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WSWS : Nouvelles et analyses : Canada

La privatisation des services publics au Québec en pleine croissance

Par Guy Charron
4 juin 2009

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Depuis plusieurs années, les gouvernements québécois libéraux tant que péquistes ont pour politique de privatiser les parties des services publics desquelles l’entreprise privée pense pouvoir tirer des profits faciles et souvent garantis par le gouvernement.

Cette politique de privatisation rencontre une grande opposition dans de larges couches des travailleurs, tant du secteur public que privé, qui reconnaissent dans la privatisation, et avec raison, un des mécanismes mis en œuvre par la bourgeoisie pour imposer des reculs sur la qualité des emplois et la qualité des services sociaux.

Au contraire, poussées par une concurrence acerbe et voulant s’enrichir de façon effrénée, les élites québécoises ne cessent de matraquer l’opinion publique pour encore plus de privatisation des services publics, pour l’augmentation des différents frais pour les services et pour la diminution des impôts, diminutions profitant de façon disproportionnée aux sections les plus riches de la société.

Plusieurs privatisations sont annoncées en catimini et le processus plus large de la privatisation n’apparaît qu’après avoir rassemblé et organisé les informations. Le gouvernement, confronté par l’opposition populaire aux privatisations, mais voulant satisfaire les intérêts fondamentaux de la grande entreprise, se trouve forcé d’avancer en louvoyant pour privatiser les services publics.

D’un côté, depuis plus de 20 ans, les dépenses dans les services publics sont comprimées pour satisfaire les demandes de mieux nantis pour des diminutions d’impôts. De l’autre l’élite dirigeante exploite la détérioration des services publics, conséquence de ses propres politiques de droite, pour avancer une participation accrue du privé.

Par exemple, la Cour suprême du Canada a statué en juin 2005 dans l’affaire Chaoulli que les longs délais pour obtenir des soins médicaux nécessaires et l’interdiction de recourir à une police d’assurance privée pour de tels soins constituaient une violation de la garantie de sécurité de la personne incorporée dans la Charte des droits québécoise. (Voir La Cour suprême du Canada donne le feu vert au démantèlement du système public de santé.)

De façon générale, tous les services publics sont dans les mires des gouvernements pour privatisation : l’éducation, le système de santé, les services sociaux, l’élaboration, la construction et l’entretien des infrastructures, les prisons ou la distribution de l’eau.

Le développement des écoles et des cliniques médicales privées est encouragé directement ou indirectement et une nouvelle loi sur les partenariats privés-publics a créé une agence qui a pour mandat d’étudier les possibilités de privatiser tous les nouveaux projets de développement et de construction dans le secteur public dépassant la dizaine de millions de dollars.

Lors de son dernier budget, le gouvernement libéral actuel a annoncé qu’à partir de 2011, les frais pour les services gouvernementaux (à l’exception des garderies) allaient augmenter et qu’ils seront basés sur le principe de l’utilisateur-payeur.

Le gouvernement québécois est aussi bien avancé dans le processus de modification du cadre législatif et réglementaire pour permettre la privatisation et la sous-traitance du secteur public. Le gouvernement obtient des concessions à chaque ronde de négociations dans le secteur public quant aux protections contre la sous-traitance et le Code du travail a été modifié pour permettre que les sous-traitants ne soient pas obligés de conserver les conditions des travailleurs syndiqués qu’ils remplacent.

Ainsi, depuis 20 ans, plusieurs services connexes comme les cafétérias des écoles ou les buanderies des hôpitaux ont été donnés en sous-traitance.

L’éducation

Dans certains secteurs comme l’éducation, la privatisation est déjà bien avancée et continue de progresser rapidement.

Le Québec subventionne les écoles privées depuis 1969, aujourd’hui à hauteur de 60 pour cent. Par comparaison, la majorité des autres provinces canadiennes ne leur offrent aucun soutien financier direct.

