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WSWS : Nouvelles et analyses : Asie

La signification internationale des élections au Sri Lanka

Par K. Ratnayake
12 avril 2010

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Quelle que soit leur issue, les élections législatives du 8 avril au Sri Lanka marqueront un tournant. Le président Mahinda Rajapakse fait campagne pour un « gouvernement fort » qui cherchera à imposer à la population laborieuse le fardeau de la crise économique du pays en utilisant l’appareil policier de l’Etat mis en place durant un quart de siècle de guerre civile.

Ce qui se passe au Sri Lanka est une expression anticipée du programme des élites dirigeantes partout dans le monde. En réponse à l’éruption du chaos financier mondial en 2008, les gouvernements avaient inscrit des dettes s’élevant à des milliers de milliards de dollars au compte de la dette publique et celles-ci doivent à présent être récupérées auprès de la classe ouvrière. La Grèce sert de test au démantèlement des services publics, à la réduction radicale des emplois et des salaires et à la hausse des impôts. Le Sri Lanka est un avertissement que de telles mesures ne peuvent être appliquées démocratiquement.

L’économie sri lankaise a été dévastée par la guerre menée par le gouvernement et qui s’est terminée par la défaite en mai dernier des Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE). L’éclatement de la récession mondiale a frappé durement les exportations du pays et, pour payer sa guerre, Rajapakse a emprunté lourdement. Face à une crise en juillet dernier de la balance des paiements, il avait été contraint de s’adresser au Fonds monétaire international (FMI) pour obtenir un prêt de 2,6 milliards de dollars américains.

Après avoir retardé quatre mois durant la présentation de son budget, le gouvernement se voit à présent obligé d’avancer un projet de budget se conformant aux exigences du FMI en réduisant de moitié d’ici 2011 le déficit budgétaire. Un tiers des dépenses gouvernementales sont déjà utilisées pour le service de la dette. De plus, 21 pour cent des dépenses servent à financer l’armée que Rajapakse n’a pas l’intention de démobiliser. Remplir les critères déterminés par le FMI signifie faire des coupes claires dans le niveau de vie de la classe ouvrière alors qu’un sixième de la population vit déjà sous le seuil de pauvreté officiel qui est de 27 dollars américains par mois.

Le gouvernement considère toute opposition comme illégitime. Le secrétaire d’Etat à la Défense, Gotabhaya Rajapakse, frère du président, a déclaré samedi que « le prochain parlement devra adopter une loi interdisant les partis politiques qui promeuvent le séparatisme et le terrorisme. » Tandis qu’une telle interdiction serait tout d’abord dirigée contre les partis prônant le séparatisme ou l’autonomie tamouls, le gouvernement accuse plus généralement les partis d’opposition de faire partie d’un « complot international » contre le pays.

Après les élections présidentielles de janvier, le gouvernement avait arrêté le candidat d’opposition, le général à la retraite, Sarath Fonseka, et une dizaine de ses partisans en portant contre eux des accusations fabriquées de toute pièce en leur reprochant de fomenter un coup d’Etat. Au cours de ces deux derniers mois, des journalistes d’opposition ont été interpellés ou ont « disparu », des sites internet ont été bloqués et des militants de l’opposition ont été physiquement attaqués lors de la campagne électorale. Ces méthodes antidémocratiques ne sont pas dirigées en premier lieu contre les partis d’opposition bourgeois qui soutiennent la guerre et qui appuient le programme libéral de Rajapakse, mais elles représentent les préparatifs pour une confrontation avec la classe ouvrière.

Rajapakse dispose déjà d’un large éventail de pouvoirs. La présente constitution attribue au président exécutif le pouvoir d’occuper des postes ministériels, de faire chuter le gouvernement, de dissoudre le parlement et d’organiser des élections. Même si les partis d’opposition devaient remporter une majorité parlementaire, il n’y aurait pas de garantie que Rajapakse cède le pouvoir. Durant ces quatre dernières années, il a officiellement gouverné en s’appuyant sur une cabale présidentielle rassemblant sa famille, des généraux et des conseillers proches qui ont de plus en plus souvent ignoré la constitution, les tribunaux et le système judiciaire. A présent, la coalition au pouvoir fait campagne pour atteindre une majorité des deux tiers requise pour changer à volonté la constitution.

