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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Le « nouveau capitalisme » de Sarkozy

Par Peter Schwarz
19 janvier 2009

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Lors d’un colloque international qui s’est tenu le 8 janvier à Paris, le président français, Nicolas Sarkozy s’en est pris violemment à ce qu’il a appelé le « capitalisme financier ». Sarkozy a déclaré que le rêve de la mondialisation s’était évanoui le 11 septembre 2001. « On attendait la concurrence et l’abondance. On a eu la rareté, le triomphe de l’économie de rente, la spéculation et des dumpings », a-t-il dit.

Toutefois, Sarkozy a poursuivi en disant que la crise du « capitalisme financier » n’était pas la crise du capitalisme en soi. L’anticapitalisme est une impasse a-t-il précisé, la négation de tout ce qui est une idée de progrès. « On doit moraliser le capitalisme et pas le détruire », a-t-il souligné. La tâche est de « rééquilibrer les rôles respectifs de l’Etat et du marché ». La crise actuelle représente la « fin de l’idéologie de l’impuissance publique ». L’élément le plus important de la présente crise est le « retour de l’Etat ».

Sarkozy s’exprimait devant un illustre auditoire. Etaient présents au colloque dont le titre était « Nouveau monde, nouveau capitalisme », la chancelière allemande, Angela Merkel, l’ancien premier ministre britannique, Tony Blair, les chefs de la Banque centrale européenne et de l’Organisation mondiale du commerce, trois prix Nobel d’économie et des fonctionnaires syndicaux de haut rang. Dans l’ensemble, ils étaient tous d’accord avec Sarkozy même s’ils ne l’exprimait pas aussi clairement.

La chancelière Merkel a réclamé la mise en place d’une « nouvelle régulation des marchés financiers internationaux ainsi que des institutions » en disant que cette fois-ci elle resterait ferme au cas où les acteurs des marchés financiers tenteraient une fois de plus d’empêcher les politiciens d’appliquer les nouvelles règles.

Il n’y a rien de progressiste dans la promesse de Sarkozy pour une moralisation et une refondation du capitalisme. L’abandon de l’idéologie d’une dérégulation effrénée n’est pas un pas vers une plus grande démocratie ou égalité. L’Etat dont Sarkozy veut accroître l’influence est un Etat capitaliste. Il défend les intérêts du patronat et pas ceux de la population laborieuse.

Par le « retour à l’Etat », Sarkozy n’entend pas la subordination des intérêts de profit privés aux besoins de la société en général. Il veut placer les entreprises françaises sous la protection de l’Etat afin de les renforcer en cas de conflit avec la classe ouvrière française et leurs rivaux étrangers.

Ce type d’intervention de l’Etat a une longue tradition en France et qui remonte jusqu’à Jean-Baptiste Colbert, le ministre des Finances de Louis XIV au 17e siècle. Dans les années 1960, sous le président de Gaulle, d’importants secteurs de l’industrie, tels l’automobile et l’aviation, furent développés sous le contrôle de l’Etat tandis que la classe ouvrière était réprimée. Dans les années 1980, le président Mitterrand avait temporairement nationalisé l’industrie sidérurgique dans le but d’enclencher la rationalisation et les licenciements de masse.

Le capitalisme d’Etat que prône Sarkozy est étroitement lié au protectionnisme et au corporatisme. L’Etat étend sa protection sur les groupes nationaux, garantit leurs profits au moyen de fonds publics, les assiste dans la réduction des emplois et des salaires, les protège contre les offres publiques d’acquisition (OPA) étrangères et renforce leur lutte contre les concurrents internationaux.

Du fait que des liens très étroits existent entre l’Etat et les intérêts des entreprises, chaque conflit économique risque de tourner en conflit politique. C’est ce qui peut actuellement être observé dans le conflit du gaz entre la Russie et l’Ukraine. Il n’y a alors qu’un pas à franchir entre un conflit politique et un conflit militaire. C’est peut-être un hasard si la conférence sur le « nouveau capitalisme » a été organisée à l’Ecole militaire de Paris, mais la valeur symbolique n’en demeure pas moins évidente.

