Le bilan s’alourdit dans les camps d’internement au Sri Lanka
Par Sarath Kumara
28 juillet
2009
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Selon des sources de hauts responsables d’organisations humanitaires, environ
1 400 personnes meurent chaque semaine de maladie à l’intérieur de Manik Farm,
le plus grand camp au Sri Lanka, c’est ce qu’a rapporté le Times de
Londres la semaine dernière. Cet article est une preuve récente que les
conditions qui existent dans les centres d’internement sous contrôle militaire
et où sont enfermés près de 300 000 civils tamouls, sont en train de se
détériorer.
Après que le gouvernement eut déclaré le 19 mai avoir remporté une victoire
militaire sur les Tigres de libération de l’Eelam tamoul séparatistes (LTTE),
deux mois se sont écoulés à la date du 19 juillet, depuis que le dernier lot de
réfugiés de guerre tamouls a été interné dans les camps situés près de la ville
de Vavuniya dans le Nord du pays.
Le gouvernement du président Mahinda Rajapakse a qualifié les camps de
« centres de repos » mais les camps surpeuplés aux conditions sanitaires
médiocres soulignent la réalité d’une punition collective de la population
tamoule. Les travailleurs humanitaires ont mis en garde que les conditions
étaient inadéquates, la plupart des décès étant dus à des maladies liées à
l’eau, notamment la diarrhée.
Manik Farm est situé à une trentaine de kilomètres de Vavuniya et abrite
quelque 160 000 réfugiés qui ont fui la dernière bande de territoire détenue par
le LTTE après avoir subi les tirs d’obus continus de l’armée. L’on compte
environ 130 000 détenus répartis dans 32 autres camps situés près de Vavuniya et
quelques 10 000 autres dans des centres installés sur la péninsule de Jaffna.
Les camps, qui sont entourés de clôtures de fil de fer barbelé, sont gardés
par des soldats armés. Des unités de renseignement militaire continuent
d’arrêter des jeunes dans les camps sous prétexte qu’ils sont des sympathisants
du LTTE sans même informer les parents ou la famille de l’endroit où ils sont
emmenés.
Le Times a également rapporté que les organisations humanitaires n’ont
accès aux camps que de façon intermittente. Même la Croix Rouge, la principale
organisation, ne dispose que d’un accès limité pour faire son travail
humanitaire et a été interdite d’entrée à certains jours.
Le journal Sunday Times de Colombo, a rapporté hier que six médecins
ont l’intention de se rendre aujourd’hui à Vavuniya afin vérifier la
notification de « suspicions » d'éruptions de maladies, la méningite et
l’encéphalite. Selon certains rapports, 65 adultes souffriraient de l’une ou de
l’autre de ces maladies et 35 en seraient déjà morts. Plusieurs enfants déplacés
hospitalisés à l’hôpital général de Vavuniya auraient également contracté ces
deux maladies.
Un responsable du ministère de la Santé a admis l’éruption de la maladie en
déclarant au journal : « Ce problème existe depuis quelque temps déjà mais
l’hôpital n’a pas les moyens d’en diagnostiquer les causes. Les décès sont
survenus durant ces trois à quatre derniers mois. » Selon le responsable qui n’a
pas voulu dire son nom de peur de représailles de la part du gouvernement, il
n’y aurait que vingt infirmières travaillant dans l’ensemble des camps et 80
médecins en service dans les centres médicaux.
Il faut remarquer que les médecins employés par l’Etat et qui travaillent
dans les camps d’internement et les hôpitaux se sont également exprimés. Le
Government Medical Officers Association (GMOA) s’est plaint du manque flagrant
d’infirmières et de pharmaciens dans les camps d’internement et les hôpitaux. Le
GMOA a dit qu’il manquait des médecins spécialistes pour diagnostiquer les
maladies.
