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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

France : Réforme du crédit à la consommation à la faveur des grands groupes financiers et commerciaux

Par Jacques Valentin
1er juillet 2009

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Le Sénat a adopté le 17 juin un projet de loi portant réforme du crédit à la consommation. Le projet est, en l’état, très favorable aux intérêts des grands groupes financiers et des géants de la distribution. Il conforte les formes les plus prédatrices du crédit à la consommation. Le projet de loi sera examiné à l’Assemblée nationale à une date qui n’est pas encore déterminée, probablement fin 2009.

Les quelques réformes cosmétiques prévues dans le projet ne protégeront en rien les ménages les plus vulnérables d’une des formes du crédit à la consommation la plus redoutable, le crédit permanent ou renouvelable, le « crédit revolving » dont les taux exorbitants peuvent aller jusqu'à 20,9 pour cent, qui est le plafond légal maximum autorisé, ce qu’on appelle le taux de l’usure.

En pratique le taux d'intérêt annuel moyen de ces crédits est de 15,6 pour cent, du fait notamment de promotions commerciales proposées à l’entrée dans ce type de crédit, mais les taux effectifs de nombreux contrats sont souvent de 20 pour cent. Les taux moyens ont d’ailleurs tendance à augmenter alors que le principal taux d’intérêt de la Banque centrale européenne (BCE) est tombé à un plus bas historique de 1 pour cent.

Les grands équilibres du texte ont été décidés au ministère de l'Economie par la ministre Christine Lagarde. Les « réformes » annoncées portent surtout sur l’information et la publicité, qui sont mieux encadrées, mais malgré la gravité de la crise économique actuelle, aucun problème de fond posé par le crédit à la consommation n’est abordé sérieusement. La grande distribution pourra continuer, par exemple, à distribuer, comme elle l’exigeait, des cartes de fidélité assorties de crédits revolving, moyennant quelques adaptations de pure forme.

Le Haut commissaire aux Solidarités actives Martin Hirsch, un haut fonctionnaire, est directement rattaché au premier ministre et a été chargé, dans le cadre de ses fonctions, de discuter du projet avec le secteur associatif, qui est largement opposé à la loi proposée. Il fait partie des personnalités du Parti socialiste ralliées à l’UMP du président Sarkozy.  Il a été président de la très grosse association caritative Emmaüs France et n’ignore rien de ces problèmes. Néanmoins, le projet étant finalisé, il s'est contenté de très vagues promesses, prétendant que certains éléments du texte pourraient être amendés lors des discussions dans les assemblées parlementaires.

Les pratiques usuraires et spoliatrices du crédit revolving extraient des montants financiers énormes des couches de la population souvent les plus démunies et conduisent à l’appauvrissement des foyers quand ce n’est pas tout simplement à des situations de surendettement inextricables. En France les foyers surendettés subissent une humiliante mise sous tutelle économique et judiciaire pouvant s'étendre sur plusieurs années et visant à les contraindre à rembourser le maximum de créances possibles en leur laissant un minimum de survie.

En 2008, 40 millions de comptes revolving étaient ouverts et 20 millions de comptes  effectivement actifs et 9 pour cent des ménages français remboursaient ce type d'emprunt, lesquels représentaient 21 pour cent des encours de crédit à la consommation. Parmi les emprunteurs, 41 pour cent sont des foyers modestes. Le crédit revolving est étroitement lié aux formes les plus brutales de la paupérisation. En France 710 000 ménages sont surendettés et 85 pour cent des dossiers de surendettement comprennent au moins un crédit renouvelable. Les ménages qui ont déposé de tels dossiers possèdent, en moyenne, cinq crédits de ce type.

Par ailleurs avec la crise économique le taux de surendettement augmente très rapidement, avec 30 pour cent d’augmentation du nombre de dossiers déposés entre mars 2008 et mars 2009, alors que les économistes estiment que les effets de la crise sur l’emploi et les revenus ne commenceront à pleinement se faire sentir qu'après l’été 2009.

On présente souvent la France comme un pays où les foyers les plus démunis bénéficient de nombreuses aides sociales pour compléter leurs revenus. On voit qu'en réalité l'Etat laisse la banque piller allègrement les revenus qu'il distribue.

Bien que le crédit revolving paraisse une forme de crédit indéfendable compte tenu de son coût, les milieux de la finance n’en continuent pas moins à en discuter benoîtement les avantages et inconvénients. Le gouvernement a par exemple, pour l'aider à préparer le projet de loi, fait commander par un organisme public, le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) un rapport au cabinet Athling Management.

Le rapport, publié en décembre 2008, propose un argumentaire décomplexé en faveur du crédit revolving, le titre annonçant d’ailleurs la couleur, « Pour un développement responsable du crédit renouvelable en France ». Selon le rapport, qui a très largement inspiré le projet de loi, les taux pratiqués n’ont rien d’excessif et des taux exorbitants atteignant 20 pour cent permettraient à peine de couvrir les frais des banques. Les comparatifs internationaux montrent pourtant qu’il est possible de faire fonctionner des crédits revolving à des taux bien inférieurs.

