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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Russie : Les travailleurs d’AvtoVaz manifestent contre les licenciements de masse

Par Vladimir Volkov
29 octobre 2009

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Le samedi 17 octobre, quelque 1.500 personnes ont participé à une réunion contre les licenciements de masse chez AvtoVaz, la plus grande usine automobile russe construite à la fin des années 1960.

La réunion à Togliatti, une ville de la province de Samarskii comptant 700.000 habitants et dont 100.000 travaillent chez AvtoVaz, avait été tenue à l’initiative du syndicat indépendant « Unity ».

Selon l’un des participants aux manifestations, de nombreux travailleurs de l’entreprise sont à présent payés entre 5.000 et 6.000 roubles par mois (170-205 dollars) alors qu’il y a six mois ils recevaient entre 15.000 et 16.000 rouble (515-550 dollars) par mois. Depuis septembre, l’usine est passée à la semaine de 20 heures.

La résolution passée lors de la réunion exigeait le retour à la semaine de 40 heures à partir du 1er novembre, la garantie écrite de non licenciement de la part du président et du gouvernement et l’introduction d’un salaire minimum de 25.000 roubles (860 dollars) par mois. C’est la somme que les propriétaires qui avaient pris le contrôle de l’usine il y a quelques années avaient promis de payer aux travailleurs.

AvtoVaz appartient à l’entreprise publique Rostechnologii, à la tête de laquelle se trouve Sergeï Tchemezov, un ami personnel du premier ministre, Vladimir Poutine. Vladimir Artiakov, nommé président du groupe AvtoVaz par Rostechnologii, est devenu depuis le gouverneur de la province de Samara.

Les participants à la réunion ont exigé que le gouvernement respecte le principe selon lequel les salaires de la direction n’excèdent pas plus de cinq fois ceux des travailleurs.

Cette question est tout particulièrement importante vu les rémunérations disproportionnées dont bénéficient les dirigeants de l’entreprise indépendamment de la production. Suite à la crise économique et en raison d’une direction extrêmement dépensière et prédatrice, AvtoVaz a fini par se retrouver en grande difficulté.

En 2008, les dirigeants avaient reçu plus que le montant total de la facture salariale réservée au restant des employés. Ceci est caractéristique pour la majorité des grandes entreprises privées de Russie.

Malgré les revendications restreintes réclamées par les organisateurs de la réunion et leurs appels au gouvernement, la protestation reflète un mécontentement grandissant au sein de la classe ouvrière russe et un effort de la part des travailleurs pour trouver des formes de lutte afin de pouvoir défendre leurs droits et leurs intérêts.

En juillet dernier, les actions courageuses des gens de Pikalevo, une petite ville de 20.000 habitants située à 200 kilomètres à l’Est de Saint-Petersbourg, avaient trouvé un large écho parmi la population en général. Lors des protestations contre une situation socio-économique insoutenable, une centaine de personnes avaient bloqué l’autoroute fédérale Novaya Lagoda-Vologda. Ils avaient réclamé le paiement des arriérés de salaires et la remise en activité d’usines qui avaient cessé la production dans la ville.

A Pikalevo, la situation était restée tendue des mois durant. Pour résoudre la crise, Poutine fut contraint de s’y rendre. Sous la pression exercée par Poutine, les propriétaires de trois firmes de technologie qui partagent des liens dont l’une, la holding de l’aluminium, est détenue par l’oligarque russe Oleg Deripaska, avait accepté de redémarrer la livraison des matières premières et de reprendre la production.

L’exemple donné par les habitants de Pikalevo fut rapidement repris par beaucoup d’autres collectifs de travailleurs et de groupes sociaux du pays. Durant l’été et au début de cet automne, une vague de protestations s'est déroulée à travers la Russie lors desquelles les travailleurs, les retraités et même les soldats ont menacé de bloquer les autoroutes ou de s’engager dans d’autres formes de protestations au cas où leurs revendications étaient ignorées.

Les craintes du gouvernement quant aux conséquences de telles manifestations ont incité le président Dmitry Medvedev à publier un communiqué spécial mettant en garde les gouverneurs qu’ils seraient tenus personnellement responsables du développement de nouveaux points chauds provoqués par les troubles sociaux.

Pikalevo, tout comme Togliatti, est un exemple classique d’une « cité mono-industrielle » russe, centres urbains dans lesquels l’économie locale et la population sont entièrement tributaires d’une seule industrie pour subvenir à leurs besoins. L’on compte plus de 400 cités du genre dans le pays et qui représentent un quart de la population urbaine de Russie. Jusqu’au moment de la crise économique, les cités mono-industrielles représentaient 40 pour cent du PIB de la Russie.

AvtoVaz au bord de la faillite

Le géant de l’automobile de Togliatti est en bien triste posture. En 2008, il produisait 900.000 voitures. Toutefois, en raison de l’effondrement de ses ventes cette année, le rendement escompté ne s’élève qu’à 360.000.

D’ici la fin de 2009, l’entreprise aura accumulé des pertes de 30,7 milliards de roubles (plus d’un milliard de dollars) et la dette s’élèvera à 75,2 milliards de roubles (plus de 2,5 milliards de dollars).

Cet été, l’usine avait bénéficié d’un plan de sauvetage gouvernemental de 25 milliards de roubles (860 millions de dollars). Toutefois, ils ont été dépensés sans amélioration visible sur le terrain. C'est après cet état de fait que l’annonce de licenciements de masse, de l’ordre de 27.000 personnes, a été faite.

Début octobre, effrayé par les conséquences politiques, le vice premier ministre Igor Shuvalov, s’exprimant au nom du gouvernement a annoncé que des suppressions d’emplois à grande échelle seraient permises. Jusque-là, environ 5.000 personnes ont été licenciées.

La direction de l’usine continue d’insister sur l’inévitable nécessité de licenciements supplémentaires. Le président d’AvtoVaz, Igor Komaro, a déclaré que « l’effectif excédentaire provisoire » à l’usine était de 21.733 personnes. La direction a promis de revenir à une charge de travail normale en 2012, après une augmentation du volume de production. Toutefois, ceci n’est qu’une vaine promesse.

Le 19 octobre, la direction de l’usine a annoncé que l’entreprise était au bord de la faillite et a avancé ses propres mesures de sauvetage.

Son projet est de demander aux banques d’Etat de souscrire des obligations à hauteur de 50 milliards de roubles (environ 1,1 milliard d’euros). L’argent de la vente de ces obligations servirait à refinancer la dette existante. Cette démarche n’a pas été soutenue par les principaux créanciers de l’usine dont font partie les banques VTB et Sberbank. Le patron de cette dernière, German Gref, a déjà annoncé qu’il « ne pensait pas que la conversion en actions » de la dette était viable.

Poutine, qui est impliqué dans la résolution des problèmes à l’usine, a essayé d’exercer une pression sur Renault-Nissan qui détient 25 pour cent d’AvtoVaz. Début octobre, Poutine avait annoncé que Renault-Nissan devait participer au financement de l’entreprise automobile sous peine, dans une menace à peine voilée, de voir sa participation réduite par un reproportionnement des parts. En réaction, Renault a clairement montré qu’il ne voulait pas suivre cette voie et a manifesté son mécontentement quant à l'évolution de ses investissements russes.

Les entreprises russes pratiquent le licenciement de masse. Depuis janvier 2009, les licenciements sont passés de 150.000 à 200.000 personnes par mois. Le total annuel a déjà atteint le million. Les réductions d’emplois ont touché tous les domaines, allant de l’industrie d’extraction au commerce, du bâtiment à la finance.

Une étude sur les cadres dirigeants de 2.613 entreprises et réalisée début octobre par le site Internet portal Rabota@mail.ru a trouvé qu’au cours de l’année passée, 83 pour cent des entreprises ont réduit les salaires tandis qu’un pour cent seulement les ont augmentés.

La situation chez AvtoVaz, qui déborde de dettes et qui projette d’éliminer un cinquième de ses travailleurs, est typique de l’économie russe qui souffre d’un excès de technologie dépassée et qui est dominée par des propriétaires privés moins intéressés au développement de la production qu’à en tirer profit coûte que coûte même au prix d’une dégradation catastrophique de la base technologique de l’entreprise.

Le sort du géant automobile au bord de la Volga qui était jadis la fierté de l’industrie soviétique, symbolise l’impasse dans laquelle ont abouti la Russie et les autres anciennes républiques de l’Union soviétique à la suite à deux décennies de réformes capitalistes.

(Article original paru le 24 octobre 2009)


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