En 2009-10, l'Etat versera quelque 450 millions de dollars en subventions aux écoles privées du préscolaire, du primaire et du secondaire.

Plus de 20 pour cent des élèves du secondaire (et 30 pour cent dans la région de Montréal) fréquentent des écoles privées. L'effectif du privé a augmenté de plus de 10 pour cent entre 1997 et 2003. Entre 2003 et 2007, l’effectif du privé a augmenté de 7 pour cent au primaire (par rapport à une perte de 14 pour cent pour le public) et de 9 pour cent au secondaire (par rapport à une augmentation de 3 pour cent pour le public).

A Laval, une banlieue au nord de Montréal, les augmentations ont été encore plus marquées. En quatre années, le nombre d’étudiants inscrits au privé a connu une hausse de 15 pour cent au primaire et de 30 pour cent au secondaire.

Surtout à Montréal, la grande région industrielle au Québec où vit près de la moitié de la population et où l’on trouve une grande concentration de chômeurs et d’assistés-sociaux, l’école privée est de plus en plus perçue comme une oasis relativement paisible par rapport aux conditions se détériorant continuellement dans le secteur public et la très grande majorité des familles des classes plus aisées envoient leurs enfants dans une école privée.

En plus des différences évidentes en termes de ressources et d’équipements, un facteur clé qui explique le meilleur climat régnant dans les écoles privées est l’exclusion des jeunes de la classe ouvrière, subissant directement les manquements du système actuel. En particulier, tous les élèves dont l’éducation demande plus d’attention, souvent une conséquence des conditions de vie de la classe ouvrière, sont exclus de l’école privée et dirigés vers l’école publique qui, elle, doit les accepter. 

Quant à elles, les écoles publiques manquent cruellement de moyens, et ce d’autant plus qu’elles se trouvent dans un milieu défavorisé. Le soutien de pédagogues spécialisés pour les cas plus lourds est extrêmement déficient dans les écoles publiques et ces élèves doivent être intégrés dans des classes déjà surpeuplées. Conséquence directe de cet état de fait, les enseignants du primaire et du secondaire connaissent un taux élevé de burnout.

Précisément parce que la privatisation y est plus développée qu’ailleurs, le système de l’éducation permet de présenter les conséquences d’un système à deux vitesses : les biens nantis, les classes moyennes et les sections les plus favorisées de la classe ouvrière paient pour offrir à leurs enfants un environnement éducatif de meilleure qualité alors que la majorité écrasante de la classe ouvrière se voit offrir un secteur public aux ressources limitées.

Mais en finançant partiellement les écoles privées, les gouvernements considèrent qu’ils économisent sur les dépenses de l’Etat en éducation, et cherchent à étendre le modèle à tout le secteur public.

Le système de santé

Les services de santé, principalement quant à leur accès et la qualité des soins, sont une des questions sociales par laquelle les travailleurs se sentent le plus directement concernés.

Souvent, les quotidiens font leur une avec la terrible situation existant dans les hôpitaux du Québec, résultat du sous-financement chronique et planifié. Par exemple, le temps d’attente à l’urgence lors d’une hospitalisation dépasse régulièrement 48 heures à cause du manque de lits ou les infirmières doivent obligatoirement faire plusieurs heures supplémentaires toutes les semaines à cause du manque de personnel.

Soi-disant pour atténuer les problèmes du système de santé et satisfaire aux décisions de la Cour suprême dans le cas Chaoulli, le parti libéral de Jean Charest a adopté la Loi 33 en décembre 2006 qui jetait les bases pour permettre un véritable développement d’un marché privé lucratif, financé en grande partie par les fonds de l’Etat.

Cette loi permettait aux assurances privées de couvrir des opérations de la hanche, du genou et de la cataracte, ce qui était jusqu’alors interdit parce que couvert par l’assurance-santé publique. Depuis, par règlement, la liste des opérations qu’il est permis d’assurer de façon privée a été allongée d’une cinquantaine d’items.

