions du gouvernement à défendre la
démocratie sont totalement hypocrites. La guerre a éclaté en 1983 précisément à
cause des discriminations systématiques des gouvernements successifs contre la
minorité tamoule du pays. Rajapakse a relancé la guerre contre le LTTE à la
mi-2006 pour garantir la position économique et politique dominante des élites
de la majorité cingalaise de l'île.
Le LTTE n'est pas une organisation terroriste.
Son exigence d'un petit Etat capitaliste à part pour les Tamouls du Nord et de
l'Est représente les intérêts de certaines sections de la bourgeoisie tamoule. « Le
terrorisme » n'est qu'un mot utilisé par le gouvernement Rajapakse pour
dissimuler les objectifs communautaristes réactionnaires de ses guerres. Ce
gouvernement qui qualifie le LTTE de terroriste est celui-là même qui terrorise
la minorité tamoule avec des arrestations arbitraires, des commandos de la
mort, ainsi que le mitraillage et le bombardement à l'aveugle des zones
civiles.
Dans son décret d'interdiction, Rajapakse a
invoqué la « guerre contre le terrorisme » de Washington, déclarant
que pour « éliminer le fléau du terrorisme de la surface du globe, il est
nécessaire pour tous les états souverains de criminaliser le terrorisme et
d'interdire sans exception les organisations qui prennent part à la perpétration
du terrorisme. »
L'interdiction a été imposée quelques jours
après que l'armée sri lankaise a pris le contrôle de Kilinochchi, le centre
administratif du LTTE. Les États-Unis ont signalé leur complet soutien à cette
guerre dans une déclaration publiée par l'ambassade des États-Unis à Colombo le
7 janvier, déclarant qu'ils ne « sont pas partisans d'une négociation avec
le LTTE. » Auparavant, les États-Unis, avec l'Union européenne, la Norvège
et le Japon avaient été les commanditaires internationaux des « négociations
de paix » et du cessez-le-feu de 2002.
La déclaration américaine a donné le feu vert
à la proclamation de l'interdiction par le gouvernement sri lankais, tirant un
trait sur toute possibilité de négociations futures. Le conseil de sécurité du
Sri Lanka – le président, le ministre de la Défense, le premier ministre et les
dirigeants des forces armées – s'est réuni et a décidé de l'interdiction, qui a
été votée par le gouvernement plus tard dans la journée.
Rajapakse cherche maintenant à imposer une
interdiction internationale du LTTE par l'intermédiaire de la résolution numéro
1373 du Conseil de sécurité des Nations unies, adoptée après les attaques du 11
septembre aux États-Unis. Le Daily Mirror rapportait le 12 janvier que
le gouvernement essayait d'influencer les membres de l'ONU pour qu'ils
inscrivent le LTTE sur la liste des organisations terroristes. Un
changement de ce type contribuerait à serrer la vis à tous les soutiens du LTTE
parmi l'importante diaspora tamoule dans le monde.
Le gouvernement a dénoncé sur un ton menaçant
une « conspiration » visant à miner la victoire militaire de
Kilinochchi. Ses tentatives d'organiser des festivités patriotiques et de réactiver
les tensions entre les communautés ont fait long feu. Bien qu'il puisse y avoir
des espoirs parmi la population laborieuse que la guerre se termine enfin, elle
est bien consciente des énormes difficultés qu'elle a dû endurer à cause de ces
25 années de conflit.
En se présentant à deux élections provinciales
le 14 février, le Parti de l'égalité socialiste est le seul parti qui s'oppose
sans équivoque à la guerre communautariste du gouvernement et qui défende les
droits démocratiques de tous les travailleurs – tamouls, musulmans, et
cingalais. Les deux principaux partis d'opposition – le Parti national uni
(UNP) de droite, et les extrémistes cingalais du Janatha Vimukthi Peramuna
(JVP) – ont tous deux soutenu la mise hors-la-loi du LTTE. En fait le JVP avait
insisté auprès du gouvernement pour qu'il impose cette interdiction.
Nous en appelons aux travailleurs, aux jeunes,
et aux intellectuels pour qu'ils s'opposent aux méthodes autocratiques
employées par le gouvernement contre toute forme d'opposition. Au lieu de
défendre les formes même limitées de la « démocratie» parlementaire au Sri
Lanka, Rajapakse a réduit ses institutions à une coquille vide et érige le
cadre d'un état policier.
En s'opposant à cette interdiction, le PES
n'accorde aucun soutien politique au LTTE, dont le programme de séparatisme tamoul
reflète les intérêts de la bourgeoisie tamoule et non ceux des ouvriers et des
paysans tamouls. Les violentes attaques du LTTE contre des Cingalais ordinaires
ont le même but réactionnaire que la position suprémaciste du gouvernement –
diviser la classe ouvrière sur la base de la religion, de l'appartenance
ethnique et de la langue – et servir directement les intérêts des extrémistes
cingalais à Colombo.
S'appuyant sur le programme de
l'internationalisme socialiste, le PES exige le retrait immédiat et
inconditionnel des forces armées sri lankaises du Nord et de l'Est. Cette
exigence est une condition préalable essentielle à l'unité de la classe
ouvrière tamoule et cingalaise contre le gouvernement et le LTTE pour établir
un gouvernement ouvrier et paysan sous la forme d'une république socialiste du
Sri Lanka et de l'Eelam, elle-même partie d'une union des républiques
socialistes d'Asie du Sud.