Rajapakse a également maintenu l’état d’urgence qui permet l’incarcération sans procès, la censure des médias et l’interdiction des mouvements de grève. Des milliers de personnes sont actuellement détenues pour être « suspectées d’être des membres du LTTE » au titre de l’état d’urgence et de la loi relative à la prévention du terrorisme sans inculpation et sans condamnation. En octobre dernier, avec la duplicité des syndicats, Rajapakse a recouru aux pouvoirs d’exception pour interdire une grève des travailleurs portuaires, de l’électricité, de l’eau et du pétrole en quête d’une augmentation de salaire. Ce qui est le plus inquiétant pour la population laborieuse c’est le fait que des centaines de personnes ont été assassinées ou « ont disparu » aux mains des escadrons de la mort au cours de ces dernières quatre années sans que personne n’ait été tenu pour responsable.

La semaine passée, Gotabhaya Rajapakse, le responsable non-élu pour la défense qui est à la tête de l’énorme machine militaire du pays, a souligné lors d’un rassemblement électoral : « Il est crucial d’avoir un gouvernement fort soutenu par une solide majorité au parlement afin de faire avancer sans entraves, ni de l’intérieur ni de l’extérieur, le processus de développement du Sri Lanka. » Les projets du gouvernement sont évidents: sitôt les élections passées, il s’empressera d’appliquer les mesures économiques répressives en passant outre toute opposition.

Le Parti de l’Egalité socialiste (SEP) s’est servi de sa campagne électorale pour prévenir la classe ouvrière de ce qui est en train de se préparer et pour commencer à la mobiliser indépendamment sur la base d’un programme socialiste. Les partis d’opposition -- le parti droitier United National Party (UNP) et le parti chauvin cinghalais Janatha Vimukthi Peramuna – n’ont pas de différences fondamentales avec le gouvernement. Les syndicats et toutes les tendances politiques ont bloqué toute lutte des travailleurs contre le régime Rajapakse. Les organisations pseudo-gauches – le Nava Sama Samaja Party (NSSP) et le United Socialist Party (USP) – nourrissent l’illusion dangereuse que la population laborieuse peut défendre ses droits par le biais de ces syndicats et de ces partis d’opposition.

Ce serait manquer de claivoyance de la part des travailleurs des autres pays que d’ignorer les signes avertisseurs en provenance du Sri Lanka. Les méthodes autocratiques employées par le gouvernement Rajapakse ne se limiteront pas seulement aux pays dits du Tiers-monde. Sous le prétexte de la « guerre contre le terrorisme », les gouvernements de par le monde ont déjà perpétré des attaques considérables contre les droits démocratiques.

Dans sa déclaration du 20 mars sur la crise de la dette grecque, le Comité International de la Quatrième Internationale avait expliqué : « Les banques exigeant des mesures auxquelles la population s’oppose dans sa grande majorité, certaines sections de la bourgeoisie européenne envisagent d’abandonner la forme démocratique de gouvernement. Il faut se souvenir qu’il y a seulement 35 ans, ces trois pays maintenant attaqués par les banques avaient des régimes autoritaires. Entre 1967 et 1974, une junte militaire brutale dirigea la Grèce, avec le soutien de l’OTAN. Au Portugal, la dictature fasciste établie en 1926 n’a été renversée qu’en 1974, et en Espagne il a fallu attendre la mort de Franco en 1975, 36 ans après la fin de la Guerre civile, pour commencer une transition de la dictature fasciste vers une démocratie bourgeoise à l’occidentale. »

Les événements qui se déroulent actuellement au Sri Lanka soulignent l’importance de cet avertissement et la nécessité pour les travailleurs du monde entier de s’unir dans une lutte commune pour le socialisme et l’abolition du système de profit défaillant.

(Article original paru le 6 avril 2010)

Voir aussi :

La signification internationale de l’émergence d’un Etat policier au Sri Lanka 23 février 2010

La crise de la dette grecque signale une nouvelle étape de la lutte des classes 20 mars 2010

Manifeste du PES pour les élections législatives de 2010 au Sri Lanka
Pour une politique socialiste et un gouvernement ouvrier et paysan
2 avril 2010

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