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WSWS : Nouvelles et analyses : Etats-Unis

Le prix Nobel de la guerre

Par Bill Van Auken
13 octobre 2009

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C’est avec étonnement qu’on a réagi, à travers le monde, à l’annonce vendredi, par le comité norvégien du prix Nobel, que Barack Obama avait été choisi comme récipiendaire du prix Nobel de la paix 2009.

Nombreux sont ceux qui se sont demandé comment Obama pouvait être choisi après moins de neuf mois au pouvoir, sans réalisation perceptible à aucun niveau. Son investiture a eu lieu onze jours seulement avant la date limite des nominations pour le prix.

Plus significatif cependant est ce qu’Obama a fait étant au pouvoir, qui n’a rien à voir avec la paix.

En matinée, Obama s’est présenté dans le Rose Garden et a commencé en déclarant que c’était avec « surprise et profonde humilité » qu’il recevait le prix Nobel de la paix. Il s’est ensuite dirigé vers la Maison-Blanche pour rencontrer son conseil de guerre et discuter de l’envoi de dizaines de milliers de soldats supplémentaires en Afghanistan et de l’intensification des bombardements dans ce pays et au-delà de la frontière au Pakistan.

Profitant de sa déclaration pour exprimer des menaces voilées à l’Iran, Obama s’est plié en quatre pour se déclarer le « commandant en chef » et faire référence aux deux guerres et occupations qu’il préside.

Bien que le comité du prix Nobel l’ait loué pour sa « vision d’un monde sans armes nucléaires », Obama a noté que cet objectif « pouvait ne pas être atteint au cours de ma vie ». Etant donné que, dans les pourparlers avec Moscou, son administration a exigé le droit de maintenir un minimum de 1500 ogives nucléaires, il sait de quoi il parle.

« Nous devons faire face au monde tel que nous le connaissons », a affirmé Obama, soulignant la distinction entre sa supposée « vision » et la réalité des politiques belliqueuses de son administration.

A première vue, il semble ridicule d’accorder un prix pour la paix à un président américain. Ce choix pourrait bien s’avérer n’être qu’un embarras pour l’administration Obama. Comment est-il possible de proclamer champion de la paix un « commandant en chef » qui est responsable de crimes de guerre, tels que le bombardement de la population civile en Afghanistan (l’une de ces attaques a coûté la vie a plus de 100 hommes, femmes et enfants en mai dernier).

Néanmoins, le prix Nobel de la paix a toujours été une distinction douteuse. Sa réputation ne s’est jamais vraiment remise de la décision de décerner le prix, en 1973, à Henry Kissinger, qui aujourd’hui n’est pas en mesure de quitter les Etats-Unis par peur d’être arrêté en tant que criminel de guerre. Son corécipiendaire, Le Duc Tho, le leader vietnamien qui avait négocié les accords de paix à Paris avec Kissinger, avait refusé d’accepter le prix, affirmant que les accords n’avaient pas amené la paix à son pays.

Quelques années plus tard, Menachem Begin fut choisi pour le prix. Le comité du prix Nobel avait choisi d’ignorer sa longue carrière comme terroriste et tueur, l’honorant pour avoir conclu les accords de Camp David avec Anwar Sadat de l’Égypte, son corécipiendaire.

Jimmy Carter, dont l’administration avait été l’instigatrice de la guerre en Afghanistan qui fit un million de morts, a reçu la même récompense en 2002.

Le comité ne peut être accusé de violer ses propres principes, quels qu’ils soient. Le fondateur du prix, Alfred Nobel, était l’inventeur de la dynamite. Il serait sans aucun doute intrigué par les efforts du Pentagone pour accélérer la production des pièces massives d’infiltration (Massive Ordnance Penetrator, MOP), une bombe de 30.000 livres conçue pour oblitérer des cibles souterraines. L’arme est en préparation pour une utilisation possible contre l’Iran.

Malgré sa louange pour la « vision » d’Obama et pour avoir « attiré l’attention du monde et donné à son peuple de l’espoir en un avenir meilleur », le comité Nobel n’a pas choisi Obama en se basant sur des illusions dans son discours électoral.