Le site de l’Expansion qui a publié plusieurs articles sur le projet de loi cite le discours cynique qui prévaut au sein des élites financières françaises sur la question. D'abord, paraît-il, les Français auraient tort de se plaindre, car c'est bien pire ailleurs, « "Certains pays européens, très libéraux, n'ont pas de réglementation sur l'usure et les taux d'intérêt peuvent atteindre des niveaux très élevés, de l'ordre de 35 pour cent au Royaume-Uni. En effet dans les pays anglo-saxons, il est admis que le taux d'intérêt rémunère le risque, et que le risque a un prix", explique Françoise Palle-Guillabert, déléguée général de l'ASF (Association française des sociétés financières). » De plus, nous dit-on, les ménages modestes seraient les premières victimes des réformes qui voudraient les protéger des excès du crédit revolving puisque « renchérit Nicolas Bouzou, président d'Asteres "Si l'on baisse le taux d'usure du crédit renouvelable, les banques vont restreindre leurs conditions et excluront du circuit les ménages aux revenus les plus modestes, les intérimaires ou les salariés en CDD." »

Illustrant à quel point le gouvernement est aux ordres de la finance et de la grande distribution, les demandes des associations de défense des consommateurs n’ont pas été prises en compte. UFC-Que Choisir avait ainsi demandé que le projet de loi prévoie l'interdiction du crédit revolving sur les lieux de vente (grande distribution, enseignes spécialisées, etc.) et l'interdiction d'associer une réserve d'argent avec une carte de fidélité ou de paiement. Cette dernière pratique constitue une porte d’entrée dans le crédit revolving particulièrement dangereuse pour la clientèle. Au lieu d’un avantage ouvrant droit à des réductions, la carte de fidélité devient le risque d’avoir à supporter des frais financiers très élevés.

Le gouvernement a écarté ces propositions qui freinent la rapacité des financiers et s’est contenté là encore d’un habillage de pure forme via une information et des conseils apportés au moment de la prise de la carte par le client sur le lieu de vente.

UFC-Que Choisir est comme d’autres associations de défense des consommateurs largement financée par l’Etat et fonctionne, comme beaucoup d'autres structures du même type, comme un contre-pouvoir modéré au sein de la société bourgeoise, destiné à protéger la bourgeoisie en cas de montée imprévue des revendications sociales. Compte tenu du virage à droite en France et en Europe, les avis de ce type d'instance ne sont plus que très marginalement pris en compte. Les analyses de UFC-Que Choisir peuvent néanmoins être intéressantes. L'association a ainsi publié en mars 2009 une enquête nationale de terrain, qu’elle qualifie d’accablante, qui montre que les distributeurs de crédit orientent quasi systématiquement les ménages vers le crédit renouvelable, au détriment d'autres formules moins onéreuses, comme les crédits affectés ou les crédits personnels, qui seraient bien mieux adaptées à leurs besoins.

Les propositions de UFC-Que Choisir ont été synthétisées dans un dossier d’analyse « Quand le mauvais crédit chasse le bon ». Cette étude et d’autres, d'origine publique montrent qu'il existe de nombreuses sources gratuites disponibles pour alimenter la réflexion sur le crédit à la consommation et que la médiocre étude du cabinet Athling Management, probablement payée à prix d’or, n'a été commandée que pour permettre au gouvernement de s'aligner sur les intérêts des banques et de la grande distribution.

Il est significatif qu'en cette période de crise très grave qui va frapper très durement les classes populaires, les milieux dirigeants soient prêts à bétonner les intérêts à court terme de la banque et du commerce au prix de la ruine de centaines de milliers de foyers. De ce point de vue le crédit revolving fait penser aux crédits immobiliers subprimes distribués aux foyers américains les moins solvables par les banques alors qu'elles savaient pertinemment qu'ils étaient impossibles à rembourser. C'est le signe d'un déclin du capitalisme qui se survit à lui-même par le développement de formes de plus en plus parasitaires d'extraction des profits.

Les partis socialiste et communiste ont été plusieurs fois aux affaires en France depuis 1981 alors que se développait le surendettement et les formes les plus spoliatrices du crédit à la consommation. Ils n’ont jamais soutenu les projets de réforme même les plus mesurés évoqués dans cet article, alors que ces crédits contribuaient à la paupérisation des plus vulnérables. Dans l'opposition leur action est tout aussi médiocre. De ce point de vue il faut souligner le rôle de Nicole Bricq, sénatrice de Seine-et-Marne (PS) et qui a le poste clé de membre de la commission des Finances du Sénat. Au lieu de souligner les véritables enjeux du projet de loi, elle a défendu des amendements « politiquement corrects » et sans portée pratique comme le micro-crédit et surtout a défendu en partenariat avec certains sénateurs de la majorité, la création d'un gigantesque fichier positif de surveillance des crédits de tous les Français, qui serait très coûteux, largement inutile et attentatoire à la vie privée. Elle a ainsi efficacement contribué à brouiller les enjeux du texte et a réussi l'exploit de prendre à contre-pied les opposants au projet de loi dans le monde associatif, pour la plupart très hostile à la création d'un tel fichier !

Dans une perspective socialiste, les organismes financiers et la grande distribution doivent passer sous le contrôle des travailleurs qui sont les véritables créateurs des richesses économiques. Dans une organisation socialiste de la société, des formes de crédits adaptées aux besoins sont susceptibles de compléter une distribution équitable des revenus du travail et l'accès de tous aux biens et services indispensables comme le logement.

A titre transitoire la classe ouvrière doit lutter pour faire supprimer les formes paupérisantes du crédit, faire annuler les créances liés à des crédits usuraires et diminuer fortement le taux d’usure de toutes les formes de crédits à la consommation sans que les banques puissent réduire en représailles les crédits distribués. Il faut au contraire imposer aux banques des obligations de distribution de volumes de crédits adaptés aux besoins de la consommation à des taux accessibles.

Nous appelons les travailleurs conscients de la faillite des partis traditionnels à nous rejoindre pour participer à la construction de nouveaux partis internationalistes et socialistes de la classe ouvrière en Europe : des sections du Comité international de la Quatrième Internationale.


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