Les plans d’aide de plusieurs milliards d’euros que les gouvernements français et allemand ont accordé à leurs banques et entreprises respectives sont étroitement liés à des mesures protectionnistes. La France a mis en place un fonds public de 20 milliards d’euros dans le but de protéger les principales entreprises françaises contre des OPA étrangères. C’est pour la même raison que le gouvernement allemand a pris le contrôle partiel de la Commerzbank et projette de racheter prochainement la banque immobilière Hypo Real Estate.

Après la conférence sur le « nouveau capitalisme », Merkel et Sarkozy se sont rencontrés au Palais de l’Elysée pour discuter de l’élaboration de mesures de protection de leur industrie automobile nationale. Il a été rapporté plus tard qu’au vu de l’aide accordée par le gouvernement américain à l’industrie automobile américaine, il a été nécessaire d’apporter aux constructeurs automobiles européens un soutien comparable.

Un aspect important de la conférence de Paris a été l’attaque sévère lancée contre les Etats-Unis. Elle a pris la forme d’un appel adressé au nouveau président, Barack Obama, duquel les gouvernements européens attendent un changement de trajectoire dans la politique étrangère. Néanmoins, Sarkozy a fait comprendre clairement qu’il n’était plus enclin à accepter la domination économique des Etats-Unis.

« J’ai toujours été partisan dans ma vie politique d’une alliance très proche avec les Etats-Unis d’Amérique », a-t-il dit, mais que « les choses soient claires : au 21e siècle, il n’y a plus une seule nation qui peut dire ce qu’il faut faire ou ce qu’il faut penser ».

Il est même devenu plus explicite en attaquant ouvertement la domination des Etats-Unis. « Nous n’accepterons pas de statu quo, nous n’accepterons pas l’immobilisme, nous n’accepterons pas le retour à la pensée unique », a-t-dit. « A Bretton Woods en 1945 », a-t-il poursuivi, « il y avait une monnaie [le dollar]. Cette monnaie a construit la prospérité du monde. En 2009, il n’y a plus une monnaie, il y en a plusieurs. Il va falloir qu’on discute comment chacun gère sa monnaie, ses taux d’intérêt. Il ne peut plus y avoir un seul pays qui explique aux autres : payez la dette qui est la nôtre, il ne peut plus y avoir un seul modèle. »

Sarkozy et Merkel peuvent compter sur le soutien des syndicats pour maintenir le cap de leur politique actuelle. Figurait parmi les participants à la conférence, le secrétaire général de la Confédération européenne des syndicats, John Monks. Depuis l’arrivée au pouvoir de Sarkozy, les dirigeants syndicaux français sont régulièrement invités à l’Elysée et au ministère du Travail, rue de Grenelle.

Afin de défendre les entreprises nationales, les bureaucraties syndicales sont prêtes à organiser et à perpétrer les attaques contre les salaires et les emplois de leurs propres membres. Dans les conditions d’une guerre commerciale, elles se positionnent inconditionnellement derrière leur propre bourgeoisie. Au fur et à mesure que l’Etat et le patronat resserrent les liens, les syndicats resserrent les rangs avec l’Etat.

Il y a soixante-dix ans, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, Léon Trotsky avait attiré l’attention sur ce processus. Il écrivait : « Les cliques capitalistes, à la tête de trusts puissants, des syndicats d’entreprises, des consortiums bancaires, etc. contrôlent la vie économique de la même hauteur que le fait le pouvoir d’Etat, et à chaque instant ils ont recours à la collaboration de ce dernier. A leur tour les syndicats, dans les branches les plus importantes de l’industrie, se trouvent privés de la possibilité… doivent affronter un adversaire capitaliste centralisé, intimement uni au pouvoir. De là découle pour les syndicats, dans la mesure où ils restent sur ces positions réformistes, c’est-à-dire sur des positions basées sur l’adaptation à la propriété privée, la nécessité de s’adapter à l’Etat capitaliste et de lutter pour la coopération avec lui. » (Les syndicats à l’époque de la décadence impérialiste (1949))

La classe ouvrière doit définitivement rejeter une telle voie nationaliste qui ne peut qu’aboutir dans une catastrophe politique. Elle ne peut défendre ses intérêts qu’en s’unissant internationalement et en luttant pour une alternative socialiste à la crise.

(Article original paru le 16 janvier 2009)


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