wsws.org/francais

Visitez le site anglais du WSWS

SUR LE SITE :

Contribuez au WSWS

Nouvelles et Analyses
Luttes Ouvrières
Histoire et Culture
Correspondance
L'héritage que nous défendons

A propos du CIQI
A propos du WSWS

AUTRES LANGUES

Allemand

Français
Anglais
Espagnol
Italien

Indonésien
Russe
Turque
Tamoul

Singalais
Serbo-Croate

  WSWS : Histoire et culture

Vingt ans depuis la chute du Mur de Berlin

Déclaration du Bund Sozialistischer Arbeiter, 18 octobre 1989 – Deuxième partie

Il faut renverser la bureaucratie stalinienne!
Il faut construire des conseils ouvriers en Allemagne de l’Est !

Imprimez cet article | Ecrivez à l'auteur

Il y a vingt ans, le 4 novembre 1989, l’on assistait à la plus importante manifestation de l’histoire de l’Allemagne de l’Est (République démocratique allemande, RDA). Près d’un million de personnes s’étaient rassemblées dans le centre de Berlin Est pour manifester contre la bureaucratie stalinienne au pouvoir.

Berlin 1989Manifestation de masse à Berlin Est, le 4 novembre 1989

La manifestation à Berlin fut le point culminant de la vague de protestations qui avait commencé à Leipzig deux mois auparavant et qui n’avait cessé de croître de semaine en semaine. Le SED stalinien (Parti socialiste unifié d’Allemagne) avait déjà démissionné à ce moment. Le 18 octobre, le chef du Politburo (bureau politique) et le président de longue date du conseil d’Etat, Erich Honecker, avait été remplacé par Egon Krenz. Peu de temps après d’autres fonctionnaires méprisés du SED, tel Erich Mielke, le patron de la Stasi, police secrète de la RDA, et Kurt Hager, le chef du service de la propagande démissionnaient également de leur poste.

Le 9 novembre, cinq jours après la manifestation de masse à Berlin, le SED ouvrait le Mur de Berlin. Ceci déclencha le processus de la dissolution de la RDA qui, après un traité commun et une union monétaire avec l’Ouest du pays, s'acheva par la réunification de l’Allemagne.

Toutefois, lors de la manifestation du 4 novembre, il n’avait nullement été question d’un tel cours des événements. Au contraire, la manifestation de masse avait pris la forme d’une opposition politique et sociale au régime stalinien et fut dominée par des slogans tels : Elections libres ! Démission du gouvernement ! Abolition du monopole du pouvoir SED ! Abolition des privilèges du parti et des fonctionnaires d’Etat! Dissolution de la Stasi!

Les intervenants à la manifestation de Berlin étaient avant tout des représentants de l’opposition petite-bourgeoise de l’Allemagne de l’Est représentée par des artistes, des curés et des avocats qui cherchaient à contenir et à désamorcer la colère des participants en lançant des appels au « dialogue » avec le régime. Les organisateurs de la manifestation permirent également à des membres en vue du SED de s’exprimer, y compris Gregor Gysi, Günter Schabowski et le chef adjoint de longue date de la Stasi, Markus Wolf.

Le Bund Sozialistischer Arbeiter (Ligue des Travailleurs socialistes), le prédécesseur du Parti für Soziale Gleichheit (Parti de l’Egalité socialiste d’Allemagne), distribua lors de la manifestation un appel sous forme de brochure. Avant la manifestation, des milliers d’exemplaires de cet appel avaient été introduits clandestinement en Allemagne de l’Est, la frontière Ouest-Est étant encore fermée à ce moment. Comme parti trotskyste, le Bund Sozialistischer Arbeiter (BSA) luttait contre le régime stalinien d’un point de vue de gauche et toute activité lui était interdite depuis la fondation de l’Etat Est-allemand en 1949. Le SED menait une campagne répressive intransigeante contre les mouvements oppositionnels clandestins tout en ayant établi dans le même temps, à partir des années 1970, des liens étroits avec la République fédérale allemande à l’Ouest et ses personnalités dirigeantes, Willy Brandt, Helmut Schmidt, Helmut Kohl et Franz Josef Strauß.