Un porte-parole du GMOA, Upul Gunasekara a dit au Sunday Times : « Il
n’y avait pas d’infirmières hier. Nous n’avons vu qu’une seule infirmière et
elle aussi est arrivée de l’extérieur avec une équipe de médecins. Nous avons
besoin de 120 docteurs et d’au moins 300 infirmières dans les camps. A l’hôpital
Chettikulam, [un hospital improvisé près de Manik Farm] il y a 130 enfants qui
reçoivent un traitement médical et il n’y a qu’un seul docteur et aucune
infirmière. Comment un seul docteur peut-il s’occuper de tous les patients ? »
Le Dr Gunasekara a ajouté : « Le ministère ne projette pas d’envoyer des
infirmières dans ces camps et les gens critiquent les médecins qui y
travaillent. Les médecins sont frustrés de la situation. » Il a aussi affirmé
qu’il y avait de sérieuses défaillances de l’administration des services de
santé dans les camps, que la facture d’essence des ambulances n’avait pas été
payée et la station d’essence avait refusé de faire crédit, de ce fait seule une
ambulance sur les trois est en service. Les heures supplémentaires des médecins
travaillant dans les camps n’avaient pas été payées et ils ne disposaient pas de
moyens hébergements suffisants bien que le problème ait été soulevé à plusieurs
reprises par le GMOA.
Le directeur de la Santé de Vavuniya, le Dr M. Mahendran, a dit au journal
que les moyens financiers alloués au budget de santé du district étaient
épuisés. Et il ne disposait pas de moyens pour autre chose, tel que l’essence
pour les ambulances.
Jeudi dernier, le gouvernement de Colombo a annoncé une autre réduction des
opérations de l’ensemble des organisations d’aide internationales, y compris la
Croix Rouge. Le ministre des Droits de l’Homme et des Catastrophes naturelles,
Mahinda Samarasinghe, a affirmé que la décision avait été prise parce que la
guerre était terminée.
En fait, le gouvernement cherche à restreindre les informations sur les
conditions déplorables qui existent dans les camps et à empêcher que des témoins
ne rendent compte de ce que des civils avaient été la cible de tirs de l’armée
durant la phase finale de la guerre. Des rapports de l’ONU non publiés font état
de 7 000 civils tués suite uniquement au bombardement qui a duré de janvier à la
première semaine de mai.
Conformément à la dernière directive gouvernementale, la Croix Rouge a fermé
deux bureaux dans l’Est. L’un à Trincomalee assurait les soins médicaux de 13000
personnes blessées et qui avaient été évacuées par mer du district de
Mullaithivu dans le Nord du pays durant les derniers mois de la guerre. L’autre
bureau dans le district de Batticaloa assurait une « protection rapprochée »
pour des personnes menacées de mort par la milice paramilitaire.
Le gouvernement défend froidement les conditions qui règnent dans les camps
et nie toute responsabilité pour les problèmes de santé. Dans une interview
accordée la semaine passée au journal The Hindu, le président Rajapakse a
déclaré : « Je dirais que les conditions dans nos camps sont ce qu’il y a mieux.
Nous fournissons de l’eau. Il y a un problème de toilettes. Ce n’est pas de
notre faute. » Rajapakse a affirmé que l’argent pour les installations
sanitaires avait été débloqué par l’Union européenne et avait été versé à l’ONU
et aux organisations non gouvernementales qui étaient « très lentes » à le
débourser.
Rajapakse a insisté pour dire que « des raisons de sécurité », y compris les
terrains minés par le LTTE ne permettaient pas de libérer immédiatement les
réfugiés. Il a ajouté que les « défauts » constatés dans les camps seraient
« lentement » surmontés. Ses remarques sont un indice de plus que le
gouvernement n’a nullement l’intention d’honorer sa promesse d’organiser le
retour des détenus dans leur région dans les 180 jours.
En plus des détentions de masse qui sont une violation des droits
démocratiques et de la constitution du pays, le gouvernement a durci le contrôle
militaire de la province du Nord en nommant le chef d’état-major de l’armée, le
général G.A. Chandrasiri, au poste de gouverneur de la province.
(Article original paru le 13 juillet 2009)