Ce jour marque le
20e anniversaire de la répression armée de la classe ouvrière de
Pékin par le Parti communiste chinois (PCC) stalinien . Alors que les médias
internationaux continuent à décrire le massacre de la place Tienanmen comme une
opération contre une manifestation étudiante, les troupes lourdement armées
s'en prenaient en fait à la montée d'un mouvement révolutionnaire d'ampleur
nationale de la part des travailleurs urbains.
Le bilan officiel
de seulement 241 morts, en comptant les soldats, n'est pas crédible. Le régime
avait d'abord nié qu'aucun civil ait été tué. La Croix-Rouge chinoise avait
indiqué 2600 morts, mais avait retiré ce chiffre sous la pression du
gouvernement.Les analystes indépendants estiment que près de 7000 personnes
sont mortes, mais il se peut que le chiffre réel ne soit jamais connu.
Lancé par des
manifestations étudiantes en faveur de réformes démocratiques au mois d'avril,
ce mouvement de masse se développa rapidement hors du contrôle officiel, la
classe ouvrière mettant en avant ses propres revendications. Au moins 100
millions de personnes dans 400 villes participèrent aux protestations et aux
manifestations sous une forme ou une autre. Aux côtés des ouvriers de
l'industrie et des pauvres des villes, les fonctionnaires de base, les
secrétaires, les enseignants et même la police y participèrent, poussés par
leur ressentiment contre l'inégalité sociale et la corruption bureaucratique
qui avaient fait suite à la conversion à l'économie de marché menée par Deng
Xiaoping en 1978.
Au cours des 20
dernières années, divers politiciens et grandes figures des médias en occident
ont continué à prononcer des déclarations hypocrites contre la suppression de
la « démocratie » par ce régime « communiste » – tous
s'appuient sur l'assimilation éhontée du stalinisme au socialisme.
Le régime maoïste
établi en 1949 n'avait jamais été socialiste ou communiste. Son caractère
anti-prolétarien fut révélé une fois encore en 1989, lorsque l'armée paysanne
du PCC écrasa le mouvement ouvrier dans le sang. Ce massacre établit les
conditions nécessaires pour que la classe ouvrière chinoise soit intégrée, dans
le rôle d'une main-d'œuvre à bas prix, surexploitée, dans le circuit de la
production capitaliste globale.
Les propres
affirmations de Pékin quant à la suppression d'une « rébellion
contre-révolutionnaire » sous tout aussi fausses. Le meurtre des travailleurs
mal armés de Pékin, qui n'avaient que leurs propres corps à opposer aux
40 000 soldats équipés de kalachnikovs, de chars et d'hélicoptères de
combat, constitua une importante publicité à l'adresse des puissances
occidentales : l'appareil militaro-policier stalinien protégerait leurs
investissements contre toute contestation de la classe ouvrière.
Les plus grandes
entreprises du monde répondirent à ce massacre par un afflux de capital qui a
transformé la Chine en un « atelier du monde » à bas salaires.
L'économie chinoise est maintenant six fois plus importante qu'en 1989 et le
pays est le deuxième principal exportateur après l'Allemagne.
En 2005, lorsque
Pékin accueillit de Forum global du magazine Fortune réunissant des PDG
du monde entier, le magazine écrivait « L'explication la plus évidente de
cette parade amoureuse capitalo-communiste est que le régime du parti unique
donne à la politique chinoise plus de continuité et moins d'errements que ce
qu'on voit dans une démocratie multipartite… le gouvernement chinois – avec ses
objectifs affichés d'attirer plus d'investissements étrangers – a tendance à
être plus proche du fonctionnement d'une entreprise que ce que les PDG
occidentaux rencontrent dans leurs pays d'origine. Les entreprises sont aussi
des entités à parti unique, après tout. »
Comme les
organisations privées « à parti unique » des pays capitalistes
avancés, où les travailleurs n'ont aucun mot à dire, le PCC dirige un atelier
en copropriété pour le compte des investisseurs internationaux, maintenant la
discipline chez les travailleurs par des mesures d'état policier. Aucune
concession de droits démocratiques permettant aux 400 millions d'ouvriers
chinois de s'opposer à des salaires horaires de 20 cents américains n'est
compatible avec les opérations de l'économie capitaliste mondiale.
De plus, l'apport
de capitaux par Pékin, fondé sur l'exploitation brutale des travailleurs, est
devenu un élément vital de l'impérialisme américain. L'année dernière, la Chine
a prêté 400 milliards de dollars – plus d'un par jour – aux États-Unis,
recyclant ses gains à l'export dans le système financier américain lourdement
endetté. Une étude récente du Conseil des relations étrangères notait :
« Jamais auparavant un pays relativement pauvre n'a prêté tant d'argent à
un pays relativement riche. Et jamais auparavant les États-Unis n'ont dépendu à
ce point d'un seul gouvernement pour un financement aussi élevé. »
Une récente série
de visites à Pékin par des politiciens et des représentants états-uniens de
haut rang démontre la dépendance des États-Unis envers la Chine. La présidente
de la Chambre des députés américaine, Nancy Pelosi, une démocrate qui avait par
le passé brandi une bannière clamant « À ceux qui sont morts pour la
démocratie en Chine » lors d'une visite à Pékin en 1991, s'est contentée
de références discrètes aux Droits de l'Homme durant son voyage en Chine la
semaine dernière. Pelosi ne voulait pas s'aliéner le principal créancier
étranger du gouvernement américain.