Cette loi est un mécanisme pour développer la privatisation du système de santé. Elle permettra de développer un réseau de cliniques privées et d’assureurs privés qui feront pression sur le gouvernement pour qu’il aille plus loin sur la voie de la privatisation de la santé. Pour cette tâche, l’ancien ministre libéral de la Santé, Philippe Couillard, celui-là même qui a concocté la loi 33, a été choisi pour faire partie du premier fonds d’investissement privé en santé au Canada.

Ce transfert des opérations au secteur privé fait partie d’un processus plus large du désengagement de l’Etat.

De 1990 à 2005 la part du privé des coûts totaux de santé est passée de 26 pour cent à 30 pour cent au Canada. De larges secteurs de la santé ne sont pas couverts par l’assurance publique : les examens de la vue, les lunettes, les médicaments, les prothèses et les orthèses, les soins dentaires ne bénéficient pas de couverture de l’assurance étatique.

PPP

Depuis cinq ans, le processus de privatisation du secteur public a connu un  important coup d’accélérateur avec la mise en place de l’Agence des partenariats  public-privé (PPP).

Avec les PPP, le gouvernement prétend garder le contrôle des travaux et laisser à l’entreprise privée la partie mise en œuvre du projet parce qu’elle serait plus efficace. En fait, le gouvernement cède toute la réalisation, à partir de la conception et la détermination des besoins à la gestion et l’entretien des infrastructures en passant par la construction et la supervision du travail à l’entreprise privée.

Cette façon de faire s’est considérablement développée internationalement dans les dix dernières années, en particulier en Grande-Bretagne.

L’agence des PPP a pour but d’imposer ce modèle à tous les projets importants de construction d’infrastructure: construction de deux grands hôpitaux universitaires, parachèvement des autoroutes 25 et 30, construction de haltes routières, construction d’une salle de concert pour l’Orchestre symphonique de Montréal.

Plusieurs sections du grand capital se trouvent ainsi à engranger d’importants profits garantis par le gouvernement. Les grandes firmes de consultants en finance, comme KPMG, récoltent des centaines de millions de dollars en frais pour les études préliminaires, la préparation des plans, devis et contrats, tâches dont s’acquittaient depuis des décennies la fonction publique.

Les consortiums réalisant le contrat, eux, obtiennent une garantie de retour sur leur investissement alors que le gouvernement s’engage à louer l’infrastructure pendant toute sa période de vie utile. En plus, le gouvernement après avoir déjà chèrement payé une infrastructure en la louant des dizaines d’années s’engage à l’acheter à la fin de sa vie utile lorsque les coûts de réparation deviennent très importants. Bien évidemment, dans les années avant la vente prévue au gouvernement, l’entretien de l’infrastructure sera minimal.

Déjà, avec le développement de la crise économique et le resserrement du crédit actuel, les consortiums d’entreprise qui veulent bénéficier de la manne étatique ne peuvent financer les projets qu’à un coup élevé.  Mais cela n’arrête pas le gouvernement qui propose de financer une partie importante des projets, faisant voler en éclat la soi-disant justification des profits des sociétés impliquées dans un PPP, le fait qu’ils assument le risque financier, comme on l’a vu pour la construction du CHUM, le nouveau super-hôpital universitaire au centre-ville de Montréal.

L’argument du risque assumé par le privé sert dans les faits à hypnotiser la population pour justifier les profits des grandes entreprises. Comme il a été démontré à maintes reprises en Grande-Bretagne, s’il s’avérait en cours de route que le contrat ne soit pas assez payant, les consortiums pourront toujours faire pression sur le gouvernement pour obtenir plus d’argent ou feront carrément faillite, relayant les coûts au gouvernement. Au final, le gouvernement paie plus au total pour des services publics qui seront de moindre qualité et pour lesquels l’exploitation de la classe ouvrière sera accrue, marge de profit oblige, et offre la garantie de profits aux investisseurs, prenant au bout du compte tous les risques.


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