Le BSA était la seule tendance politique à avancer un programme d’opposition fondé sur une perspective socialiste internationale à l’encontre de la bureaucratie stalinienne. Les avertissements du parti concernant les conséquences sociales catastrophiques de la restauration du capitalisme qui à son tour ouvrirait une nouvelle période de conflits et de guerres impérialistes furent tout à fait confirmés par le cours des événements.

L’appel lancé par le BSA saluait l’opposition au régime en RDA. Il soulignait le lien entre la crise en RDA et la crise du capitalisme mondial dont le « soutien politique le plus important » durant ces six dernières décennies avaient précisément été les bureaucraties staliniennes. Les alliés dans la lutte contre le SED n’étaient donc ni « Gorbatchev, le dirigeant du quartier général stalinien à Moscou, ni les politiciens capitalistes occidentaux, ni le Parti social-démocrate ou les bureaucraties syndicales, mais purement et simplement la classe ouvrière internationale. »

A l’occasion du 20ème anniversaire de la chute du Mur de Berlin, nous republions cet appel. Dans les jours et les semaines à venir, le WSWS publiera une série d’articles traitant du contexte et des conséquences de la réunification de l’Allemagne, davantage de rapports et de commentaires ayant trait au 20ème anniversaire ainsi que davantage de matériel d’archives du BSA.

* * *

Cette déclaration du Comité central du Bund Sozialistischer Arbeiter, le prédécesseur du Partei für Soziale Gleichheit, fut publiée le 18 octobre 1989 dans le journal du BSA, Neue Arbeiterpresse. Nous affichons ci-dessous la deuxième des trois parties de la déclaration.La 1ère partie a été mise en ligne le 13 novembre

Le rôle contre-révolutionnaire du stalinisme

StalinJoseph Staline

La classe ouvrière en Allemagne de l’Est, en Union soviétique et de par l’Europe de l’Est est confrontée non pas à la faillite du marxisme ou au naufrage du socialisme, mais à la banqueroute historique du stalinisme ! Le stalinisme a ses racines dans la montée, durant les années 1920 et 1930, de la bureaucratie, une couche parasitaire d’abord dans l’Etat puis dans l’appareil du parti du premier Etat ouvrier. Après la Révolution d’Octobre, les défaites des révolutions mondiales, l’isolement et l’affaiblissement du prolétariat soviétique qui s’ensuivirent permirent à cette couche qui avait trouvé son porte-parole et son représentant en Staline, de consolider son existence parasitaire en Union soviétique, de détruire le parti de Lénine et de museler la classe ouvrière en la privant de ses droits politiques.

De plus en plus, la politique internationale de la bureaucratie fut déterminée par ses intérêts à empêcher toute extension de la révolution socialiste à d’autres pays. Le programme de la révolution socialiste mondiale fut supprimé et remplacé par un programme réactionnaire nationaliste de la « construction du socialisme dans un seul pays. » Les marxistes révolutionnaires furent persécutés et assassinés et tous les dirigeants de la Révolution d’Octobre furent exécutés suite aux Procès de Moscou.

L’Internationale Communiste (Comintern) fut transformée d’un instrument pour la conquête du pouvoir des travailleurs en un instrument servile de la bureaucratie du Kremlin et de sa politique étrangère. Ses dirigeants furent remplacés par des laquais dociles et des hommes de main de Staline. Ceux d’entre les membres qui étaient dévoués aux traditions révolutionnaires du marxisme ou qui manifestaient la moindre opposition à la politique de Staline étaient expulsés, remis aux nazis ou liquidés par la police secrète de Staline durant la guerre civile espagnole. Ceux qui avaient fui le nazisme pour se réfugier en Union soviétique furent assassinés ou déportés vers les camps en Sibérie.

Seule l’Opposition de Gauche dirigée par Léon Trotsky et la Quatrième Internationale qu’il avait fondée en 1938 ont depuis défendu le programme de la révolution socialiste mondiale au sein du mouvement ouvrier international.

La bureaucratie stalinienne était devenue le principal pilier contre-révolutionnaire de l’impérialisme au sein du mouvement ouvrier international. Ceci fut prouvé par la trahison historique du KPD (Kommunistische Partei Deutschlands, Parti communiste d’Allemagne) et la direction du Comintern en 1933, qui permit aux nazis d’accéder au pouvoir en Allemagne sans aucun combat et ensuite l’application de la politique de Front populaire conçue par Staline pour défendre la « démocratie » capitaliste de l’Etat bourgeois à l’encontre de la classe ouvrière, comme ce fut le cas durant la guerre civile espagnole ou en France.

Les origines et le caractère de classe de l’Etat d’Allemagne de l’Est

La bureaucratie d’Allemagne de l’Est se place immédiatement dans la tradition contre-révolutionnaire de la bureaucratie du Kremlin dont elle fut l’instrument. Elle fut le produit d’accords conclus par Staline avec les impérialistes à Yalta et à Potsdam. Du côté des impérialistes, comme de celui des bureaucrates du Kremlin, ces accords étaient entièrement dictés par leur crainte de développements révolutionnaires au sein de la classe ouvrière.

Moscou promettait de réprimer tout mouvement révolutionnaire grâce à son servile appareil du parti dans chaque pays respectif, en garantissant la mainmise impérialiste dans les « zones d’influence » impérialistes. En échange, la bureaucratie de Moscou recevait l’accord des impérialistes américain, français et britannique de bénéficier de sa propre « zone d’influence » en Europe de l’Est où elle envisageait d’établir des « Etats tampons » pour la protection de l’Union soviétique contre de nouvelles attaques et de nouvelles guerres. Les révolutions en Grèce, en Italie, en France, en Perse, au Vietnam, au Japon et dans beaucoup d’autres pays furent sacrifiées à ces accords par lesquels la bureaucratie stalinienne espérait parvenir à une coexistence pacifique avec les impérialistes aux dépens de la classe ouvrière internationale.

L’élément essentiel de ce complot était la division et le contrôle militaire de la classe ouvrière allemande. La bureaucratie du Kremlin redoutait tout autant un nouvel affermissement de la force de la classe ouvrière et de son potentiel révolutionnaire que les impérialistes mêmes car un soulèvement révolutionnaire en Allemagne aurait immédiatement mobilisé la classe ouvrière en URSS en renforçant sa lutte pour le renversement de la bureaucratie en Union soviétique.

La division de l’Allemagne n’est donc pas une question nationale mais une question de classe ! Dans les zones occupées par les alliés occidentaux, l’appareil d’Etat, la police, le pouvoir judiciaire et les services secrets furent repris tels quels des nazis et des industriels comme Krupp, Thyssen et Siemens ainsi que des banquiers nazis tels H.J. Abs, réintégrèrent tous leurs anciens postes. La bureaucratie stalinienne n’envisageait nullement la destruction ou l’expropriation du capital allemand, celui là même qui avait déjà été à l’origine de deux guerres. Son objectif était plutôt de diviser et d’affaiblir la classe ouvrière. Dans la zone orientale, occupée par l’armée soviétique, Staline et ses représentants étaient loin de penser à mobiliser la classe ouvrière pour la révolution socialiste, bien au contraire : le document appelant en 1945 à la création du KPD stipulait comme objectif un « capitalisme démocratique, » garantissant le droit à la propriété privée des moyens de production, la protection de la « liberté d’entreprise » en condamnant la classe ouvrière à « apprendre la démocratie bourgeoise. »

UlbrichtWalter Ulbricht

Pour concrétiser ce programme réactionnaire, l’on fit venir de Moscou le groupe Ulbricht dont les membres étaient, tout comme Walter Ulbricht, des individus triés sur le volet et parfaitement dévoués à Staline ou, comme Wilhelm Zaisser et Franz Dahlem, qui avaient été testés et acceptés comme hommes de main de la police secrète de Staline lors de la guerre civile espagnole. Ce groupe trouva des alliés parmi les bureaucrates sociaux-démocrates tels Otto Grotewohl qui étaient unis aux staliniens dans leur hostilité à la révolution socialiste et dans leur objectif pour un « capitalisme démocratique. »

Leur ennemi commun était la classe ouvrière qui, dans un puissant mouvement spontané, voulait en finir avec le capitalisme, la source de la guerre et du fascisme. Les travailleurs chassèrent des usines les vieux capitalistes et leurs patrons en constituant des comités d’usine afin de contrôler la production et la faire redémarrer. Se basant sur le service secret stalinien et le pouvoir militaire soviétique, les stalinistes affiliés à Ulbricht commencèrent à mettre en place un appareil de police d’Etat pour contrôler ce mouvement de la classe ouvrière.

Au moment où, à Moscou; la bureaucratie stalinienne était confrontée à une nouvelle offensive économique et militaire contre l’Union soviétique, que les impérialistes avaient initiée en 1947-48 avec la guerre froide et le Plan Marshall, elle fut obligée d’abandonner ses projets de construire des régimes « capitalistes démocratiques » dans les Etats tampons pour les remplacer par le programme non moins réactionnaire de « construire le socialisme dans un seul pays, » ou plutôt dans la moitié d’un pays. Sous la pression de la classe ouvrière, la bureaucratie procéda à des nationalisations de grande envergure en mettant en place une économie planifiée. Toutefois, craignant une mobilisation imminente de la classe ouvrière que ces mesures renforcèrent, la bureaucratie recourut pour ce faire à ses propres méthodes bureaucratiques en étouffant dans l’œuf toute activité indépendante et tout mouvement politique de la classe ouvrière.

Ainsi les acquis de la Révolution d’Octobre 1917 furent certes étendus à l’Europe de l’Est non pas par les actions révolutionnaires et conscientes de la classe ouvrière et de ses organes indépendants du pouvoir mais par une bureaucratie toute puissante qui cherchait à maintenir son emprise sur la classe ouvrière en empêchant précisément la naissance d’une telle conscience socialiste et toute action révolutionnaire. Le salut de la classe ouvrière lui fut prescrit d’en haut et lui fut imposé par la botte de police.

Le mouvement trotskyste a pour cette raison toujours souligné le caractère complètement déformé de ces Etats ouvriers d’Europe de l’Est, tel l’Allemagne de l’Est, et qui trouvent leur origine dans les manœuvres contre-révolutionnaires de la bureaucratie stalinienne et non dans la révolution socialiste de la classe ouvrière. Le contenu économiquement progressiste de l’instauration de l’économie planifiée pèse bien moins lourds dans l’histoire que les immenses dégâts que la bureaucratie stalinienne a infligés à la conscience du prolétariat mondial en discréditant les perspectives du socialisme et en rejetant la révolution mondiale des décennies en arrière.

HoneckerErich Honecker

Le caractère du régime Ulbricht-Honecker comme étant totalement hostile aux travailleurs fut ouvertement exprimé immédiatement après qu’ils eurent proclamé la « construction du socialisme dans la RDA. » En juin 1953, le soulèvement de centaines de milliers de travailleurs fut écrasé par les tanks soviétiques, plus de 200 travailleurs furent tués par balle et des milliers furent emprisonnés. La bureaucratie à Berlin Est avait perdu ce qui lui était resté de crédibilité, tout comme d’ailleurs la bureaucratie du Kremlin. Jusque-là, Moscou avait encore suscité un certain respect auprès de la classe ouvrière en raison de la victoire de l’Armée rouge sur le fascisme de Hitler et la menace émanant de la restauration de l’impérialisme allemand réarmé.

Quelles que soient les concessions que la bureaucratie stalinienne fut obligée de concéder par la suite pour rehausser le niveau de vie de la classe ouvrière et stabiliser ainsi son régime, ces concessions ne signifièrent à aucun moment une réforme politique impliquant les masses laborieuses dans la conception et l’organisation de la société à travers les organes indépendants de la démocratie ouvrière. Non seulement la caste dirigeante fit un usage abusif de l’économie planifiée en sa faveur et pour son enrichissement personnel, elles se constitua aussi systématiquement une base sociale plus large en accordant des positions privilégiées au sein de l’Etat et de l’économie à un nombre de plus en plus important d’éléments issus de la petite bourgeoisie, de l’intelligentsia et de la couche supérieure de la classe ouvrière. Ou alors ces éléments étaient élevés au rang de « poètes officiels » ou d’« athlètes officiels » dans la « vie culturelle » de la bureaucratie.

Tous les arguments avancés par la bureaucratie pour justifier que le « socialisme a été réalisé » ou concernant le « socialiste dans la vie réelle » n'ont toujours servi qu'à voiler la vérité : à savoir que la classe ouvrière est opprimée ; que les réformes extrêmement limitées et bureaucratiquement appliquées sous la pression de la classe ouvrière durant la fin des années 1940, les nationalisations et les éléments de l’économie planifiée, furent de plus en plus minés ; et enfin, que la bureaucratie stalinienne à Berlin Est opérait avant tout comme un pilier et une agence de l’impérialisme contre la classe ouvrière internationale.

Rien n’a démontré plus clairement le rôle contre-révolutionnaire joué par la bureaucratie stalinienne de la RDA que l’érection du Mur de Berlin qui a bouclé les frontières de l’Allemagne de l’Est en privant la classe ouvrière de toute possibilité de se soustraire à l’oppression de la bureaucratie. Le Mur n’était rien d’autre qu’une mesure pour respecter les accords et les stratégies de Potsdam et de Yalta à l’encontre de la classe ouvrière dont la force et la confiance en soi avaient grandi depuis la fin de la guerre. Il avait pour conséquence non seulement la consolidation du pouvoir de la bureaucratie en Allemagne de l’Est mais aussi celle du capitalisme Ouest-allemand. Durant les années où le gouvernement Adenauer-Erhard plongeait dans la plus grave crise politique depuis la fin de la guerre du fait du scandale du magazine Der Spiegel et de la première grande récession, la bureaucratie de Berlin Est lui a toujours fourni suffisamment de matériel anti-communiste et que la bureaucratie social-démocrate requérait pour assujettir la classe ouvrière Ouest-allemande au gouvernement Adenauer-Erhard et plus tard à la grande coalition et au gouvernement capitaliste SPD/FDP (libéraux).

Contrairement à la propagande stalinienne au sujet du « rempart de protection antifasciste contre l’impérialisme, » le casernement de la classe ouvrière en Allemagne de l’Est permit au régime Ulbricht d’entreprendre les premiers pas dans l’économie pour la restauration du capitalisme. Dans l’Union soviétique, la tentative d’imposer une augmentation de la rentabilité sur la base de méthodes capitalistes à grande échelle, les soi-disant « réformes Liberman », rencontra une résistance féroce de la part de la classe ouvrière. Les grèves et les manifestations dans les centres industriels entraînèrent finalement la chute de Khrouchtchev. Ulbricht, toutefois, fut en mesure de mettre en place ces mesures grâce au « Nouveau système économique » (Neues Ökonomisches System) : la réintroduction du salaire au mérite qui avait été aboli en 1945 par la classe ouvrière et ses comités d’usine sur la plupart des lieux de travail ; l’orientation de l’activité de chaque entreprise sur le profit ; et même la dépendance du salaire du niveau de profit de chaque usine.

Toutefois, durant le début des années 1960, la bureaucratie se vit obligée d’annuler cette décentralisation et ce début de démantèlement de l’économie planifiée. Elle fut profondément choquée par les luttes menées par la classe ouvrière en Tchécoslovaquie (1968) et en Pologne (1970) contre les bureaucraties ainsi que par la puissante mobilisation en Europe de l’Ouest et internationalement de la classe ouvrière contre le capitalisme qui avait culminé dans la grève générale de mai-juin 1968 et le renversement de nombreuses dictatures telles en Grèce et au Portugal et porté au pouvoir le premier gouvernement SPD en Allemagne de l’Ouest. La direction du SED remplaça Ulbricht par Honecker en tentant de consolider son pouvoir au moyen de vastes concessions faites à la classe ouvrière, telles des subventions pour la nourriture et le logement. Dans le même temps, le pouvoir intensifia sa collaboration avec les capitalistes de l’Allemagne de l’Ouest dans le cadre de la « nouvelle politique à l’Est » (neue Ostpolitik) de cette dernière.

Les causes et la solution à la présente crise en Allemagne de l’Est

L’actuelle crise économique qui frappe l’Allemagne de l’Est, l’ensemble de l’Europe de l’Est et l’Union soviétique est le résultat direct de la politique stalinienne de « la construction du socialisme dans un seul pays. »

L’économie de ces Etats ouvriers dégénérés et déformés fut isolée du développement des forces de production, séparée de la division internationale du travail et des ressources de l’économie mondiale. Elle était serrée dans la camisole de force des Etats-nations qui ont, économiquement et historiquement, échoué en conduisant à des déséquilibres économiques, des pénuries et des antagonismes sociaux de plus en plus graves.

Depuis le début des années 1980, les conséquences de la crise économique mondiale du capitalisme pour les pays du COMECON, le déclin des cours du pétrole, la dégradation des débouchés sur le marché mondial et donc la baisse radicale des recettes en devises, ont rogné les marges de manœuvre et privé ainsi la bureaucratie de toute possibilité de faire des concessions à la classe ouvrière. Les implications révolutionnaires de cette situation, le danger mortel qu’elle posait à la bureaucratie stalinienne a éclaté immédiatement au grand jour lors du mouvement de masse de la classe ouvrière en Pologne en 1980-81.

Il n’y a que deux manières pour surmonter cette crise économique en Union soviétique et dans les pays d’Europe de l’Est et dont les racines se trouvent dans l’isolement de ces pays par rapport aux ressources du marché mondial.

Soit la manière capitaliste, c’est-à-dire la réintégration de ces Etats dans le marché capitaliste par la restauration des rapports de propriété capitalistes et de l’exploitation. Ceci signifierait la transformation de la bureaucratie stalinienne en une nouvelle classe dirigeante capitaliste en se fondant elle-même sur les banques impérialistes et les entreprises occidentales ainsi que sur les couches supérieures de la petite bourgeoisie de son propre pays.

Ou bien, la manière socialiste, qui est la défense de l’économie planifiée en la purgeant de toute déformation bureaucratique par le renversement de la bureaucratie stalinienne et l’extension des rapports de propriété socialistes au reste du monde par l’achèvement de la révolution socialiste mondiale.

Le danger de la restauration capitaliste

La première voie, celle de la restauration contre-révolutionnaire du capitalisme est celle empruntée par la bureaucratie du Kremlin sous Gorbatchev, par Jaruzelski en Pologne et les staliniens en Hongrie. Ce faisant, Gorbatchev tire les conclusions des événements de Pologne en 1980-81.

Le mouvement d’opposition en Allemagne de l’Est et tout particulièrement la grève des mineurs en Union soviétique et les luttes de la classe ouvrière chinoise, montrent que la classe ouvrière dans ces pays a commencé à briser les camisoles de force de l’oppression et de l’isolement national en se dressant contre la bureaucratie.

Les éléments les plus conscients et les plus droitiers de la bureaucratie dirigée par Gorbatchev essaient de devancer ce processus pour sauver le régime de la bureaucratie en parachevant la réaction bourgeoise qui avait débuté avec la montée de la bureaucratie durant les années 1920 et 1930, mais sans qu’aient pu être détruits les acquis de la Révolution d’Octobre. Ils essaient de restaurer les rapports de propriété capitalistes et l’exploitation en intégrant les Etats ouvriers dans le marché capitaliste mondial.

Avec l’éviction d’Erich Honecker et de Guenter Mittag, qui était responsable des questions économiques au gouvernement, la direction du SED en Allemagne de l’Est avait clairement montré qu’elle aussi s’embarquait dans la voie de Gorbatchev. Se basant sur ses liens étroits et établis de longue date avec les entreprises et les banques occidentales, la nouvelle direction tentera également d’abolir les réformes et les concessions économiques les plus limitées et qui étaient liées aux rapports de propriété nationalisés et à l’économie planifiée pour restaurer le capitalisme et transformer ainsi la bureaucratie en une nouvelle classe dirigeante capitaliste.

D’ores et déjà, les bureaucrates à Berlin Est, Leipzig et Dresde se servent de l’appel à des « réformes » pour exiger « plus d’efficacité » et des « salaires au mérite » dans les usines. Ce qui les motive toutefois ce n’est pas d’abolir les privilèges et les postes des bureaucrates nullement productifs. Ils parlent plutôt de diviser les travailleurs au moyen de primes et d’une différentiation salariale. De cette façon, ils cherchent à accroître la productivité du travail pour intégrer le pays dans le marché capitaliste mondial. Ils sont pleinement conscients des implications révolutionnaires de cette option et de la menace qu’elle représente pour leur régime et c’est pour cela qu'ils ont choisi le chef de la police et de l’appareil de sécurité, Egon Krenz, comme leur nouveau dirigeant.