Comme l'a dit la
secrétaire d'État [ministre des Affaires étrangères] Hillary Clinton, qui s'est
rendue en Chine en février pour pousser Pékin à continuer à acheter des bons du
Trésor américain : « Nos économies sont tellement imbriquées. Les
Chinois savent que pour pouvoir recommencer à exporter vers leur plus grand
débouché… les États-Unis doivent prendre des mesures drastiques avec ce plan de
relance. Nous devons contracter plus de dettes. Nous allons vraiment nous en
sortir ou échouer ensemble. »
La semaine
dernière, le secrétaire du Trésor américain, Tim Geithner s'est rendu à Pékin
pour assurer aux autorités chinoises que leurs 1500 milliards de dollars en
valeurs américaines seraient sains et saufs – grâce à l'imposition de mesures
d'austérité féroces sur la classe ouvrière américaine.
Au moment même où
la récession globale a fait des ravages dans les dépenses des consommateurs
américains, elle a également décimé les exportations chinoises et éliminé des
pans entiers de la capacité de production chinoise. Avec plus de 20 millions de
travailleurs migrants se retrouvant au chômage et 3 millions de nouveaux
diplômés des universités incapables de trouver un emploi cette année, le PCC
est assis sur une bombe à retardement sociale.
Selon l'édition de
mars du magazine hongkongais Trend, le nombre de conflits du travail en
Chine a été multiplié par sept, il y en a eu 546 470 depuis l'effondrement
financier global de septembre dernier. Dans les deux premiers mois de
2009, 502 propriétaires d'entreprises et personnels dirigeants ont été tués au
cours d'une vague de violence contre les hommes d'affaires, alimentée par les
salaires impayés et des conditions d'exploitation insupportables.
Au milieu des
tensions sociales montantes, le spectre de la place Tienanmen hante le régime
chinois. Durant les derniers jours avant cet anniversaire, Pékin a pris des
mesures extraordinaires pour empêcher les manifestations – allant de la
détention de dissidents et de l'interdiction des sites d'information étrangers
à l'organisation d'un examen universitaire le 4 juin pour garder le contrôle
des étudiants. Cependant, aucune des contradictions sociales qui avaient
produit l'explosion de 1989 n'a été résolue. Au contraire, elles ont pris des
proportions gigantesques.
Durant les
événements de 1989, seuls les travailleurs des villes avaient été impliqués.
Aujourd'hui, de larges couches des centaines de millions de pauvres des
campagnes ont rejoint les rangs de la classe ouvrière et font partie de ses
couches les plus exploitées. Dans les années 1980, la plupart des travailleurs
étaient toujours employés dans les industries d'Etat. Au cours des 20 dernières
années, des privatisations de grande ampleur ont détruit des dizaines de
millions d'emplois, ainsi que les anciens filets de sécurité sociale :
logements publics, assurance maladie et éducation. Même les techniciens
qualifiés sont mis à rude épreuve par l'insécurité financière constante.
À l'autre bout de
l'échelle sociale, le PCC est devenu le parti de la classe capitaliste. En
2002, il a ouvert ses portes aux entrepreneurs privés. Avant 2002, la Chine
n'avait aucun milliardaire en dollars. En 2008, elle n'est devancée que par les
États-Unis, elle compte 101 milliardaires, seulement cinq de moins qu'en 2007
en dépit de la crise financière mondiale. Aujourd'hui, moins de 100 Chinois
parmi les 1000 les plus riches (représentant une richesse moyenne de 439
millions de dollars chacun) ne sont pas membres ou affiliés à des
membres du PCC.
Jusqu'ici,
l'appareil d'état policier du PCC a été en mesure de maintenir la cohésion de
la société chinoise profondément divisée, notamment en empêchant les idées
révolutionnaires d'entrer dans le pays. Cependant, comme l'écrivait Léon
Trotsky : les lois de l'Histoire sont plus puissantes qu'aucun appareil
bureaucratique. La classe ouvrière chinoise a été intégrée dans production
mondialisée au cours des 20 dernières années, lesquelles ont également mis à sa
disposition la puissance et les outils révolutionnaires d'Internet et des communications
électroniques. Cela lui a apporté les bases objectives pour que les
travailleurs chinois unissent consciemment leurs luttes et celles de leurs
frères et sœurs de classe de par le monde en construisant un mouvement
révolutionnaire international s'appuyant sur une perspective commune,
internationaliste et socialiste.