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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Les trotskystes européens commémorent le 70e anniversaire de la Deuxième Guerre mondiale

« C’était un carnage industrialisé à une échelle inimaginable »

Par Barbara Slaughter
6 novembre 2009

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Le 11 octobre, les sections européennes du Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI) ont tenu une réunion conjointe à Londres sur les enseignements à tirer de la Deuxième Guerre mondiale. Nous publions ci-dessous les réflexions de Barbara Slaughter, vétérane trotskyste et membre du Comité central du SEP (UK).

Barbara SlaughterJ’appartiens à une génération plus âgée qui a vécu la Deuxième Guerre mondiale. J’ai passé mon enfance et mon adolescence dans des conditions de guerre. Mais, jusqu’au moment où j’ai rejoint le mouvement trotskyste en 1958, je n’avais pas vraiment compris quelles étaient les questions impliquées dans ce conflit ou pourquoi il avait lieu.

Barbara Slaughter

Je me souviens parfaitement d’une conversation que j’avais eue à l’âge de 12 ans avec une amie d’école deux ou trois jours avant le déclenchement de la guerre. Nous étions assises près d’une haie et elle m’avait dit que son père avait dit qu’il n’y aurait pas de guerre et moi j’insistai en disant que mon père avait dit qu’il y aurait la guerre. En l’espace de quelques jours après la conversation, je me trouvais dans la cour de l’école, en rang avec les autres enfants pour être évacuée de la ville de Leeds et ma mère était derrière les grilles en train de pleurer en se demandant si elle me reverrait un jour.

A peine 21 années venaient de s’écouler depuis la fin de la Première Guerre mondiale, la soi-disant « Der des Ders » [dernière des dernières (guerres)]. Mais ce fut une guerre d’un tout autre caractère que ne l’avait été ce conflit sanglant.

C’est ce qui fut décrit comme une « guerre totale », contrairement à tout ce qui avait eu lieu auparavant. Ce fut un carnage industrialisé à une échelle inimaginable et dans lequel près de 70 millions de personnes devaient trouver la mort.

C’est un conflit dans lequel une génération entière fut tuée et où des villes entières furent détruites, les souffrances effroyables du siège de Stalingrad, les horreurs du front russe, le bombardement incendiaire de Tokyo, Dresde et d’autres villes où des dizaines de milliers de civils furent tués en une seule nuit, le meurtre de masse de six millions de Juifs.

La British Air Force, l’aviation britannique, ciblait des barrages en Allemagne qui déversaient des torrents d’eau sur les terres agricoles, dans les villages et les villes, dans les usines et les mines, en noyant des travailleurs terrifiés. Cet acte de brutalité est même encore loué de nos jours et une statue du chef de l’aviation britannique, Arthur Harris, qui avait été à l’origine de la campagne de bombardement, fut inaugurée il y a quelques années par la reine-mère. De 1942 à 1945, une campagne de « raids de terreur » détruisit la plupart des villes en Allemagne en tuant 600.000 personnes, pour la plupart des femmes et des enfants.

Le 27 juillet 1943, la ville de Hambourg subissait un bombardement incendiaire dont l’objectif était sa destruction totale. Quelque 40.000 personnes furent tuées.

D’ici la fin de la guerre, il ne restait plus guère de grandes villes industrielles en Allemagne, et c’est ainsi qu’une multitude de villes plus petites sans importance militaire ou industrielle notoire furent rasées, telle Darmstadt qui fut réduite en ruines le 11 septembre 1944.

La politique officielle était de cibler les zones habitées en raison de leur forte densité de population et aussi parce qu'il y avait plus de chance qu'il se produise des incendies dévastateurs. En octobre 1943, Harris écrivait à Churchill : « Le but de l’offensive de bombardement combinée (Bomber Offensive)… devrait être qualifiée sans ambiguïté [de] destruction des villes allemandes, de meurtre de travailleurs allemands et de perturbation de la vie civilisée partout en Allemagne. »

Le raid le plus controversé de la guerre eut lieu en 1945, le 13 février au soir. C’était le bombardement de Dresde par les avions britanniques et américains, causant une tempête de feu qui tua plusieurs dizaines de milliers de civils.

Ces crimes de guerre horribles furent perpétrés au nom de la défense de la démocratie et de la civilisation.

Après la chute de la France, Churchill et la machine de propagande du gouvernement présentèrent la Grande-Bretagne comme une brave petite île luttant au nom de la population du monde entier pour la défense de la démocratie. Le pays était mobilisé au service de l’effort de guerre et toute une génération de jeunes fut enrôlée dans l’armée croyant pouvoir défendre la démocratie en combattant les maux du fascisme.

Mais, loin d’être juste une « petite île », la Grande-Bretagne était la plus puissante nation coloniale que le monde ait jamais vue. L’Empire britannique représentait un cinquième de la superficie du monde, comprenant le sous-continent indien ainsi que de vastes régions d’Afrique.

Les peuples coloniaux étaient cruellement opprimés et exploités et la bourgeoisie britannique organisait l’extraction d’une quantité de matières premières et de ressources financières aux quatre coins du globe. C’était cette puissance qui était défiée par la machine de guerre allemande. Dans le but de devenir une puissance mondiale, la bourgeoisie allemande avait besoin d’un accès aux ressources du monde. Et l’établissement de l’Allemagne comme une puissance mondiale était quelque chose que la classe dirigeante britannique ne pouvait pas tolérer.

La seule réponse possible, de la part de toutes les principales puissances capitalistes, à la crise économique qui était en train de sévir dans les années 1920 et 1930, était une guerre commerciale menant à un conflit militaire.

En 1938, Trotsky avait mis en garde contre l’imminence d’une guerre qu’il décrivait comme une catastrophe menaçant toute la culture de l’humanité. Et quelle était l’essence de ce conflit ? C’était une guerre impérialiste menée par les grandes puissances capitalistes, « démocratiques » aussi bien que fascistes, pour le partage du monde et de ses ressources dans l’intérêt du profit.

Ceci fut compris par un petit groupe de personnes qui faisaient partie de la Quatrième Internationale qui avait été établie en 1938 et qui s’était donné pour tâche de construire un nouveau mouvement international pour résoudre la crise de la direction de la classe ouvrière. Seul le mouvement trotskyste fut en mesure d’analyser et d’expliquer la vraie nature du conflit, d’établir son caractère de classe et ses origines historiques.

Il ne suffisait pas d’avoir vécu la guerre et d’avoir connu ses horreurs, comme des millions d’autres et moi-même l’avions fait de par le monde pour comprendre son véritable caractère. La grande majorité des gens en Occident croyaient qu’il était nécessaire de soutenir la guerre et de faire tous les sacrifices possibles et imaginables parce que, comme je l’ai déjà dit, ils croyaient que la guerre était menée pour la défense de la démocratie et contre la dictature.

J’avais douze ans quand la guerre a commencé. Enfant, j’avais vu les souffrances endurées par la classe ouvrière durant les années 1930 lorsque je voyais des voisins expulsés de leur maison parce qu’ils ne pouvaient pas payer le loyer, lorsque ma mère, en fin de semaine, n’avait plus un sou dans son portemonnaie, lorsque le père d’une amie de classe fut jeté en prison parce qu’il avait accepté un travail à mi-temps alors qu’il touchait des allocations chômage.

En tant qu'enfant, j’étais consciente de ces injustices. J’étais aussi consciente des horreurs de la guerre civile espagnole. Ma mère, qui était espagnole, était profondément préoccupée par les événements en Espagne. Il me reste des souvenirs marquants d’avoir participé à une réunion dans le hall de la Coop de Leeds où on avait fait défiler de jeunes enfants, qui étaient des réfugiés du bombardement de Guernica, dans l’espoir de trouver des familles voulant bien les accueillir.

Mes parents étaient des socialistes. Ils soutenaient la Révolution russe. Mais, comme des millions de travailleurs de par le monde, ils ne comprenaient pas le caractère perfide de la bureaucratie stalinienne et le rôle qu’elle jouait en Espagne et ailleurs. Et moi non plus.

Je me rappelle par exemple, à l’âge de 16 ans assise dans la bibliothèque de l’école en train de lire, La Chute de Paris, une oeuvre d’Ilya Ehrenbourg, un écrivain soviétique bien connu. Le livre décrit la situation tragique qui règne en Espagne en 1936 lorsque les nations occidentales refusèrent de vendre des armes au gouvernement en raison de la politique soi-disant de « non intervention ». Le Parti travailliste britannique et la Confédération syndicale britannique (Trades Union Congress, TUC) votèrent à leurs conférences des résolutions de soutien à la position adoptée cette année lors de la conférence du gouvernement conservateur.

Le livre d’Ehrenbourg était écrit comme s’il s’agissait d’une sorte de tragédie grecque dans laquelle le peuple espagnol était irrémédiablement condamné à la défaite et j’en fus extrêmement bouleversée. Inconsolable, j’en pleurai et tous les professeurs accoururent pour voir ce qui se passait. Je ne pouvais pas leur expliquer pourquoi j’étais contrariée mais je pensai à l’époque que je comprenais les questions sous-jacentes.

Ce ne sont que des années plus tard, après être devenue trotskyste que j’appris que cette œuvre était un tissu de mensonges. Il n’y avait rien d’inévitable à la victoire de Franco en Espagne. Ehrenbourg était un ultra-stalinien. Il reçut le prix Staline en 1942 et en 1948 et le prix Lénine international pour la paix en 1952. Il fut correspondant de guerre des Izvestia en Espagne en 1936 et il devait être parfaitement conscient de ce qui se passait.

Les puissances occidentales refusèrent de vendre des armes au gouvernement républicain. Mais ce furent les staliniens qui furent responsables de la défaite de ce qui avait été indubitablement une situation révolutionnaire en Espagne.

La stratégie du Front populaire par laquelle la bureaucratie stalinienne cherchait à se faire bien voir des puissances occidentales dans les années précédant immédiatement la guerre, a lié la classe ouvrière espagnole à la bourgeoisie. Le Parti communiste et les agents du KGB traquaient et assassinaient les trotskystes, prétendant qu’ils étaient des agents de Hitler.

Le soulèvement de la classe ouvrière à Barcelone en mai 1937, fut réprimé dans le sang par les forces gouvernementales sous les ordres du KGB comme vous l’avez vu dans le film Land and Freedom. Le Kremlin avait insisté pour que les détachements de travailleurs armés rendent leurs armes au gouvernement auquel ils devaient aussi céder le contrôle politique et militaire de l’effort de guerre, condamnant ainsi les forces antifascistes à la défaite.

Si la Révolution espagnole avait été victorieuse, cela aurait conduit à une reprise des luttes révolutionnaires à travers l’Europe en renforçant l’opposition à l’encontre de la bureaucratie au sein de l’Union soviétique. Mais la classe ouvrière espagnole fut sacrifiée aux intérêts immédiats des staliniens. Trotsky avait signalé que Staline se livrait au commerce de la classe ouvrière tout comme s’il se livrait au commerce du pétrole, du manganèse et d’autres marchandises.

Jusqu’au déclenchement de la guerre en septembre 1939, de puissantes factions de la classe dirigeante française et anglaise avaient espéré qu’Hitler attaquerait l’URSS, en éliminant de ce fait leur principal ennemi sans coup férir de leur part. C’était l’idée qui se cachait derrière les accords de Munich de 1938 et qui démembrèrent la Tchécoslovaquie. Je me souviens du film d’actualités au retour d’Allemagne de Neville Chamberlain brandissant un papier et murmurant « la paix pour notre temps ».

Onze jours avant le début de la Seconde Guerre mondiale, Staline avait signé un pacte de non-agression avec Hitler, permettant à Hitler d’attaquer l’Occident sans engager une guerre sur deux fronts. Les membres des partis communistes de France et de Grande-Bretagne qui avaient réclamé une alliance entre l’Union soviétique et l’Occident contre les puissances fascistes avaient dû faire une volte-face et adopter une position de neutralité face aux fascistes.

En 1941, après l’attaque de Hitler contre la Russie, l’Union soviétique qui autrefois avait été qualifiée à l’Ouest de « Menace rouge » bolchevique, devint « nos braves alliés russes. » En fait, le courage et la détermination du peuple russe à défendre les acquis de 1917, en dépit du rôle contre-révolutionnaire de la bureaucratie stalinienne, suscitèrent l’admiration de millions de travailleurs de par le monde. Ils reconnurent que la classe ouvrière soviétique avait quelque chose à défendre.

Tout au long de la guerre, la machine de propagande britannique ne cessa de diffuser un message de haine contre tout ce qui était allemand. Ils n’auraient pas pu justifier leur politique de la destruction totale des villes allemandes s’ils n’avaient pas agit ainsi. Le peuple allemand fut entièrement identifié aux nazis malgré le fait que jusqu’au déclenchement de la guerre la plus grande victime du nazisme avait été la classe ouvrière allemande elle-même.

Dans ce cas aussi, Ehrenbourg joua un rôle clé comme propagateur de haine pour la bureaucratie stalinienne. Ils avaient abandonné de longue date toute allégeance aux principes de l’internationalisme révolutionnaire ou à la reconnaissance de la contribution fournie par la classe ouvrière allemande à la lutte pour le socialisme.

La dégénérescence nationaliste de la bureaucratie fut clairement illustrée dans l’un des commentaires d’Ehrenbourg. Il déclara : « Les Allemands ne sont pas des êtres humains. Dorénavant le mot Allemand est pour nous la pire des malédictions. Désormais, le mot Allemand libère la gâchette de votre fusil…il n’y a rien de plus réjouissant pour nous qu’une pile de cadavres allemands. Ne comptez pas les jours, ne comptez pas les kilomètres. Comptez le nombre d’Allemands que vous avez tués. Tuez l’Allemand, c’est la prière de votre vieille mère. Tuez l’Allemand, c’est ce que vos enfants vous supplient de faire. Tuez l’Allemand, c’est le cri de votre terre russe. N’hésitez pas. Ne faiblissez pas. Tuez. »

C’est cette propagande de haine de tout ce qui est allemand qui rendit possible les bombardements incendiaires des villes allemandes et une propagande identique contre les Japonais fut employée pour justifier le terrible bombardement de Nagasaki et de Hiroshima en août 1945.

En dépit de l’horreur que moi-même et des millions d’autres ressentirent à la nouvelle que des bombes atomiques avaient été larguées, les raisons derrière ces faits nous étaient totalement incompréhensibles. Nous ne nous rendions pas compte que plutôt que de finir la guerre avec un minimum de pertes en vies américaines, comme on nous l’avait dit, la véritable raison de ces crimes de guerre sans précédent, était d’émettre un avertissement à l’adresse de l’Union soviétique quant à la puissance militaire des Etats-Unis et de sa volonté d’y recourir en cas de conflits futurs.

J’ai rejoint le Parti communiste en 1945 à l’âge de 18 ans parce que j’identifiais le parti avec l’héroïsme de la classe ouvrière russe pendant la guerre et parce que j’étais dominée par la fausse impression que c’était un parti révolutionnaire. J’étais déterminée, tout comme des millions d’autres, à ce qu’il n’y ait pas un retour aux souffrances d’avant-guerre de la classe ouvrière et dont j’avais été témoin.

Durant les onze années suivantes, je subis pleinement la mauvaise éducation des staliniens. Il ne me fallut pas longtemps pour comprendre que le Parti communiste était loin d’être un parti révolutionnaire. Mais je ne voyais pas d’alternative. Ce ne fut que lorsque je rejoignis le mouvement trotskyste en 1958, après la Révolution hongroise de 1956, que je compris la signification de toutes les expériences que moi-même et les millions de travailleurs avions vécues avant, pendant et après la Seconde Guerre mondiale.

Les fondements d’un nouvel équilibre économique furent établis après la guerre, suite aux trahisons des directions stalinienne et social-démocrate de la classe ouvrière et de l’énorme pouvoir économique des Etats-Unis d’Amérique. Cet équilibre économique n’existe plus.

L’Union soviétique s’est effondrée. Le monde entier est plongé dans la crise économique la plus profonde depuis la Grande Dépression. Les nouvelles puissances de la Chine et dans une mesure moindre, de l’Inde font irruption sur la scène et défient les puissances impérialistes établies. Les partis sociaux-démocrates et les syndicats partout dans le monde ne font même plus semblant de représenter les intérêts de la classe ouvrière. Le capitalisme n’a rien d’autre à offrir qu’une crise économique et une menace de guerre encore plus mortelle que la dernière.

Aujourd’hui, je suis fière de me trouver à cette tribune aux côtés de camarades de France et d’Allemagne, unis sur la base de l’internationalisme socialiste authentique. Une telle unité n’est possible que sous la bannière de la Quatrième Internationale. Notre tâche est de résoudre la crise de la direction de la classe ouvrière, de construire ce parti, d’éduquer et de préparer la classe ouvrière aux luttes révolutionnaires à venir contre le capitalisme, l’établissement du pouvoir ouvrier et la création d’une société socialiste.

(Article original paru le 2 novembre 2009)

 

 


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