Le prix Nobel de la paix est, et a toujours été, une récompense politique ayant pour but de promouvoir des politiques définies.

La sélection a été faite par un comité composé de cinq membres du parlement norvégien provenant des cinq principaux partis, allant de l’extrême-droite aux sociaux-démocrates. Ses décisions reflètent les positions qui prévalent dans l’élite dirigeante européenne en général.

Thorbjorn Jagland, président du comité et ancien premier ministre norvégien, a défendu le choix d’Obama dans une entrevue avec le New York Times de vendredi, exprimant le cynisme derrière le choix. « C’est important pour le comité de reconnaître les gens qui luttent et qui sont idéalistes, mais nous ne pouvons faire cela à toutes les années », a-t-il dit. « De temps en temps, nous devons entrer dans la sphère de la realpolitik. »

Les considérations politiques pragmatiques, la realpolitik, a sans nul doute été le facteur décisif pour l’attribution du prix à deux autres Américains bien connus : Carter en 2002 et Al Gore en 2007. Carter a été choisi juste avant le déclenchement de la guerre en Irak pour exprimer un désaccord avec l’unilatéralisme belligérant de l’administration Bush fils. Le prix a été donné à Gore, le candidat présidentiel des démocrates en 2000, juste avant les élections de 2008, une indication pas très subtile que l’Europe avait besoin de se reposer de l’administration Bush.

Si à ces occasions-là  le prix a été utilisé pour critiquer la politique étrangère américaine, cette fois le choix d’Obama signifie au contraire l’adhésion. Dans les mots de Jagland, « Nous espérons que cela contribuera un peu à soutenir ce qu’il tente d’accomplir. »

La contradiction frappante dans l’attribution du prix Nobel de la paix à Obama alors qu’il prépare l’envoi de nouvelles troupes en Afghanistan est plus apparente que réelle. Le prix a pour but de légitimer l’escalade de la guerre en Afghanistan, les attaques américaines sur le Pakistan et sa continuation de l’occupation de l’Irak, en donnant l’approbation de l’Europe à ces guerres pour la paix.

Le prix sert aussi à  miner l’opposition populaire aux Etats-Unis mêmes et internationalement aux guerres que mènent déjà l’administration Obama, ainsi que celles qu’elle prépare.

Les puissances européennes soutiennent la guerre en Afghanistan, une position qui trouve le plus souvent son expression dans la presse. L’éditorial de jeudi, 8 octobre, du quotidien britannique Independent, par exemple, affirmait qu’il soutenait « en principe » l’appel pour l’envoi de 40.000 soldats américains supplémentaires en Afghanistan.

Pendant ce temps, l’Allemagne, la France et d’autres pays ont aussi changé leur position sur l’Iran, appuyant la campagne de Washington pour des mesures plus dures contre ce pays.

Les cercles dirigeants de l’Europe ne voient pas en Obama le champion de la paix, mais plutôt un départ de l’unilatéralisme de l’administration Bush et une volonté de tenir compte du soutien de l’Europe dans les visées stratégiques de l’impérialisme américain.

Sans doute, les gouvernements européens ont considéré que leur soutien aux interventions militaires américaines se traduira en une participation à l’exploitation des réserves énergétiques de l’Asie centrale et du golfe Persique.

De plus, en légitimant ces guerres et en faisant la promotion d’un retour au multilatéralisme dans la politique étrangère américaine, les puissances européennes voient un moyen de légitimer leur propre virage vers le militarisme et de miner l’opposition à la guerre au sein de leur propre population.

Le prix Nobel de la paix à  Obama, loin de signifier un espoir que la plus grande puissance militaire au monde se tourne vers la paix, est lui-même une approbation de la guerre et représente un avertissement que l’intensification de la crise du capitalisme mondial crée les conditions pour la résurgence du militarisme et menace du développement des conflits internationaux.

(Article original paru le 10 octobre 2009)

 


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