La position de l’économie Est-allemande dans l’économie mondiale pousse impitoyablement la bureaucratie du SED dans cette direction. En dépit de la fiction stalinienne réactionnaire de la « construction du socialisme dans un seul pays » ou plutôt dans un demi pays, l’économie Est-allemande, tout comme celle de l’Allemagne de l’Ouest (République fédérale d’Allemagne, RFA), est fortement tributaire des exportations. Plus de la moitié du revenu national provient des recettes des exportations vers le marché mondial (la moyenne mondiale est de 17 pour cent). Jusqu’à présent, plus des deux tiers de ces exportations se sont effectués vers les pays du COMECON.

Mais l’URSS qui, à elle seule, compte pour 40 pour cent du commerce extérieur Est-allemand est, tout comme la Pologne, en train d’orienter son commerce extérieur vers l’Ouest capitaliste en favorisant l’économie capitaliste de marché en Europe de l’Est. Des entreprises individuelles prennent la place des institutions de l’Etat dont les chiffres fixés par le Plan avaient servi de base au développement de l’industrie en RDA. Les nouvelles entreprises individuelles réclament maintenant des prix plus bas et une qualité supérieure conformément aux niveaux en vigueur sur le marché mondial. N’étant pas liées par contrat aux Etats, elles peuvent à tout moment rompre les relations commerciales.

Dans le passé, c’était le commerce extérieur avec les pays du COMECON qui avait permis à la bureaucratie stalinienne de faire des concessions à la classe ouvrière en Allemagne de l’Est pour ce qui était des niveaux de vie. Mais la voie de la restauration du capitalisme prise par les partenaires commerciaux Est-européens a fait que cette source de recettes a tari et l’opposition inconciliable entre les intérêts de la couche parasitaire dirigeante et les aspirations de la classe ouvrière remonte à la surface.

Le fait que l’industrie Est-allemande était désespérément désuète comparée à celle du marché mondial a pu être dissimulé tant que le pays s’appuyait encore sur une rentabilité supérieure à celle de ses partenaires Est-européens en trouvant toujours des acheteurs pour ses produits. Mais à présent le COMECON est en train de se disloquer et chaque régime national veut importer de l’Occident une technologie et des machines modernes. Tout ce qu’ils veulent recevoir de l’Allemagne de l’Est ce sont des biens de consommation dont elle est elle-même en grave pénurie.

En ce qui concerne la force d’innovation interne de l’Allemagne de l’Est la « mise au point indépendante d’une puce électronique d’un mégabit » (et qui ne pourra pas être produite industriellement au moins avant 1992), qui fut célébrée par Honecker dans une émission de télévision ridicule, ne peut pas masquer la réalité que cette force a faibli considérablement en raison de son isolement du développement technologique international. L’existence de l’appareil bureaucratique de parasites qui opprime la classe ouvrière s’avère être le plus grand obstacle au développement des forces productives et à une croissance harmonieuse de l’économie.

La vitesse à laquelle les pays d’Europe de l’Est, y compris l’Allemagne de l’Est, ont suivi la trajectoire de restauration capitaliste de Gorbatchev montre que les nationalisations et les mesures prises par la bureaucratie à la fin des années 1940 en faveur d’une économie planifiée n’avaient en aucune manière représenté une solution finale aux problèmes de la classe ouvrière mais étaient d’un caractère hautement transitoire et éphémère. Le sort de ces Etats ouvriers dépend purement et simplement de la classe ouvrière et de sa capacité à renverser la bureaucratie stalinienne par une révolution politique, à construire ses propres organes de pouvoir et à s’unir à la classe ouvrière dans l’Ouest capitaliste dans la lutte contre l’impérialisme et ses agences bureaucratiques.

A suivre

(Article original paru le 6 novembre 2009)

Sur le même sujet:

Vingt ans depuis la chute du Mur de Berlin
Déclaration du Bund Sozialistischer Arbeiter, 18 octobre 1989 – Première partie

 

 


Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés