wsws.org/francais

Visitez le site anglais du WSWS

SUR LE SITE :

Contribuez au WSWS

Nouvelles et Analyses
Luttes Ouvrières
Histoire et Culture
Correspondance
L'héritage que nous défendons

A propos du CIQI
A propos du WSWS

AUTRES LANGUES

Allemand

Français
Anglais
Espagnol
Italien

Indonésien
Russe
Turque
Tamoul

Singalais
Serbo-Croate

 

WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

La résurgence du nationalisme dans l’Union européenne

Par Stefan Steinberg
22 décembre 2010

Imprimez cet article | Ecrivez à l'auteur

Le dernier stade de la crise de l’endettement européen laisse apparaître les divisions les plus graves de l’histoire de l’Union européenne.

Les éditorialistes et les commentateurs économiques spéculent publiquement quant à l’effondrement de la monnaie commune du continent et, il y a à peine quelques semaines, la chancelière allemande Angela Merkel a averti qu’une défaillance de l’euro signifierait la fin de l’Union européenne elle-même.

L’acrimonie qui existe entre les dirigeants européens quant à l’avenir de l'Europe a trouvé son apogée dans les critiques faites par le président de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, à l’égard du rôle joué par l’Allemagne dans la crise. Suite la semaine passée au rejet de Berlin de ses propositions d’une obligation européenne, Juncker, qui a longtemps été considéré comme un étroit allié de l’Allemagne, a été extrêmement direct. « L’Allemagne raisonne de manière un peu simpliste, » a-t-il dit, en ajoutant qu’elle traitait les affaires européennes de manière « peu européenne. »

Au sein de l’Allemagne, une nouvelle campagne nationaliste a été lancée pour libérer la plus grande économie du continent de ses engagements envers l'Europe. Dans son dernier livre, « Sauver notre argent », l’ancien patron de la fédération allemande de l’industrie, Hans-Olaf Henkel, argumente en faveur d’une séparation en deux de la zone euro, avec l’Europe septentrionale (Allemagne, les Pays-Bas, l’Autriche) dans un camp et les pays méridionaux tels l’Espagne, l’Italie et la France dans l’autre.

La proposition de Henkel, si elle est appliquée, serait un prélude à l’éclatement de l’euro et au fractionnement de l’Europe en général. Sa thèse d’une Europe à deux vitesses est soutenue par le tristement célèbre social-démocrate Thilo Sarrazin, qui a dernièrement publié son propre livre propageant des arguments racistes contre les immigrés musulmans. La présentation de « Sauver notre argent » a été faite au moment de son lancement officiel par le ministre allemand des Finances lui-même, Rainer Brüderle.

Des forces se regroupent présentement en Allemagne pour l’émergence d’un nouveau parti pseudo-populiste de droite basé sur le nationalisme, la défense des intérêts de l’élite dirigeante et une attaque intransigeante contre les acquis sociaux de la classe ouvrière.

Dans un certain nombre de pays européens, dont l’Italie, l’Autriche, le Danemark, les Pays-Bas et la Hongrie, des partis politiques ultra droitiers et racistes sont soit déjà au gouvernement soit jouent un rôle majeur dans la détermination de la politique. En France, le président Sarkozy a cherché à s’approprier les positions du Front national néo-fasciste au moyen de campagnes menées contre les communautés musulmanes, sinti et roms du pays.

A chaque fois, la montée de l’extrême droite est étroitement liée à l’offensive lancée par l’élite dirigeante contre les conditions de vie des travailleurs européens et le système d'Etat providence.

Après avoir débloqué des milliers de milliards d’euros pour sauver les banques du continent, les élites dirigeantes insistent pour que la population laborieuse paie l’addition. A présent les gouvernements à Berlin et à Paris, ainsi que la bureaucratie communautaire à Bruxelles, dictent partout sur le continent l’application de programmes d’austérité qui détruiront ce qui reste des services sociaux en jetant des millions de personnes supplémentaires dans la pauvreté.

L’encouragement du populisme droitier vise à diviser les travailleurs sur des lignes nationalistes et en créant les meilleures conditions pour cette offensive. Ceci est également la raison des campagnes chauvines menées par de nombreux gouvernements européens contre les couches sociales les plus opprimées.

Comme le signalait l’historien Tony Judt dans sa récente histoire de l’Europe, les fondateurs de l’Union européenne et du système européen d’Etat providence étaient essentiellement des politiciens conservateurs qui avaient connu directement et qui se souvenaient parfaitement du carnage de la Première et de la Deuxième guerre mondiale.

Confrontés à la radicalisation de la classe ouvrière après la Seconde guerre mondiale, ils avaient décidé d’établir des conditions minimales pour le bien-être des vastes masses de citoyens du continent. Leur objectif était de créer des conditions favorables aux entreprises européennes pour l’obtention de marchés tout en empêchant un retour au type de nationalisme destructeur qui avait plongé l’Europe dans la guerre.

A présent, tous ces piliers de l’ordre d’après-guerre sont en train d'être systématiquement démantelés par l’élite politique européenne. La crise financière de 2008 qui a porté le dernier coup à l’encontre du cadre politique soutenant le projet d’une Europe capitaliste unifiée a révélé les rapports parasitaires existant entre les banques et les gouvernements européens de quelque tendance qu’ils soient, conservateurs ou sociaux-démocrates.

Maintenant, le nationalisme économique est de plus en plus à l’ordre du jour. Tous les gouvernements européens les uns après les autres, avec l’entier soutien de leurs appareils syndicaux respectifs, font passer, aux dépens des travailleurs des autres pays, l'intérêt national au rang de principe politique le plus élevé.

En dernière analyse, la crise actuelle prouve l’incapacité totale des classes dirigeantes européennes à intégrer l’Europe de manière pacifique et progressiste. La montée du nationalisme partout en Europe remet à l’ordre du jour tous les problèmes non résolus du vingtième siècle.

Dans ses écrits sur la question européenne Léon Trotsky avait averti dans les années 1920 que si la classe ouvrière ne réussissait pas à résoudre la crise de la société européenne par ses propres méthodes, la solution « sera apportée par la réaction. »

La brillante évaluation par Trotsky des relations européennes de cette époque n’a rien perdu de son importance. Dans son essai de 1926 « Europe et Amérique », Trotsky concluait que seule la classe ouvrière européenne était capable d’unifier l’Europe. Il écrivait : «  Les économistes bourgeois, les pacifistes, les chasseurs de profit, les rêveurs et les simples radoteurs bourgeois ne répugnent pas de nos jours à parler d'Etats unis d’Europe. Mais cette tâche est au-dessus des forces de la bourgeoisie européenne qui est totalement rongée par les contradictions. Seul le prolétariat européen victorieux pourra unifier l’Europe. »

L’émergence explosive de fissures profondes dans la politique européenne montre clairement que la perspective de Trotsky des Etats socialistes unis d’Europe demeure la seule alternative progressiste à la montée du nationalisme et à la menace de la dictature et d’une nouvelle guerre mondiale.

(Article original paru le 14 décembre 2010)

Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés